RAPPORT 138 (2003-2004) - Commission des Affaires sociales
RAPPORT FAIT au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relatif à la politique de santé publique,
Par MM. Francis GIRAUD et Jean-Louis LORRAIN,
Sénateurs.
(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gilbert Chabroux, Jean-Louis Lorrain, Roland Muzeau, Georges Mouly, vice-présidents ; M. Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Claire-Lise Campion, M. Jean-Marc Juilhard, secrétaires ; MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Joël Billard, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Jean Chérioux, Mme Michelle Demessine, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Claude Domeizel, Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, André Geoffroy, Francis Giraud, Jean-Pierre Godefroy, Mme Françoise Henneron, MM. Yves Krattinger, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, André Lardeux, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mmes Valérie Létard, Nelly Olin, Anne-Marie Payet, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente, MM. Bernard Seillier, André Vantomme, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.
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B. L'ÉTAT STRATÈGE ET GARANT DE L'INTÉRÊT GÉNÉRAL
1. L'État est le garant de la protection de la santé
L'objet principal des dispositions proposées ici par le Gouvernement vise à réaffirmer le rôle majeur de l'État pour la détermination de la politique de santé publique.
En effet, la protection sanitaire de la population relève des pouvoirs publics et cette légitimité n'est plus remise en question car « chaque fois que leur santé ou celle de leurs proches est menacée, c'est bien vers l'État et ses agents que les Français et les Françaises se tournent pour exiger une protection efficace. Aujourd'hui le rôle de l'État n'est plus contesté, il est réclamé ; on ne suspecte plus l'État de vouloir, sous couvert de santé publique, redresser les individus et, à travers eux, la Nation. La santé publique fait bien l'objet d'une demande nouvelle et pressante3(*). »
Pour ce faire, le projet de loi dispose que la Nation définit sa politique de santé selon des objectifs pluriannuels. La détermination de ces objectifs, la conception des plans, des actions et des programmes de santé mis en oeuvre pour les atteindre, ainsi que l'évaluation de cette politique, relèvent de la responsabilité de l'État.
Pour l'assister dans la définition des objectifs, le ministre chargé de la santé bénéficie du concours du Haut conseil de la santé publique et d'un organisme consultatif, la Conférence nationale de santé. Créée en 1996, cette formation ne figurait plus dans le projet de loi initial déposé par le Gouvernement devant l'Assemblée nationale, qui souhaitait lui substituer une consultation nationale. Sa présence a toutefois été réintroduite dans le dispositif à l'occasion de l'examen du texte par l'Assemblée nationale.
Ce rôle déterminant joué par l'État se traduit au niveau régional par les compétences reconnues au Préfet, qui définit et met en oeuvre un plan régional tenant compte à la fois des objectifs nationaux et des spécificités régionales.
L'ambition poursuivie par de telles dispositions est de mettre en place une politique sanitaire dynamique, qui bénéficie de la meilleure expertise et qui soit appliquée sur l'ensemble du territoire dans de bonnes conditions.
Cette volonté d'assurer la détermination de la politique de santé n'est pas exclusive d'un pouvoir complémentaire reconnu aux collectivités locales, et plus particulièrement aux régions, qui auront la possibilité de définir des actions pour compléter et accompagner la politique mise en oeuvre sous la responsabilité de l'État.
2. Une politique partenariale
Pour autant, affirmer la responsabilité de l'État en matière de santé publique n'implique pas d'accorder aux seuls pouvoirs publics la capacité d'agir. Comme le soulignait M. Jean-François Mattei devant l'Assemblée nationale : « l'État n'a évidemment pas le monopole de l'action en la matière, il lui revient d'organiser, sous son autorité, un partenariat associant les nombreux acteurs, tant publics que privés, qui concourent à l'amélioration de la santé ».
Le mode d'intervention retenu implique de rassembler, au sein d'une politique commune, les différents acteurs, au premier rang desquels figure, bien évidemment, l'assurance maladie.
II. ÉLARGIR LA FORMATION ET LE RÔLE DES PROFESSIONNELS
Selon l'architecture mise en place par le présent projet de loi, l'État est responsable de la fixation des objectifs nationaux, arbitrés après débat au sein de la Conférence nationale de santé publique. Il est également en charge de l'application des normes nationales et internationales tendant à réduire le risque ou l'exposition aux risques collectifs. En revanche, c'est au niveau régional que s'élabore la mise en oeuvre des plans avec la collaboration de tous les acteurs.
Conformément aux observations du rapport annuel 2003 de l'IGAS, « cette organisation administrative vise à promouvoir une prévention dont les objectifs et les moyens d'action seraient largement partagés par les citoyens, compte tenu de leurs modes de vie et de leurs valeurs. »
La politique de promotion de la santé ainsi définie doit se doter des instruments indispensables à sa réussite, parmi lesquels figurent des outils de connaissances et de formation adaptés, la promotion de la qualité comme mode de régulation du système de santé et la coopération entre les professions de santé.
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C. ADAPTER LES COMPÉTENCES DES PROFESSIONNELS DE LA SANTÉ
1. Moderniser la profession de sage-femme
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2. Mieux répartir les compétences
Ces mesures s'inscrivent à la fois dans un mouvement de modernisation de la profession de sage-femme, mais également dans la perspective d'un autre chantier ouvert par le ministre de la santé, celui de la coopération et du transfert de tâches entre les professions de santé.
Pour ce faire, il a confié, le 25 avril 2003, une mission sur « les transferts des tâches et des compétences, notamment en vue d'une coopération accrue entre les professionnels de santé », au Doyen Yvon Berland.
Ce dernier, qui assure la présidence de l'Observatoire national de la démographie des professions de santé, lui a remis, le 17 octobre dernier, un rapport intermédiaire qui comporte une analyse des transferts et délégations d'actes et de compétences existant déjà dans plusieurs pays, notamment anglo-saxons. Il y souligne « que la proposition de délégation de compétences n'a pas pour seul objectif de résoudre à terme des problèmes de densité médicale. Elle est également sous-tendue, d'une part, par le souci de conserver une qualité de soins dans notre pays et certainement de l'améliorer par une plus grande disponibilité des médecins pour les tâches et activités qui le nécessitent et, d'autre part, par la volonté d'assurer une meilleure adéquation entre formation et exercice professionnel. »
Ce rapport fait également état de plusieurs expériences françaises au cours des dernières années. Il enregistre la volonté des acteurs médicaux et paramédicaux d'organiser les conditions dans lesquelles de nouveaux transferts de compétences pourraient se produire à l'avenir.
A cette fin, plusieurs équipes soignantes conduiront, au cours des prochains mois, des expérimentations de transferts de tâches et de compétences. Ces expérimentations feront l'objet d'évaluations rigoureuses, qui constitueront le rapport final de la mission. De la teneur de ces évaluations dépendra ensuite l'importance des transferts, qui pourront être institués en accord avec l'ensemble des partenaires professionnels et des responsables de formation.
Ces transferts de compétences, associés à la hausse régulière du numerus clausus des professions de santé et aux différentes mesures visant à une meilleure répartition des professions de santé sur le territoire, complèteront la politique de régulation de l'offre de soins mise en oeuvre par le Gouvernement.
Cette réflexion pourra être utilement étendue aux dispositions du présent projet de loi car « comme la santé publique requiert l'apport des sciences humaines, la prévention requiert la coopération du sanitaire et du social, la collaboration du médical et du paramédical ».5(*)
L'analyse des forces et faiblesses structurelles de la politique de prévention met, à cet égard, en évidence deux constats principaux qui, à la lumière des expériences étrangères étudiées notamment par l'IGAS, semblent aujourd'hui prendre un relief singulier : ni leur formation, ni leurs conditions d'exercice ne permettent aux médecins de s'investir pleinement dans une démarche de prévention. La complexité des actions préventives requiert des stratégies globales qui ne sont possibles qu'avec le concours d'un grand nombre d'acteurs et de professionnels différents.
Comme le montre l'exemple du Royaume-Uni, ou du Québec, le rôle du médecin généraliste doit être renforcé par l'intervention d'autres professionnels, comme les infirmières, considération qui est de nature à apporter un éclairage nouveau sur la mission confiée au Doyen Yvon Berland.
