BEGUE, Odile (trad.) ; STAGNARO J.C. (trad.) ;
Préfaces : WIDLOCHER, Daniel ; MILLER, Jacques Alain
Paris, Hermann 2005, 776 p.
Date de parution : 06/10/2005
Prix éditeur : 68 euros
*******************************
PRESENTATION A PARIS
par Horacio Etchegoyen
Comme tout Argentin, je pense que Paris est le centre du monde. C’est la Ville lumière où brillent la culture, les arts et les sciences. Vous comprendrez donc aisément l’émotion et l’honneur que j’éprouve à présenter ce soir à la Maison des Mines -en plein Quartier Latin- l’édition française de mon livre sur la technique.
La France est la patrie de Laforgue, de Nacht et de Lebovici ; de Bouvet, de Lagache, de Didier Anzieu, de René Diatkine, de Leclaire et de Lacan ; dont l’enseignement a pénétré profondément en Argentine.
En France, travaillent actuellement André green et Jean Laplanche pour l’enrichissement de notre pensée ; en France travaillent également Jean-Bertrand Pontalis, Janine Chasseguet-Smirgel, Gilbert Diatkine et Alain de Mijolla. C’est aussi ici, en France, à Paris, qu’Elisabeth Roudinesco écrit inlassablement et que René Major –ici présent- a dialogué avec Derrida. C’est ici à Paris que Salomon Resnik écrit et enseigne depuis de nombreuses années. C’est à Paris que Béla Grunberger –qui, pour notre grande douleur nous a quitté récemment- a créé une nouvelle conception du narcissisme. A Paris, aussi, Joyce Mc Dougall nous fait toujours réfléchir et c’est à Paris que les Argentins Antoine Corel et Haydée Fainberg sont devenus des théoriciens français de même qu’Alberto Eiguer et Jean-David Nasio.
Je ne voudrais pas oublier de saluer ce soir l’œuvre développée par Jean Bergeret, à Lyon ; et par l’Uruguayen Edmundo Gómez-Mango qui occupe déjà une place dans la psychanlyse et la culture française.
Le livre que nous présentons ce soir n’est pas un traité et il n’a jamais prétendu l’être. Il est simplement un manuel que j’ai dédié à mon épouse Elida et qui s’adresse à tous ceux qui pratiquent ce beau et impossible métier de la psychanalyse.
Il est né des séminaires que j’ai donnés à l’Association Psychanalytique Argentine d’abord, puis à celle de Buenos Aires, depuis mon retour de Londres, vers la fin des années soixante. Les candidats ont toujours suivi mon enseignement avec intérêt et sympathie et ce sont eux qui m’ont encouragé à l’écrire, de même que mes amis et mes enfants, Alicia, Laura et Alberto.
Il me semblait qu’en retranscrivant les cassettes de ces cours, avec quelques retouches et quelques précisions par ci, par là, le livre allait naître naturellement. C’est avec cet esprit que je me suis lancé dans son écriture au début des années 80 ou peut-être un peu avant. Si j’avais su l’immense tâche qui m’attendait, je suis sûr que je ne l’aurais jamais entreprise.
Il est vrai que, avec une certaine capacité pédagogique héritée de ma mère et avec quelques lectures de préparation, je réussissais plutôt bien mes cours… Mais les transformer en « chapitres » ne fut pas du tout chose facile : il a fallu lire et relire, et plus dure encore, il a fallu surtout réfléchir. En effet, les écueils qui, dans un cours, peuvent être surmontés avec un mot d’esprit ou une boutade, deviennent inexorables et inéluctables quand nous devons communiquer non plus avec une poignée de candidats mais avec la vaste et très exigeante communauté des psychanalystes.
Le plan du livre, lui, était déjà conçu grâce aux séminaires qui, tout au long des années, avaient fini par m’indiquer les grands sujets et les principaux problèmes de la technique psychanalytique ; mais, une chose est l’esquisse et une autre est le tableau !
Quant à moi, j’ai eu la chance d’avoir d’excellents professeurs au Colegio Nacional de la Universidad Nacional de La plata, qui m’ont appris à étudier, à réfléchir et à rédiger sous le contrôle de la devise classique qui dit que ce que l’on pense avec justesse, on arrive à l’écrire avec autant de précision.
