Éditions Triptyque
Collection Controverses
L'auteur : Philippe Gaulin, Psychanalyste
Psychanalyste, diplômé de philosophie et de psychopathologie clinique, Philippe Gaulin a été chargé de cours à l’université de 1985 à 2001. De 1990 à 2003, il a occupé diverses fonctions dans le domaine de la recherche clinique, épidémiologique et psychosociale. Depuis 2003, il consacre la plus grande partie de son temps à la clinique et à l’écriture.
Présentation de l'ouvrage
La maladie s’est transformée au gré de l’évolution de la société occidentale. Ainsi, au fil du temps, selon l’encadrement que celle-ci lui prescrit, la maladie a su exprimer la transgression de la prohibition taboue, la colère de la divinité, l’épreuve divine, la possession diabolique, la présence d’un élément impur dans la cité, etc. Le malade est pour sa part passé du rôle de transgresseur à celui de victime ; il est allé du malade coupable au malade mental, en passant par le malade imaginaire, jusqu’à ce qu’il devienne, avec la découverte du gène, un malade réel.
Aujourd’hui la maladie est bel et bien devenue objectivement, scientifiquement, culturellement et mythologiquement réelle. Quelles sont les conséquences directement associées à cette transformation ? Qu’en est-il de l’acte de traiter, de guérir ou d’intervenir dans notre forme de société ? Pourquoi devient-on, « patient » face à nos symptômes ? Qu’en est-il du pouvoir de l’intervenant en santé dans une société où le savoir médical est omniprésent et représente le savoir absolu pour le sujet social devenu silencieux ? Jusqu’où va la prise en charge ? Quel est le coup réel du système de santé ? Le traitement concerne-t-il le processus de formation des symptômes ou une simple modification de ses effets réels dans le corps d’un sujet atteint ?
Dans cet essai analysant le fonctionnement, les effets pernicieux et les sous-entendus morbides du discours médical et du système de santé, Philippe Gaulin propose, à travers une relecture de Freud, une autre façon de voir, de concevoir et de traiter des symptômes dans une société technomédicale.
..
Extrait
PRÉFACE
Cet essai devait initialement s’intituler Introduction à la psychanalyse, au Québec, 100 ans après la psychanalyse de Freud et voulait tout d’abord répondre aux principales questions (bien souvent les mêmes) qui sont posées lors d’une demande de consultation ou d’une première rencontre ainsi que celles qui sont formulées de la part d’étudiants dans le domaine de la psychopathologie ou d’analystes en formation. Ce projet voulait également présenter les principaux fondements théoriques du discours freudien tout en se demandant s’il a encore sa place dans une société traversée de part en part par une conception biomédicale.
Mais, à la suite de la publication de l’essai Le culte technomédical (Triptyque, 2003) plusieurs critiques, après avoir souligné la justesse de l’analyse, ont avoué se sentir dans l’attente de la publication d’un second tome qui réussirait éventuellement à proposer une alternative à la prise en charge biomédicale, alternative qui envisagerait, à travers la méthode psychanalytique, une autre façon de voir la chose et d’y remédier. Le présent projet, sans être pour autant le second tome du premier essai, veut malgré tout répondre à cette demande. Le Conseil des Arts du Canada, a bien voulu m’attribuer une subvention pour le porter à terme (Subvention aux écrivains professionnels : création littéraire, section essai).
Influencé par cette autre façon de voir la chose, cet essai ouvrira donc un débat entre la prise en charge du système de santé et la façon de faire de la psychanalyse (dans la mesure où nous la considérons comme étant en marge de ce système).
Philippe Gaulin
Montréal, 2005
FREUD FOR ALL
Le terme psychanalyse existe depuis plus d’un siècle et suscite encore, plus particulièrement au Québec, une profonde incompréhension et toute une série d’interrogations. Freud déclenche à lui seul une fascination des plus aberrantes ; tout le monde semble connaître le personnage et ses propos, chacun a son opinion à son sujet, on en parle comme si ça allait de soi, au quotidien, dans les lignes ouvertes, les séries télévisées, etc. Par contre, très peu ont lu ses textes. On s’y réfère bien souvent à partir de ce qu’on en dit, de ce que l’on a entendu dans telle émission, on fait confiance au discours commun sans avoir la volonté ou l’intérêt d’ouvrir un de ses ouvrages. Lorsque l’on demande une référence à ceux qui en parlent couramment, on cite alors un ancien cours que l’on a suivi, un ouï-dire, une discussion de café, sans trop comprendre la nécessité de se référer à un ouvrage théorique. Même dans les cégeps ou les universités, tous les cours de psychologie générale, d’introduction à la psychopathologie ou de psychopathologie appliquée consacrent une partie de leur présentation à Freud et à la psychanalyse, bien souvent en se référant à un regroupement de textes d’introduction vague, à un commentateur ou un vulgarisateur en qui l’on a confiance, mais bien rarement à partir des textes qui fondent et orientent l’entreprise théorique de Freud.