Ainsi, une enquête du ministère de la santé britannique souligne, dès 1993, le rôle déterminant pris par les infirmières dans le dépistage, la vaccination et les autres actions de promotion de santé, tandis qu'au Québec, une loi du 21 juin 2002 a modifié la répartition des compétences entre médecins et infirmières pour accroître le rôle de ces dernières dans la prévention tertiaire.
En France, l'implication des médecins libéraux dans la prévention nécessitera donc probablement des mesures conventionnelles telles que le recours à des contrats de santé publique accompagnés de mesures de rémunérations complémentaires, mais la voie de la coopération entre les différents professionnels de santé, voire le transfert de certaines compétences, pourra également être explorée avec intérêt.
3. L'encadrement inattendu des conditions requises pour l'exercice de la psychothérapie
L'examen du présent texte à l'Assemblée nationale a donné lieu, sur l'initiative personnelle d'un député, à l'introduction d'une disposition relative à la pratique des psychothérapies. Sans s'appuyer directement sur un article du projet initial, cet amendement n'est pas dénué de lien avec la philosophie générale du texte, qui affirme la responsabilité de l'État en matière de santé publique, le recours à la qualité comme mode de régulation du système sanitaire et la protection des personnes les plus fragiles.
Un dispositif similaire avait déjà été examiné à plusieurs reprises par le Parlement sans être adopté, ce qui témoigne de la sensibilité de la société au problème du vide juridique qui entoure le concept encore mystérieux de la psychothérapie.
En effet, l'usage professionnel du titre de psychothérapeute n'est à ce jour soumis à aucune réglementation publique. Certes, il existe des pratiques de régulation associative qui regroupent des psychanalystes ou des psychothérapeutes autour d'une conception commune de la psychothérapie. Ces associations s'organisent souvent autour d'une structure de formation qui leur est propre et qui, suivant les cas, délivre un agrément ou un diplôme dont se prévalent les praticiens de la psychothérapie.
Toutefois, le refus d'un agrément ou la non-obtention d'un diplôme délivré par ces associations ne constitue en aucun cas un obstacle à la volonté du candidat débouté qui souhaite l'exercer à titre professionnel. Chacun peut, si bon lui semble, décider d'exercer la pratique des psychothérapies.
Ces imprécisions peuvent donner l'occasion d'usage détourné de ces techniques à des fins de manipulation plus ou moins organisée. Le rapport de la mission interministérielle de lutte contre les sectes, remis en février 2000 au Premier ministre, indiquait ainsi que certaines techniques psychothérapiques étaient devenues un outil au service de l'infiltration sectaire et invitait les pouvoirs publics à encadrer ces pratiques.
C'est à cette situation que les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale, largement médiatisées sous le titre d'« amendement Accoyer », ont voulu apporter une solution de nature à protéger les personnes qui recourent aux services des psychothérapeutes, notamment les plus fragiles.
Ce dispositif propose de définir les prérequis indispensables à l'exercice de la psychothérapie. Il retient à cet effet les diplômes de docteur en médecine dès lors qu'ils disposeront d'une qualification professionnelle définie par décret. Les professionnels en exercice depuis au moins cinq ans, mais ne présentant pas les diplômes requis, devront se soumettre dans les trois ans à un contrôle de leurs connaissances et pratiques.
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EXAMEN DES ARTICLES
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Article 18 quater (art. L. 4111-7 du code de la santé publique)
Prescription et mise en oeuvre des psychothérapies
Objet : Cet article vise à encadrer la pratique de la psychothérapie.
I - Le dispositif proposé
Sur proposition de M. Bernard Accoyer, la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale a adopté un article additionnel visant à organiser la prescription et la mise en oeuvre des psychothérapies.
Cet article résulte d'un long travail de préparation. Il fait suite au dépôt, par M. Bernard Accoyer et plusieurs de ses collègues, de deux propositions de loi, l'une relative à l'usage du titre de psychothérapeute (n° 1844, enregistrée le 13 octobre 1999) l'autre relative à la prescription et à la conduite des psychothérapies (n° 2342, enregistrée le 26 avril 2000).
L'objet affiché de ces deux propositions, malgré des dispositifs juridiques différents, consiste à « développer la transparence et le droit à l'information des malades en ce qui concerne les « psychothérapies ». Composées d'un article unique, elles ont été formellement déposées après avoir été présentées initialement sous la forme d'amendements au projet de loi relatif à la couverture maladie universelle (séance du 4 mai 1999), puis au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (séance du 27 octobre 2000, pour insertion dans le rapport annexé).
Par deux fois, le rapporteur de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale et le Gouvernement ont émis un avis défavorable, tout en reconnaissant l'importance de la question soulevée. En 1999, le secrétaire d'État à la santé et à l'action sociale avait même annoncé qu'un groupe de travail était chargé du dossier au sein du ministère et que des propositions seraient faites à l'issue d'une concertation préalable.
C'est un dispositif plus élaboré que les deux propositions initiales qui a finalement été adopté par l'Assemblée nationale à l'occasion de l'examen du présent texte.
Inspiré par le souhait de sécuriser la pratique des psychothérapies, son auteur le défendait ainsi :
« Les psychothérapies sont de natures diverses mais, surtout, elles peuvent aujourd'hui être conduites en France sans le moindre contrôle sur ceux qui se déclarent capables de les conduire. Aussi bizarre que cela puisse paraître, il y a donc un vide juridique, qui fait que n'importe qui peut visser sur la façade d'un immeuble sa plaque en s'arrogeant le titre de psychothérapeute.
« Les populations qui suivent des psychothérapies sont plus fragiles que d'autres puisqu'elles ont besoin d'une aide, d'un soutien psychologique. Or elles peuvent être l'objet d'erreurs de diagnostic, des traitements inadaptés peuvent leur être prescrits et les personnes à qui elles ont affaire sont susceptibles de ne pas identifier des affections plus graves déviant vers des maladies de type psychotique, ce qui présente des risques pour les malades eux-mêmes et pour leur entourage.
« Par ailleurs, des dérives commerciales ont été observées. La mission interministérielle de lutte contre les sectes a même identifié des dérives sectaires qui constituent autant de dangers.
« Il convient de préciser que les psychothérapies ne peuvent être mises en oeuvre que par des médecins psychiatres ou par des psychologues cliniciens formés préalablement.
« Mon amendement (...) prévoit précisément que les personnes qui conduisent des psychothérapies mais qui n'appartiennent pas à ces professions et qui n'ont pas les qualifications requises pourront poursuivre leur activité thérapeutique à la condition d'exercer depuis cinq ans et sous réserve de satisfaire, dans les trois années suivant la promulgation de la loi, à une évaluation de leurs connaissances et de leurs pratiques par un jury dont la composition serait fixée par arrêté.
« Ces dispositions sont l'aboutissement d'un très long travail, qui a commencé sous la précédente législature, avec le ministre de la santé de l'époque, M. Bernard Kouchner et son cabinet. Ce travail n'avait pu aboutir alors que nous n'étions pas loin du but. »
Ce sujet fait incontestablement l'objet d'une préoccupation réelle et partagée. Peu avant le vote de cet article, l'Académie de médecine adoptait, le mardi 1er juillet 2003, un rapport sur la pratique de la psychothérapie, fruit de deux années de travail. Elle y soulignait combien « la question de la pratique et des critères d'habilitation à la pratique des psychothérapies se pose actuellement de façon aiguë en raison du développement incontrôlé de pratiques hétérogènes et non encadrées ».
Le choix retenu par l'Assemblée nationale de réserver l'exercice de la psychothérapie à des professionnels diplômés de l'enseignement supérieur rejoint la conclusion des travaux de l'Académie de médecine sur la psychothérapie. Cette dernière s'est déclarée opposée à la création d'un statut légal de psychothérapeute, susceptible de promouvoir la multiplication de thérapies plus ou moins fantaisistes et qui ne relèveraient plus du domaine médical.
Le même choix a été opéré dans le rapport de la mission Clery Melin chargée de faire des propositions en vue d'établir une politique de santé mentale. Ce rapport, remis au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées le 2 octobre dernier, comprend plus de 140 propositions et s'inscrit dans une démarche de santé publique s'attachant à mieux définir les articulations entre la psychiatrie et la santé mentale. Trois axes majeurs se dégagent des propositions qu'il formule :
- s'atteler à la réorganisation de l'offre de soins de premier recours et réduire les disparités de répartition de l'offre sur le territoire ;
- renforcer l'encadrement des pratiques, notamment de la psychothérapie ;
- proposer une approche populationnelle de certaines prises en charge (enfants, personnes âgées, personnes détenues).
