Six mois après son entrée en fonctions à la tête de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), Georges Fenech devrait recevoir dans les prochains jours sa feuille de route officielle du premier ministre, dont il dépend.
S'il n'a pas encore obtenu les derniers arbitrages, l'ancien député a une idée précise des contours qu'il entend donner à la lutte contre les dérives sectaires en France, qu'il souhaite "plus active et plus opérationnelle".
Ses orientations continuent de susciter des craintes.
Ainsi, l'ancien député propose d'établir un "référentiel" des mouvements sur lesquels la Miviludes a été alertée. "Ce n'est en aucun cas une liste au sens de celle de 1995 (publiée par une commission d'enquête parlementaire, elle listait 173 mouvements)", précise-t-il pour parer à toute polémique. "Il s'agit de publier la liste des dossiers que nous avons eu à traiter, avec une description des pratiques qui présentent un danger, et en donnant un droit de réponse aux mouvements mis en cause. Notre volonté est de prévenir le public, pas de stigmatiser les organisations."
"TRIBUNAL D'EXCEPTION"
Destiné à garantir "le respect du contradictoire", ce droit de réponse constitue une nouveauté par rapport aux projets précédents. Il ne suffit pas à rassurer les opposants au principe même d'une liste. "Qu'est-ce qui autorise à dénoncer un groupe entier quand les dérives ne concernent que des individus ?", interroge l'anthropologue Nathalie Luca, auteur d'Individus et pouvoirs face aux sectes (Armand Colin, 2008). "Ce procédé n'existe qu'en France. On s'autorise sur les "sectes" ce que l'on s'interdit pour d'autres organisations."
Mêmes réserves au ministère de l'intérieur qui, au nom de "la liberté de conscience", préfère une politique axée sur la répression d'infractions pénales avérées à la stigmatisation de mouvements potentiellement sectaires. Le ministère propose d'établir "un recensement des infractions pénales".
"Mais la dérive sectaire ne se réduit pas aux enquêtes pénales", défend M. Fenech. "Nous recevons des témoignages de familles dévastées (dans lesquelles des membres ont été victimes d'emprise sectaire), sans pour autant qu'il y ait plainte en justice."
Dans ce dossier, des mouvements évangéliques sont régulièrement montrés du doigt, Claude Baty, le président de la Fédération protestante de France, craint que ce référentiel ne produise des "dérives inacceptables" ; il espère rencontrer le premier ministre dans les prochains jours pour lui faire part de ses inquiétudes. "Si un mouvement transgresse la loi, l'arsenal juridique existant est suffisant pour le poursuivre ; nous n'avons pas besoin de tribunal d'exception", estime-t-il.
Le souhait de M. Fenech de créer une "cellule d'intervention mobile" composée de policiers, gendarmes, médecins, psychologues, au sein de la Miviludes, a été jugé peu opportun par le ministère de la justice et rejeté par celui de l'intérieur. Qualifiée de "police des sectes" par ses détracteurs, cette équipe d'experts pourrait désormais être abritée par un ministère. "Elle renforcerait les structures existantes, tout en travaillant en articulation avec la Miviludes", assure M. Fenech.
Le rapport annuel de la Mission sera publié le 19 mai ; il devrait insister sur les dérives sectaires dans les pratiques de psychothérapie. Chaque ministère y affichera ses objectifs en matière de lutte contre les dérives sectaires ; celui de l'éducation nationale devra notamment établir "un recensement des enfants instruits dans les familles".
Stéphanie Le Bars
LE MONDE | Article paru dans l'édition du 07.04.09
S'il n'a pas encore obtenu les derniers arbitrages, l'ancien député a une idée précise des contours qu'il entend donner à la lutte contre les dérives sectaires en France, qu'il souhaite "plus active et plus opérationnelle".
Ses orientations continuent de susciter des craintes.
Ainsi, l'ancien député propose d'établir un "référentiel" des mouvements sur lesquels la Miviludes a été alertée. "Ce n'est en aucun cas une liste au sens de celle de 1995 (publiée par une commission d'enquête parlementaire, elle listait 173 mouvements)", précise-t-il pour parer à toute polémique. "Il s'agit de publier la liste des dossiers que nous avons eu à traiter, avec une description des pratiques qui présentent un danger, et en donnant un droit de réponse aux mouvements mis en cause. Notre volonté est de prévenir le public, pas de stigmatiser les organisations."
"TRIBUNAL D'EXCEPTION"
Destiné à garantir "le respect du contradictoire", ce droit de réponse constitue une nouveauté par rapport aux projets précédents. Il ne suffit pas à rassurer les opposants au principe même d'une liste. "Qu'est-ce qui autorise à dénoncer un groupe entier quand les dérives ne concernent que des individus ?", interroge l'anthropologue Nathalie Luca, auteur d'Individus et pouvoirs face aux sectes (Armand Colin, 2008). "Ce procédé n'existe qu'en France. On s'autorise sur les "sectes" ce que l'on s'interdit pour d'autres organisations."
Mêmes réserves au ministère de l'intérieur qui, au nom de "la liberté de conscience", préfère une politique axée sur la répression d'infractions pénales avérées à la stigmatisation de mouvements potentiellement sectaires. Le ministère propose d'établir "un recensement des infractions pénales".
"Mais la dérive sectaire ne se réduit pas aux enquêtes pénales", défend M. Fenech. "Nous recevons des témoignages de familles dévastées (dans lesquelles des membres ont été victimes d'emprise sectaire), sans pour autant qu'il y ait plainte en justice."
Dans ce dossier, des mouvements évangéliques sont régulièrement montrés du doigt, Claude Baty, le président de la Fédération protestante de France, craint que ce référentiel ne produise des "dérives inacceptables" ; il espère rencontrer le premier ministre dans les prochains jours pour lui faire part de ses inquiétudes. "Si un mouvement transgresse la loi, l'arsenal juridique existant est suffisant pour le poursuivre ; nous n'avons pas besoin de tribunal d'exception", estime-t-il.
Le souhait de M. Fenech de créer une "cellule d'intervention mobile" composée de policiers, gendarmes, médecins, psychologues, au sein de la Miviludes, a été jugé peu opportun par le ministère de la justice et rejeté par celui de l'intérieur. Qualifiée de "police des sectes" par ses détracteurs, cette équipe d'experts pourrait désormais être abritée par un ministère. "Elle renforcerait les structures existantes, tout en travaillant en articulation avec la Miviludes", assure M. Fenech.
Le rapport annuel de la Mission sera publié le 19 mai ; il devrait insister sur les dérives sectaires dans les pratiques de psychothérapie. Chaque ministère y affichera ses objectifs en matière de lutte contre les dérives sectaires ; celui de l'éducation nationale devra notamment établir "un recensement des enfants instruits dans les familles".
Stéphanie Le Bars
LE MONDE | Article paru dans l'édition du 07.04.09