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L'espace européen de la recherche: nouvelle perspectives, Délégation europ. AN, 21/11/2007


Rédigé le Mardi 27 Novembre 2007 à 23:30 | Lu 559 commentaire(s)



I. Communication de M. Daniel Garrigue sur le Livre vert « L’espace européen de la recherche : nouvelles perspectives » (E 3501)

M. Daniel Garrigue, rapporteur, a indiqué que le Livre vert était un document important, s’inscrivant dans le cadre de la préparation du prochain cycle de la stratégie de Lisbonne qui doit s’ouvrir en 2008. L’objectif de création d’un espace européen de la recherche approuvé en 2000 lors du Conseil européen de Lisbonne, a trois composantes : créer un « marché commun » de la recherche et de l'innovation, permettant la libre circulation des connaissances, des chercheurs et des technologies ; améliorer la coordination des politiques et des activités nationales de recherche ; mettre en œuvre et financer des initiatives au niveau européen.

Le Livre vert a été publié le 4 avril 2007, en vue de servir de base à un débat institutionnel et public sur les moyens d’approfondir et d’élargir l’espace européen de la recherche. A partir de cette consultation, la Commission souhaite proposer des initiatives pour 2008.

La Commission affirme une réelle volonté de donner une nouvelle impulsion à l’espace européen de la recherche.

Elle propose de développer l’espace européen de la recherche autour de six grands axes.

Elle souligne d’abord la nécessité de réaliser un marché du travail unique pour les chercheurs, avec un niveau élevé de mobilité entre institutions, disciplines, secteurs et pays, cette mobilité étant encore plus importante que pour d’autres professions car elle a des répercussions sur la circulation des connaissances et l’innovation. La Commission rappelle aussi que les conditions de travail et les possibilités de carrière des chercheurs sont bien moins favorables qu’aux Etats-Unis, ce qui conduit de nombreux diplômés à quitter l’Union européenne.

La Commission met ensuite l’accent sur le développement d’infrastructures de recherche d’envergure mondiale, intégrées, mises en réseau et accessibles aux chercheurs de toute l’Europe et du reste du monde. Elle souligne cependant que le budget du 7ème programme-cadre de recherche et développement (PCRD) ne permettra pas de financer la mise en œuvre de la feuille de route des infrastructures prioritaires identifiées en 2006 par le forum stratégique européen sur les infrastructures de recherche (ESFRI), qui coûterait 14 milliards d’euros sur 10 ans. Un cofinancement sera donc nécessaire.

La troisième priorité est l’existence d’excellentes institutions de recherche, engagées dans une coopération et des partenariats public-privé efficaces. La Commission souhaite la constitution de communautés de recherche virtuelles européennes.

La Commission veut favoriser un véritable partage des connaissances, entre la recherche publique et les entreprises, mais aussi avec le public. Elle exprime sa déception sur le blocage du brevet communautaire et sa volonté pragmatique d’avancer sur le brevet européen.

La Commission entend promouvoir des principes communs et l’ouverture réciproque des programmes nationaux et régionaux, développer les réflexions communes sur les grands enjeux et améliorer l’articulation entre la recherche communautaire et les actions des organismes de recherche intergouvernementaux.

Enfin, elle se prononce pour une approche cohérente de la coopération scientifique et technologique internationale, en distinguant les coopérations avec les pays voisins, les pays en développement et les pays industrialisés et émergents.

Si l’on veut que cette volonté aboutisse, il faut aller au-delà des propositions de la Commission, tant du côté des Etats membres que de l’Union européenne.

Le Livre vert contient de nombreux éléments positifs. Parmi les points intéressants on peut citer la référence aux infrastructures de recherche et au programme défini par le forum ESFRI pour la mise en œuvre d’infrastructures de recherche d’envergure mondiale ; l’importance donnée aux infrastructures électroniques (avec l’exemple des banques de données et des réseaux à grande vitesse tels que GEANT et les technologies Grid) ; les efforts de coordination des programmes nationaux de recherche dans le cadre des actions ERA-Net, qui ont beaucoup progressé et s’affirment désormais comme un instrument essentiel de la recherche européenne ; la réflexion sur le système des publications scientifiques, bien qu’il soit nécessaire de rester vigilant sur la question des droits de propriété intellectuelle ; le soutien au brevet européen et à son amélioration ; la nécessité de développer les partenariats public-privé ; la volonté d’ouverture vers l’extérieur avec pour objectif l’excellence en matière de recherche, la coopération avec les pays en voie de développement.

Il est cependant nécessaire d’aller au-delà des propositions de la Commission, tant du côté des Etats membres que de celui de l’Union européenne.

Il convient d’abord que les Etats membres se sentent plus fortement impliqués. Plusieurs aspects développés dans le Livre vert relèvent en effet des politiques nationales : l’autonomie des institutions de recherche et notamment des universités, la mobilité des chercheurs.

Si les récentes réformes de l’université intervenues en France vont dans le bon sens, les conditions pour permettre une mobilité élevée des chercheurs, et notamment pour attirer les chercheurs étrangers doivent encore être améliorées, notamment en ce qui concerne les possibilités de contractualisation.

Il serait nécessaire de faire un diagnostic critique de la stratégie de Lisbonne, dont l’espace européen de la recherche est une composante importante. La part proprement européenne de la stratégie de Lisbonne devrait être renforcée car cette stratégie repose actuellement trop sur les Etats membres, et elle devrait être plus volontariste.