J’ai connu à la Faculté de Médecine, la complexité de l’être humain mais aussi les nobles idéaux démocratiques qui ont guidé, dans les années 40, le grand mouvement de la Réforme Universitaire, dans lequel j’ai milité activement.
J’ai fait ma formation analytique à l’Institut qui porte aujourd’hui -à juste titre- le nom de Angel Garma, où j’ai reçu l’enseignement des maîtres tels que Marie Langer, Enrique Pichon Rivière, León Grinberg, José Bleger et David Liberman, pendant que je faisais mon analyse avec Heinrich Racker, durant les années où il écrivait ses impérissables Etudes sur la technique psychanalytique. Sans sa créativité mais avec le même engagement, ce livre prétend s’inscrire dans la continuité de sa pensée, pas moins que celle de Donald Meltzer, avec qui j’ai refait une tranche d’analyse, à Londres, en 1966. Durant les années de ma formation, la Théorie psychanalytique des névroses fut mon livre de chevet. Quelques amis audacieux ont comparé, d’une manière très généreuse et bien évidemment à tort, ce texte indépassable avec celui qu’aujourd’hui nous présentons ; mais je ne l’ai jamais ainsi pensé, en conscience, bien que je doive admettre que Fenichel fut toujours pour moi un modèle pour penser la psychanalyse et tenter de l’embrasser dans sa très grande complexité. J’ai toujours admiré chez Fenichel sa capacité à lier la pensée Freud à celle de ses contemporains.
Le temps passant, pendant l’écriture du livre, il m’est apparu d’une manière encore plus patente une évidence : si l’on veut être rigoureux avec la technique, tôt ou tard, on rencontre la théorie, car –comme disait Freud- elles sont toujours attelées comme un Junktim. Nous le savons, la théorie et la technique se rétro-alimentent mutuellement ; mais, je pense que le chemin qui mène de la technique à la théorie est le plus sûr, celui qui nous égare le moins. Pour moi, toutes les deux trouvent leurs fondements dans l’histoire de la psychanalyse et c’est à celle-ci que je recours le plus souvent pour retrouver ma voie et pour résoudre les questions difficiles.
Sans être exhaustif, ce livre comprend -me semble-t-il- la plupart des topiques qui justifient et enrichissent notre pratique ; mais, son propos principal c’est de servir à ce que chaque analyste découvre sa propre voie, à l’aider à rendre cohérente sa pratique avec sa pensée, plus qu’à partager mes propres idées.
Avec le temps, je me suis dépouillé des dogmatismes et si je n’occulte pas mes propres idées dans ces pages, ce n’est pas pour les imposer mais plutôt pour les expliciter dans le respect des idées des autres. Je m’évertue à être le plus fidèle possible à la pensée des autres auteurs, en essayant de les comprendre depuis leurs propres critères. Rien n’est, à mes yeux, plus gênant que lire avec imprécision un auteur et ainsi s’autoriser des critiques en caricaturant ses positions. J’ai appris à l’école que l’éloge d’un livre est toujours possible sans l’avoir lu, tandis que sa critique nous oblige d’abord à le connaître en profondeur.
J’ai le souci constant de séparer nettement la méthode psychanalytique de la suggestion et de la psychothérapie, en évitant toute forme de technique active et d’action directe, pour bonnes qu’en soient les intentions. J’essaie donc d’enseigner comment on travaille per via di levare, sans ignorer que cela n’est pas toujours possible.
Quand, à ma grande surprise et satisfaction, parurent les traductions portugaises, italiennes et anglaises de mon livre, j’ai fait plusieurs tentatives pour le voir paraître également en français mais aucun éditeur n’a relevé le défi. Peut-être à cause de la taille de ce texte, peut-être aussi parce que la culture française se méfie, avec raison, de la technique entendue comme un memento d’activités pratiques. On m’avait proposé, cà et là, d’en publier une partie, mais, j’ai toujours refusé entendant que si ce livre a une quelconque valeur, elle réside dans son unité. C’est pourquoi d’ailleurs je l’ai écrit dans son intégralité tout en assumant mes limites. J’ai fait une exception pour le chapitre 35 qui traite des aspects épistémologiques de l’interprétation psychanalytique, que j’ai confié à la sagesse de mon maître et ami Gregorio Klimovsky. Malgré l’intérêt légitime que plusieurs collègues français m’ont toujours manifesté, j’ai fini par perdre tout espoir sur sa publication. Mais, heureusement, Juan Carlos Stagnaro a persévéré et il a réussi à motiver Odile Begué pour la traduction et, par son intermédiaire, Pierre Berès, le grand éditeur français, lequel accepta de le publier chez Hermann, à ses risques et périls, comme une de ses contributions à la culture de son pays.
