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Assemblée Nationale
COMPTE RENDUANALYTIQUE OFFICIEL
Session ordinaire de 2003-2004 - 76ème jour de séance, 192ème séance
3ème SÉANCE DU JEUDI 8 AVRIL 2004
PRÉSIDENCE de Mme Hélène MIGNON
vice-présidente
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE -deuxième lecture- (suite)
ART. 18 QUATER
M. Yves Bur - Avec cet article, nous poursuivons la démarche engagée en première lecture - et adoptée, je le rappelle, à l'unanimité -, et qui vise à rendre plus sûr l'exercice de la psychothérapie. Le débat public qui a eu lieu depuis lors, les multiples forums professionnels et les témoignages de victimes de pratiques douteuses ont montré la nécessité de légiférer sans remettre en cause les spécificités de cette profession.
Il n'a jamais été question de réglementer les psychothérapies, mais simplement de garantir aux personnes qui y ont eu recours la compétence professionnelle de ceux auxquels elles ont affaire. On ne pouvait de toute façon pas s'accommoder du statu quo, nous avions trop de témoignages de victimes.
Le débat au Sénat et l'amendement de la commission des affaires sociales ont clarifié les choses et apaisé les inquiétudes, en particulier celles des associations et sociétés de psychanalyse, qui voient leur rôle reconnu. Le débat qui s'est poursuivi dans l'opinion a montré la nécessité de compléter le travail sénatorial sur plusieurs points. Les organisations professionnelles demandaient que l'accent soit davantage mis sur la formation et insistaient en particulier sur la nécessité d'avoir suivi une formation complémentaire en psychothérapie. L'amendement y pourvoit. Autre amélioration : la mention des formations suivies par les professionnels inscrits sur le registre national des psychothérapeutes.
Les organisations professionnelles de psychologues réclamaient elles aussi plus de précisions. L'amendement de notre commission fait donc référence à l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985 qui définit les conditions d'usage du titre de psychologue. Mais je pense qu'il faut rappeler que les psychologues ne relèvent pas des professions paramédicales et je présenterai un sous-amendement en ce sens.
Au total, notre commission a bien travaillé et pris en considération les attentes des professionnels, sans perdre pour autant de vue l'objectif premier : la protection et l'information des usagers.
M. Jean-Luc Préel - L'amendement Accoyer avait fait couler beaucoup d'encre, mais avec le texte proposé par notre rapporteur, nous sommes maintenant, semble-t-il, proches d'un consensus.
On peut distinguer quatre types de personnes dispensant des psychothérapies. Les psychiatres, qui sont des médecins - et les seuls à pouvoir prescrire des médicaments. Les psychologues, qui peuvent être des auxiliaires non médicaux des psychiatres et qui ont suivi une formation universitaire, souvent un DESS en psychologie. Les psychanalystes, qui ont suivi une psychanalyse. Et enfin les psychothérapeutes, qui font profession exclusive de mettre en œuvre les diverses techniques de psychothérapie.
L'idée de départ était de protéger les personnes faisant appel à un psychothérapeute, notamment contre les dérives sectaires ou mercantiles. Dans ce souci, il convenait de s'assurer que les psychothérapeutes avaient suivi une formation sérieuse et reconnue et d'empêcher que n'importe qui puisse fixer sa plaque et se prévaloir de ce titre.
La rédaction du Sénat a constitué un progrès précisément en ce qu'elle veille à l'usage du titre. Quant à celle proposée par notre rapporteur, elle est intéressante mais mérite d'être améliorée par trois sous-amendements.
Il convient tout d'abord de préciser que tout docteur en médecine sera dispensé de l'inscription à condition d'avoir suivi une formation de psychothérapeute, car le diplôme de docteur en médecine ne saurait à lui seul donner une compétence en ce domaine.
Je note ensuite qu'il est écrit au premier alinéa : « reconnue par les associations de psychanalystes ». Il s'agit certainement d'une erreur matérielle, car les psychanalystes sont déjà dispensés de l'enregistrement et ne proposent aucune formation de psychothérapeute. Il serait d'ailleurs préférable de parler de fédération de psychothérapeutes, plutôt que d'associations.
Enfin, il pourrait être intéressant de préciser que l'agrément prévu par décret est donné après avis d'un Office national de la psychothérapie.
Mme Martine Billard - Les interventions précédentes démontrent que l'on ferait mieux de reporter le traitement de ce sujet à un autre projet, car on nous dit que la commission a accompli un très bon travail mais on présente dans la foulée quantité de sous-amendements pour « clarifier les choses » !
L'amendement Accoyer tendait à ce qu'un décret fixe les différentes catégories de psychothérapies et précisait les professionnels autorisés à les mettre en œuvre. Dans sa sagesse, le Sénat s'est limité à l'usage du titre de psychothérapeute mais n'a pas pour autant résolu la question.
Aujourd'hui, notre commission nous propose une nouvelle rédaction, dont le premier alinéa pose les conditions requises pour conduire une psychothérapie tandis que le deuxième réserve l'usage du titre de psychothérapeute aux professionnels inscrits au registre national des psychothérapeutes, les exigences n'étant pas les mêmes de l'un à l'autre. Quant à ce registre, on ne sait pas qui le tient. Si ce sont des associations, quelles sont celles habilitées à le tenir ? On nous parle ensuite de « liste dressée par le représentant de l'Etat dans le département » et on nous dit que l'inscription sur cette liste n'est plus valable en cas de transfert de la résidence professionnelle dans un autre département. Faut-il en conclure que ce registre dit national n'est qu'une somme de listes départementales ?
Par ailleurs, je ne vois pas en quoi le diplôme de docteur en médecine habiliterait quelqu'un à conduire une psychothérapie. Et que se passera-t-il pour tous ceux qui conduisent des psychothérapies depuis des années mais qui ne répondront pas aux critères posés dans le texte ? Enfin, quelles seront les associations habilitées à former et inscrire les psychothérapeutes ? Est-ce le ministère de la santé qui en décidera ou un collège d'experts ? Bref, cet article pose plus de questions qu'il n'en résout et je défendrai un amendement de suppression.