L'adoption de cet article par l'Assemblée nationale, bien qu'il s'agisse d'une proposition déjà débattue auparavant, partagée par l'Académie de médecine et proposée dans un rapport officiel remis au ministre de la santé, a provoqué une intense mobilisation de l'ensemble des professionnels exerçant la psychothérapie, les uns soutenant la nécessité d'organiser une profession insuffisamment contrôlée, les autres prônant la liberté d'exercice dans des conditions acceptables. Une réaction d'aussi grande ampleur est issue des usagers, se partageant entre ceux qui souhaitaient choisir librement leur psychothérapeute et ceux, victimes de pratiques contestables, favorables à une clarification des choses. Cette mobilisation a emprunté des voies médiatiques multiples (émissions de télévisions, tribunes dans la presse quotidienne ou hebdomadaire), et s'est également traduite par des prises de contact et demandes de rencontres avec les parlementaires, ainsi qu'auprès du ministre.
Les critiques opposées au présent texte portent sur deux points : la rédaction du premier alinéa de l'article L. 3231-1 du code de la santé publique qui dispose que les psychothérapies « constituent des outils thérapeutiques utilisés dans le traitement des troubles mentaux » d'une part, et surtout la fixation de règles d'accès à la profession prévue par les alinéas suivants, d'autre part.
Le premier aspect soulève une question complexe : celle de la définition des psychothérapies, pour laquelle votre rapporteur se reportera aux définitions proposées par le rapport de l'Académie de médecine. C'est la référence faite par la loi aux troubles mentaux qui est contestée par les représentants des psychothérapeutes, car elle aurait le défaut de « psychiatriser » la prise en charge du patient et de négliger la souffrance psychique accessible à d'autres méthodes non médicales, propres aux psychothérapies.
La délivrance d'un diplôme universitaire spécifique (médecins ou psychologues) est également une cause de mobilisation de la profession et sans aucun doute la plus puissante. Les représentants des professionnels arguent du fait que les diplômes mentionnés dans la loi ne sont pas une condition suffisante pour garantir la qualité du psychothérapeute et que la qualification universitaire ainsi exigée néglige l'existence de formations adaptées et performantes assurées par des établissements privés non reconnus par l'État.
Rapport, au nom d'un groupe de travail sur la pratique de la psychothérapie
(extraits)
Pierre Pichot et Jean-François Allilaire
Définition de la psychothérapie
C'est un médecin anglais, Tuke, qui créa, en 1872, le terme « psychothérapeutique » mais c'est un médecin français, Bernheim, chef de file de l'école hypnologique de Nancy, qui utilisa le premier le terme de « psychothérapie », toujours en usage aujourd'hui. A son origine, la psychothérapie se définissait « comme ce qui relève de l'influence de l'esprit sur le corps dans la pratique médicale ». Elle a aujourd'hui un sens plus restreint et la définition la plus couramment admise se contente d'affirmer que la psychothérapie est seulement « l'aide qu'un psychisme peut apporter à un autre psychisme ». Cette affirmation implique le recours à des moyens pour y parvenir et des buts pour en fixer les limites. Les moyens de la psychothérapie sont extrêmement diversifiés et vont de l'utilisation de la parole comme unique vecteur de la guérison jusqu'à l'adjonction de techniques diverses, comme la médiation corporelle, la musique, l'art, le dessin, l'expression théâtrale par exemple. La prescription d'une thérapeutique biologique associée à la psychothérapie peut aussi constituer l'essentiel du traitement, en particulier dans la prise en charge de malades atteints de troubles psychotiques. Mais, même dans ces cas, une bonne relation psychothérapique avec le patient s'avère indispensable.
De façon générale, quelles que soient les techniques envisagées, toutes gardent en commun l'utilisation, à des fins thérapeutiques, de la relation interpersonnelle. Ce point étant admis, la grande variété des techniques psychothérapiques démontre à l'évidence qu'il n'y a pas une mais des psychothérapies et que chacune d'elles comporte des indications particulières. Quant aux buts recherchés, ils concernent essentiellement la disparition des symptômes et de la souffrance qu'ils entraînent ainsi que l'amélioration de la santé mentale au sens large.
Au cours du vingtième siècle, la psychothérapie a été directement liée à l'essor de la psychanalyse, qui, dans notre pays, n'a réellement pénétré l'espace psychiatrique qu'à partir des années cinquante mais a représenté, jusqu'aux années quatre-vingt environ, la base conceptuelle prédominante de la plupart des psychothérapies. Ce phénomène s'est produit également aux USA et en Amérique latine.
Les autres méthodes psychothérapiques qui se sont développées parallèlement relèvent de quatre courants principaux, les courants comportementaliste et cognitiviste, humaniste, systémique, et, plus récemment, « éclectique et intégratif ».
Les différents courants psychothérapiques actuels
La psychothérapie d'inspiration psychanalytique
La psychothérapie d'inspiration psychanalytique est une pratique dérivée de la psychanalyse. Dans sa forme la plus commune, elle se pratique en face à face, selon un rythme de séances différent de celui de la cure type (en moyenne une séance par semaine au lieu de trois). Elle se réfère aux concepts de la théorie psychanalytique, et plus particulièrement aux notions d'inconscient, de transfert et d'interprétation dans le transfert.
Les autres psychothérapies
Elles se définissent tantôt par les interlocuteurs auxquels elles s'adressent : groupe, famille, couple, institution, tantôt par le procédé qu'elles utilisent : art-thérapie, musicothérapie, ergothérapie, tantôt par l'utilisation d'une médiation corporelle : relaxation, etc.
Mais le critère de classification le plus pertinent reste la théorie psychologique à laquelle le thérapeute se réfère et les modèles conceptuels qu'il utilise pour comprendre la dynamique psychique de son action.
A - Le courant comportementaliste et cognitiviste
C'est le courant dominant actuellement et celui qui est le mieux validé dans ses résultats thérapeutiques.
Il s'inspire de l'application de la psychologie expérimentale au champ de la clinique pour comprendre, évaluer et traiter les troubles mentaux et ceux du comportement. Il applique les données de l'apprentissage répondant, opérant, social et cognitif et cherche à modifier la clinique quotidienne au moyen des mécanismes mis à jour par la recherche expérimentale clinique.
B - Le courant systémique
Il repose sur des conceptions théoriques inspirées à la fois de l'anthropologie et de la théorie générale des systèmes. Elaborée à partir des années cinquante à Palo Alto par un psychologue américain, Gregory Bateson, la thérapie systémique est basée sur une théorie de la communication originale. Le patient y est considéré comme un des éléments du réseau de communications qui le relie à son groupe social et familial. La pathologie peut entrer en résonance avec l'environnement, ce qui amplifie ou atténue le processus psychopathologique.
C - Le courant humaniste
La psychothérapie humaniste se centre sur la personne (« client-centered psychotherapy ») et cherche à promouvoir l'autonomie de celle-ci mais elle a l'ambition de le faire en dehors de toute théorisation préalable. Elle préconise une relation d'aide basée sur une compréhension réciproque et sur l'empathie du thérapeute pour son patient. C'est un psychologue américain, Carl Rogers, qui a défini le premier les concepts de la psychothérapie humaniste et précisé sa technique. En dehors de l'empathie, celle-ci se fonde sur la notion de « congruence », c'est-à-dire sur la coïncidence intuitive des sentiments du thérapeute avec ceux du patient.
D - Le courant « éclectique et intégratif »
Il se base sur la constatation de la multiplicité des techniques, le manque de cohérence et la pauvreté de certaines théorisations, le dogmatisme, l'ostracisme de nombreuses écoles divisées et opposées en « chapelles » rivales. Il propose d'introduire plus de rigueur dans ce domaine, sur la base d'études scientifiques. Ces études ont montré, par exemple, que toutes les théories et les techniques sans exception mettent en jeu, dans des proportions et avec des accents différents, les mêmes facteurs dits pour cette raison « communs », tels que l'alliance thérapeutique, la motivation du patient, celle du thérapeute, le désir de changement, la régulation des affects, l'articulation entre affects et cognitions etc. Ces facteurs communs pourraient rendre compte jusqu'à 30 % des résultats thérapeutiques observés.
