Programme 2015
LES SEMINAIRES BABYLONE Psychanalyse et Littérature LIEU : Institut Mutualiste Montsouris - Département de Psychiatrie de l’Adolescent Direction et coordination : Pr M. Corcos & C. Dugré-Le Bigre 42, Boulevard Jourdan-75014 Paris – Salle de conférence de l’IMM, Hall d’accueil M° Porte d’Orléans – RER Cité Universitaire – Tram : Montsouris Tél : 01.56.61.69.80 TARIFS Anne BRUN, Psychologue, Psychanalyste, Professeur et directrice du Centre de Recherche en Psychopathologie et Psychologie Clinique, Université Lyon 2 Henri MICHAUX ou le corps halluciné Discutant : Maurice CORCOS, psychiatre, psychanalyste À l’origine de l’œuvre de Michaux, un sujet raturé et ratureur, qui fonde paradoxalement son identité sur la négation de son identité et sur la résistance à toute inscription dans une filiation. Michaux a ainsi rêvé de la création d’une langue à soi, d’une écriture « d’aucune langue » « sans appartenance, sans filiation », d’une expression « par des gestes plutôt que par des signes ». Ce mirage d’un langage sans les mots sera offert au créateur dans son expérience hallucinogène effectuée dans les années soixante, qui est devenue le support d’une oeuvre picturale et poétique : pour Michaux le lisible paraît indissociable du visible. Il a écrit plusieurs ouvrages pour rendre compte de son expérience des toxiques dont les trois principaux sont : Misérable Miracle (56), L’Infini turbulent (57), et Connaissance par les gouffres (61) : il a aussi composé une œuvre picturale importante, souvent dénommée œuvre mescalinienne. Ce corpus hallucinogène permet d’aborder le rôle joué par la sensorialité dans le processus créateur d’une œuvre : il s’agit en effet là d’une écriture et peinture du corps, qui s’enracine dans des vécus corporels médiatisés par la drogue, sous la forme notamment de sensations hallucinées. Avaler le poison de la mescaline, un dérivé du peyotl, confrontera Michaux à un véritable combat pour la création, à la fois avec et contre la mescaline, qui certes le câline, mais lui fait perdre aussi toute capacité créatrice en ressuscitant la langue des ancêtres, les voix du père mort et les mirages de la voix maternelle. Le processus créateur apparaît comme une approche et une mise à mort du noyau maternel : la création ne saurait s’effectuer que dans un mouvement de meurtre de la mère, doublé de la tentation de se fondre et de s’annihiler en elle. L’œuvre littéraire et picturale de Michaux évoluera de plus en plus vers la quête de ce langage sans les mots et d’une dissolution dans les rythmes, dans un corps à corps rythmique avec la mer (e). Ouvrages sur la création BRUN A. (1999), Henri Michaux ou le corps halluciné, coll. "Les empêcheurs de penser en rond", repris par Le Seuil. BRUN A, TALPIN J-M et coll., (2007), Cliniques de la création, De Boeck. BRUN A., CHOUVIER B. et coll., 2009, Travail psychique et processus créateur, De Boeck. BRUN A., CHOUVIER B. et coll. (2013), L’archaïque. Création et psychanalyse, Armand Colin. BRUN A., CHOUVIER B. et coll. (2013), Passion et création, à paraître. LUNDI 2 mars 2015 - 20 h 30 Vassilis KAPSAMBELIS, Psychiatre, psychanalyste, membre de la Société psychanalytique de Paris, directeur du Centre de Psychanalyse de l’ASM 13. ANTIGONE, entre deuil et mélancolie Discutant : Guillemette BALSAN, psychiatre Antigone a suscité un très grand nombre de textes d’interprétation, psychanalytiques, littéraires ou philosophiques. Pour les psychanalystes, Antigone est la conclusion d’une réalisation incestueuse poussée à ses extrémités mortifères, ou la mort comme aboutissement du refus de céder sur ses désirs (Lacan), ou la dimension sacrificielle, masochique et mélancolique du féminin, ou une illustration de la pulsion de mort dans ce qu’elle a de plus radical et pur (Kristeva). La conférence proposera une lecture