Lettre à
Monsieur Jean-Marc Ayrault
Premier Ministre
Objet : financement de la mesure de gratification des stages
Copie à :
Madame Genviève Fioraso, Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche
Monsieur Michel Sapin, Ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social
Madame Marisol Touraine, Ministre des affaires sociales et de la santé
Paris, le 19 octobre 2013
Monsieur le Premier Ministre, mesdames et messieurs les Ministres,
Nous soutenons que le principe d’une gratification des stagiaires constitue un réel progrès quant à la construction d’un avenir responsable. Il vient d’une part renforcer la situation souvent précaire des étudiants, force active de la nation et du futur proche, mais aussi constitue une réelle reconnaissance de l’importance de l’application pratique des enseignements, encadrée par des professionnels avérés.
Pour autant, nous nous permettons de vous alerter de la situation plus que préoccupante des étudiants en psychologie, mais aussi de l’ensemble des formations en alternance des secteurs non marchands, notamment ceux qui concernent directement l’être humain, sa santé, son bien-être et son existence. Sont concernées les formations relevant de l’enseignement supérieur en psychologie, travail social, orthophonie, éducation spécialisée, les étudiants en soins infirmiers ayant été exclu de manière incompréhensible de cette mesure par une circulaire de la DGOS en 2011...
Néanmoins, chaque loi se voit soumise à l’obligation de prévoir ses conséquences budgétaires.
Dans le cas présent, aucune évaluation n’a été effectuée de ce que cette mesure engendrerait pour les établissements, les institutions, les associations participant à l’accueil des étudiants. Pis encore, aucune mention n’est fait du financement déjà existant de ces structures quant au temps de travail rétribué que le professionnel encadrant consacre à cette formation.
L’absence des financements nécessaires provoque une situation paradoxale qui ne peux nullement être résolue. Pis encore, elle empêche les étudiants en psychologie de terminer le cursus, d’obtenir leur diplôme, donc de pouvoir porter le titre de psychologue, obligation faite par la loi de 1985 et les textes d’application.
Comme le précise l’arrêté du 19 mai 2006, l’étudiant en psychologie se doit d’accomplir « un stage professionnel d’une durée minimale de 500 heures... » pendant la période du master. Un travail en continuité avec le référent professionnel du stage est réparti sur toute l’année universitaire, et c’est cette continuité qui est la garantie d’une réelle application de la formation fondamentale reçue à l’université.
Elle est la base du travail d’un psychologue qui selon les textes officiels « oeuvre à l’autonomie de la personnalité », et par conséquent, ne peut se faire que dans la continuité.
De même, l’exercice professionnel qui comporte « l’exercice des fonctions, la conception des méthodes et la mise en oeuvre des techniques (décrets portant statut particulier des psychologues des différentes fonctions publiques) issue de la formation qu’ils ont reçue », la contribution « à la détermination, à l’indication et à la réalisation d’actions préventives et curatives » la collaboration aux projets thérapeutiques et éducatifs tans sur le plan individuel qu’institutionnel », nécessite un temps destiné à « l’élaboration, la réalisation et l’évaluation de leur action », prévu par les textes. Ce temps allant jusqu’au 1/3 du temps de travail (circulaire du 30 avril 2012) comporte un travail d’évaluation prenant en compte la dimension personnelle du psychologue, l’actualisation des connaissances, la participation, l’impulsion, la réalisation et la communication de travaux de recherche, la participation et la collaboration aux formations et l’accueil des étudiants-stagiaires.
On comprend bien comment cela se situe dans la suite de la formation appliquée des étudiants en psychologie sous l’égide de deux préalables, le temps chronologique que l’on y consacre et la continuité de ces enseignements qui est le temps psychique même.
Or, ce qui est vécu comme une injonction de l’Etat, paradoxale du fait du non-financement, vient s’opposer à la réalisation du projet professionnel. D’innombrables établissements, institutions, associations ont d’ores et déjà renoncé à accueillir ces étudiants, faute de moyens. Les étudiants et les responsables des facultés de psychologie nous alertent de ces refus qui semblent atteindre jusqu’à 70 % des effectifs.
Les efforts financiers qui ont été effectués ces trois dernières années (circulaires respectives) ne concernent que les établissements et les services médico-sociaux accueillant des personnes handicapées et des personnes âgées pour lesquels la campagne budgétaire prévoit des possibilités de financement sous forme de crédits de financement destinés à couvrir le coût des gratifications des stages dans le cadre de la formation des travailleurs sociaux, des crédits non reconductibles fléchés au niveau national, dans le champ des personnes handicapées ou encore des dotations régionales limitatives dégagées par les ARS pour leur financement.
Pour quelles raisons rien de tel n'a été prévu pour les établissements de la fonction publique hospitalière qui pourtant accueille le plus grand nombre d'étudiants, fussent ils du domaine de la psychologie ou des autres disciplines des sciences humaines ou paramédicales ?
Par la présente, nous avons souhaité porter à votre connaissance aussi bien une explication de l’importance de la formation appliquée sans laquelle un exercice professionnel n’est pas possible, que la situation induite par cette injonction paradoxale dont l’intention est louable, pour autant qu’elle soit réalisable.
Nous vous demandons de mettre en place de manière urgente des financements afin de réaliser les mesures prévues par la loi.
Dans cette attente, nous restons à votre disposition pour toute information utile et vous prions d’agréer, Monsieur le Premier ministres, Mesdames et Messieurs les Ministres, l’expression de nos salutations distinguées.
Dr Senja STIRN
Docteur ès Psychologie
P/O Réseau national des psychologues
Références :
Formation et Titre de psychologue
L’article 44 de la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre social. (Titre de psychologue).
Décrets portant statut particulier des psychologues des trois fonctions publiques et notamment le décret n° 91-129 du 31 janvier 1991 portant statut particulier des psychologues de la fonction publique hospitalière.
Stages (régime général)
- Code de l'éducation : articles L612-8 à L612-14
- LOI n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche
Stages dans la fonction publique de l’Etat
Stages dans la fonction publique territoriale et dans la fonction publique hospitalière
- Circulaire du 4 novembre 2009 relative aux modalités d’accueil des étudiants de l’enseignement supérieur en stage dans les collectivités territoriales et leurs établissements publics ne présentant pas un caractère industriel et commercial
- Décret n°2001-654 du 19 juillet 2001 fixant les conditions et les modalités de règlements des frais occasionnés par les déplacements de personnels des collectivités locales et établissements publics mentionnés à l’article 2 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.
- Décret n°92-566 du 25 juin 1992 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements des fonctionnaires et agents relevant de la fonction publique hospitalière sur le territoire métropolitain de la France.
Stages dans le privé : en entreprise, association...
- Décret no 2008-96 du 31 janvier 2008 relatif à la gratification et au suivi des stages en entreprise
- Article 30, loi du 24 novembre 2009 sur l'orientation et la formation professionnelle tout au long de la vie
Etablissements et services médico-sociaux