M. Claude Evin - M. Bur nous dit qu'il ne s'agissait pas d'encadrer les psychothérapies, mais enfin je relis l'amendement Accoyer : « les différentes catégories de psychothérapies sont fixées par décret. » Qu'était-ce sinon de l'encadrement ?
Je voudrais d'abord faire observer que nous avions déjà eu ce débat lors de la discussion de la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades, même si les personnes qui ont besoin à un moment ou un autre d'une psychothérapie ne sont pas ipso facto des malades. M. Bur parlait de personnes « fragiles » et faisait état de « témoignages de victimes ». Permettez-moi de signaler qu'il n'y a pas que la psychothérapie, loin de là, qui suscite des témoignages critiques.
Y a-t-il des risques de dérive sectaire ? Peut-être, mais, encore une fois, pas seulement chez les psychothérapeutes. Et le fait d'encadrer une profession ne garantit pas contre ces dérives. Celles-ci utilisent des interstices de notre législation, et même dans les professions réglementées, chez les médecins par exemple, on trouve des personnes sur qui pèse une suspicion de comportement sectaire. Il est donc illusoire de croire qu'on les évitera en réglementant l'usage du titre.
Quel est le problème ? Aujourd'hui une personne qui veut recourir à une psychothérapie n'est pas bien informée sur les personnes susceptibles de l'aider. Les listes n'existent pas, ou elles sont peu accessibles. Nous devons donc faire en sorte que l'information soit accessible à tous. D'autre part, le patient n'a pas non plus de garantie que la personne à laquelle il s'adresse est formée. Là encore, le problème ne concerne pas que les psychothérapeutes : il y a toute une série de gens qui apposent des plaques avec des titres sans qu'on ait de garantie sur leur qualification. Nous en avons déjà souvent parlé, et j'ai fait à ce sujet, en 1996, un rapport au Conseil économique et social. Qu'il faille donner des garanties, c'est certain ; mais en respectant la démarche spécifique des professionnels. Comme l'a dit M. Préel, il y a différents types de professionnels. Il y a les psychiatres. Il y a les psychologues, qui ont un diplôme et sont reconnus au titre de la procédure de 1985. Il y a les psychanalystes. Et il y a des gens qui n'appartiennent à aucune de ces catégories, mais qui ont pratiqué une formation spécifique. Le débat porte sur la façon dont on va reconnaître l'usage du titre.
Or l'amendement de M. le rapporteur ne répond pas à cette préoccupation. On va créer un registre national des psychothérapeutes, selon des modalités définies par décret. Mais le texte, s'il est voté en l'état, sera juridiquement inapplicable. On affirme en effet que l'usage du titre de psychothérapeute sera réservé aux professionnels inscrits au registre. Mais dans le dernier alinéa on exempte de cette inscription un certain nombre de catégories... qui par conséquent ne pourront pas faire usage du titre !
Je n'entrerai pas dans le débat sur la question de savoir s'il faut exonérer les docteurs en médecine. Pourquoi eux ? Peut-être un oto-rhino-laryngologiste comme M. Accoyer a-t-il un sens particulier de l'écoute (Sourires), mais je ne vois pas d'autre spécialité qui puisse se targuer de cette compétence.
M. Jean-Marie Le Guen - Le chirurgiens ont « l'intelligence de la main » !
M. Claude Evin - Ce texte n'est ni fait ni à faire. M. Bur affirme que la profession est d'accord avec cet amendement. J'attends de voir les réactions, mais cela m'étonnerait : s'il est un sujet sur lequel il n'y aura jamais unanimité, c'est bien celui-là.
Peut-on faire quelque chose ? Je le crois, et c'est l'intérêt de tous, y compris des professionnels. Il faut créer une procédure de reconnaissance des associations. Cette question mérite d'être reprise sereinement, et non pas à la suite d'une cavalcade de positions, depuis l'amendement Accoyer jusqu'à celui de M. Gouteyron et au débat d'aujourd'hui. Nous proposerons un amendement de suppression, Monsieur le rapporteur, mais nous sommes disposés à prendre le temps de travailler ensemble, sereinement, sur ce sujet.
M. Jean-Marie Le Guen - Au delà du problème qu'il a posé dans les corporations, l'amendement Accoyer a eu un retentissement beaucoup plus large, qui a ébranlé la légitimité du travail de santé publique que nous faisons. Au préalable, je dois dire que ce n'est pas par hasard que cet amendement est apparu à l'occasion de ce projet. Non pas que je soupçonne M. Accoyer et M. Mattei de s'être entendus, mais il y a une logique, l'amendement répondant à la philosophie du projet.
Sur la forme, nous avons déploré que le texte n'ait pas été préparé en amont par plus de concertation. Mais surtout, sur le fond, l'amendement pèche par orgueil. C'est un péché d'orgueil du corps médical. Il essaie en effet de normer, de réguler des choses qui n'appartiennent pas vraiment au domaine de la santé, qui sont à sa frontière, des choses qui relèvent de la souffrance et de la demande, mais que nous n'avons pas aujourd'hui les moyens d'appréhender scientifiquement, non plus que de normer socialement. C'est ainsi que nul n'envisage de permettre, dans le cadre de l'assurance maladie, la solvabilisation de cette demande. Nous sommes donc dans un domaine qui ne relève pas vraiment de la santé publique, mais que la santé publique essaie d'accaparer. C'est ainsi que nous péchons par orgueil, car nous n'avons pas vraiment la capacité d'affronter ce sujet. Nous pouvons évidemment faire en sorte de traiter les dérives sectaires, mais cette perspective ne saurait suffire à justifier l'amendement.
A partir de là, c'est une remise en cause de toute la politique de santé publique qui devient possible, car elle apparaît comme fondamentalement scientiste, c'est-à-dire comme prétendant à une légitimité scientifique qu'en réalité elle n'a pas. Cet amendement est donc dangereux pour la légitimité de l'ensemble de la démarche de santé publique, pour autant qu'elle affiche des prétentions qu ne sont aujourd'hui à la portée ni du législateur ni du médecin. Le meilleur service à rendre à la santé publique est donc de renoncer pour l'instant à légiférer sur ce point, tout en restant vigilants sur les dérives.
