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Loi Fonction publique : transposition droit communautaire, 13 juillet 2005


Rédigé le Mercredi 4 Janvier 2006 à 00:55 | Lu 2465 commentaire(s)



Une loi, portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique a été adoptée le 13 juillet 2005 par l'Assemblée nationale, après modifications lpar le Sénat en deuxième lecture.

Vous pouvez la lire dans la rubrique "Téléchargements", "Textes FPH". Y lire aussi l'ordonnance sur les nouveaux accès à la fonction publique.


Voici la question préalable qui a été posée par Josiane Mathon-Poinat le 11 Juillet 2005 :


Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mes chers collègues,

Nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture le projet de loi portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique.

Malgré le camouflet reçu par le gouvernement le 29 mai, celui-ci persiste et signe dans sa volonté de transposer des directives contraires au vœu exprimé par les français lors du référendum sur la Constitution européenne.

Les français ont en effet exprimé le souhait que la justice sociale prenne le pas sur le libéralisme. Or, ce que propose aujourd’hui le gouvernement est à l’opposé de leurs attentes.

Le texte qui nous est soumis est loin de lutter contre la précarité dans la fonction publique ; au contraire, il la renforce ; pire, il la pérennise. Sous couvert de la transposition de la directive européenne du 28 juin 1999, visant à limiter les recours abusifs aux contrats à durée déterminée dans l’ensemble de l’activité salariée et non pas seulement dans la fonction publique, le gouvernement propose la création de contrats à durée indéterminée dans la fonction publique.

Tout d’abord, force est de constater que ce projet de loi de transposition se trouve être contraire à l’objectif de la directive européenne. En effet, il instaure une nouvelle voie de recrutement précaire : l’agent sera sous contrat à durée déterminée pendant trois ans, renouvelable une fois, mais sans obligation de recrutement au terme des six ans d’embauche. La durée de ce contrat est ainsi quatre fois supérieure à celle imposée dans le secteur privé.

Loin de résorber la précarité dans la fonction publique, le gouvernement l’encourage. Sans chercher à en limiter le recours, le gouvernement propose de maintenir le contrat à durée déterminée dans la fonction publique car l’application d’un tel projet pourrait tout à la fois favoriser le turn-over des non titulaires et créer une sous catégorie de fonctionnaires (sans la même carrière, ni les mêmes garanties) ouvrant la porte à un véritable cheval de Troie contre les garanties statutaires dans le cadre de la politique actuelle de suppressions d’emploi.

Le pire est qu’il ne résout absolument pas la question des conditions d’emploi des non-titulaires, condamnés actuellement au chômage, aux temps partiels, à la vacation.

La situation que connaissent les trois fonctions publiques en termes d’emplois précaires ne peut pas perdurer. Que constatons nous : les non-titulaires constituent une part très importante des effectifs de la fonction publique d’Etat, territoriale et hospitalière. Ils sont 12,7 % dans la fonction publique d’Etat, 20,1 % dans la fonction publique territoriale et 5,8 % dans la fonction publique hospitalière. Au total, ce sont donc 242 152 personnes qui se trouvent dans une situation instable.

Multiplication des CDD, entrecoupés de période de chômage, sans oublier les nombreux contrats à temps partiels : la problématique est la même que dans le secteur privé. Il est quasiment impossible d’organiser sa vie personnelle autour d’une vie professionnelle aussi précaire, difficile de s’investir dans un emploi aussi fluctuant.

Cet enchaînement de contrats à durée déterminée maintient en effet les agents dans une dépendance anormale pour organiser leur vie. Comment envisager l’avenir et sécuriser le présent quand on ne sait même pas si l’on va être réembauché le mois suivant ? Les répercussions de cette précarité sont multiples, en matière de projet de vie ou de logement voire l’effet pervers sur la santé.

Pérenniser les contrats à durée déterminée au lieu de limiter les possibilités d’y recourir révèle la volonté du gouvernement de ne pas résorber efficacement la précarité. Sinon, il aurait facilité la mise en œuvre de la loi Sapin du 3 janvier 2001, et maintenu les postes de fonctionnaires supprimés depuis maintenant trois ans. L’application de la loi Sapin nécessite en effet des créations de postes afin d’être occupés par la suite par des agents contractuels ayant été titularisés, en réactivant les concours réservés et la reconnaissances des acquis.