Source : Rapport de l'Académie de médecine, Juillet 2003
II - La position de votre commission
Ce contexte passionné a marqué les conditions dans lesquelles votre commission a examiné le présent projet de loi, dont le seul article consacré à l'usage des psychothérapies a mobilisé une grande partie de son attention et requis l'organisation de nombreuses auditions des représentants des psychothérapeutes, ouvertes à l'ensemble des sénateurs.
Environ 13.000 psychiatres et 15.000 psychothérapeutes exercent aujourd'hui la psychothérapie en France. Sur ces 15.000 psychothérapeutes, une forte majorité ne disposerait pas des diplômes exigés par le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, c'est-à-dire qu'ils exercent librement leur art, parfois avec une extrême compétence, parfois au moyen de pratiques confinant au charlatanisme. L'enseignement est délivré par près de cinq cents écoles différentes et qui associent en général, travail sur soi, travail en supervision et confrontation des expériences entre pairs.
Au total, entre trois et cinq millions de personnes recouraient chaque année à ces pratiques, le plus souvent de leur propre initiative et sans bénéficier d'une prise en charge par la sécurité sociale.
Aucun des interlocuteurs entendus pour la préparation du présent rapport n'a exprimé la moindre opposition au principe d'une réglementation de la profession de psychothérapeute. Tous ont déclaré soutenir une démarche qui vise à rendre la psychothérapie plus lisible aux patients, ou aux usagers, suivant les deux terminologies utilisées en l'espèce. Tous ont considéré que certaines capacités étaient indispensables à l'exercice de la psychothérapie.
Comment les principaux pays européens ont-ils réglementé la psychothérapie ?
Dans son rapport, l'Académie de médecine distingue deux méthodes opposées : « l'abord allemand et autrichien est à la fois autoritaire et contraignant avec des directives très précises sur les indications, le nombre de séances, la qualification et l'affiliation des praticiens ». (...) « l'abord britannique est à l'opposé puisque le respect de la liberté de chacun va même jusqu'à ne pas contraindre les praticiens à s'affilier aux associations qui sont regroupées dans le UK Council for Psychotherapy ».
Enfin, votre rapporteur a interrogé le ministre de la santé sur cette question à l'occasion de son audition le 17 décembre dernier, qui a considéré : « que le souci de protection des patients était légitime mais il a estimé que la réglementation de la profession se heurtait à plusieurs difficultés liées au caractère fluctuant de la frontière entre difficultés psychologiques et affections pathologiques qui devaient continuer à relever de la psychiatrie, à la répartition des compétences entre les différentes disciplines et à la définition de critères de qualité pour la formation des psychothérapeutes ». Il a par ailleurs indiqué que les associations de victimes demandaient surtout à pouvoir se retourner contre le professionnel en cas de dommage et qu'il réfléchissait en conséquence à une possibilité de déclaration du psychothérapeute pour matérialiser son engagement à prendre en charge la personne et donner à cette dernière un moyen de preuve en cas de dommage.
A l'issue de ces consultations, votre commission a considéré qu'il lui appartenait de poursuivre dans la voie ouverte par l'Assemblée nationale et de déterminer les conditions dans lesquelles pouvait être établi un dispositif protecteur des personnes et ouvrant la possibilité d'une labellisation de certains professionnels sur des critères non uniquement universitaires.
Il est donc proposé de subordonner l'usage professionnel du titre de psychothérapeute à l'inscription sur un Registre national des psychothérapeutes, effectuée au niveau départemental. Les médecins et psychologues diplômés de l'Université bénéficieront, s'ils le souhaitent, d'une inscription de droit, les modalités d'application de l'ensemble de ces dispositions étant définies par voie réglementaire.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
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TRAVAUX DE LA COMMISSION
Réunie le mercredi 7 janvier 2004 sous la présidence de M. Nicolas About, président, puis de M. Alain Gournac, vice-président, la commission a procédé à l'examen du rapport de MM. Francis Giraud et Jean-Louis Lorrain sur le projet de loi relatif à la politique de santé publique.
Puis M. Francis Giraud, rapporteur, a présenté l'article du projet de loi relatif aux psychothérapeutes, qui résulte d'un amendement de M. Bernard Accoyer, député, adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale avec l'avis favorable du Gouvernement. Il a indiqué que cet article visait à mieux encadrer la mise en oeuvre des psychothérapies.
Il a insisté sur la complexité de la question soulevée par cet article et a relevé que la pratique des psychothérapies se développait aujourd'hui de manière incontrôlée, alors qu'elle concerne chaque année plusieurs millions de nos concitoyens.
Il a expliqué que l'Assemblée nationale avait choisi de réserver l'exercice de la psychothérapie aux médecins psychiatres, d'une part, et aux psychologues et médecins justifiant d'une formation professionnelle, d'autre part, les autres professionnels étant soumis à un examen de contrôle d'aptitude pour pouvoir continuer à exercer.
M. Francis Giraud, rapporteur, a indiqué que ce projet faisait l'objet de vives contestations de la part des représentants des professionnels, qui arguent que les diplômes mentionnés dans la loi ne constituent pas une condition suffisante pour garantir la qualité du psychothérapeute et que celle-ci ignore les formations spécifiques assurées par des établissements privés non reconnus par l'État.
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M. Jean Chérioux s'est félicité du fait que le projet de loi mette fin à près d'un siècle de silence en matière de politique de santé publique. Il a toutefois déploré la surmédicalisation progressive de l'environnement quotidien des Français et s'est, par ailleurs, interrogé sur l'efficacité des pratiques psychothérapeutiques, sur leur coût et sur l'impact qu'aurait leur prise en charge sur l'équilibre des comptes de l'assurance maladie.
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M. Gilbert Chabroux a estimé que le grand projet de loi de programmation en santé publique, annoncé par le Président de la République, se résumait, en réalité, à un projet « portant diverses mesures d'ordre social ». Il a noté que les cent objectifs figurant au rapport annexé au projet de loi étaient extrêmement hétéroclites et qu'aucun moyen financier n'était prévu pour leur réalisation. Il a souligné que le débat sur les psychothérapeutes était caractéristique de la focalisation du texte sur des détails d'importance limitée. Il a dénoncé le caractère précipité de la réforme de cette profession et il a demandé qu'une mission d'information soit créée à ce sujet. Il a enfin regretté que la santé au travail soit réduite à un simple volet du plan « santé-environnement ».
M. Guy Fisher a déploré le caractère morcelé des réformes en matière de santé qui se répartissent entre le présent projet de loi relatif à la santé publique, la loi de financement de la sécurité sociale, une ordonnance de simplification en matière sanitaire et sociale et le projet de loi relatif aux responsabilités locales. Il a déploré la hâte avec laquelle était examiné le présent texte dont l'adoption interviendrait avant que le Haut conseil sur l'avenir de l'assurance maladie ne rende ses conclusions. Il a estimé que le fait d'encadrer la profession de psychothérapeute ne résoudrait rien à l'état de délabrement de la politique française en matière de santé mentale. Il a souligné que le nombre élevé d'amendements des deux rapporteurs montrait, certes, la qualité du travail effectué par la Haute assemblée, mais qu'il faisait apparaître, en négatif, les lacunes importantes du texte. Il a enfin déclaré que les avancées proposées en matière de veille et d'alerte sanitaires n'étaient pas à la hauteur des enjeux mis en lumière par la canicule de l'été 2003.
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M. Paul Blanc a observé que les attentes des Français en matière de santé publique étaient parfois paradoxales. S'agissant des psychothérapeutes, il s'est étonné de l'absence de tout critère objectif de recrutement et d'évaluation de leurs pratiques alors que ces professionnels étaient de plus en plus souvent requis par les pouvoirs publics eux-mêmes, notamment à l'occasion d'événements traumatiques touchant la population.
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M. André Lardeux a observé que la diversité des thèmes abordés par le projet de loi était à l'image des demandes de la société en matière de santé. Il a déploré le fait que la réduction du temps de travail ait réduit à néant les marges de manoeuvre financières de la France en matière de politique sanitaire et sociale. Il a estimé que la région n'était pas toujours l'échelon approprié pour la prévention de toutes les pathologies. S'agissant des groupements régionaux de santé publique, il a souligné que le principe de participation optionnelle des collectivités locales, autres que la région, ne devait pas servir de prétexte à l'attentisme. Il a enfin estimé que la réglementation de la profession de psychothérapeute ne protégerait jamais les personnes en situation de détresse morale contre les charlatans qui abusent de leur besoin d'écoute et de conseil.