M. le Rapporteur - L'amendement Accoyer a eu le mérite de soulever les passions et de lancer un vrai débat. Je reconnais qu'il est arrivé de manière inattendue en première lecture de ce projet, mais, comme l'a dit M. Evin, nous avions eu l'occasion d'en parler en mars 2002, et même avant. Par la suite le Sénat a fait un travail que je juge remarquable. Les services du ministère ont rencontré les acteurs concernés. La commission a procédé à de nombreuses auditions, tout comme celle du Sénat - ce qui au passage, rend caduques les demandes de constitution d'une commission parlementaire, laquelle ne pourrait que rencontrer à nouveau les mêmes personnes déjà entendues. Le fruit des auditions du Sénat fut l'amendement dit About-Mattei. Le tournant opéré par le Sénat a été d'abandonner la réglementation de la psychothérapie pour se pencher sur l'usage du titre de psychothérapeute, et c'est une bonne approche. La rédaction est certes perfectible ; et l'on observera que l'article 18 quater figure dans un chapitre consacré aux « consommations à risque » - lapsus dont les psychothérapeutes ne manqueront pas de se saisir avec gourmandise... (Sourires) Je défendrai un amendement pour améliorer la rédaction du Sénat, et elle pourra l'être encore dans la navette. Mais l'amendement pose en principe que l'activité de psychothérapeute requiert soit une formation théorique et pratique en psychopathologie clinique, soit une formation reconnue par les associations psychanalytiques.
Il faut agir, et il faut le faire maintenant. Il en va de notre responsabilité de législateurs. Le problème a été posé à l'occasion de la loi sur les droits des malades, mais rien n'a abouti. Pour certains, ce n'est jamais le moment... Lors de la rencontre du 12 décembre 2003 entre des représentants des associations psychanalytiques et le ministère de la santé, Mme Elisabeth Roudinesco a déclaré que « sur les 30 000 psychothérapeutes, peut-être un tiers sont infiltrés par des sectes ». Venant d'une personne aussi éminente dans le domaine, ce propos n'est pas négligeable. Et si M. Accoyer a lancé ce débat, c'est en raison d'expériences très spécifiques survenues dans sa région, où il y a eu un certain nombre de cas tragiques, qui montrent la nécessité de protéger les gens qui veulent suivre une psychothérapie. Tel est le seul sens de notre amendement.
Ce n'est pas un péché d'orgueil du corps médical : ces gens sont fragiles, et il faut leur garantir la qualification de celui à qui ils s'adressent. Il ne s'agit pas de médicaliser le secteur ; parmi les formations reconnues figurent celles que dispensent les associations psychanalytiques. D'autres pays - l'Autriche, patrie de Freud, ou l'Allemagne - ont réglementé la psychothérapie, et ne sont pas, que je sache, des Etats totalitaires. En France même, nombre de professions sont réglementées pour la sécurité de tous. Beaucoup de psychothérapeutes soutiennent d'ailleurs notre démarche. Les psychanalystes eux-mêmes ne veulent pas être de nouveaux intouchables, et beaucoup sont favorables à une régulation de ce secteur. C'est ce que nous devons faire, grâce à un cadre souple. Le courage ne doit pas nous manquer. Ce serait une erreur que de supprimer l'article 18 quater.
M. Claude Evin - Notre amendement 102 tend à supprimer cet article.
Oui, Monsieur Dubernard, il faut établir un cadre souple, mais ce n'est pas ce que propose votre amendement, puisque vous voulez créer un registre national des psychothérapeutes, lequel devra même préciser les formations suivies par les professionnels inscrits ! En outre, une nouvelle inscription sera obligatoire en cas de changement de département, alors que le régime institué en 1985 comporte une procédure de transfert.
Par ailleurs, j'ai beaucoup de respect pour Mme Roudinesco - comme pour d'autres personnes -, mais l'affirmation selon laquelle un tiers des psychothérapeutes seraient sous l'influence de sectes mériterait au moins une vérification scientifique. Si elle est exacte, il faut saisir la mission interministérielle de vigilance envers les sectes...
Mme Jacqueline Fraysse - Nous proposons également par notre amendement 186 de supprimer cet article car nous ne sommes visiblement pas prêts à légiférer. Les deux amendements successifs de la majorité prétendent instituer une reconnaissance légale de la profession de psychothérapeute. Celui qu'elle défend aujourd'hui, et qui tend à créer un registre national, est loin de lever les inquiétudes : quelles associations pourront revendiquer leur inscription ? Suffira-t-il d'avoir constitué sa propre école pour la demander ? Ne risque-t-on pas, là encore, de favoriser les dérives sectaires ? Et pourquoi dispenser automatiquement de l'inscription les médecins diplômés, les psychologues diplômés d'Etat et les psychanalystes enregistrés dans les annuaires de leurs associations ? Ces dispositions posent davantage de problèmes qu'elles n'en résolvent, d'autant que la question de la formation des psychothérapeutes n'est pas abordée. Quel est son contenu, qui en décide, qui la dispense, qui la valide ?
D'ailleurs, toutes les personnes que notre groupe a auditionné nous ont clairement affirmé que la psychothérapie n'était pas un métier (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Ils n'acceptent pas que leur pratique soit codifiée : il s'agit, disent-ils, d'une compétence ou d'une qualification complémentaire à une formation initiale, mais non d'une profession en soi. L'objectif est-il de créer un corps professionnel autonome pour le traitement de la souffrance mentale ? Cela poserait la question de sa prise en charge par la sécurité sociale.
Mieux vaut poursuivre le débat avec toutes les personnes concernées, entre lesquelles il n'y a pas non plus unanimité. Il y a d'autant moins urgence à décider d'une professionnalisation de la psychothérapie, que la loi fait actuellement obligation d'être médecin psychiatre ou psychologue clinicien pour se prévaloir du titre de psychothérapeute et que les psychanalystes, dans leur immense majorité, ne revendiquent pas celui-ci. Appliquons donc la loi actuelle, en exigeant des contrôles.