strictement clinique qui oppose deuil et mélancolie. En suivant étroitement le texte de Sophocle, le but sera de montrer qu’Antigone tente, sans succès, d’inscrire la mort de son frère dans un processus de deuil, et que c’est devant l’impossibilité de cette opération qu’elle est conduite à la position mélancolique qui implique sa mort. Quelques références bibliographiques L. Grenier et S. Tremblay (dir.), Le projet d’Antigone. Montréal, Liber, 2005. J. Kristeva, La limite et l’horizon. L’Infini, n° 115, 2011. J. Lacan, Le Séminaire, Livre VII. Paris, Éditions du Seuil, 1986. G. Steiner, Les Antigones. Paris, Gallimard, 1986. Denis BOCHEREAU, Psychiatre A défaut de s’infinir: écrire? Lire? Dé-lire? A partir du roman de Patrick Süskind, « Le parfum » Discutant : Marie-Aude PIOT, psychiatre Il est des œuvres, d’art ou de littérature, qui un jour nous percutent et nous impactent à la façon d’un coup de foudre, ou mieux, ou pire, d’un coup de tonnerre dans un ciel serein. Comme si on les avait attendues, espérées, désirées, redoutées peut-être, sans le savoir, sans s’en douter, depuis toujours. On les cherche ou on les trouve, on les découvre, on les déguste, on les savoure, on les recherche ou on les retrouve, on les redécouvre, on en profite, encore et encore, en rendant grâce – presque à chaque instant de notre contemplation ou de notre lecture / relecture – à l’artiste ou à l’auteur d’avoir imaginé, puis créé et confié une telle merveille. Autrement dit, on regarde, on écoute, on goûte, on lit, on se relie et on se réconcilie avec... Annonçons clairement et honnêtement la couleur : il ne sera ici guère question de l’auteur. Il s’agira de proposer une mise en forme et en mots des éclats provoqués par une troublante rencontre entre une ambiance, un personnage et un lecteur. Il s’agira de partager / communier / communiquer des impressions. Ensemble. C’est tout. C’est déjà ça. Il s’agira de lancer des idées, comme des balles, ou des billes, ou des quilles, ou des osselets, et de jouer avec quelques-uns des innombrables / innommables effets ( de sens, bien entendu ) générés par cette extravagante « histoire d’un meurtrier ». Ceci, en associant aussi librement que possible, du moins en apparence, en s’exposant / expansant gaiement ( voire... follement ), en jubilant presque d’être mis en présence d’un rêve / cauchemar... réalisé ou, plus exactement et heureusement, magnifiquement raconté. Ceci, en se fondant, paradoxe oblige, sur le récit assez classique d’une trajectoire, guère réjouissante pour le commun des mortels, du moins en apparence. Que nul(le) ne vienne, s’il / elle n’a pas lu l’ouvrage ? Que nul(le) ne vienne, s’il / elle n’a pas lu « tout Freud », ni tous ses continuateurs ? Mais non, mais non... Si le cœur vous en dit, et si notre monde harassant vous en laisse le temps et le loisir, parcourez quand même... au hasard et entre mille... : « La construction de l’espace analytique » et « Le céleste et le sublunaire », de Serge Viderman ; « L’état amoureux », de Christian David ; « Le génie du fœtus », de Jean-Marie Delassus ; « Histoire de l’autisme », de Jacques Hochmann ; quelques livres d’Irvin Yalom, d’Oliver Sacks ou de Jean-Pierre Luminet, au choix, ou encore... Faites donc comme d’habitude. Venez comme vous voulez, venez comme vous êtes, ou comme vous étiez. Vous êtes tous et toutes bienvenu(e)s. Vous serez peut-être... qui sait ?... transformé(e)s. Promis juré ? Mauvaise blague ? Venez, vous dis-je, ou alors... lisez ! Ou écrivez... Ou enfin, bullez tranquillement, chez vous, de préférence en bonne compagnie. Denis Bochereau, Pédopsychiatre Centre Médico-Psychologique pour Enfants et Adolescents ( 45 rue de la Harpe 75 005 Paris ), rattaché au Département de Psychiatrie Infanto-juvénile de l’Institut Mutualiste Montsouris ( sous la responsabilité de