Les conséquences de ce vide théorique sont immédiates ; le discours freudien ressemble à un fourre-tout sans trop de logique, alimenté par l’imagerie populaire québécoise (voire nord-américaine). En parlant de Freud, on pense immédiatement aux dictionnaires des rêves, aux théories de l’instinct, à des stades de développement et on imagine un psychanalyste interprétant les symptômes en face de son patient. Toutes ces images tiennent de la psychologie populaire, peut-être de certains disciples de Freud, mais vont bien souvent (si ce n’est tout à fait) à l’encontre des principales thèses freudiennes.
Lors d’une première consultation, les mêmes questions reviennent dans la majorité des cas : À qui s’adresse la psychanalyse ? Quelle sont sa méthode, ses buts et visées ? Qu’est-ce qui distingue la psychanalyse, la psychiatrie et la psychologie ? Comment se fait le « travail analytique » ? Que veut dire « être en analyse » ? Qu’en est-t-il de la notion de transfert ? Comment guérir par la psychanalyse ? Peut-on utiliser le régime d’assurance-maladie du Québec pour régler le coût des séances ? Etc.
Nous essaierons, dans ces quelques pages, de répondre à ces questions et d’éclaircir un tant soit peu le discours freudien. Ces éclaircissements nous conduiront directement à une seconde thématique qui nous obligera à interroger la place que peut occuper la psychanalyse à l’intérieur d’un système de santé qui valorise et finance essentiellement des approches s’organisant autour d’une conception biogénétique de la santé et du traitement pharmacologique qui en découle. Pourquoi la psychanalyse, si présente dans l’imagerie collective, demeure-t-elle en marge des plans de soins du système de santé nord-américain ? Pourquoi ce système de santé tient-il à promouvoir si ardemment une conception biogénétique de la maladie mentale (entre autres de la maladie mentale) ? Quels sont les enjeux psychopathologiques et sociaux associés à une telle conception ? Finalement, la psychanalyse a-t-elle un avenir en Amérique du Nord ?
Bref, nous utiliserons Freud pour poser la question du symptôme, de son organisation, de sa prise en charge, du traitement et de la guérison dans notre genre de société. Est-il possible de guérir dans une société technomédicale ? Guérir de quoi ? Qu’est-ce que cela sous-entend ? Fondamentalement, en quoi la guérison concerne-t-elle la formation des symptômes ? Sommes-nous condamnés à être maltraités, c’est-à-dire à vivre et à mourir comme objet du savoir et du discours médical ?
La maladie s’est transformée au gré de l’évolution de la société occidentale. Ainsi, au fil du temps, selon l’encadrement que lui prescrit la mythologie sociale, la maladie a su exprimer la transgression de la prohibition taboue ; la colère de la divinité ; l’épreuve divine ; la possession diabolique ; la présence d’un élément impur dans la cité, etc. Le malade est pour sa part passé du rôle de transgresseur à celui de victime ; il est allé du malade coupable au malade mental, en passant par le malade imaginaire, jusqu’à ce qu’il devienne, avec la découverte du gène, un malade réel.
Aujourd’hui la maladie est bel et bien devenue objectivement, scientifiquement, culturellement et mythologiquement réelle. Quelles sont les conséquences directement associées à cette transformation ? Qu’en est-il de l’acte de traiter, de guérir ou d’intervenir dans notre forme de société? Pourquoi devient-on, tout à coup, « patient » face à nos symptômes ? Qu’en est-il du pouvoir de l’intervenant en santé dans une société où le savoir médical est omniprésent et représente le savoir absolu pour le sujet social devenu silencieux ? Jusqu’où va la prise en charge ? Quel est le coup réel du système de santé ? Le traitement concerne-t-il le processus de formation des symptômes ou une simple modification de ses effets réels dans le corps d’un sujet atteint.