Plusieurs députés UMP - Lesquels ?
Mme Martine Billard - Mon amendement 295 a lui aussi pour objet de supprimer cet article. Depuis le début, à travers les rédactions successives qui nous sont proposées, on a un peu l'impression que chacun essaie de défendre son bout de gras ...
Il est exact que l'infiltration par les sectes existe ; on sait par exemple que la scientologie utilise beaucoup les associations de lutte contre la drogue, voire les instituts privés d'apprentissage des langues étrangères, pour essayer de faire de nouveaux adeptes. Mais la codification qu'on nous propose n'y changera rien. Par ailleurs, en l'absence de prise en charge par la sécurité sociale, seule une plainte d'usager peut permettre de déceler une utilisation abusive de titre.
Mieux vaudrait retravailler la question avec l'ensemble des personnes concernées.
M. Edouard Landrain - A aucun moment, Madame, vous n'avez parlé des patients! A qui peuvent s'adresser ceux qui ont besoin d'une psychothérapie? Quelles garanties leur offrir hors le diplôme ou l'inscription sur un registre? Je ne vois pas comment l'on peut faire autrement sauf à laisser la jungle s'installer et favoriser les dérives sectaires.
M. Claude Evin - Vous mélangez tout !
Les amendements 102, 186 et 295, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
M. le Rapporteur - L'amendement 344, que la commission a accepté, pose le principe selon lequel la conduite des psychothérapies nécessite soit une formation théorique et pratique en psychopathologie clinique, soit une formation reconnue par les associations de psychanalystes. Pour le reste, la rédaction de cet amendement correspond à la loi de 1985 qui encadre la profession et le titre de psychologue.
Schématiquement, il n'y a pas de problème pour les psychiatres, non plus que pour les psychanalystes...
Mme Martine Billard - A condition d'être inscrits dans une association !
M. le Rapporteur - Certes, mais ces associations sont bien connues et ont pignon sur rue. Pas de problème non plus pour les psychothérapeutes disposant d'une formation. Quant aux docteurs en médecine et aux psychologues, s'ils veulent devenir psychothérapeutes, ils devront suivre une formation théorique et pratique en psychopathologie clinique.
Certes, cette rédaction est perfectible, mais elle marque un progrès supplémentaire par rapport à celui qui nous est revenu du Sénat (« Très bien ! » sur les sur les bancs du groupe UMP).
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Avis favorable.
M. Claude Evin - Je pense que le deuxième alinéa rend le dispositif juridiquement inapplicable.
En outre, croit-on qu'un DESS de psychiatrie suffise à qualifier quelqu'un pour conduire des psychothérapies? Non! Un psychiatre qui conduit des psychothérapies a suivi parallèlement d'autres formations, a travaillé au sein de groupes, et continue, dans le cadre de sa pratique, à subir des contrôles.
Quant aux associations de psychanalystes, comment sont-elles reconnues? Il ne suffit pas que, dans ses statuts, le nom de Freud apparaisse!
M. le Rapporteur - Mais vous les connaissez, ces associations!
M. Claude Evin - Je connais les trois ou quatre principales, mais j'en ai découvert bien d'autres apparues il y a seulement quelques années, et dont la plupart sont sans doute tout à fait sérieuses, mais comment en juger ?
Pour les psychologues, là encore, le DESS de psycho-clinique ne saurait suffire à en faire des psychothérapeutes!
M. le Rapporteur - Il faut une formation!
M. Claude Evin - Une formation universitaire, ça ne suffit pas pour conduire une psychothérapie.
Quant aux docteurs en médecine, à part - comme je l'ai dit - M. Accoyer en sa qualité d'ORL, je ne vois pas qui pourrait être concerné...
Votre dispositif exclut un certain nombre de professionnels compétents, et l'inscription au registre national ne fera que compliquer le système. On est bien loin de la souplesse que vous réclamiez !
M. Jean-Luc Préel - Le sous-amendement 377 tend, dans le premier alinéa de l'amendement, à substituer aux mots « associations de psychanalystes », les termes « fédérations nationales de psychothérapeutes ».
Il en existe deux, qui proposent des formations de bac plus 5 à bac plus 7, basées sur une thérapie personnelle, et accréditées par une commission de pairs.
Par ailleurs, le sous-amendement 374 vise à insérer, dans l'avant-dernier alinéa de l'amendement, après les mots « docteur en médecine », les termes « formés à la psychothérapie ».
Quant au sous-amendement 375, il tend à compléter l'avant-dernier alinéa de l'amendement par la phrase suivante : « Ces associations sont agréées par décret, après avis d'un office national de la psychothérapie qui veille aux conditions d'usage du titre : formation qualifiante, bonne pratique, et déontologie ».
M. le Rapporteur - Je vois bien l'intérêt de ces suggestions, mais pour l'heure, je vous propose d'adopter l'amendement tel quel, quitte à ce qu'il soit encore amélioré au cours des lectures ultérieures.
M. le Ministre - Même avis.
Le sous-amendement 377, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les sous-amendements 374 et 375.
M. Yves Bur - L'article 18 quater a vocation à figurer dans le code de la santé publique, aussi le sous-amendement 380 tend-il à introduire dans la loi du 25 juillet 1985 un article 44 bis rappelant que les psychologues ne relèvent pas des professions paramédicales.
M. le Rapporteur - Mon amendement n'a pas vocation à être codifié ; ceci devrait vous rassurer et vous conduire à retirer votre sous-amendement.
M. le Ministre - Même avis.
M. Claude Evin - M. Bur s'inscrit dans une démarche de codification de l'activité, en voulant redéfinir l'activité des psychologues dans la loi de 1985. Il prend ainsi la responsabilité de relancer un débat qu'il sera intéressant de suivre !
Le sous-amendement 380, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'amendement 344, mis aux voix, est adopté.
L'article 18 quater, ainsi rédigé, mis aux voix, est adopté.