Mme le Dr Nicole Guedeney et du Pr Maurice Corcos ) Centre Claude Bernard ( 20 rue Larrey 75 005 Paris ; 131 rue de Bagnolet 75 020 Paris ) Daniel HURVY, Psychiatre, psychanalyste Après la catastrophe : Comment l’écriture, pour Franz KAFKA, jette un pont au-dessus du vide Discutant : Annie BIRRAUX, psychiatre, psychanalyste à Paris, a enseigné la psychopathologie de l'enfant à l'Université Paris-Diderot Kafka, certes, est intimidant et déroutant mais la fréquentation de ses écrits le fait apparaître dans son humanité, sensible et pathétique. Un premier travail, présenté à Babylone il y a quelques années sur « Kafka et la puissance des femmes » s'achevait, interrogatif sur la mère de l'écrivain, comme sur une zone aveugle. Depuis, une lecture de l'ensemble de ses écrits, romans, nouvelles, Fragments, Lettres et Journal, qui forment un tout, indissociable, et singulièrement la lecture du Château, révèle la permanence, l'insistance, l'intensité de la question de l'enfance chez (de) Kafka. Au point que l'on peut dire, arguments à l'appui, que, sa vie durant, Kafka s'est affronté, sans échappatoire, aux effets persistants d'un épisode de détresse absolue, survenu dans sa petite enfance. Sous cet angle bien particulier et partiel, dégagé par une lecture assimilable à l'écoute que l'on peut avoir d'un patient, son œuvre apparaît comme une élaboration continue de cette problématique. On y suivra l'écrivain, beaucoup plus qu'on ne s'essaiera à une pathographie. Et on verra que, si ses questions sont le sujet (un des sujets) de son écriture, l'écriture, dans sa forme, est elle-même la question. Lire, ou relire, Le Château constitue un préalable hautement recommandable à cette soirée de séminaire. Pourvu qu'on le lise lentement. On découvrira alors que chaque phrase pèse son poids. Les Lettres à Milena sont également une voie d'abord pertinente de la question qui nous intéresse. Le fragment « Nous courions sur un sol glissant... » (pages 563-564 du tome II des Oeuvres Complètes, dans La Pléïade) offre un exemple limpide et saisissant de la manière dont Kafka met en mots un de ses vécus les plus angoissants, non sans humour... L’ultime texte, Joséphine la cantatrice ou le Peuple des souris, reprend tout ce sur quoi nous nous pencherons, point d’orgue aux résonances sans fin. Daniel HURVY, Psychiatre, psychanalyste Catherine CHABERT, Psychanalyste, Membre de l'Association Psychanalytique de France, Professeur Émérite a l'Universite Paris-Descartes LA HAINE DE LA DIFFÉRENCE De la jalousie au massacre des frères "Les Disparus" de Daniel Mendelsohn Discutant : Alejandro ROJAS-URREGO, Psychanalyste. Full Member de l'Association Psychanalytique Internationale (API). Médecin-Chef. Service de Psychiatrie et Psychothérapie de l'Enfant et de l'Adolescent. Fondation de Nantes LUNDI 3 novembre 2014 - 20 h 30 Paul-Laurent ASSOUN, Psychanalyste, professeur à l'université de Paris-Diderot Paris 7, ancien directeur de l’l'HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Unit%C3%A9_de_formation_et_de_recherche" \o "Unité de formation et de recherche" UFR de Sciences humaines cliniques (1997-HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/2007" \o "2007" 2007), Directeur de la spécialité « Psychanalyse et champ social » du master recherche « psychologie » Université Paris 7 Que veut l'écrivain? Freud et la voix de l'œuvre Discutant : Yoann LOISEL, Psychiatre, psychanalyste Que veut l'écrivain? Freud et la voix de l'œuvre Qu'est-ce que la psychanalyse, comme théorie et expérience, peut apporter à la compréhension de la littérature, comme acte et comme texte ? Il s'agit ici de restituer, par une lecture de l'ensemble des textes freudiens sur la littérature, la rencontre entre psychanalyse et littérature. Ainsi se dégage le problème d'origine : comment l'écrivain parvient-il à