Répondant à l'ensemble des intervenants, M. Francis Giraud, rapporteur, s'est dit surpris de l'attitude conservatrice de l'opposition, rappelant que la mise en oeuvre d'une politique de prévention en matière de santé exigeait un changement complet de mentalité en France.
Il a rappelé que la responsabilité de la multiplication des structures intervenant en matière de santé publique incombait à l'ensemble des gouvernements qui s'étaient succédé depuis quinze ans et que le Gouvernement actuel avait, pour la première fois, entamé un processus de suppression et de regroupement de ces différentes instances.
S'agissant des psychothérapeutes, M. Francis Giraud a indiqué que cette profession se caractérisait par une grande hétérogénéité des formations : les médecins et les psychologues sont, en effet, titulaires de diplômes délivrés par l'État, alors que les formations de psychothérapeute et de psychanalyste sont dispensées par des instituts privés actuellement non contrôlés. Il a noté que l'amendement adopté par les députés relevait d'un souci légitime de protection des usagers, mais qu'il empruntait une voie difficile : la définition des psychothérapies elles-mêmes, ce qui revenait à définir, dans la loi, les bonnes et mauvaises techniques de psychothérapie.
Il a précisé que l'amendement qu'il proposait à la commission visait à réglementer, non pas l'usage des méthodes de psychothérapie, mais l'utilisation du titre de psychothérapeute : à cet effet, un registre national des psychothérapeutes serait créé. Les médecins et psychologues titulaires d'un diplôme d'État pourraient, de droit, être inscrits à ce registre et un décret préciserait les conditions dans lesquelles les formations suivies dans les instituts privés ouvriraient également droit à l'usage de ce titre.
Il a précisé que l'objectif de cet enregistrement était de s'assurer que les professionnels usant du titre de psychothérapeute étaient capables de repérer les situations pathologiques nécessitant non pas un soutien psychologique mais une orientation vers un établissement de soins.
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M. Jean-Pierre Fourcade a insisté pour que la formation requise des psychologues désirant pratiquer la psychothérapie soit au moins équivalente à un diplôme de troisième cycle.
M. Gilbert Barbier a rappelé la nécessité de tenir compte des éventuelles équivalences avec des diplômes délivrés à l'étranger, notamment par les États membres de l'Union européenne.
M. Gilbert Chabroux a voulu savoir si l'amendement proposé par le rapporteur réglait également la situation des psychanalystes.
M. Nicolas About, président, a précisé qu'un décret prévoirait les équivalences de diplômes nécessaires. Il a indiqué que l'inquiétude des psychanalystes vis-à-vis de l'amendement adopté à l'Assemblée nationale résidait dans le fait que celui-ci visait les techniques de psychothérapie, la psychanalyse pouvant justement être classée parmi celles-ci. Il a expliqué que, dans la mesure où l'amendement du rapporteur portait sur l'usage du titre de psychothérapeute, celui-ci n'aurait un impact que dans le cas, vraisemblablement rare, de psychanalystes désirant également user de ce deuxième titre.
M. André Vantomme a craint que la réglementation de la profession de psychothérapeute ne conduise des professionnels mal intentionnés à se cacher désormais sous un autre label, notamment celui de psychanalyste.
La commission a ensuite examiné les articles et les amendements présentés par les rapporteurs.
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A l'article 18 quater (prescription et mise en oeuvre des psychothérapies), à l'issue d'un large débat au cours duquel sont notamment intervenues Mmes Sylvie Desmarescaux et Gisèle Printz, la commission a adopté un amendement visant à améliorer l'information du public au regard des compétences des psychothérapeutes, qui devront désormais être inscrits sur un registre national suivant des modalités précisées par décret.
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La commission a enfin adopté le projet de loi ainsi amendé.
ANNEXE II
AUDITIONS DES RAPPORTEURS
Jeudi 4 décembre 2003
Pr. Daniel Widlocher, service de psychiatrie de la Pitié-Salpétrière
Dr Philippe Clery-Melin, auteur du rapport sur le plan d'actions pour le développement de la psychiatrie et la promotion de la santé mentale
Mme Senja Stirn, psychologue, M. Norbert Hacquard, représentant du Réseau national des psychologues et M. Jacques Py, président de la Société française de psychologie
M. Jacques-Alain Miller, psychanalyste
M. Michel Meignant, président de la Fédération française de psychothérapie
M. Didier Jayle, directeur de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT)
Mercredi 10 décembre 2003
Dr Pierre Coret, M. Jean-Michel Fourcade, vice-présidents de l'Association fédérative française des organismes de psychothérapie (AFFOP)
M. Paul Boyesen, président de l'association européenne de psychothérapie, et Mme Marie Legros, psychologue et psychothérapeute.
M. Charles Melman, neuropsychiatre
Mercredi 17 décembre 2003
M. Michel Ducloux, président du Conseil national de l'ordre des médecins
Mardi 6 janvier 2004
M. Alain Fine, président, Mme Marilia Aisenstein, vice-président, M. Paul Israël, président de la commission d'enseignement et M. Bernard Brunet, représentant de l'Institut de formation, de la Société psychanalytique de Paris
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TABELAU COMPARATIF
Article 18 quater (nouveau)
Article 18 quater
I. - Le livre II de la troisième partie du code de la santé publique est complété par un titre III intitulé « Dispositions particulières », comprenant un chapitre unique intitulé « Psychothérapies ».
L'usage du titre de psychothérapeute est réservé aux professionnels inscrits au registre national des psychothérapeutes.
II. - Dans ce chapitre unique, il est inséré un article L. 3231-1 ainsi rédigé :
L'inscription est enregistrée sur une liste dressée par le représentant de l'Etat dans le département de leur résidence professionnelle.
« Art. L. 3231-1. - Les psychothérapies constituent des outils thérapeutiques utilisés dans le traitement des troubles mentaux.
L'inscription est de droit pour les titulaires d'un diplôme de docteur en médecine ou les psychologues titulaires d'un diplôme d'Etat de l'Université dont le niveau sera défini par décret.
« Les différentes catégories de psychothérapies sont fixées par décret du ministre chargé de la santé. Leur mise en oeuvre ne peut relever que de médecins psychiatres ou de médecins et psychologues ayant les qualifications professionnelles requises fixées par ce même décret. L'Agence nationale d'accré-ditation et d'évaluation en santé apporte son concours à l'élaboration de ces conditions.
Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret.
« Les professionnels actuellement en activité et non titulaires de ces qualifications, qui mettent en oeuvre des psychothérapies depuis plus de cinq ans à la date de promulgation de la loi n°...... du ...... relative à la politique de santé publique, pourront poursuivre cette activité thérapeutique sous réserve de satisfaire dans les trois années suivant la promulgation de la loi n°...... du ...... précitée à une évaluation de leurs connaissances et pratiques par un jury. La composition, les attributions et les modalités de fonctionnement de ce jury sont fixées par arrêté conjoint du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de l'enseignement supérieur. »
A M E N D E M E N T C G présenté par M. GIRAUD
au nom de la Commission des Affaires sociales
N° 89 8 janvier 2004
ARTICLE 18 QUATER
Rédiger comme suit cet article :
L'usage du titre de psychothérapeute est réservé aux professionnels inscrits au registre national des psychothérapeutes.
L'inscription est enregistrée sur une liste dressée par le représentant de l'État dans le département de leur résidence professionnelle.
L'inscription est de droit pour les titulaires d'un diplôme de docteur en médecine ou les psychologues titulaires d'un diplôme d'État dont le niveau sera défini par décret.
Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret.
Pour lire le Rapport entier, cliquez ici : Rapport Comm.Aff.Soc.
RAPPORT FAIT au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relatif à la politique de santé publique,
Par MM. Francis GIRAUD et Jean-Louis LORRAIN,
Sénateurs.
(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gilbert Chabroux, Jean-Louis Lorrain, Roland Muzeau, Georges Mouly, vice-présidents ; M. Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Claire-Lise Campion, M. Jean-Marc Juilhard, secrétaires ; MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Joël Billard, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Jean Chérioux, Mme Michelle Demessine, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Claude Domeizel, Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, André Geoffroy, Francis Giraud, Jean-Pierre Godefroy, Mme Françoise Henneron, MM. Yves Krattinger, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, André Lardeux, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mmes Valérie Létard, Nelly Olin, Anne-Marie Payet, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente, MM. Bernard Seillier, André Vantomme, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.