Le gouvernement a fait d’autres choix et procède depuis trois ans à un véritable « dégraissage » de la fonction publique. Au nom de la maîtrise des dépenses publiques, le nombre de fonctionnaires devrait impérativement être revu à la baisse, ces derniers pesant trop lourd dans le budget de l’Etat. Mais cette restriction des dépenses publiques n’est plus le leitmotiv du gouvernement quand il s’agit d’accorder des allègements de charges aux entreprises. Ainsi dans la propsition de loi de sauvegarde des entreprises les administrations fiscales et sociales peuvent consentir des remises de dettes aux entreprises en difficultés.

Le démantèlement du statut de la fonction publique est donc la prochaine étape à franchir pour le gouvernement, après la diminution des effectifs.

En effet, ce projet de loi est la mort annoncée du statut de fonctionnaire et du recrutement par concours, pourtant garant de l’égalité d’accès la fonction publique. C’est la porte ouverte aux recrutements clientélistes, à tous les niveaux de la hiérarchie.

Nous ne sommes évidemment pas hostile à une modernisation du statut de la fonction publique, avec -pourquoi pas- la création de nouveaux corps, pour des missions nouvelles, des besoins émergeant, des métiers nouveaux tel les informaticiens, responsables de communications...

Mais le principe du recrutement par concours doit être impérativement préservé. Je vous rappelle que c’est avant tout une exigence constitutionnelle. L’article 6 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 pose la règle de l’égalité devant les emplois publics et interdit de fait les discriminations aussi bien pour l’entrée dans la fonction publique que pour le déroulement de la carrière.

Seul le concours garantit l’égalité des citoyens dans l’accès à la fonction publique, toute autre procédure de recrutement laissant la place au pouvoir discrétionnaire. C’est pourquoi il doit être la règle commune. Au-delà des adaptations qui peuvent s’avérer indispensables, comme par exemple la mise en adéquation des concours avec les qualifications professionnelles requises, toute tentative marginalisant le recrutement par concours doit être dénoncée et combattue. C’est ce que nous faisons d’ailleurs en ce moment, en défendant cette question préalable.

Le recrutement par la voie contractuelle, qui est aujourd’hui priorisé, conduit déjà à écarter de manière discrétionnaire un grand nombre de catégories de personnes, et je pense notamment aux personnes handicapées, ce qui en la matière laisse la fonction publique très éloignée des obligations d’emploi fixées par la loi. Mais si ce projet de loi était adopté et si à terme la voie contractuelle, même à durée indéterminée, était généralisée, la situation à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés ne ferait qu’empirer.

Banaliser la contractualisation dans la fonction publique constitue un réel danger, et les droits des agents seront progressivement remis en cause en introduisant un nouveau type de relation entre l’Etat employeur et ses agents, et deux types de statuts vont coexister au sein des trois fonctions publiques.

Les agents titulaires continueront d’être soumis au statut général et à leurs côtés travailleront les nouveaux agents contractuels, mais non soumis au même régime.
Cela signifie qu’ils ne bénéficieront pas des garanties du statut en termes de déroulement de carrière ou encore de maintien de leur emploi. Car enfin, seront-ils recrutés et intégrés dans des corps de fonctionnaires ou recrutés uniquement pour un emploi déterminé ? Cette nuance est importante tant au niveau de l’agent que de la mission de service public à laquelle il participe. Le fait d’être recruté dans un corps et d’y faire carrière est une des garanties de la continuité du service public. Multiplier les recrutements contractuels pour des emplois déterminés peut aboutir progressivement à une remise en cause de la continuité du service public et, si l’on pousse le raisonnement un peu plus loin, ce qui a certainement été le cas du gouvernement, de son existence.

Pour l’agent recruté à durée indéterminée, l’incertitude va peser sur sa carrière. Quel en sera le déroulement ? Quelle forme prendra sa fin de contrat ? Quelles seront les garanties dont il pourra bénéficier à ce moment-là ? Que se passera-t-il si son emploi est supprimé ? Toutes ces questions primordiales m’amène a soulever un problème : les agents contractuels embauchés pour une durée indéterminée risquent de devenir à terme un moyen très facile de faire fluctuer les effectifs de la fonction publique au gré des choix budgétaires arbitrés au niveau du gouvernement.

