Un jugement prononcé par le Conseil National de l’Ordre (section disciplinaire) c’est-à-dire avec présence d’un membre du Conseil d’Etat annule la décision du Conseil Départemental de l’Ordre des Bouches-du-Rhône et fait jurisprudence.
Rappel des faits
Une plainte est déposée auprès du Conseil Départemental de l’Ordre par une patiente du docteur X (psychiatre et psychanalyste) traitée depuis 7 ans d’abord en psychothérapie c’est-à-dire avec des feuilles de soins ensuite en psychanalyse ce qui suppose l’adhésion du patient "au cadre" de la psychanalyse.
Il va de soi qu’une cure analytique ne peut être envisagée qu’avec l’adhésion et la demande du patient, le praticien se devant de poser les indications de ladite cure.
La patiente vient régulièrement à raison du nombre de séances convenues chez son analyste.
Elle est allongée sur le divan.
Elle paie l’analyse "en liquide" au prix convenu.
Elle ne doit pas y avoir de tiers, et donc il n’est pas délivré de feuille de soins.
Dès lors Monsieur X est donc dans cette relation, Psychanalyste.
Il le sera pendant les sept années où il aura à conduire un travail très difficultueux. Au terme de ces sept années, la patiente dépose la plainte qui est l’objet de cette procédure, et reproche à son analyste :
- de s’être montré vis-à-vis de lui "agressif, odieux, allant jusqu’à le brutaliser le 9/11/1993",
- d’avoir refusé de lui établir les feuilles de soins,
- d’avoir exigé le paiement en espèces,
- de le harceler pour qu’il retire sa plainte auprès du Conseil Départemental de l’Ordre des Bouches-du-Rhône.
Décision de 1ère instance :
Le docteur X assuré d’avoir établi le cadre qui convenait au cas de sa patiente et assuré de son éthique est allé seul se défendre devant le Conseil de l’Ordre sans demander l’appui d’un avocat ni le soutien du S.N.P.P.
Le Conseil de l’Ordre n’a pas retenu les éléments relatifs à des brutalités ou l’agressivité du praticien, ces éléments étant le fruit de l’imagination et de la pathologie de la patiente ayant à l’égard de son analyste une réaction dite de "transfert négatif", ce qui l’a conduit à interrompre son analyse.
Le Conseil de l’Ordre a, en revanche, prononcé une sanction d’interdiction d’exercer la médecine pendant trois mois. Cette décision repose sur deux points :
- Monsieur X n’a pas délivré de feuilles de soins et aurait exigé un paiement en espèces,
- Concurrence déloyale, pour avoir pratiqué des honoraires inférieurs au CNPsy.
Le docteur X a décidé de ne pas s’en tenir à ce jugement et a fait appel auprès du Conseil National de l’Ordre et a demandé l’appui de notre syndicat en la personne de notre président et l’assistance d’un avocat.
Décision du Conseil National de l’Ordre section disciplinaire
- Annulation du jugement en 1ère instance
Nous devons une reconnaissance particulière tout d’abord au docteur X, qui par sa ténacité a bien œuvré pour nous tous psychiatres, psychanalystes en fournissant un mémoire argumentant sur les nécessités techniques qu’exige la psychanalyse.
Il fait appel au soutien du SNPP qui décide de le soutenir : en effet, les bases de notre syndicat reposent entre autre sur les théories nourries par l’éthique de la psychanalyse.
Pendant le procès, il était manifeste que le jury connaissait à peine le mot "psychanalyse" et de là à obtenir une condamnation pour charlatanisme il n’y avait qu’un pas.
Les trois protagonistes de l’appel ont suscité l’intérêt de la Présidente du jury d’en savoir plus avant de se prononcer. Une demande d’information a été adressée au Ministère de la Solidarité et aux différentes associations de psychanalyse.
- Complément d’information :
La question précise posée au Ministère sur la "possibilité" pour un médecin qui procède à des séances de psychanalyse, de transmettre une feuille de soins à son patient en indiquant ses honoraires, alors que ceux-ci ne sont pas pris en charge.
Le Ministère répond le 07/05/2001 :
"Selon les dispositions du Code de la Sécurité sociale (articles L 161-33, R 161-39 etc.) les feuilles de soins sont au nombre des documents permettant l’ouverture du droit aux prestations de l’Assurance Maladie.
Il résulte de ces dispositions que les feuilles de soins n’ont donc pas vocation à être délivrées si les actes effectués ne sont pas remboursables.
En l’espèce, les séances de psychanalyse ne sont pas inscrites à la nomenclature générale des actes des professionnels, et donc ne peuvent être prises en charge par l’Assurance Maladie.
La délivrance de feuilles de soins par le praticien même sous la pression du patient comme vous l’évoquez, ne pourrait que conduire à assimiler la feuille de soins à une possiblité de remboursement"…
Ainsi notre argumentation sur la non-délivrance de feuilles est-elle confortée par la réponse du Ministère qui précise de ce fait le champ propre à la psychanalyse.