L’Union européenne devrait mieux définir les contours de certains outils. Ainsi, les rôles respectifs des réseaux d’excellence du PCRD, des communautés de recherche virtuelles et des centres d’excellence proposés dans le Livre vert, ou encore des communautés de la connaissance et de l’innovation du futur Institut européen de technologie, devraient être précisés.

L’intérêt du recours à l’article 169 du traité CE (relatif à la participation de l'Union européenne à des programmes de R&D entrepris par plusieurs Etats membres) devrait aussi faire l’objet de précisions. Cette procédure n’a été pour l’instant appliquée qu’une seule fois.

Au-delà du PCRD, il convient d’assurer une meilleure articulation entre instruments européens et instruments nationaux.

Le principal instrument de la politique européenne de recherche est le PCRD. Actuellement le 7ème PCRD représente un budget de 50,5 milliards d’euros pour la période 2006-2013. La France participe activement au PCRD, qui fonctionne à partir d’appels à projets dans différentes thématiques de recherche et différents instruments de coopération.

Au-delà de cette coopération, le rôle de la coordination des politiques nationales est fondamental, l’essentiel de l’effort de recherche européen relevant des Etats membres. La recherche est actuellement une compétence d’appui de l’Union, appelée à devenir une compétence partagée dans le traité modificatif.

Une meilleure articulation entre instruments de recherche nationale et instruments européens est donc nécessaire, par exemple entre le Conseil européen de la recherche, créé dans le 7ème PCRD afin de financer la recherche fondamentale, et l’Agence nationale de la recherche en France, qui fonctionne également sur le principe de l’appel à projet.

L’affirmation de priorités de recherche au niveau européen est nécessaire. En effet, l’un des faits importants résidera dans l’affirmation de vraies priorités communes à l’échelle de l’Europe. On a déjà souligné, et les rapports de la Cour des comptes s’en sont fait l’écho sur les sciences du vivant et sur les STIC (technologies de l’information et de la communication), la difficulté d’affirmer et de tenir désormais de véritables priorités dans un cadre purement national. Le champ de plus en plus illimité de la recherche et le cadre nécessairement plus étroit des moyens budgétaires y entrent inévitablement en conflit.

Ce n’est qu’à l’échelle de l’Europe, et autour d’un nombre plus ouvert de priorités que cette contradiction pourrait être surmontée. Les discussions actuellement en cours sur Galileo – et qui mettent en jeu financement communautaire, transfert de ressources inutilisées sur d’autres budgets, et principe intergouvernemental du juste retour – sont bien au cœur de cette problématique. On doit souhaiter qu’elles aboutissent positivement et ouvrent ainsi de nouveaux champs d’action.

Dans le domaine de l’énergie, l’initiative pour élaborer un plan stratégique européen pour la technologie énergétique est un exemple intéressant. L’Europe de la défense, qui sera évoquée tout à l’heure, est également un enjeu important car elle peut contribuer à augmenter l’effort de recherche.

Enfin, le Livre vert ne fait pas référence au programme pour l’innovation et la compétitivité, qui relève du commissaire aux entreprises M. Günter Verheugen, ce qui pose la question de la cohérence des différents projets au sein de la Commission.

M. Jacques Myard, après avoir rappelé que la recherche diffuse au niveau mondial, s’est déclaré en désaccord avec le fait de définir la politique européenne de la recherche au travers du budget européen. Cela risque d’entraîner des revendications de chaque Etat d’en disposer d’une part, alors qu’à l’exception de pays comme la Finlande, en pointe sur les télécommunications, seuls les « grands » pays comme l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France ont une recherche importante.

Il faut certes avoir dans ce domaine une approche commune et l’Europe doit engager un effort très important dans un certain nombre de domaines, et notamment dans les sciences du vivant. Mais il faut laisser les pays agir pour éviter le saupoudrage et la stratégie européenne ne doit pas passer par le budget. Il est nécessaire d’avoir dans chacun des domaines un chef de file incontesté, qui sera issu de quatre ou cinq pays, et de mobiliser l’argent le plus près possible de la dépense.

Après avoir souligné que sur les vingt-trois secteurs déterminés comme étant ceux du XXIe siècle par une étude parue récemment aux Etats-Unis, la France était leader dans dix-sept, il a noté que la recherche était financée aux Etats-Unis non seulement par le Pentagone mais aussi par les Etats.

M. Daniel Garrigue a répondu que la recherche est, plus que jamais, transnationale et ne peut plus être appréhendée au niveau national.

Il importe donc d’être présent là où il y a des enjeux très forts et si l’Europe veut exister en tant que telle, il lui faut la maîtrise d’un certain nombre de techniques et la volonté d’affirmer des priorités.

Il est donc nécessaire d’échapper au cadre national à l’intérieur duquel on ne peut arriver à la masse critique : définir des priorités au niveau européen avec des masses de financement cohérentes s’impose donc.

Il a conclu son intervention en soulignant que l’élément moteur de la recherche aux Etats-Unis était les financements du Pentagone et des grandes agences.

Puis la Délégation a pris acte de ce Livre vert.


Délégation pour l’Union européenne
mercredi 21 novembre 2007
16 h 15
Compte rendu n° 19

Source : Assemblée nationale, France



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