Source : Site de l'Assemblée nationale
Assemblée Nationale
COMPTE RENDUANALYTIQUE OFFICIEL
Session ordinaire de 2003-2004 - 76ème jour de séance, 192ème séance
3ème SÉANCE DU JEUDI 8 AVRIL 2004
PRÉSIDENCE de Mme Hélène MIGNON
vice-présidente
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE -deuxième lecture- (suite)
ART. 18 QUATER
M. Yves Bur - Avec cet article, nous poursuivons la démarche engagée en première lecture - et adoptée, je le rappelle, à l'unanimité -, et qui vise à rendre plus sûr l'exercice de la psychothérapie. Le débat public qui a eu lieu depuis lors, les multiples forums professionnels et les témoignages de victimes de pratiques douteuses ont montré la nécessité de légiférer sans remettre en cause les spécificités de cette profession.
Il n'a jamais été question de réglementer les psychothérapies, mais simplement de garantir aux personnes qui y ont eu recours la compétence professionnelle de ceux auxquels elles ont affaire. On ne pouvait de toute façon pas s'accommoder du statu quo, nous avions trop de témoignages de victimes.
Le débat au Sénat et l'amendement de la commission des affaires sociales ont clarifié les choses et apaisé les inquiétudes, en particulier celles des associations et sociétés de psychanalyse, qui voient leur rôle reconnu. Le débat qui s'est poursuivi dans l'opinion a montré la nécessité de compléter le travail sénatorial sur plusieurs points. Les organisations professionnelles demandaient que l'accent soit davantage mis sur la formation et insistaient en particulier sur la nécessité d'avoir suivi une formation complémentaire en psychothérapie. L'amendement y pourvoit. Autre amélioration : la mention des formations suivies par les professionnels inscrits sur le registre national des psychothérapeutes.
Les organisations professionnelles de psychologues réclamaient elles aussi plus de précisions. L'amendement de notre commission fait donc référence à l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985 qui définit les conditions d'usage du titre de psychologue. Mais je pense qu'il faut rappeler que les psychologues ne relèvent pas des professions paramédicales et je présenterai un sous-amendement en ce sens.
Au total, notre commission a bien travaillé et pris en considération les attentes des professionnels, sans perdre pour autant de vue l'objectif premier : la protection et l'information des usagers.
M. Jean-Luc Préel - L'amendement Accoyer avait fait couler beaucoup d'encre, mais avec le texte proposé par notre rapporteur, nous sommes maintenant, semble-t-il, proches d'un consensus.
On peut distinguer quatre types de personnes dispensant des psychothérapies. Les psychiatres, qui sont des médecins - et les seuls à pouvoir prescrire des médicaments. Les psychologues, qui peuvent être des auxiliaires non médicaux des psychiatres et qui ont suivi une formation universitaire, souvent un DESS en psychologie. Les psychanalystes, qui ont suivi une psychanalyse. Et enfin les psychothérapeutes, qui font profession exclusive de mettre en œuvre les diverses techniques de psychothérapie.
L'idée de départ était de protéger les personnes faisant appel à un psychothérapeute, notamment contre les dérives sectaires ou mercantiles. Dans ce souci, il convenait de s'assurer que les psychothérapeutes avaient suivi une formation sérieuse et reconnue et d'empêcher que n'importe qui puisse fixer sa plaque et se prévaloir de ce titre.
La rédaction du Sénat a constitué un progrès précisément en ce qu'elle veille à l'usage du titre. Quant à celle proposée par notre rapporteur, elle est intéressante mais mérite d'être améliorée par trois sous-amendements.
Il convient tout d'abord de préciser que tout docteur en médecine sera dispensé de l'inscription à condition d'avoir suivi une formation de psychothérapeute, car le diplôme de docteur en médecine ne saurait à lui seul donner une compétence en ce domaine.
Je note ensuite qu'il est écrit au premier alinéa : « reconnue par les associations de psychanalystes ». Il s'agit certainement d'une erreur matérielle, car les psychanalystes sont déjà dispensés de l'enregistrement et ne proposent aucune formation de psychothérapeute. Il serait d'ailleurs préférable de parler de fédération de psychothérapeutes, plutôt que d'associations.
Enfin, il pourrait être intéressant de préciser que l'agrément prévu par décret est donné après avis d'un Office national de la psychothérapie.
Mme Martine Billard - Les interventions précédentes démontrent que l'on ferait mieux de reporter le traitement de ce sujet à un autre projet, car on nous dit que la commission a accompli un très bon travail mais on présente dans la foulée quantité de sous-amendements pour « clarifier les choses » !
L'amendement Accoyer tendait à ce qu'un décret fixe les différentes catégories de psychothérapies et précisait les professionnels autorisés à les mettre en œuvre. Dans sa sagesse, le Sénat s'est limité à l'usage du titre de psychothérapeute mais n'a pas pour autant résolu la question.
Aujourd'hui, notre commission nous propose une nouvelle rédaction, dont le premier alinéa pose les conditions requises pour conduire une psychothérapie tandis que le deuxième réserve l'usage du titre de psychothérapeute aux professionnels inscrits au registre national des psychothérapeutes, les exigences n'étant pas les mêmes de l'un à l'autre. Quant à ce registre, on ne sait pas qui le tient. Si ce sont des associations, quelles sont celles habilitées à le tenir ? On nous parle ensuite de « liste dressée par le représentant de l'Etat dans le département » et on nous dit que l'inscription sur cette liste n'est plus valable en cas de transfert de la résidence professionnelle dans un autre département. Faut-il en conclure que ce registre dit national n'est qu'une somme de listes départementales ?
Par ailleurs, je ne vois pas en quoi le diplôme de docteur en médecine habiliterait quelqu'un à conduire une psychothérapie. Et que se passera-t-il pour tous ceux qui conduisent des psychothérapies depuis des années mais qui ne répondront pas aux critères posés dans le texte ? Enfin, quelles seront les associations habilitées à former et inscrire les psychothérapeutes ? Est-ce le ministère de la santé qui en décidera ou un collège d'experts ? Bref, cet article pose plus de questions qu'il n'en résout et je défendrai un amendement de suppression.