Philippe Gaulin, Psychanalyste
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Source : Psycho-Sources
Collection Controverses
L'auteur : Philippe Gaulin, Psychanalyste
Psychanalyste, diplômé de philosophie et de psychopathologie clinique, Philippe Gaulin a été chargé de cours à l’université de 1985 à 2001. De 1990 à 2003, il a occupé diverses fonctions dans le domaine de la recherche clinique, épidémiologique et psychosociale. Depuis 2003, il consacre la plus grande partie de son temps à la clinique et à l’écriture.
Présentation de l'ouvrage
La maladie s’est transformée au gré de l’évolution de la société occidentale. Ainsi, au fil du temps, selon l’encadrement que celle-ci lui prescrit, la maladie a su exprimer la transgression de la prohibition taboue, la colère de la divinité, l’épreuve divine, la possession diabolique, la présence d’un élément impur dans la cité, etc. Le malade est pour sa part passé du rôle de transgresseur à celui de victime ; il est allé du malade coupable au malade mental, en passant par le malade imaginaire, jusqu’à ce qu’il devienne, avec la découverte du gène, un malade réel.
Aujourd’hui la maladie est bel et bien devenue objectivement, scientifiquement, culturellement et mythologiquement réelle. Quelles sont les conséquences directement associées à cette transformation ? Qu’en est-il de l’acte de traiter, de guérir ou d’intervenir dans notre forme de société ? Pourquoi devient-on, « patient » face à nos symptômes ? Qu’en est-il du pouvoir de l’intervenant en santé dans une société où le savoir médical est omniprésent et représente le savoir absolu pour le sujet social devenu silencieux ? Jusqu’où va la prise en charge ? Quel est le coup réel du système de santé ? Le traitement concerne-t-il le processus de formation des symptômes ou une simple modification de ses effets réels dans le corps d’un sujet atteint ?
Dans cet essai analysant le fonctionnement, les effets pernicieux et les sous-entendus morbides du discours médical et du système de santé, Philippe Gaulin propose, à travers une relecture de Freud, une autre façon de voir, de concevoir et de traiter des symptômes dans une société technomédicale.
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Extrait
PRÉFACE
Cet essai devait initialement s’intituler Introduction à la psychanalyse, au Québec, 100 ans après la psychanalyse de Freud et voulait tout d’abord répondre aux principales questions (bien souvent les mêmes) qui sont posées lors d’une demande de consultation ou d’une première rencontre ainsi que celles qui sont formulées de la part d’étudiants dans le domaine de la psychopathologie ou d’analystes en formation. Ce projet voulait également présenter les principaux fondements théoriques du discours freudien tout en se demandant s’il a encore sa place dans une société traversée de part en part par une conception biomédicale.
Mais, à la suite de la publication de l’essai Le culte technomédical (Triptyque, 2003) plusieurs critiques, après avoir souligné la justesse de l’analyse, ont avoué se sentir dans l’attente de la publication d’un second tome qui réussirait éventuellement à proposer une alternative à la prise en charge biomédicale, alternative qui envisagerait, à travers la méthode psychanalytique, une autre façon de voir la chose et d’y remédier. Le présent projet, sans être pour autant le second tome du premier essai, veut malgré tout répondre à cette demande. Le Conseil des Arts du Canada, a bien voulu m’attribuer une subvention pour le porter à terme (Subvention aux écrivains professionnels : création littéraire, section essai).
Influencé par cette autre façon de voir la chose, cet essai ouvrira donc un débat entre la prise en charge du système de santé et la façon de faire de la psychanalyse (dans la mesure où nous la considérons comme étant en marge de ce système).
Philippe Gaulin
Montréal, 2005
FREUD FOR ALL
Le terme psychanalyse existe depuis plus d’un siècle et suscite encore, plus particulièrement au Québec, une profonde incompréhension et toute une série d’interrogations. Freud déclenche à lui seul une fascination des plus aberrantes ; tout le monde semble connaître le personnage et ses propos, chacun a son opinion à son sujet, on en parle comme si ça allait de soi, au quotidien, dans les lignes ouvertes, les séries télévisées, etc. Par contre, très peu ont lu ses textes. On s’y réfère bien souvent à partir de ce qu’on en dit, de ce que l’on a entendu dans telle émission, on fait confiance au discours commun sans avoir la volonté ou l’intérêt d’ouvrir un de ses ouvrages. Lorsque l’on demande une référence à ceux qui en parlent couramment, on cite alors un ancien cours que l’on a suivi, un ouï-dire, une discussion de café, sans trop comprendre la nécessité de se référer à un ouvrage théorique. Même dans les cégeps ou les universités, tous les cours de psychologie générale, d’introduction à la psychopathologie ou de psychopathologie appliquée consacrent une partie de leur présentation à Freud et à la psychanalyse, bien souvent en se référant à un regroupement de textes d’introduction vague, à un commentateur ou un vulgarisateur en qui l’on a confiance, mais bien rarement à partir des textes qui fondent et orientent l’entreprise théorique de Freud.
