Paris, Puf “ Bibliothèque de psychanalyse ”, 2005, 130 pages.
Parlé avant d'être écrit, en anglais avant d'être en français, ce livre est le fruit de bien des transformations : le point de départ est une série de conférences données entre 1987 et 1998, en anglais, à la Squiggle Foundation par André Green. Elles étaient consacrées à sa "lecture" de Winnicott, à son influence sur lui, à leurs convergences, à leurs divergences. Le texte de ces conférences est devenu la matière d'un livre destiné au public anglais, grâce au travail de Jan Abram. Puis, ce livre a été traduit de l'anglais (et légèrement réaménagé pour pouvoir être édité en français) par Martine Lussier – qui est décédée avant l'achèvement de cette traduction – et Claire Marine François-Poncet.
André Green consacre une partie de son propos à situer Winnicott dans l'histoire de la psychanalyse, entre Freud et Mélanie Klein, proche de Bion, "raisonnable" face à certaines folies du mouvement psychanalytique anglais.
Il indique aussi quelques points de désaccords avec lui : sur le "sexuel" et le "pulsionnel" qui lui semblent parfois trop "censurés" par Winnicott, ou sur l'interprétation par Winnicott de la destructivité du patient qu'il estime trop systématiquement positive.
Surtout, plusieurs chapitres permettent de comprendre combien la reconnaissance et l'élaboration conceptuelle par Winnicott de l'objet transitionnel, et de l'importance positive de l'illusion ont pu accompagner André Green dans ses élaborations sur "l'absence", le "travail du négatif" et la "tiercéité". (Un important chapitre y est consacré).
La fécondité de cette "création" centrale de Winnicott donnant toute son importance à ce qui était pourtant "connu par les mères et les nourrices depuis les temps les plus anciens, (auquel) personne n'avait fait attention, comme si cela allait de soi " (p. 63) marque bien la spécificité de Winnicott:
Bien plus découvreur que théoricien – à la différence de Bion –, s'il a été un "chef de file", il s'est moins soucié d'être un "maître" qu'un homme de "l'expérience", et d'abord de celle de la cure et de son pouvoir d' "actualisation".
Un témoignage exceptionnel de cette expérience de la cure est livré dans le chapître consacré à "l'intuition du négatif dans "Jeu et réalité". On y découvre qu'André Green a eu une patiente dont Winnicott a parlé dans ce livre, précisément en montrant que pour elle "la chose réelle est la chose qui n'est pas là." (p.27). L’auteur rapportant le matériel d'une séance, nous pouvons suivre son déroulement, et lire un dialogue qui permet d'éprouver la sensation de proximité et d'intensité sans pareille qui fait le cœur de ce "discours vivant ".
Anne Ber-Schiavetta (mai 2005)
Source : Société psychanalytique de Paris