- la 2ème question qui est celle du paiement, le Ministère répond :
"Si le patient le demande, le médecin doit remettre un reçu pour le montant des honoraires qu’il encaisse, si ce montant est supérieur à 100 F, conformément à l’arrêté 83-50 du 3/10/83 relatif à tous les services".
Sur ce point également la réponse du Ministère conforte notre argumentation, montre amplement que notre mode de paiement, et le montant des honoraires, n’étaient en rien sujet à critique, et surtout pas sur le point de la "concurrence".
Les éclaircissements officiels produits par le Ministère, dans leur lettre du 07/05/2001 permettront au Conseil de l’Ordre de dire et de juger que le docteur X n’a en rien contrevenu aux règles de la pratique analytique, et en rien contrevenu à la déontologie, comme nous l’avions développé dans notre précédent mémoire.
Le Code de Déontologie médicale précise, en son article 53, "le médecin ne peut refuser un acquis des sommes perçues"…
Ce qui implique que le patient le demande ce qui est rarement le cas.
Examen de cette décision
Ce jugement qui fait jurisprudence va soulager nombre de nos confrères qui jusque-là travaillaient dans l’éthique de la psychanalyse mais dans le malaise et espérant ne pas avoir de problèmes avec l’Ordre des Médecins ce qui les mettait à l’égard des patients dans une position inconfortable surtout en cas de difficultés transférentielles ce qui fut le cas de notre confrère. Ce qui se pratiquait "sous le manteau" peut se soutenir maintenant dans une position affirmée qui ne peut être que bénéfique à notre pratique d’analyste.
Il en découle une reconnaissance de la psychanalyse exercée par un psychiatre dans son exercice libéral, c’est dire la possibilité de faire un acte non psychiatrique mais à visée de soins ceci le rend conforme à la déontologie médicale sans être en contradiction avec l’éthique de la psychanalyse.
De facto, il existe une possibilité d’une psychanalyse laïque ne relevant pas d’un acte médical.
Merci donc à notre collègue et à notre syndicat, d’avoir su soutenir cette position du désir d’analyste qui ne supporte aucune compromission.
C’est cette position de désir allié à l’éthique de bien dire qui vraisemblablement a ébranlé le Conseil National de l’Ordre souvent figé dans des réglementations tatillonnes.
Si la Loi est la condition du désir, les lois et les divers règlements peuvent en être son extinction : dans notre profession psychiatre ou psychanalyste nous savons bien que c’est avec cela que nous travaillons c’est ce qui fait notre efficacité et qui nécessite pour nous une liberté d’acte.
Françoise FABRE
Site SNPP
Rappel des faits
Une plainte est déposée auprès du Conseil Départemental de l’Ordre par une patiente du docteur X (psychiatre et psychanalyste) traitée depuis 7 ans d’abord en psychothérapie c’est-à-dire avec des feuilles de soins ensuite en psychanalyse ce qui suppose l’adhésion du patient "au cadre" de la psychanalyse.
Il va de soi qu’une cure analytique ne peut être envisagée qu’avec l’adhésion et la demande du patient, le praticien se devant de poser les indications de ladite cure.
La patiente vient régulièrement à raison du nombre de séances convenues chez son analyste.
Elle est allongée sur le divan.
Elle paie l’analyse "en liquide" au prix convenu.
Elle ne doit pas y avoir de tiers, et donc il n’est pas délivré de feuille de soins.
Dès lors Monsieur X est donc dans cette relation, Psychanalyste.
Il le sera pendant les sept années où il aura à conduire un travail très difficultueux. Au terme de ces sept années, la patiente dépose la plainte qui est l’objet de cette procédure, et reproche à son analyste :
- de s’être montré vis-à-vis de lui "agressif, odieux, allant jusqu’à le brutaliser le 9/11/1993",
- d’avoir refusé de lui établir les feuilles de soins,
- d’avoir exigé le paiement en espèces,
- de le harceler pour qu’il retire sa plainte auprès du Conseil Départemental de l’Ordre des Bouches-du-Rhône.
Décision de 1ère instance :
Le docteur X assuré d’avoir établi le cadre qui convenait au cas de sa patiente et assuré de son éthique est allé seul se défendre devant le Conseil de l’Ordre sans demander l’appui d’un avocat ni le soutien du S.N.P.P.
Le Conseil de l’Ordre n’a pas retenu les éléments relatifs à des brutalités ou l’agressivité du praticien, ces éléments étant le fruit de l’imagination et de la pathologie de la patiente ayant à l’égard de son analyste une réaction dite de "transfert négatif", ce qui l’a conduit à interrompre son analyse.
Le Conseil de l’Ordre a, en revanche, prononcé une sanction d’interdiction d’exercer la médecine pendant trois mois. Cette décision repose sur deux points :
- Monsieur X n’a pas délivré de feuilles de soins et aurait exigé un paiement en espèces,
- Concurrence déloyale, pour avoir pratiqué des honoraires inférieurs au CNPsy.