engager sa, propre activité inconsciente dans son écriture, de façon à "mettre en acte" l'inconscient de son lecteur ? Cela implique la prise en compte de la trame du récit et des "motifs" structuraux du texte. Le présent ouvrage vaut donc comme un "Discours de la Méthode" freudien à l'adresse de la littérature. Il dégage de façon précise et dynamique le scénario inconscient de la création littéraire, illustré ensuite par l'examen de l'ensemble des exemples et figures qui ont permis au créateur de la psychanalyse de le mettre à l'épreuve - de C.F. Meyer et W. Jensen à Dostoïevski et Ibsen, en passant par Shakespeare et Hoffmann. Ainsi apparaissent les enjeux de cette "double écriture" - texte / symptôme -, par où la "métapsychologie" se révèle porteuse d'un véritable "Art poétique", relu par le savoir de l'inconscient, faisant sa part au sujet de l'écriture (au delà de toute "psychologisation" du "fait littéraire"). Cette enquête se veut, par la même logique, un instrument de mise au travail de la lecture psychanalytique des textes. Le lecteur et le spécialiste en " théorie littéraire " y trouveront définis les concepts fondamentaux (fantasme et "roman familial", narcissisme, affect, clivage du moi) ainsi que les catégories opératoires de déchiffrement psychanalytique de l'oeuvre - exploration des thèmes de récits, des "motifs" structuraux, des "figures" qui illustrent l'écriture inconsciente (de l'"inquiétante étrangeté" à la féminité) - prise à la lettre... du réel inconscient. Paul-laurent ASSOUN, Littérature et psychanalyse - Freud et la création littéraire Editions Ellipses, 1997. LUNDI 1er décembre 2014 - 20 h 30 Marion ROBIN* & Fabrice LAUTERJUNG**, *Psychiatre d’adolescent, Institut mutualiste Montsouris, ** Cinéaste et vidéaste. Enseignant à L'Ecole Supérieure d'Art et de Design de Saint-Etienne Lieutenant COLUMBO : une éthique du faux semblant Discutant : Silke SCHAUDER, Professeure des Universités, UPJV, Amiens, responsable pédagogique du DESU Art-Thérapie, psychologue clinicienne, essayiste Columbo – ce lieutenant de police incarné par Peter Falk pendant 35 années, en 71 épisodes d'une série télévisée qui compterait deux milliards de fans dans le monde – serait-il l’anti-héros d’un anti-polar ? Si ses méthodes d'investigations et son art de l'observation en font un héritier de Sherlock Holmes, du Chevalier Dupin, du commissaire Maigret et de quelques autres illustres détectives, sa femme, son milieu social, ses tenues vestimentaires et sa culture modeste le différencient de ses aînés autant que le caractérise l'univers en lequel sa perspicacité policière peut se révéler : la haute bourgeoisie californienne. Et la popularité du célèbre lieutenant de s'expliquer possiblement par une revanche du faible sur les puissants, du quidam venu démasquer les nantis au cœur même de leur territoire – un territoire sur lequel les rancœurs qui conduisent aux crimes sont toujours motivées par la cupidité. Et quand les masques tombent sous les effets de ruses que Columbo teinte parfois de subtiles perversions, la jouissance du téléspectateur – cet autre quidam – peut librement s'exprimer. En décrivant l’originalité de son rapport à l’autre, marqué par un jeu relationnel infaillible autour du vrai-faux semblant, l’exposé tentera de décrire ce en quoi l’incarnation de ce personnage attachant nous permet également une mise en abîme de nos pratiques cliniques, psychiatriques et psychanalytiques. Quelques références bibliographiques M. Détienne et J.-P. Vernant, Les Ruses de l'intelligence. La Mètis des Grecs, Flammarion, « Champs », 1974 Peter Falk, Juste une dernière chose (trad. Jean-Pascal Bernard), Paris, Michel Lafon, 2006 Pierre Fédida, Le conte et la zone de l’endormissement, 1977 Lilian Mathieu, Columbo la lutte des classes ce soir à la télé, Paris, Textuel, 2013 |