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B. L'ÉTAT STRATÈGE ET GARANT DE L'INTÉRÊT GÉNÉRAL
1. L'État est le garant de la protection de la santé
L'objet principal des dispositions proposées ici par le Gouvernement vise à réaffirmer le rôle majeur de l'État pour la détermination de la politique de santé publique.
En effet, la protection sanitaire de la population relève des pouvoirs publics et cette légitimité n'est plus remise en question car « chaque fois que leur santé ou celle de leurs proches est menacée, c'est bien vers l'État et ses agents que les Français et les Françaises se tournent pour exiger une protection efficace. Aujourd'hui le rôle de l'État n'est plus contesté, il est réclamé ; on ne suspecte plus l'État de vouloir, sous couvert de santé publique, redresser les individus et, à travers eux, la Nation. La santé publique fait bien l'objet d'une demande nouvelle et pressante3(*). »
Pour ce faire, le projet de loi dispose que la Nation définit sa politique de santé selon des objectifs pluriannuels. La détermination de ces objectifs, la conception des plans, des actions et des programmes de santé mis en oeuvre pour les atteindre, ainsi que l'évaluation de cette politique, relèvent de la responsabilité de l'État.
Pour l'assister dans la définition des objectifs, le ministre chargé de la santé bénéficie du concours du Haut conseil de la santé publique et d'un organisme consultatif, la Conférence nationale de santé. Créée en 1996, cette formation ne figurait plus dans le projet de loi initial déposé par le Gouvernement devant l'Assemblée nationale, qui souhaitait lui substituer une consultation nationale. Sa présence a toutefois été réintroduite dans le dispositif à l'occasion de l'examen du texte par l'Assemblée nationale.
Ce rôle déterminant joué par l'État se traduit au niveau régional par les compétences reconnues au Préfet, qui définit et met en oeuvre un plan régional tenant compte à la fois des objectifs nationaux et des spécificités régionales.
L'ambition poursuivie par de telles dispositions est de mettre en place une politique sanitaire dynamique, qui bénéficie de la meilleure expertise et qui soit appliquée sur l'ensemble du territoire dans de bonnes conditions.
Cette volonté d'assurer la détermination de la politique de santé n'est pas exclusive d'un pouvoir complémentaire reconnu aux collectivités locales, et plus particulièrement aux régions, qui auront la possibilité de définir des actions pour compléter et accompagner la politique mise en oeuvre sous la responsabilité de l'État.
2. Une politique partenariale
Pour autant, affirmer la responsabilité de l'État en matière de santé publique n'implique pas d'accorder aux seuls pouvoirs publics la capacité d'agir. Comme le soulignait M. Jean-François Mattei devant l'Assemblée nationale : « l'État n'a évidemment pas le monopole de l'action en la matière, il lui revient d'organiser, sous son autorité, un partenariat associant les nombreux acteurs, tant publics que privés, qui concourent à l'amélioration de la santé ».
Le mode d'intervention retenu implique de rassembler, au sein d'une politique commune, les différents acteurs, au premier rang desquels figure, bien évidemment, l'assurance maladie.
II. ÉLARGIR LA FORMATION ET LE RÔLE DES PROFESSIONNELS
Selon l'architecture mise en place par le présent projet de loi, l'État est responsable de la fixation des objectifs nationaux, arbitrés après débat au sein de la Conférence nationale de santé publique. Il est également en charge de l'application des normes nationales et internationales tendant à réduire le risque ou l'exposition aux risques collectifs. En revanche, c'est au niveau régional que s'élabore la mise en oeuvre des plans avec la collaboration de tous les acteurs.
Conformément aux observations du rapport annuel 2003 de l'IGAS, « cette organisation administrative vise à promouvoir une prévention dont les objectifs et les moyens d'action seraient largement partagés par les citoyens, compte tenu de leurs modes de vie et de leurs valeurs. »
La politique de promotion de la santé ainsi définie doit se doter des instruments indispensables à sa réussite, parmi lesquels figurent des outils de connaissances et de formation adaptés, la promotion de la qualité comme mode de régulation du système de santé et la coopération entre les professions de santé.
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C. ADAPTER LES COMPÉTENCES DES PROFESSIONNELS DE LA SANTÉ
1. Moderniser la profession de sage-femme
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2. Mieux répartir les compétences
Ces mesures s'inscrivent à la fois dans un mouvement de modernisation de la profession de sage-femme, mais également dans la perspective d'un autre chantier ouvert par le ministre de la santé, celui de la coopération et du transfert de tâches entre les professions de santé.
Pour ce faire, il a confié, le 25 avril 2003, une mission sur « les transferts des tâches et des compétences, notamment en vue d'une coopération accrue entre les professionnels de santé », au Doyen Yvon Berland.
Ce dernier, qui assure la présidence de l'Observatoire national de la démographie des professions de santé, lui a remis, le 17 octobre dernier, un rapport intermédiaire qui comporte une analyse des transferts et délégations d'actes et de compétences existant déjà dans plusieurs pays, notamment anglo-saxons. Il y souligne « que la proposition de délégation de compétences n'a pas pour seul objectif de résoudre à terme des problèmes de densité médicale. Elle est également sous-tendue, d'une part, par le souci de conserver une qualité de soins dans notre pays et certainement de l'améliorer par une plus grande disponibilité des médecins pour les tâches et activités qui le nécessitent et, d'autre part, par la volonté d'assurer une meilleure adéquation entre formation et exercice professionnel. »
Ce rapport fait également état de plusieurs expériences françaises au cours des dernières années. Il enregistre la volonté des acteurs médicaux et paramédicaux d'organiser les conditions dans lesquelles de nouveaux transferts de compétences pourraient se produire à l'avenir.
A cette fin, plusieurs équipes soignantes conduiront, au cours des prochains mois, des expérimentations de transferts de tâches et de compétences. Ces expérimentations feront l'objet d'évaluations rigoureuses, qui constitueront le rapport final de la mission. De la teneur de ces évaluations dépendra ensuite l'importance des transferts, qui pourront être institués en accord avec l'ensemble des partenaires professionnels et des responsables de formation.
Ces transferts de compétences, associés à la hausse régulière du numerus clausus des professions de santé et aux différentes mesures visant à une meilleure répartition des professions de santé sur le territoire, complèteront la politique de régulation de l'offre de soins mise en oeuvre par le Gouvernement.
Cette réflexion pourra être utilement étendue aux dispositions du présent projet de loi car « comme la santé publique requiert l'apport des sciences humaines, la prévention requiert la coopération du sanitaire et du social, la collaboration du médical et du paramédical ».5(*)
L'analyse des forces et faiblesses structurelles de la politique de prévention met, à cet égard, en évidence deux constats principaux qui, à la lumière des expériences étrangères étudiées notamment par l'IGAS, semblent aujourd'hui prendre un relief singulier : ni leur formation, ni leurs conditions d'exercice ne permettent aux médecins de s'investir pleinement dans une démarche de prévention. La complexité des actions préventives requiert des stratégies globales qui ne sont possibles qu'avec le concours d'un grand nombre d'acteurs et de professionnels différents.
Comme le montre l'exemple du Royaume-Uni, ou du Québec, le rôle du médecin généraliste doit être renforcé par l'intervention d'autres professionnels, comme les infirmières, considération qui est de nature à apporter un éclairage nouveau sur la mission confiée au Doyen Yvon Berland.
Ainsi, une enquête du ministère de la santé britannique souligne, dès 1993, le rôle déterminant pris par les infirmières dans le dépistage, la vaccination et les autres actions de promotion de santé, tandis qu'au Québec, une loi du 21 juin 2002 a modifié la répartition des compétences entre médecins et infirmières pour accroître le rôle de ces dernières dans la prévention tertiaire.
En France, l'implication des médecins libéraux dans la prévention nécessitera donc probablement des mesures conventionnelles telles que le recours à des contrats de santé publique accompagnés de mesures de rémunérations complémentaires, mais la voie de la coopération entre les différents professionnels de santé, voire le transfert de certaines compétences, pourra également être explorée avec intérêt.
3. L'encadrement inattendu des conditions requises pour l'exercice de la psychothérapie
L'examen du présent texte à l'Assemblée nationale a donné lieu, sur l'initiative personnelle d'un député, à l'introduction d'une disposition relative à la pratique des psychothérapies. Sans s'appuyer directement sur un article du projet initial, cet amendement n'est pas dénué de lien avec la philosophie générale du texte, qui affirme la responsabilité de l'État en matière de santé publique, le recours à la qualité comme mode de régulation du système sanitaire et la protection des personnes les plus fragiles.