Les conséquences de ce vide théorique sont immédiates ; le discours freudien ressemble à un fourre-tout sans trop de logique, alimenté par l’imagerie populaire québécoise (voire nord-américaine). En parlant de Freud, on pense immédiatement aux dictionnaires des rêves, aux théories de l’instinct, à des stades de développement et on imagine un psychanalyste interprétant les symptômes en face de son patient. Toutes ces images tiennent de la psychologie populaire, peut-être de certains disciples de Freud, mais vont bien souvent (si ce n’est tout à fait) à l’encontre des principales thèses freudiennes.
Lors d’une première consultation, les mêmes questions reviennent dans la majorité des cas : À qui s’adresse la psychanalyse ? Quelle sont sa méthode, ses buts et visées ? Qu’est-ce qui distingue la psychanalyse, la psychiatrie et la psychologie ? Comment se fait le « travail analytique » ? Que veut dire « être en analyse » ? Qu’en est-t-il de la notion de transfert ? Comment guérir par la psychanalyse ? Peut-on utiliser le régime d’assurance-maladie du Québec pour régler le coût des séances ? Etc.
Nous essaierons, dans ces quelques pages, de répondre à ces questions et d’éclaircir un tant soit peu le discours freudien. Ces éclaircissements nous conduiront directement à une seconde thématique qui nous obligera à interroger la place que peut occuper la psychanalyse à l’intérieur d’un système de santé qui valorise et finance essentiellement des approches s’organisant autour d’une conception biogénétique de la santé et du traitement pharmacologique qui en découle. Pourquoi la psychanalyse, si présente dans l’imagerie collective, demeure-t-elle en marge des plans de soins du système de santé nord-américain ? Pourquoi ce système de santé tient-il à promouvoir si ardemment une conception biogénétique de la maladie mentale (entre autres de la maladie mentale) ? Quels sont les enjeux psychopathologiques et sociaux associés à une telle conception ? Finalement, la psychanalyse a-t-elle un avenir en Amérique du Nord ?
Bref, nous utiliserons Freud pour poser la question du symptôme, de son organisation, de sa prise en charge, du traitement et de la guérison dans notre genre de société. Est-il possible de guérir dans une société technomédicale ? Guérir de quoi ? Qu’est-ce que cela sous-entend ? Fondamentalement, en quoi la guérison concerne-t-elle la formation des symptômes ? Sommes-nous condamnés à être maltraités, c’est-à-dire à vivre et à mourir comme objet du savoir et du discours médical ?
La maladie s’est transformée au gré de l’évolution de la société occidentale. Ainsi, au fil du temps, selon l’encadrement que lui prescrit la mythologie sociale, la maladie a su exprimer la transgression de la prohibition taboue ; la colère de la divinité ; l’épreuve divine ; la possession diabolique ; la présence d’un élément impur dans la cité, etc. Le malade est pour sa part passé du rôle de transgresseur à celui de victime ; il est allé du malade coupable au malade mental, en passant par le malade imaginaire, jusqu’à ce qu’il devienne, avec la découverte du gène, un malade réel.
Aujourd’hui la maladie est bel et bien devenue objectivement, scientifiquement, culturellement et mythologiquement réelle. Quelles sont les conséquences directement associées à cette transformation ? Qu’en est-il de l’acte de traiter, de guérir ou d’intervenir dans notre forme de société? Pourquoi devient-on, tout à coup, « patient » face à nos symptômes ? Qu’en est-il du pouvoir de l’intervenant en santé dans une société où le savoir médical est omniprésent et représente le savoir absolu pour le sujet social devenu silencieux ? Jusqu’où va la prise en charge ? Quel est le coup réel du système de santé ? Le traitement concerne-t-il le processus de formation des symptômes ou une simple modification de ses effets réels dans le corps d’un sujet atteint.
Philippe Gaulin, Psychanalyste
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Source : Psycho-Sources