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Violence à l'école. Des violences vécues aux violences agies. Ouvrage coll. coord. par A. Sirota, 2009


Rédigé le Lundi 6 Avril 2009 à 20:12 | Lu 1068 commentaire(s)



Violence à l'école. Des violences vécues aux violences agies. Ouvrage coll. coord. par A. Sirota, 2009
Collection dirigée par Annick Weil-Barais
Éditions Bréal – Sortie en librairie : février 2009.

Les auteurs
Claudine BLANCHARD-LAVILLE, professeur de Sciences de l’Éducation, Université Paris Ouest Nanterre La Défense
Patricio CALDERON, enseignant en Sciences de l’Éducation, Valparaíso, Chili
Laure CASTELNAU, doctorante, Université Paris Ouest Nanterre La Défense
Willy FALLA, psychologue clinicien, intervenant en établissement scolaire, doctorant
Brigitte FRELAT-KAHN, maître de conférences à l’IUFM de Paris
Maria-José GARCIA-ORAMAS, chercheuse au Département de psychologie à Xalapa, Université de Veracruz, Mexique
Adrian NECULAU, professeur de psychologie sociale, Université Al. I Cuza de Iasi, Roumanie
Maria PAGONI, maître de conférences en Sciences de l’Éducation, Université Lille III
Dorina SALAVASTRU, maître de conférences, Université Al. I Cuza de Iasi, Roumanie
Catherine SELLENET, professeur de Sciences de l’Éducation, Université de Nantes
André SIROTA, professeur des universités, psychopathologie sociale clinique, Universités d’Angers et de Paris Ouest Nanterre La Défense
Danièle TOUBERT-DUFFORT, psychologue clinicienne, formatrice à l’INS-HEA, doctorante
Annick WEIL-BARAIS, professeur de psychologie, Université d’Angers
Catherine YELNIK, formatrice d’enseignants, docteur en Sciences de l’Éducation, Université Paris Ouest Nanterre La Défense

© Bréal 2008 – ISBN 978 2 7495 0740 8

Avant-propos
Différents regards portés sur les violences à l’école sont donnés dans cet ouvrage. Ses auteurs sont intéressés par la grande question anthropologique de la transmission par l’école du patrimoine culturel entre les générations intrinsèquement liée à l’institution des jeunes et futurs adultes comme sujets sociaux. Or, la relation aux successeurs en formation a toujours été remplie d’embûches, de passions, de conflits, de désirs ambivalents de modeler l’autre à son image, de recherche du semblable ou d’impossibilité de reconnaissance de soi dans l’autre. En outre, entre la mission de legs du patrimoine et les dispositions ou pratiques éducatives et pédagogiques mises en oeuvre, on observe plus souvent un abîme qu’une correspondance étroite, ce qui génère des vécus d’incohérences plus ou moins violents. Inquiétés par cette question, les auteurs se proposent d’apporter quelques lumières sur ce qui vient se mettre en scène à l’école en y provoquant des violences, en la détournant de ses missions et tâches de base. Des pistes pour l’action sont également suggérées.

Qu’est-ce qui fait violence ? À chaque instant de sa vie, du fait des résonances entre ses réalités psychiques internes et réalités externes, sociales et environnementales, l’être humain ressent des tensions plus ou moins vives dont le sens lui échappe dans bon nombre d’occurrences, même quand il dit comprendre, savoir ou maîtriser la situation. Il ne peut intégrer ces tensions à son espace psychique que s’il s’efforce de s’en délivrer en parlant, puis en élaborant ce qu’il ressent confusément, afin de comprendre pourquoi une situation actuelle est ainsi vécue par lui. S’il y parvient, il est alors en mesure d’intégrer cette nouvelle expérience à sa vie psychique en augmentant, dans le même mouvement, son territoire psychique (Zaltzman, 2007)1, c’est-à-dire aussi son équipement psychique et culturel ou sa capacité à penser ses expériences actuelles ou antérieures et les liens entre elles. Si, au contraire, il ne cherche qu’à s’en débarrasser de façon plus ou moins expéditive, la délivrance s’avère toujours illusoire et momentanée. Dans ce cas, chaque nouvelle tension énigmatique vient se cumuler aux précédentes restées en souffrance, augmentant ainsi le nombre des objets non liés parce qu’impensés et les laissant impensables jusqu’à nouvel ordre. En dépôt en lui, sans qu’il en ait conquis l’expérience, ils encombrent son espace psychique et en diminuent l’étendue et la réceptivité à de nouvelles expériences. Certes, le sujet peut s’être construit une théorie sur ce qui lui arrive, selon une modalité délirante paranoïaque, par exemple. Équipé d’un tel appareil psychique, véritable machine à interpréter persécutivement tout ce qui lui advient, le sujet clive et localise toujours hors de lui le mal, le mauvais, la faille, le négatif, l’insupportable, l’impur, etc. Il parvient ainsi à faire entrer de force toute nouvelle donnée dans son système, tout en passant à côté de l’imprévu et de toute occasion de se confronter à l’altérité, aux réalités extérieures et intérieures, de se laisser altérer et de faire de ce qu’il vit une expérience transformatrice.
À chaque nouvelle tension énigmatique, l’être humain, qui doit se défendre de ses effets corrosifs, est tiraillé entre deux voies. D’un côté, une tentation nihiliste l’attire vers le pire où auraient libre cours ses pulsions de déliaison. Auraient alors le champ libre des défenses paranoïaques et perverses ou d’autres modalités de défense, selon les ressources dont dispose l’individu pour lutter contre son effondrement (Winnicott, 1989)2, et selon les réactions de son environnement. De l’autre, une tentation héroïque le pousse dans un mouvement d’humanisation progressive. Un combat se livre en lui entre les pulsions de vie et les pulsions de mort, entre Éros et Thanatos.
Selon les qualités de présence des autres qui forment son environnement et selon la capacité de cet environnement à le contenir, à endiguer les effets destructeurs de ses premières attaques réactionnelles à cette tension, le sujet aux prises avec ces forces antagonistes en lui peut tout aussi bien basculer d’un côté ou de l’autre : vers un agir violent et destructeur de lui-même, de l’autre ou de l’objet – avec ou sans idéologie de légitimation à l’appui – ou vers un sursaut créatif, un effort de penser, qui métabolise psychiquement cette tension et favorise alors un remaniement psychique heureux pour lui-même et pour sa relation à son environnement.
Soulignons que chaque être humain est sensible, de façon tout à fait singulière à certaines plus qu’à d’autres des dimensions multiples constitutives de son environnement. À chaque variation d’un composant de l’environnement auquel le sujet est sensible, consciemment ou non, cet environnement est mis en turbulence pour lui et il en éprouve à nouveau une tension énigmatique ; il conçoit subjectivement que sa place n’est plus garantie, que sa reconnaissance, plus ou moins durement acquise ou fragile, est caduque et qu’il ne compte plus. Une insécurité actuelle se télescope avec les sentiments d’insécurité ontologique de chacun et réactive l’insécurité vécue antérieurement, immobilisée dans la psyché. Avec un tel vécu, si l’individu ne s’engage pas dans un travail d’analyse et ’élaboration ou s’il ne trouve pas au bon moment le lieu propice pour cela, si personne n’est en mesure d’interrompre la chaîne associative et l’amplification groupale, de nouvelles conduites purement défensives se reproduiront, qui amplifieront l’instabilité de l’environnement et ses propres angoisses et ainsi de suite, jusqu’au paroxysme. D’une certaine manière, la plupart des chapitres montrent ce processus à l’oeuvre dans différentes occurrences de violences en classe et à l’école.