M. Claude Evin - M. Bur nous dit qu'il ne s'agissait pas d'encadrer les psychothérapies, mais enfin je relis l'amendement Accoyer : « les différentes catégories de psychothérapies sont fixées par décret. » Qu'était-ce sinon de l'encadrement ?
Je voudrais d'abord faire observer que nous avions déjà eu ce débat lors de la discussion de la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades, même si les personnes qui ont besoin à un moment ou un autre d'une psychothérapie ne sont pas ipso facto des malades. M. Bur parlait de personnes « fragiles » et faisait état de « témoignages de victimes ». Permettez-moi de signaler qu'il n'y a pas que la psychothérapie, loin de là, qui suscite des témoignages critiques.
Y a-t-il des risques de dérive sectaire ? Peut-être, mais, encore une fois, pas seulement chez les psychothérapeutes. Et le fait d'encadrer une profession ne garantit pas contre ces dérives. Celles-ci utilisent des interstices de notre législation, et même dans les professions réglementées, chez les médecins par exemple, on trouve des personnes sur qui pèse une suspicion de comportement sectaire. Il est donc illusoire de croire qu'on les évitera en réglementant l'usage du titre.
Quel est le problème ? Aujourd'hui une personne qui veut recourir à une psychothérapie n'est pas bien informée sur les personnes susceptibles de l'aider. Les listes n'existent pas, ou elles sont peu accessibles. Nous devons donc faire en sorte que l'information soit accessible à tous. D'autre part, le patient n'a pas non plus de garantie que la personne à laquelle il s'adresse est formée. Là encore, le problème ne concerne pas que les psychothérapeutes : il y a toute une série de gens qui apposent des plaques avec des titres sans qu'on ait de garantie sur leur qualification. Nous en avons déjà souvent parlé, et j'ai fait à ce sujet, en 1996, un rapport au Conseil économique et social. Qu'il faille donner des garanties, c'est certain ; mais en respectant la démarche spécifique des professionnels. Comme l'a dit M. Préel, il y a différents types de professionnels. Il y a les psychiatres. Il y a les psychologues, qui ont un diplôme et sont reconnus au titre de la procédure de 1985. Il y a les psychanalystes. Et il y a des gens qui n'appartiennent à aucune de ces catégories, mais qui ont pratiqué une formation spécifique. Le débat porte sur la façon dont on va reconnaître l'usage du titre.
Or l'amendement de M. le rapporteur ne répond pas à cette préoccupation. On va créer un registre national des psychothérapeutes, selon des modalités définies par décret. Mais le texte, s'il est voté en l'état, sera juridiquement inapplicable. On affirme en effet que l'usage du titre de psychothérapeute sera réservé aux professionnels inscrits au registre. Mais dans le dernier alinéa on exempte de cette inscription un certain nombre de catégories... qui par conséquent ne pourront pas faire usage du titre !
Je n'entrerai pas dans le débat sur la question de savoir s'il faut exonérer les docteurs en médecine. Pourquoi eux ? Peut-être un oto-rhino-laryngologiste comme M. Accoyer a-t-il un sens particulier de l'écoute (Sourires), mais je ne vois pas d'autre spécialité qui puisse se targuer de cette compétence.
M. Jean-Marie Le Guen - Le chirurgiens ont « l'intelligence de la main » !
M. Claude Evin - Ce texte n'est ni fait ni à faire. M. Bur affirme que la profession est d'accord avec cet amendement. J'attends de voir les réactions, mais cela m'étonnerait : s'il est un sujet sur lequel il n'y aura jamais unanimité, c'est bien celui-là.
Peut-on faire quelque chose ? Je le crois, et c'est l'intérêt de tous, y compris des professionnels. Il faut créer une procédure de reconnaissance des associations. Cette question mérite d'être reprise sereinement, et non pas à la suite d'une cavalcade de positions, depuis l'amendement Accoyer jusqu'à celui de M. Gouteyron et au débat d'aujourd'hui. Nous proposerons un amendement de suppression, Monsieur le rapporteur, mais nous sommes disposés à prendre le temps de travailler ensemble, sereinement, sur ce sujet.
M. Jean-Marie Le Guen - Au delà du problème qu'il a posé dans les corporations, l'amendement Accoyer a eu un retentissement beaucoup plus large, qui a ébranlé la légitimité du travail de santé publique que nous faisons. Au préalable, je dois dire que ce n'est pas par hasard que cet amendement est apparu à l'occasion de ce projet. Non pas que je soupçonne M. Accoyer et M. Mattei de s'être entendus, mais il y a une logique, l'amendement répondant à la philosophie du projet.
Sur la forme, nous avons déploré que le texte n'ait pas été préparé en amont par plus de concertation. Mais surtout, sur le fond, l'amendement pèche par orgueil. C'est un péché d'orgueil du corps médical. Il essaie en effet de normer, de réguler des choses qui n'appartiennent pas vraiment au domaine de la santé, qui sont à sa frontière, des choses qui relèvent de la souffrance et de la demande, mais que nous n'avons pas aujourd'hui les moyens d'appréhender scientifiquement, non plus que de normer socialement. C'est ainsi que nul n'envisage de permettre, dans le cadre de l'assurance maladie, la solvabilisation de cette demande. Nous sommes donc dans un domaine qui ne relève pas vraiment de la santé publique, mais que la santé publique essaie d'accaparer. C'est ainsi que nous péchons par orgueil, car nous n'avons pas vraiment la capacité d'affronter ce sujet. Nous pouvons évidemment faire en sorte de traiter les dérives sectaires, mais cette perspective ne saurait suffire à justifier l'amendement.
A partir de là, c'est une remise en cause de toute la politique de santé publique qui devient possible, car elle apparaît comme fondamentalement scientiste, c'est-à-dire comme prétendant à une légitimité scientifique qu'en réalité elle n'a pas. Cet amendement est donc dangereux pour la légitimité de l'ensemble de la démarche de santé publique, pour autant qu'elle affiche des prétentions qu ne sont aujourd'hui à la portée ni du législateur ni du médecin. Le meilleur service à rendre à la santé publique est donc de renoncer pour l'instant à légiférer sur ce point, tout en restant vigilants sur les dérives.