J’ai demandé à Daniel Widlöcher et à Jacques-Alain Miller de rédiger les préfaces car, tous les deux, ce sont des théoriciens remarquables et qu’ils représentent deux manières fertiles et profondes de comprendre la psychanalyse. Ils ont répondu avec une générosité excessive, lucidité et une parfaite compréhension du texte.
Ils voient dans mon livre une tentative de réunir tous les psychanalystes en un dialogue vivant, certes contradictoire mais toujours cordial. Je serais très heureux si cela pouvait être vrai.
De son côté, je sais que la maison d’édition Hermann a réalisé tous ses efforts pour que l’impression soit parfaite.
Je suis très reconnaissant envers tous, envers aussi l’Association Franco-Argentine de psychiatrie et de Santé Mentale qui co-organise cette rencontre et je remercie particulièrement Martin Reca, fils d’Estela et de Ricardo, des amis inoubliables, pour son engagement personnel dans l’organisation de cette soirée.
Merci beaucoup !
Présentation de l'ouvrage
« FONDEMENTS DE LA TECHNIQUE PSYCHANALYTIQUE » par
Ana Taquini-Resnik, membre de la Société Psychanalytique de Paris et
Salomon Resnik, membre de l’Association Psychanalytique Internationale
Aujourd’hui, on a le privilège d’avoir la traduction française de l’ouvrage de R. Horacio Etchegoyen, qu’on avait lu avec plaisir et énorme intérêt lors de sa parution en espagnol en 1986. Cette traduction s’est faite à partir de la deuxième édition, entièrement revue et corrigée, parue en 2001.
On est tentés, pour exprimer l’identité de ce livre, de commencer par l’épilogue où Etchegoyen cite le « Martin Fierro », poème épique sur la vie des gauchos argentins au 19ème siècle, dû au poète argentin José Hernandez : « Pero yo canto opinando / que es mi modo de cantar » (Mais je chante en opinant / ce qui est ma façon de chanter).
La voix pionnière du gaucho argentin Etchegoyen chante la psychanalyse à travers une extrême connaissance de la théorie et la technique psychanalytiques.
La particularité de l’ouvrage est de nous faire ouvrir un champ de représentations cliniques personnelles à travers sa théorie et sa technique.
Théorie et technique sont une manière de dire, pour exprimer ce qu’on voit, on perçoit et on pratique dans l’expérience clinique. En effet, le mot théorie signifie « ce qu’on voit », donc ce qu’on pratique.
De cette manière, il y a une complémentarité implicite entre les deux termes, comme les deux faces d’une même pièce de monnaie : une expérience relationnelle, une tranche de vie entre deux personnes en train d’ouvrir un espace vécu. Un champ analytique dans lequel l’Inconscient de l’un et de l’autre va s’exprimer de manière imprévue avec la force d’une découverte.
La formulation d’une telle expérience acquiert, par moment, le caractère d’une interprétation.
Etchegoyen nous fait partager une vie consacrée à la psychanalyse, deux termes qui, dans son enseignement, sont toujours étroitement liés.
Pour tous ceux qui, comme nous, aiment la psychanalyse : une fête les attend. Chapitre après chapitre, le fil conducteur du processus créatif est saisissable et vivant à tout moment. Horacio nous accompagne et ouvre un espace « tiers » dans ces moments où la tâche devient difficile.
On laisse au lecteur le soin de découvrir le livre avec ce subtil sentiment d’envie face à celui qui ne l’a pas encore lu.
Le livre a un caractère critique et dialoguant à la fois, et on voit déjà la capacité clinique d’Etchegoyen essayant d’établir ce dialogue avec des approches différentes -celles, justement, avec lesquelles, lui comme nous, on pourrait ne pas être d’accord- ; de même qu’il essaie de faire dialoguer entre eux les points de vue divers et dissidents vis-à-vis de ce même phénomène qu’est la relation patient-analyste, c’est-à-dire, le transfert.