Un dispositif similaire avait déjà été examiné à plusieurs reprises par le Parlement sans être adopté, ce qui témoigne de la sensibilité de la société au problème du vide juridique qui entoure le concept encore mystérieux de la psychothérapie.
En effet, l'usage professionnel du titre de psychothérapeute n'est à ce jour soumis à aucune réglementation publique. Certes, il existe des pratiques de régulation associative qui regroupent des psychanalystes ou des psychothérapeutes autour d'une conception commune de la psychothérapie. Ces associations s'organisent souvent autour d'une structure de formation qui leur est propre et qui, suivant les cas, délivre un agrément ou un diplôme dont se prévalent les praticiens de la psychothérapie.
Toutefois, le refus d'un agrément ou la non-obtention d'un diplôme délivré par ces associations ne constitue en aucun cas un obstacle à la volonté du candidat débouté qui souhaite l'exercer à titre professionnel. Chacun peut, si bon lui semble, décider d'exercer la pratique des psychothérapies.
Ces imprécisions peuvent donner l'occasion d'usage détourné de ces techniques à des fins de manipulation plus ou moins organisée. Le rapport de la mission interministérielle de lutte contre les sectes, remis en février 2000 au Premier ministre, indiquait ainsi que certaines techniques psychothérapiques étaient devenues un outil au service de l'infiltration sectaire et invitait les pouvoirs publics à encadrer ces pratiques.
C'est à cette situation que les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale, largement médiatisées sous le titre d'« amendement Accoyer », ont voulu apporter une solution de nature à protéger les personnes qui recourent aux services des psychothérapeutes, notamment les plus fragiles.
Ce dispositif propose de définir les prérequis indispensables à l'exercice de la psychothérapie. Il retient à cet effet les diplômes de docteur en médecine dès lors qu'ils disposeront d'une qualification professionnelle définie par décret. Les professionnels en exercice depuis au moins cinq ans, mais ne présentant pas les diplômes requis, devront se soumettre dans les trois ans à un contrôle de leurs connaissances et pratiques.
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EXAMEN DES ARTICLES
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Article 18 quater (art. L. 4111-7 du code de la santé publique)
Prescription et mise en oeuvre des psychothérapies
Objet : Cet article vise à encadrer la pratique de la psychothérapie.
I - Le dispositif proposé
Sur proposition de M. Bernard Accoyer, la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale a adopté un article additionnel visant à organiser la prescription et la mise en oeuvre des psychothérapies.
Cet article résulte d'un long travail de préparation. Il fait suite au dépôt, par M. Bernard Accoyer et plusieurs de ses collègues, de deux propositions de loi, l'une relative à l'usage du titre de psychothérapeute (n° 1844, enregistrée le 13 octobre 1999) l'autre relative à la prescription et à la conduite des psychothérapies (n° 2342, enregistrée le 26 avril 2000).
L'objet affiché de ces deux propositions, malgré des dispositifs juridiques différents, consiste à « développer la transparence et le droit à l'information des malades en ce qui concerne les « psychothérapies ». Composées d'un article unique, elles ont été formellement déposées après avoir été présentées initialement sous la forme d'amendements au projet de loi relatif à la couverture maladie universelle (séance du 4 mai 1999), puis au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (séance du 27 octobre 2000, pour insertion dans le rapport annexé).
Par deux fois, le rapporteur de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale et le Gouvernement ont émis un avis défavorable, tout en reconnaissant l'importance de la question soulevée. En 1999, le secrétaire d'État à la santé et à l'action sociale avait même annoncé qu'un groupe de travail était chargé du dossier au sein du ministère et que des propositions seraient faites à l'issue d'une concertation préalable.
C'est un dispositif plus élaboré que les deux propositions initiales qui a finalement été adopté par l'Assemblée nationale à l'occasion de l'examen du présent texte.
Inspiré par le souhait de sécuriser la pratique des psychothérapies, son auteur le défendait ainsi :
« Les psychothérapies sont de natures diverses mais, surtout, elles peuvent aujourd'hui être conduites en France sans le moindre contrôle sur ceux qui se déclarent capables de les conduire. Aussi bizarre que cela puisse paraître, il y a donc un vide juridique, qui fait que n'importe qui peut visser sur la façade d'un immeuble sa plaque en s'arrogeant le titre de psychothérapeute.
« Les populations qui suivent des psychothérapies sont plus fragiles que d'autres puisqu'elles ont besoin d'une aide, d'un soutien psychologique. Or elles peuvent être l'objet d'erreurs de diagnostic, des traitements inadaptés peuvent leur être prescrits et les personnes à qui elles ont affaire sont susceptibles de ne pas identifier des affections plus graves déviant vers des maladies de type psychotique, ce qui présente des risques pour les malades eux-mêmes et pour leur entourage.
« Par ailleurs, des dérives commerciales ont été observées. La mission interministérielle de lutte contre les sectes a même identifié des dérives sectaires qui constituent autant de dangers.
« Il convient de préciser que les psychothérapies ne peuvent être mises en oeuvre que par des médecins psychiatres ou par des psychologues cliniciens formés préalablement.
« Mon amendement (...) prévoit précisément que les personnes qui conduisent des psychothérapies mais qui n'appartiennent pas à ces professions et qui n'ont pas les qualifications requises pourront poursuivre leur activité thérapeutique à la condition d'exercer depuis cinq ans et sous réserve de satisfaire, dans les trois années suivant la promulgation de la loi, à une évaluation de leurs connaissances et de leurs pratiques par un jury dont la composition serait fixée par arrêté.
« Ces dispositions sont l'aboutissement d'un très long travail, qui a commencé sous la précédente législature, avec le ministre de la santé de l'époque, M. Bernard Kouchner et son cabinet. Ce travail n'avait pu aboutir alors que nous n'étions pas loin du but. »
Ce sujet fait incontestablement l'objet d'une préoccupation réelle et partagée. Peu avant le vote de cet article, l'Académie de médecine adoptait, le mardi 1er juillet 2003, un rapport sur la pratique de la psychothérapie, fruit de deux années de travail. Elle y soulignait combien « la question de la pratique et des critères d'habilitation à la pratique des psychothérapies se pose actuellement de façon aiguë en raison du développement incontrôlé de pratiques hétérogènes et non encadrées ».
Le choix retenu par l'Assemblée nationale de réserver l'exercice de la psychothérapie à des professionnels diplômés de l'enseignement supérieur rejoint la conclusion des travaux de l'Académie de médecine sur la psychothérapie. Cette dernière s'est déclarée opposée à la création d'un statut légal de psychothérapeute, susceptible de promouvoir la multiplication de thérapies plus ou moins fantaisistes et qui ne relèveraient plus du domaine médical.
Le même choix a été opéré dans le rapport de la mission Clery Melin chargée de faire des propositions en vue d'établir une politique de santé mentale. Ce rapport, remis au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées le 2 octobre dernier, comprend plus de 140 propositions et s'inscrit dans une démarche de santé publique s'attachant à mieux définir les articulations entre la psychiatrie et la santé mentale. Trois axes majeurs se dégagent des propositions qu'il formule :
- s'atteler à la réorganisation de l'offre de soins de premier recours et réduire les disparités de répartition de l'offre sur le territoire ;
- renforcer l'encadrement des pratiques, notamment de la psychothérapie ;
- proposer une approche populationnelle de certaines prises en charge (enfants, personnes âgées, personnes détenues).
L'adoption de cet article par l'Assemblée nationale, bien qu'il s'agisse d'une proposition déjà débattue auparavant, partagée par l'Académie de médecine et proposée dans un rapport officiel remis au ministre de la santé, a provoqué une intense mobilisation de l'ensemble des professionnels exerçant la psychothérapie, les uns soutenant la nécessité d'organiser une profession insuffisamment contrôlée, les autres prônant la liberté d'exercice dans des conditions acceptables. Une réaction d'aussi grande ampleur est issue des usagers, se partageant entre ceux qui souhaitaient choisir librement leur psychothérapeute et ceux, victimes de pratiques contestables, favorables à une clarification des choses. Cette mobilisation a emprunté des voies médiatiques multiples (émissions de télévisions, tribunes dans la presse quotidienne ou hebdomadaire), et s'est également traduite par des prises de contact et demandes de rencontres avec les parlementaires, ainsi qu'auprès du ministre.