M. le Rapporteur - L'amendement Accoyer a eu le mérite de soulever les passions et de lancer un vrai débat. Je reconnais qu'il est arrivé de manière inattendue en première lecture de ce projet, mais, comme l'a dit M. Evin, nous avions eu l'occasion d'en parler en mars 2002, et même avant. Par la suite le Sénat a fait un travail que je juge remarquable. Les services du ministère ont rencontré les acteurs concernés. La commission a procédé à de nombreuses auditions, tout comme celle du Sénat - ce qui au passage, rend caduques les demandes de constitution d'une commission parlementaire, laquelle ne pourrait que rencontrer à nouveau les mêmes personnes déjà entendues. Le fruit des auditions du Sénat fut l'amendement dit About-Mattei. Le tournant opéré par le Sénat a été d'abandonner la réglementation de la psychothérapie pour se pencher sur l'usage du titre de psychothérapeute, et c'est une bonne approche. La rédaction est certes perfectible ; et l'on observera que l'article 18 quater figure dans un chapitre consacré aux « consommations à risque » - lapsus dont les psychothérapeutes ne manqueront pas de se saisir avec gourmandise... (Sourires) Je défendrai un amendement pour améliorer la rédaction du Sénat, et elle pourra l'être encore dans la navette. Mais l'amendement pose en principe que l'activité de psychothérapeute requiert soit une formation théorique et pratique en psychopathologie clinique, soit une formation reconnue par les associations psychanalytiques.
Il faut agir, et il faut le faire maintenant. Il en va de notre responsabilité de législateurs. Le problème a été posé à l'occasion de la loi sur les droits des malades, mais rien n'a abouti. Pour certains, ce n'est jamais le moment... Lors de la rencontre du 12 décembre 2003 entre des représentants des associations psychanalytiques et le ministère de la santé, Mme Elisabeth Roudinesco a déclaré que « sur les 30 000 psychothérapeutes, peut-être un tiers sont infiltrés par des sectes ». Venant d'une personne aussi éminente dans le domaine, ce propos n'est pas négligeable. Et si M. Accoyer a lancé ce débat, c'est en raison d'expériences très spécifiques survenues dans sa région, où il y a eu un certain nombre de cas tragiques, qui montrent la nécessité de protéger les gens qui veulent suivre une psychothérapie. Tel est le seul sens de notre amendement.
Ce n'est pas un péché d'orgueil du corps médical : ces gens sont fragiles, et il faut leur garantir la qualification de celui à qui ils s'adressent. Il ne s'agit pas de médicaliser le secteur ; parmi les formations reconnues figurent celles que dispensent les associations psychanalytiques. D'autres pays - l'Autriche, patrie de Freud, ou l'Allemagne - ont réglementé la psychothérapie, et ne sont pas, que je sache, des Etats totalitaires. En France même, nombre de professions sont réglementées pour la sécurité de tous. Beaucoup de psychothérapeutes soutiennent d'ailleurs notre démarche. Les psychanalystes eux-mêmes ne veulent pas être de nouveaux intouchables, et beaucoup sont favorables à une régulation de ce secteur. C'est ce que nous devons faire, grâce à un cadre souple. Le courage ne doit pas nous manquer. Ce serait une erreur que de supprimer l'article 18 quater.
M. Claude Evin - Notre amendement 102 tend à supprimer cet article.
Oui, Monsieur Dubernard, il faut établir un cadre souple, mais ce n'est pas ce que propose votre amendement, puisque vous voulez créer un registre national des psychothérapeutes, lequel devra même préciser les formations suivies par les professionnels inscrits ! En outre, une nouvelle inscription sera obligatoire en cas de changement de département, alors que le régime institué en 1985 comporte une procédure de transfert.
Par ailleurs, j'ai beaucoup de respect pour Mme Roudinesco - comme pour d'autres personnes -, mais l'affirmation selon laquelle un tiers des psychothérapeutes seraient sous l'influence de sectes mériterait au moins une vérification scientifique. Si elle est exacte, il faut saisir la mission interministérielle de vigilance envers les sectes...
Mme Jacqueline Fraysse - Nous proposons également par notre amendement 186 de supprimer cet article car nous ne sommes visiblement pas prêts à légiférer. Les deux amendements successifs de la majorité prétendent instituer une reconnaissance légale de la profession de psychothérapeute. Celui qu'elle défend aujourd'hui, et qui tend à créer un registre national, est loin de lever les inquiétudes : quelles associations pourront revendiquer leur inscription ? Suffira-t-il d'avoir constitué sa propre école pour la demander ? Ne risque-t-on pas, là encore, de favoriser les dérives sectaires ? Et pourquoi dispenser automatiquement de l'inscription les médecins diplômés, les psychologues diplômés d'Etat et les psychanalystes enregistrés dans les annuaires de leurs associations ? Ces dispositions posent davantage de problèmes qu'elles n'en résolvent, d'autant que la question de la formation des psychothérapeutes n'est pas abordée. Quel est son contenu, qui en décide, qui la dispense, qui la valide ?
D'ailleurs, toutes les personnes que notre groupe a auditionné nous ont clairement affirmé que la psychothérapie n'était pas un métier (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Ils n'acceptent pas que leur pratique soit codifiée : il s'agit, disent-ils, d'une compétence ou d'une qualification complémentaire à une formation initiale, mais non d'une profession en soi. L'objectif est-il de créer un corps professionnel autonome pour le traitement de la souffrance mentale ? Cela poserait la question de sa prise en charge par la sécurité sociale.
Mieux vaut poursuivre le débat avec toutes les personnes concernées, entre lesquelles il n'y a pas non plus unanimité. Il y a d'autant moins urgence à décider d'une professionnalisation de la psychothérapie, que la loi fait actuellement obligation d'être médecin psychiatre ou psychologue clinicien pour se prévaloir du titre de psychothérapeute et que les psychanalystes, dans leur immense majorité, ne revendiquent pas celui-ci. Appliquons donc la loi actuelle, en exigeant des contrôles.