Etchegoyen a été analysé par Heinrich Racker -grand pionnier formé d’abord à Vienne et puis à Buenos Aires- qui a fondamentalement approfondi le concept de contre-transfert. Plus tard, Etchegoyen a poursuivi sa formation à Londres avec Donald Meltzer, comme analyste, et à travers des supervisions avec Hannah Segal, Herbert Rosenfeld, Esther Bick, Betty Joseph et Money Kyrle, entre autres. Il n’oublie pas l’enseignement de son maître argentin, psychiatre et psychanalyste comme lui : Enrique Pichon-Rivière.
Tout au long du livre, le lecteur a la possibilité de se confronter aux aperçus différents, discutés par l’auteur, des concepts comme : transfert / contre-transfert, Névrose et Psychose, perversion, Alliance thérapeutique, réaction thérapeutique négative, le concept d’interprétation et sa métapsychologie.
Il privilégie la notion d’ « interprétation mutative » de Strachey ainsi que l’importance de trouver son propre style, sa propre musique, sa propre identité, chacun avec le maximum d’authenticité et d’humanité.
Le livre se complète avec les aspects épistémologiques de l’interprétation psychanalytique, chapitre écrit par le Pr. Gregorio Klimovsky, qui nous est d’une grande utilité.
Un trésor bibliographique complète généreusement l’ouvrage, et nous permet d’accompagner ce grand analyste dans son écoute, dans son voyage et dans sa recherche.
Le livre est présenté par Daniel Widlöcher et Jacques-Alain Miller : deux voix qui ont intéressé l’auteur, sans doute au-delà des dissonances ; ceci rend bien compte de son approche qui est ici si vaste, invitant toujours à la réflexion, à la pensée, et à la connaissance critique de ce qui est fondamental dans la théorie et la pratique psychanalytique.
Ce livre est un véritable guide non seulement pour les élèves mais aussi pour nous, vieux praticiens de la psychanalyse, qui pourrions parfois courir le risque de nous endormir.
Paris, octobre 2005
Source : Association franco-argentine de la psychiatrie et de la santé mentale
Préfaces : WIDLOCHER, Daniel ; MILLER, Jacques Alain
Paris, Hermann 2005, 776 p.
Date de parution : 06/10/2005
Prix éditeur : 68 euros
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PRESENTATION A PARIS
par Horacio Etchegoyen
Comme tout Argentin, je pense que Paris est le centre du monde. C’est la Ville lumière où brillent la culture, les arts et les sciences. Vous comprendrez donc aisément l’émotion et l’honneur que j’éprouve à présenter ce soir à la Maison des Mines -en plein Quartier Latin- l’édition française de mon livre sur la technique.
La France est la patrie de Laforgue, de Nacht et de Lebovici ; de Bouvet, de Lagache, de Didier Anzieu, de René Diatkine, de Leclaire et de Lacan ; dont l’enseignement a pénétré profondément en Argentine.
En France, travaillent actuellement André green et Jean Laplanche pour l’enrichissement de notre pensée ; en France travaillent également Jean-Bertrand Pontalis, Janine Chasseguet-Smirgel, Gilbert Diatkine et Alain de Mijolla. C’est aussi ici, en France, à Paris, qu’Elisabeth Roudinesco écrit inlassablement et que René Major –ici présent- a dialogué avec Derrida. C’est ici à Paris que Salomon Resnik écrit et enseigne depuis de nombreuses années. C’est à Paris que Béla Grunberger –qui, pour notre grande douleur nous a quitté récemment- a créé une nouvelle conception du narcissisme. A Paris, aussi, Joyce Mc Dougall nous fait toujours réfléchir et c’est à Paris que les Argentins Antoine Corel et Haydée Fainberg sont devenus des théoriciens français de même qu’Alberto Eiguer et Jean-David Nasio.
Je ne voudrais pas oublier de saluer ce soir l’œuvre développée par Jean Bergeret, à Lyon ; et par l’Uruguayen Edmundo Gómez-Mango qui occupe déjà une place dans la psychanlyse et la culture française.