Lorsque l’on commence à éclairer ce que cette tension énigmatique recouvre, on comprend que le sujet est aux prises avec sa conflictualité psychique, que son appareil psychique ne parvient pas à contenir. Comme le conflit est inhérent à la vie psychique et à la vie sociale, le sujet non équipé pour le supporter ne peut s’en défendre qu’en expulsant projectivement cette conflictualité dans la psyché d’autrui ou sur des instances sociales, qu’en localisant dans le non-soi la source de son mal être, ce qui explique bien des attaques contre l’environnement, le lien, l’autre ou l’objet. Plus le sujet a été privé précocement de l’accès au langage et à l’activité potentiellement symbolique que le langage rend possible, plus les mécanismes de défense dont il est capable vont produire des conduites manifestes énigmatiques qui feront symptôme.
Face à cela, les professeurs sont très souvent dans un tel malaise qu’ils se demandent, et demandent au psychologue parfois, si tel élève n’a pas franchi la ligne de démarcation entre la normalité et la folie, auquel cas, il ne relèverait plus de leur ministère. Parfois, ce sont les élèves qui se posent cette question à l’égard d’un professeur et de l’école toute entière, qui ne devinent pas ce qui les tourmente. Ils ressentent confusément les incohérences du système éducatif que les adultes ne voient plus ou auxquelles ils participent malgré eux. Certaines idéologies persistent à expliquer « la folie » par des caractéristiques strictement individuelles et empêchent de voir à quel point les conduites observables sont des défenses en relation avec un contexte collectif et institutionnel pathogène, que l’on ne veut pas ou ne sait pas voir, pour y survivre soi-même.
Attribuer des violences aux seuls facteurs individuels – qu’il ne faut certes pas ignorer – sans chercher à saisir les différents facteurs singuliers du contexte où l’on agit, c’est se laisser guider par un déni de réalité et ignorer les apports des recherches scientifiques en sciences humaines et la nécessité d’un travail culturel et de subjectivation pour intégrer ces connaissances. C’est aussi laisser impensées les dimensions institutionnelles et collectives et sa propre participation à celles-ci. Les prendre en compte exige de chaque protagoniste du système scolaire, et d’abord des adultes, qu’ils acceptent de se confronter à la multiplicité, à la complexité, et de consacrer une part de leur temps de travail à les penser. Cette obligation concerne tous les niveaux de l’institution des enfants, du moins si l’on veut réellement enseigner et faire grandir les nouvelles générations.

Eu égard à la multiplicité et à la singularité psychique propre à chaque sujet, il est difficile d’imaginer ce qu’autrui peut capter et ressentir de l’environnement et de comprendre ce qui l’insécurise à un moment donné. Or, pour rassurer réellement quelqu’un ou pour l’aider à penser ce qu’il vit et à reprendre le dessus, il faut pouvoir imaginer avec pertinence ce qu’il peut vivre ainsi que ses résistances à découvrir, à nommer, à reconnaître ce qui l’incommode. C’est par cette porosité à autrui que l’on peut poser les bonnes questions qui vont lui permettre de parler. Les différentes recherches et démarches ici présentées, prenant en compte le groupe et la culture, en ouvrent les chemins à poursuivre.

André Sirota

1 - Zaltzman, N. (2007), L’esprit du mal, Paris, Édition de l’Olivier.
2 - Winnicott, D. W. (1989), La crainte de l’effondrement et autres situations cliniques,
Paris, Gallimard, 2000.



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