POSITION DES PSYCHOLOGUES FREUDIENS AU SUJET DES ENTRETIENS DE LA PSYCHOLOGIE organisés par la FFPP
L’Association des Psychologues Freudiens ne participera pas aux Entretiens de la Psychologie, organisés par la Fédération Française des Psychologues et de Psychologie (FFPP) les 23, 24 et 25 avril.
L'Association des Psychologues Freudiens met dès maintenant en oeuvre des moyens inédits pour faire valoir que la clinique sous transfert ne disparaîtra pas au profit des protocoles, ou méthodes standardisées. Elle accueille tous ceux qui veillent aux conditions nécessaires à l'exercice de leur profession ceci dans le respect de son indépendance qui est une condition sine qua non de sa dignité. Elle souligne le danger qu'il y aurait à penser que les hypothèses cliniques de certains ou leurs résultats plus ou moins provisoires devraient être non seulement mis automatiquement à la disposition de supposés chercheurs autres qu'eux-mêmes mais présentés comme vérités imposables à tous.
Nous, qui nous orientons de Freud et d'une clinique freudienne, du cas par cas, de la rencontre avec un sujet écouté dans sa singularité, ne nous reconnaissons pas dans cette assemblée d’experts .
Voici nos arguments étayés :
Ces Entretiens sont inscrits dès le départ dans les statuts de la FFPP. Dans un numéro récent du Bulletin du Syndicat National des Psychologues « Psychologues et Psychologie » le Secrétaire général de la FFPP affirme que « l’idée d’une organisation rassemblant et confrontant les praticiens et les universitaires est indissociable de celle des Entretiens…C’est donc la même volonté politique de rassemblement-confrontation qui a conduit aux deux démarches ». Ainsi FFPP et Entretiens vont de concert.
Par ailleurs, ces Entretiens, parrainés et organisés essentiellement par des médecins (voir le comité de parrainage) « ont pour vocation à constituer une référence pour les psychologues et les différents acteurs intéressés par la psychologie ». C’est nous qui soulignons.
Voici les quatre grands objectifs des Entretiens, précisés par le secrétaire général de la FFPP :
- le premier fondé sur la dichotomie praticien/chercheur. « Il s’agit – d’après le Secrétaire Général de la FFPP - de faire sortir les chercheurs de leurs laboratoires et de leur demander de faire part de leurs recherches récentes …" et au même temps, « de faire sortir les praticiens des connaissances acquises … et de s’informer sur les connaissances nouvelles afin de réfléchir aux applications possibles". Il est donc question de s’inspirer de la psychologie expérimentale universitaire et d’imposer des approches plus enclines à l’évaluation protocolaire ce que, en tant que freudiens, nous refusons. Sur ce point notre orientation est celle donnée par Freud lui-même dans son « i(Projet d’une psychologie scientifique]i » et non pas celle d’une psychologie expérimentale qui tente de promouvoir d’abord et avant tout une approche cognitivo-comportamentaliste.
- toujours d’après le Secrétaire Général de la FFPP, le deuxième objectif est celui de « faire le bilan de l’utilisation d’un outil particulier, confronter les expériences … et confronter là encore praticiens et universitaires ». Ces Entretiens seront donc un moyen d’évaluer notre travail pour nous proposer, voire nous prescrire les « bonnes pratiques » à appliquer. C’est une démarche de type « comité d’experts » très fréquente dans le domaine de la médecine ou de la psychiatrie où les professionnels se trouvent peu à peu « vectorisés ».
-l e troisième objectif est de s’adresser aux médias et au public pour « revaloriser l’image et la spécificité de la psychologie" afin de « protéger le public des mésusages de la psychologie » ce dernier point étant l’un des objectifs affichés de la FFPP. Or, notre réponse ne s’ordonne pas à partir de « l’image », comme s’il s’agissait d’un produit, mais de notre formation à une clinique fondée sur la causalité psychique et la responsabilité du sujet.
- le quatrième objectif est politique : faire connaître la FFPP et la développer. La FFPP prétend représenter la profession et décider pour elle des orientations décisives pour son avenir. C’est une sorte de machine globalisante qui tend à uniformiser et formater nos pratiques, à faire consensus à l’égard du scientisme et écraser nos différences. Les psychologues freudiens n’ont pas à s’inclure dans cette fausse pluralité, ou à cautionner le scientisme de certains universitaires que le programme des Entretiens met en avant.
Ces Entretiens, sont à l’image de la présentation-promotion des médicaments effectués par les laboratoires pharmaceutiques dans les services hospitaliers. Et cette méthode rejoint celle du rapport de l’INSERM sur les psychothérapies auxquelles on applique des protocoles de recherche et que l’on veut prescrire comme des médicaments en voulant transformer les psychologues en dociles serviteurs de la médicalisation/marchandisation de la subjectivité. Et nous ne voulons pas d’une psychologie instrumentalisée et soumise à la médecine où la causalité psychique serait effacée.
L’Association des Psychologues Freudiens est évidement favorable au débat sur nos pratiques, mais elle s’élève contre le clivage entre praticiens et chercheurs et soutient que la pratique est pour les cliniciens le lieu et le champ ouvert en permanence aux recherches. Elle contribuera à toute communauté de travail qui met en évidence la cause du sujet.
A Paris le 23 avril 2004
Pour le Bureau des Psychologues Freudiens :
Marie-Hélène BIGOT, Luc GARCIA, Nathalie GEORGES ; Yasmine GRASSER, Vincent LUCAS, Rosana MONTANI, Michel NORMAND, Victor RODRIGUEZ, Thérèse PETITPIERRE, Beatriz VINDRET