Le docteur X a décidé de ne pas s’en tenir à ce jugement et a fait appel auprès du Conseil National de l’Ordre et a demandé l’appui de notre syndicat en la personne de notre président et l’assistance d’un avocat.
Décision du Conseil National de l’Ordre section disciplinaire
- Annulation du jugement en 1ère instance
Nous devons une reconnaissance particulière tout d’abord au docteur X, qui par sa ténacité a bien œuvré pour nous tous psychiatres, psychanalystes en fournissant un mémoire argumentant sur les nécessités techniques qu’exige la psychanalyse.
Il fait appel au soutien du SNPP qui décide de le soutenir : en effet, les bases de notre syndicat reposent entre autre sur les théories nourries par l’éthique de la psychanalyse.
Pendant le procès, il était manifeste que le jury connaissait à peine le mot "psychanalyse" et de là à obtenir une condamnation pour charlatanisme il n’y avait qu’un pas.
Les trois protagonistes de l’appel ont suscité l’intérêt de la Présidente du jury d’en savoir plus avant de se prononcer. Une demande d’information a été adressée au Ministère de la Solidarité et aux différentes associations de psychanalyse.
- Complément d’information :
La question précise posée au Ministère sur la "possibilité" pour un médecin qui procède à des séances de psychanalyse, de transmettre une feuille de soins à son patient en indiquant ses honoraires, alors que ceux-ci ne sont pas pris en charge.
Le Ministère répond le 07/05/2001 :
"Selon les dispositions du Code de la Sécurité sociale (articles L 161-33, R 161-39 etc.) les feuilles de soins sont au nombre des documents permettant l’ouverture du droit aux prestations de l’Assurance Maladie.
Il résulte de ces dispositions que les feuilles de soins n’ont donc pas vocation à être délivrées si les actes effectués ne sont pas remboursables.
En l’espèce, les séances de psychanalyse ne sont pas inscrites à la nomenclature générale des actes des professionnels, et donc ne peuvent être prises en charge par l’Assurance Maladie.
La délivrance de feuilles de soins par le praticien même sous la pression du patient comme vous l’évoquez, ne pourrait que conduire à assimiler la feuille de soins à une possiblité de remboursement"…
Ainsi notre argumentation sur la non-délivrance de feuilles est-elle confortée par la réponse du Ministère qui précise de ce fait le champ propre à la psychanalyse.
- la 2ème question qui est celle du paiement, le Ministère répond :
"Si le patient le demande, le médecin doit remettre un reçu pour le montant des honoraires qu’il encaisse, si ce montant est supérieur à 100 F, conformément à l’arrêté 83-50 du 3/10/83 relatif à tous les services".
Sur ce point également la réponse du Ministère conforte notre argumentation, montre amplement que notre mode de paiement, et le montant des honoraires, n’étaient en rien sujet à critique, et surtout pas sur le point de la "concurrence".
Les éclaircissements officiels produits par le Ministère, dans leur lettre du 07/05/2001 permettront au Conseil de l’Ordre de dire et de juger que le docteur X n’a en rien contrevenu aux règles de la pratique analytique, et en rien contrevenu à la déontologie, comme nous l’avions développé dans notre précédent mémoire.
Le Code de Déontologie médicale précise, en son article 53, "le médecin ne peut refuser un acquis des sommes perçues"…
Ce qui implique que le patient le demande ce qui est rarement le cas.
Examen de cette décision
Ce jugement qui fait jurisprudence va soulager nombre de nos confrères qui jusque-là travaillaient dans l’éthique de la psychanalyse mais dans le malaise et espérant ne pas avoir de problèmes avec l’Ordre des Médecins ce qui les mettait à l’égard des patients dans une position inconfortable surtout en cas de difficultés transférentielles ce qui fut le cas de notre confrère. Ce qui se pratiquait "sous le manteau" peut se soutenir maintenant dans une position affirmée qui ne peut être que bénéfique à notre pratique d’analyste.
Il en découle une reconnaissance de la psychanalyse exercée par un psychiatre dans son exercice libéral, c’est dire la possibilité de faire un acte non psychiatrique mais à visée de soins ceci le rend conforme à la déontologie médicale sans être en contradiction avec l’éthique de la psychanalyse.
De facto, il existe une possibilité d’une psychanalyse laïque ne relevant pas d’un acte médical.
Merci donc à notre collègue et à notre syndicat, d’avoir su soutenir cette position du désir d’analyste qui ne supporte aucune compromission.
C’est cette position de désir allié à l’éthique de bien dire qui vraisemblablement a ébranlé le Conseil National de l’Ordre souvent figé dans des réglementations tatillonnes.
Si la Loi est la condition du désir, les lois et les divers règlements peuvent en être son extinction : dans notre profession psychiatre ou psychanalyste nous savons bien que c’est avec cela que nous travaillons c’est ce qui fait notre efficacité et qui nécessite pour nous une liberté d’acte.
Françoise FABRE
Site SNPP