Le livre que nous présentons ce soir n’est pas un traité et il n’a jamais prétendu l’être. Il est simplement un manuel que j’ai dédié à mon épouse Elida et qui s’adresse à tous ceux qui pratiquent ce beau et impossible métier de la psychanalyse.
Il est né des séminaires que j’ai donnés à l’Association Psychanalytique Argentine d’abord, puis à celle de Buenos Aires, depuis mon retour de Londres, vers la fin des années soixante. Les candidats ont toujours suivi mon enseignement avec intérêt et sympathie et ce sont eux qui m’ont encouragé à l’écrire, de même que mes amis et mes enfants, Alicia, Laura et Alberto.
Il me semblait qu’en retranscrivant les cassettes de ces cours, avec quelques retouches et quelques précisions par ci, par là, le livre allait naître naturellement. C’est avec cet esprit que je me suis lancé dans son écriture au début des années 80 ou peut-être un peu avant. Si j’avais su l’immense tâche qui m’attendait, je suis sûr que je ne l’aurais jamais entreprise.
Il est vrai que, avec une certaine capacité pédagogique héritée de ma mère et avec quelques lectures de préparation, je réussissais plutôt bien mes cours… Mais les transformer en « chapitres » ne fut pas du tout chose facile : il a fallu lire et relire, et plus dure encore, il a fallu surtout réfléchir. En effet, les écueils qui, dans un cours, peuvent être surmontés avec un mot d’esprit ou une boutade, deviennent inexorables et inéluctables quand nous devons communiquer non plus avec une poignée de candidats mais avec la vaste et très exigeante communauté des psychanalystes.
Le plan du livre, lui, était déjà conçu grâce aux séminaires qui, tout au long des années, avaient fini par m’indiquer les grands sujets et les principaux problèmes de la technique psychanalytique ; mais, une chose est l’esquisse et une autre est le tableau !
Quant à moi, j’ai eu la chance d’avoir d’excellents professeurs au Colegio Nacional de la Universidad Nacional de La plata, qui m’ont appris à étudier, à réfléchir et à rédiger sous le contrôle de la devise classique qui dit que ce que l’on pense avec justesse, on arrive à l’écrire avec autant de précision.
J’ai connu à la Faculté de Médecine, la complexité de l’être humain mais aussi les nobles idéaux démocratiques qui ont guidé, dans les années 40, le grand mouvement de la Réforme Universitaire, dans lequel j’ai milité activement.
J’ai fait ma formation analytique à l’Institut qui porte aujourd’hui -à juste titre- le nom de Angel Garma, où j’ai reçu l’enseignement des maîtres tels que Marie Langer, Enrique Pichon Rivière, León Grinberg, José Bleger et David Liberman, pendant que je faisais mon analyse avec Heinrich Racker, durant les années où il écrivait ses impérissables Etudes sur la technique psychanalytique. Sans sa créativité mais avec le même engagement, ce livre prétend s’inscrire dans la continuité de sa pensée, pas moins que celle de Donald Meltzer, avec qui j’ai refait une tranche d’analyse, à Londres, en 1966. Durant les années de ma formation, la Théorie psychanalytique des névroses fut mon livre de chevet. Quelques amis audacieux ont comparé, d’une manière très généreuse et bien évidemment à tort, ce texte indépassable avec celui qu’aujourd’hui nous présentons ; mais je ne l’ai jamais ainsi pensé, en conscience, bien que je doive admettre que Fenichel fut toujours pour moi un modèle pour penser la psychanalyse et tenter de l’embrasser dans sa très grande complexité. J’ai toujours admiré chez Fenichel sa capacité à lier la pensée Freud à celle de ses contemporains.
Le temps passant, pendant l’écriture du livre, il m’est apparu d’une manière encore plus patente une évidence : si l’on veut être rigoureux avec la technique, tôt ou tard, on rencontre la théorie, car –comme disait Freud- elles sont toujours attelées comme un Junktim. Nous le savons, la théorie et la technique se rétro-alimentent mutuellement ; mais, je pense que le chemin qui mène de la technique à la théorie est le plus sûr, celui qui nous égare le moins. Pour moi, toutes les deux trouvent leurs fondements dans l’histoire de la psychanalyse et c’est à celle-ci que je recours le plus souvent pour retrouver ma voie et pour résoudre les questions difficiles.