Plusieurs députés UMP - Lesquels ?
Mme Martine Billard - Mon amendement 295 a lui aussi pour objet de supprimer cet article. Depuis le début, à travers les rédactions successives qui nous sont proposées, on a un peu l'impression que chacun essaie de défendre son bout de gras ...
Il est exact que l'infiltration par les sectes existe ; on sait par exemple que la scientologie utilise beaucoup les associations de lutte contre la drogue, voire les instituts privés d'apprentissage des langues étrangères, pour essayer de faire de nouveaux adeptes. Mais la codification qu'on nous propose n'y changera rien. Par ailleurs, en l'absence de prise en charge par la sécurité sociale, seule une plainte d'usager peut permettre de déceler une utilisation abusive de titre.
Mieux vaudrait retravailler la question avec l'ensemble des personnes concernées.
M. Edouard Landrain - A aucun moment, Madame, vous n'avez parlé des patients! A qui peuvent s'adresser ceux qui ont besoin d'une psychothérapie? Quelles garanties leur offrir hors le diplôme ou l'inscription sur un registre? Je ne vois pas comment l'on peut faire autrement sauf à laisser la jungle s'installer et favoriser les dérives sectaires.
M. Claude Evin - Vous mélangez tout !
Les amendements 102, 186 et 295, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
M. le Rapporteur - L'amendement 344, que la commission a accepté, pose le principe selon lequel la conduite des psychothérapies nécessite soit une formation théorique et pratique en psychopathologie clinique, soit une formation reconnue par les associations de psychanalystes. Pour le reste, la rédaction de cet amendement correspond à la loi de 1985 qui encadre la profession et le titre de psychologue.
Schématiquement, il n'y a pas de problème pour les psychiatres, non plus que pour les psychanalystes...
Mme Martine Billard - A condition d'être inscrits dans une association !
M. le Rapporteur - Certes, mais ces associations sont bien connues et ont pignon sur rue. Pas de problème non plus pour les psychothérapeutes disposant d'une formation. Quant aux docteurs en médecine et aux psychologues, s'ils veulent devenir psychothérapeutes, ils devront suivre une formation théorique et pratique en psychopathologie clinique.
Certes, cette rédaction est perfectible, mais elle marque un progrès supplémentaire par rapport à celui qui nous est revenu du Sénat (« Très bien ! » sur les sur les bancs du groupe UMP).
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Avis favorable.
M. Claude Evin - Je pense que le deuxième alinéa rend le dispositif juridiquement inapplicable.
En outre, croit-on qu'un DESS de psychiatrie suffise à qualifier quelqu'un pour conduire des psychothérapies? Non! Un psychiatre qui conduit des psychothérapies a suivi parallèlement d'autres formations, a travaillé au sein de groupes, et continue, dans le cadre de sa pratique, à subir des contrôles.
Quant aux associations de psychanalystes, comment sont-elles reconnues? Il ne suffit pas que, dans ses statuts, le nom de Freud apparaisse!
M. le Rapporteur - Mais vous les connaissez, ces associations!
M. Claude Evin - Je connais les trois ou quatre principales, mais j'en ai découvert bien d'autres apparues il y a seulement quelques années, et dont la plupart sont sans doute tout à fait sérieuses, mais comment en juger ?
Pour les psychologues, là encore, le DESS de psycho-clinique ne saurait suffire à en faire des psychothérapeutes!
M. le Rapporteur - Il faut une formation!
M. Claude Evin - Une formation universitaire, ça ne suffit pas pour conduire une psychothérapie.
Quant aux docteurs en médecine, à part - comme je l'ai dit - M. Accoyer en sa qualité d'ORL, je ne vois pas qui pourrait être concerné...
Votre dispositif exclut un certain nombre de professionnels compétents, et l'inscription au registre national ne fera que compliquer le système. On est bien loin de la souplesse que vous réclamiez !
M. Jean-Luc Préel - Le sous-amendement 377 tend, dans le premier alinéa de l'amendement, à substituer aux mots « associations de psychanalystes », les termes « fédérations nationales de psychothérapeutes ».
Il en existe deux, qui proposent des formations de bac plus 5 à bac plus 7, basées sur une thérapie personnelle, et accréditées par une commission de pairs.
Par ailleurs, le sous-amendement 374 vise à insérer, dans l'avant-dernier alinéa de l'amendement, après les mots « docteur en médecine », les termes « formés à la psychothérapie ».
Quant au sous-amendement 375, il tend à compléter l'avant-dernier alinéa de l'amendement par la phrase suivante : « Ces associations sont agréées par décret, après avis d'un office national de la psychothérapie qui veille aux conditions d'usage du titre : formation qualifiante, bonne pratique, et déontologie ».
M. le Rapporteur - Je vois bien l'intérêt de ces suggestions, mais pour l'heure, je vous propose d'adopter l'amendement tel quel, quitte à ce qu'il soit encore amélioré au cours des lectures ultérieures.
M. le Ministre - Même avis.
Le sous-amendement 377, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les sous-amendements 374 et 375.
M. Yves Bur - L'article 18 quater a vocation à figurer dans le code de la santé publique, aussi le sous-amendement 380 tend-il à introduire dans la loi du 25 juillet 1985 un article 44 bis rappelant que les psychologues ne relèvent pas des professions paramédicales.
M. le Rapporteur - Mon amendement n'a pas vocation à être codifié ; ceci devrait vous rassurer et vous conduire à retirer votre sous-amendement.
M. le Ministre - Même avis.
M. Claude Evin - M. Bur s'inscrit dans une démarche de codification de l'activité, en voulant redéfinir l'activité des psychologues dans la loi de 1985. Il prend ainsi la responsabilité de relancer un débat qu'il sera intéressant de suivre !
Le sous-amendement 380, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'amendement 344, mis aux voix, est adopté.
L'article 18 quater, ainsi rédigé, mis aux voix, est adopté.
Source : Site de l'Assemblée nationale