Le risque est donc grand que ces nouveaux agents contractuels servent de variables d’ajustement dans la fonction publique, ce qui fait peser un danger sur l’avenir de nos services publics. En effet, l’externalisation des services étant de plus en plus courante, il est à craindre qu’en multipliant les CDI dans les services publics le gouvernement n’en facilite l’externalisation.

Nous ne pouvons accepter une telle situation. Ce projet de loi remet ni plus ni moins en cause le principe selon lequel la titularisation est la règle et la contractualisation l’exception.

Ce principe est pourtant clairement énoncé dans l’article 3 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. En effet, il prévoit que, « Sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents de l’Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics à caractère administratif sont, à l’exception de ceux réservés aux magistrats de l’ordre judiciaire et aux fonctionnaires des assemblées parlementaires, occupés soit par des fonctionnaires régis par le présent titre, soit par des fonctionnaires des assemblées parlementaires, des magistrats de l’ordre judiciaire ou des militaires dans les conditions prévues par leur statut. »

Comment ne pas admettre que ce projet de loi ouvre une brèche sans précédent dans le statut de la fonction publique ? La volonté du gouvernement n’est certainement pas de résorber la précarité dans la fonction publique mais bien de remettre en cause, sous couvert de la transposition de la directive de 1999, le statut des fonctionnaires.

Résorber la précarité dans la fonction publique ne passe certainement pas par l’éclatement du statut.

Avant de conclure, je souhaite évoquer un dernier point sur ce projet de loi, qui concerne les dispositions relatives au congé d’adoption. Le projet de loi aligne ce droit au congé sur celui du régime général de la sécurité sociale. Nous sommes d’autant plus scandalisés par cette disposition que nous venons d’adopter une proposition de loi réformant la procédure d’adoption. Entre parenthèses, nous aurions pu discuter des présentes dispositions lors de l’examen de la proposition de loi. Mais le plus grave est que la réforme de l’adoption qui nous a été présentée se fixait une priorité, faciliter l’adoption et permettre ainsi à des enfants de trouver plus rapidement un foyer. En supprimant l’actuel droit au congé d’adoption prévu pour les fonctionnaires, le gouvernement tient un discours contradictoire. D’un côté il se place dans l’intérêt des enfants adoptés et des parents adoptifs et encourage l’adoption ; d’un autre côté au nom de l’égalité entre les hommes et les femmes il réduit le droit au congé d’adoption. C’est loin d’être une mesure incitative pour les fonctionnaires qui souhaiteraient adopter !

Le refus de créations d’emplois publics statutaires et la priorité donnée à la voie contractuelle sont à nos yeux inacceptables. C’est remettre en cause le fondement même du service public : assurer une réponse du niveau le plus élevé possible aux besoins sociaux et à l’intérêt collectif.

L’emploi public est porteur d’une fonction sociale permettant d’assurer les missions qui relèvent du service public et par conséquent d’assurer l’accès des citoyens à des droits et des services dans la neutralité, l’égalité, la continuité sur tout le territoire et la laïcité. Il découle de cette conception de l’emploi public des caractéristiques particulières qui se concrétisent dans les dispositions statutaires. Statut et mission de service public sont ainsi intimement liés, et nous renouvelons notre attachement à l’un et à l’autre.

Le statut de la fonction publique, si souvent critiqué par ce gouvernement, représente avant tout des garanties tant pour l’Etat employeur que pour les citoyens et les usagers du service public. Les fonctionnaires présentent des garanties d’indépendance face à toute tentative individuelle ou collective de pression, aussi bien politique qu’économique.

Par ailleurs, le fait que les fonctionnaires soient recrutés dans un cadre d’emploi et non pour occuper un emploi déterminé représente une garantie de qualité comme de continuité du service public, ce qui est naturellement dans l’intérêt des usagers.

Nous rejetons donc ce projet de loi fallacieux qui ne lutte pas contre la précarité mais s’attaque au statut de la fonction publique et par voie de conséquence à l’avenir même du service public. C’est ce danger qui motive cette question préalable que je vous invite à voter.

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