Sans être exhaustif, ce livre comprend -me semble-t-il- la plupart des topiques qui justifient et enrichissent notre pratique ; mais, son propos principal c’est de servir à ce que chaque analyste découvre sa propre voie, à l’aider à rendre cohérente sa pratique avec sa pensée, plus qu’à partager mes propres idées.
Avec le temps, je me suis dépouillé des dogmatismes et si je n’occulte pas mes propres idées dans ces pages, ce n’est pas pour les imposer mais plutôt pour les expliciter dans le respect des idées des autres. Je m’évertue à être le plus fidèle possible à la pensée des autres auteurs, en essayant de les comprendre depuis leurs propres critères. Rien n’est, à mes yeux, plus gênant que lire avec imprécision un auteur et ainsi s’autoriser des critiques en caricaturant ses positions. J’ai appris à l’école que l’éloge d’un livre est toujours possible sans l’avoir lu, tandis que sa critique nous oblige d’abord à le connaître en profondeur.
J’ai le souci constant de séparer nettement la méthode psychanalytique de la suggestion et de la psychothérapie, en évitant toute forme de technique active et d’action directe, pour bonnes qu’en soient les intentions. J’essaie donc d’enseigner comment on travaille per via di levare, sans ignorer que cela n’est pas toujours possible.
Quand, à ma grande surprise et satisfaction, parurent les traductions portugaises, italiennes et anglaises de mon livre, j’ai fait plusieurs tentatives pour le voir paraître également en français mais aucun éditeur n’a relevé le défi. Peut-être à cause de la taille de ce texte, peut-être aussi parce que la culture française se méfie, avec raison, de la technique entendue comme un memento d’activités pratiques. On m’avait proposé, cà et là, d’en publier une partie, mais, j’ai toujours refusé entendant que si ce livre a une quelconque valeur, elle réside dans son unité. C’est pourquoi d’ailleurs je l’ai écrit dans son intégralité tout en assumant mes limites. J’ai fait une exception pour le chapitre 35 qui traite des aspects épistémologiques de l’interprétation psychanalytique, que j’ai confié à la sagesse de mon maître et ami Gregorio Klimovsky. Malgré l’intérêt légitime que plusieurs collègues français m’ont toujours manifesté, j’ai fini par perdre tout espoir sur sa publication. Mais, heureusement, Juan Carlos Stagnaro a persévéré et il a réussi à motiver Odile Begué pour la traduction et, par son intermédiaire, Pierre Berès, le grand éditeur français, lequel accepta de le publier chez Hermann, à ses risques et périls, comme une de ses contributions à la culture de son pays.
J’ai demandé à Daniel Widlöcher et à Jacques-Alain Miller de rédiger les préfaces car, tous les deux, ce sont des théoriciens remarquables et qu’ils représentent deux manières fertiles et profondes de comprendre la psychanalyse. Ils ont répondu avec une générosité excessive, lucidité et une parfaite compréhension du texte.
Ils voient dans mon livre une tentative de réunir tous les psychanalystes en un dialogue vivant, certes contradictoire mais toujours cordial. Je serais très heureux si cela pouvait être vrai.
De son côté, je sais que la maison d’édition Hermann a réalisé tous ses efforts pour que l’impression soit parfaite.
Je suis très reconnaissant envers tous, envers aussi l’Association Franco-Argentine de psychiatrie et de Santé Mentale qui co-organise cette rencontre et je remercie particulièrement Martin Reca, fils d’Estela et de Ricardo, des amis inoubliables, pour son engagement personnel dans l’organisation de cette soirée.
Merci beaucoup !
Présentation de l'ouvrage
« FONDEMENTS DE LA TECHNIQUE PSYCHANALYTIQUE » par
Ana Taquini-Resnik, membre de la Société Psychanalytique de Paris et
Salomon Resnik, membre de l’Association Psychanalytique Internationale
Aujourd’hui, on a le privilège d’avoir la traduction française de l’ouvrage de R. Horacio Etchegoyen, qu’on avait lu avec plaisir et énorme intérêt lors de sa parution en espagnol en 1986. Cette traduction s’est faite à partir de la deuxième édition, entièrement revue et corrigée, parue en 2001.
On est tentés, pour exprimer l’identité de ce livre, de commencer par l’épilogue où Etchegoyen cite le « Martin Fierro », poème épique sur la vie des gauchos argentins au 19ème siècle, dû au poète argentin José Hernandez : « Pero yo canto opinando / que es mi modo de cantar » (Mais je chante en opinant / ce qui est ma façon de chanter).
La voix pionnière du gaucho argentin Etchegoyen chante la psychanalyse à travers une extrême connaissance de la théorie et la technique psychanalytiques.
La particularité de l’ouvrage est de nous faire ouvrir un champ de représentations cliniques personnelles à travers sa théorie et sa technique.
Théorie et technique sont une manière de dire, pour exprimer ce qu’on voit, on perçoit et on pratique dans l’expérience clinique. En effet, le mot théorie signifie « ce qu’on voit », donc ce qu’on pratique.
De cette manière, il y a une complémentarité implicite entre les deux termes, comme les deux faces d’une même pièce de monnaie : une expérience relationnelle, une tranche de vie entre deux personnes en train d’ouvrir un espace vécu. Un champ analytique dans lequel l’Inconscient de l’un et de l’autre va s’exprimer de manière imprévue avec la force d’une découverte.
La formulation d’une telle expérience acquiert, par moment, le caractère d’une interprétation.
Etchegoyen nous fait partager une vie consacrée à la psychanalyse, deux termes qui, dans son enseignement, sont toujours étroitement liés.
Pour tous ceux qui, comme nous, aiment la psychanalyse : une fête les attend. Chapitre après chapitre, le fil conducteur du processus créatif est saisissable et vivant à tout moment. Horacio nous accompagne et ouvre un espace « tiers » dans ces moments où la tâche devient difficile.
On laisse au lecteur le soin de découvrir le livre avec ce subtil sentiment d’envie face à celui qui ne l’a pas encore lu.
Le livre a un caractère critique et dialoguant à la fois, et on voit déjà la capacité clinique d’Etchegoyen essayant d’établir ce dialogue avec des approches différentes -celles, justement, avec lesquelles, lui comme nous, on pourrait ne pas être d’accord- ; de même qu’il essaie de faire dialoguer entre eux les points de vue divers et dissidents vis-à-vis de ce même phénomène qu’est la relation patient-analyste, c’est-à-dire, le transfert.
Etchegoyen a été analysé par Heinrich Racker -grand pionnier formé d’abord à Vienne et puis à Buenos Aires- qui a fondamentalement approfondi le concept de contre-transfert. Plus tard, Etchegoyen a poursuivi sa formation à Londres avec Donald Meltzer, comme analyste, et à travers des supervisions avec Hannah Segal, Herbert Rosenfeld, Esther Bick, Betty Joseph et Money Kyrle, entre autres. Il n’oublie pas l’enseignement de son maître argentin, psychiatre et psychanalyste comme lui : Enrique Pichon-Rivière.
Tout au long du livre, le lecteur a la possibilité de se confronter aux aperçus différents, discutés par l’auteur, des concepts comme : transfert / contre-transfert, Névrose et Psychose, perversion, Alliance thérapeutique, réaction thérapeutique négative, le concept d’interprétation et sa métapsychologie.
Il privilégie la notion d’ « interprétation mutative » de Strachey ainsi que l’importance de trouver son propre style, sa propre musique, sa propre identité, chacun avec le maximum d’authenticité et d’humanité.
Le livre se complète avec les aspects épistémologiques de l’interprétation psychanalytique, chapitre écrit par le Pr. Gregorio Klimovsky, qui nous est d’une grande utilité.
Un trésor bibliographique complète généreusement l’ouvrage, et nous permet d’accompagner ce grand analyste dans son écoute, dans son voyage et dans sa recherche.
Le livre est présenté par Daniel Widlöcher et Jacques-Alain Miller : deux voix qui ont intéressé l’auteur, sans doute au-delà des dissonances ; ceci rend bien compte de son approche qui est ici si vaste, invitant toujours à la réflexion, à la pensée, et à la connaissance critique de ce qui est fondamental dans la théorie et la pratique psychanalytique.
Ce livre est un véritable guide non seulement pour les élèves mais aussi pour nous, vieux praticiens de la psychanalyse, qui pourrions parfois courir le risque de nous endormir.
Paris, octobre 2005
Source : Association franco-argentine de la psychiatrie et de la santé mentale