Les critiques opposées au présent texte portent sur deux points : la rédaction du premier alinéa de l'article L. 3231-1 du code de la santé publique qui dispose que les psychothérapies « constituent des outils thérapeutiques utilisés dans le traitement des troubles mentaux » d'une part, et surtout la fixation de règles d'accès à la profession prévue par les alinéas suivants, d'autre part.
Le premier aspect soulève une question complexe : celle de la définition des psychothérapies, pour laquelle votre rapporteur se reportera aux définitions proposées par le rapport de l'Académie de médecine. C'est la référence faite par la loi aux troubles mentaux qui est contestée par les représentants des psychothérapeutes, car elle aurait le défaut de « psychiatriser » la prise en charge du patient et de négliger la souffrance psychique accessible à d'autres méthodes non médicales, propres aux psychothérapies.
La délivrance d'un diplôme universitaire spécifique (médecins ou psychologues) est également une cause de mobilisation de la profession et sans aucun doute la plus puissante. Les représentants des professionnels arguent du fait que les diplômes mentionnés dans la loi ne sont pas une condition suffisante pour garantir la qualité du psychothérapeute et que la qualification universitaire ainsi exigée néglige l'existence de formations adaptées et performantes assurées par des établissements privés non reconnus par l'État.
Rapport, au nom d'un groupe de travail sur la pratique de la psychothérapie
(extraits)
Pierre Pichot et Jean-François Allilaire
Définition de la psychothérapie
C'est un médecin anglais, Tuke, qui créa, en 1872, le terme « psychothérapeutique » mais c'est un médecin français, Bernheim, chef de file de l'école hypnologique de Nancy, qui utilisa le premier le terme de « psychothérapie », toujours en usage aujourd'hui. A son origine, la psychothérapie se définissait « comme ce qui relève de l'influence de l'esprit sur le corps dans la pratique médicale ». Elle a aujourd'hui un sens plus restreint et la définition la plus couramment admise se contente d'affirmer que la psychothérapie est seulement « l'aide qu'un psychisme peut apporter à un autre psychisme ». Cette affirmation implique le recours à des moyens pour y parvenir et des buts pour en fixer les limites. Les moyens de la psychothérapie sont extrêmement diversifiés et vont de l'utilisation de la parole comme unique vecteur de la guérison jusqu'à l'adjonction de techniques diverses, comme la médiation corporelle, la musique, l'art, le dessin, l'expression théâtrale par exemple. La prescription d'une thérapeutique biologique associée à la psychothérapie peut aussi constituer l'essentiel du traitement, en particulier dans la prise en charge de malades atteints de troubles psychotiques. Mais, même dans ces cas, une bonne relation psychothérapique avec le patient s'avère indispensable.
De façon générale, quelles que soient les techniques envisagées, toutes gardent en commun l'utilisation, à des fins thérapeutiques, de la relation interpersonnelle. Ce point étant admis, la grande variété des techniques psychothérapiques démontre à l'évidence qu'il n'y a pas une mais des psychothérapies et que chacune d'elles comporte des indications particulières. Quant aux buts recherchés, ils concernent essentiellement la disparition des symptômes et de la souffrance qu'ils entraînent ainsi que l'amélioration de la santé mentale au sens large.
Au cours du vingtième siècle, la psychothérapie a été directement liée à l'essor de la psychanalyse, qui, dans notre pays, n'a réellement pénétré l'espace psychiatrique qu'à partir des années cinquante mais a représenté, jusqu'aux années quatre-vingt environ, la base conceptuelle prédominante de la plupart des psychothérapies. Ce phénomène s'est produit également aux USA et en Amérique latine.
Les autres méthodes psychothérapiques qui se sont développées parallèlement relèvent de quatre courants principaux, les courants comportementaliste et cognitiviste, humaniste, systémique, et, plus récemment, « éclectique et intégratif ».
Les différents courants psychothérapiques actuels
La psychothérapie d'inspiration psychanalytique
La psychothérapie d'inspiration psychanalytique est une pratique dérivée de la psychanalyse. Dans sa forme la plus commune, elle se pratique en face à face, selon un rythme de séances différent de celui de la cure type (en moyenne une séance par semaine au lieu de trois). Elle se réfère aux concepts de la théorie psychanalytique, et plus particulièrement aux notions d'inconscient, de transfert et d'interprétation dans le transfert.
Les autres psychothérapies
Elles se définissent tantôt par les interlocuteurs auxquels elles s'adressent : groupe, famille, couple, institution, tantôt par le procédé qu'elles utilisent : art-thérapie, musicothérapie, ergothérapie, tantôt par l'utilisation d'une médiation corporelle : relaxation, etc.
Mais le critère de classification le plus pertinent reste la théorie psychologique à laquelle le thérapeute se réfère et les modèles conceptuels qu'il utilise pour comprendre la dynamique psychique de son action.
A - Le courant comportementaliste et cognitiviste
C'est le courant dominant actuellement et celui qui est le mieux validé dans ses résultats thérapeutiques.
Il s'inspire de l'application de la psychologie expérimentale au champ de la clinique pour comprendre, évaluer et traiter les troubles mentaux et ceux du comportement. Il applique les données de l'apprentissage répondant, opérant, social et cognitif et cherche à modifier la clinique quotidienne au moyen des mécanismes mis à jour par la recherche expérimentale clinique.
B - Le courant systémique
Il repose sur des conceptions théoriques inspirées à la fois de l'anthropologie et de la théorie générale des systèmes. Elaborée à partir des années cinquante à Palo Alto par un psychologue américain, Gregory Bateson, la thérapie systémique est basée sur une théorie de la communication originale. Le patient y est considéré comme un des éléments du réseau de communications qui le relie à son groupe social et familial. La pathologie peut entrer en résonance avec l'environnement, ce qui amplifie ou atténue le processus psychopathologique.
C - Le courant humaniste
La psychothérapie humaniste se centre sur la personne (« client-centered psychotherapy ») et cherche à promouvoir l'autonomie de celle-ci mais elle a l'ambition de le faire en dehors de toute théorisation préalable. Elle préconise une relation d'aide basée sur une compréhension réciproque et sur l'empathie du thérapeute pour son patient. C'est un psychologue américain, Carl Rogers, qui a défini le premier les concepts de la psychothérapie humaniste et précisé sa technique. En dehors de l'empathie, celle-ci se fonde sur la notion de « congruence », c'est-à-dire sur la coïncidence intuitive des sentiments du thérapeute avec ceux du patient.
D - Le courant « éclectique et intégratif »
Il se base sur la constatation de la multiplicité des techniques, le manque de cohérence et la pauvreté de certaines théorisations, le dogmatisme, l'ostracisme de nombreuses écoles divisées et opposées en « chapelles » rivales. Il propose d'introduire plus de rigueur dans ce domaine, sur la base d'études scientifiques. Ces études ont montré, par exemple, que toutes les théories et les techniques sans exception mettent en jeu, dans des proportions et avec des accents différents, les mêmes facteurs dits pour cette raison « communs », tels que l'alliance thérapeutique, la motivation du patient, celle du thérapeute, le désir de changement, la régulation des affects, l'articulation entre affects et cognitions etc. Ces facteurs communs pourraient rendre compte jusqu'à 30 % des résultats thérapeutiques observés.
Source : Rapport de l'Académie de médecine, Juillet 2003
II - La position de votre commission
Ce contexte passionné a marqué les conditions dans lesquelles votre commission a examiné le présent projet de loi, dont le seul article consacré à l'usage des psychothérapies a mobilisé une grande partie de son attention et requis l'organisation de nombreuses auditions des représentants des psychothérapeutes, ouvertes à l'ensemble des sénateurs.
Environ 13.000 psychiatres et 15.000 psychothérapeutes exercent aujourd'hui la psychothérapie en France. Sur ces 15.000 psychothérapeutes, une forte majorité ne disposerait pas des diplômes exigés par le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, c'est-à-dire qu'ils exercent librement leur art, parfois avec une extrême compétence, parfois au moyen de pratiques confinant au charlatanisme. L'enseignement est délivré par près de cinq cents écoles différentes et qui associent en général, travail sur soi, travail en supervision et confrontation des expériences entre pairs.
Au total, entre trois et cinq millions de personnes recouraient chaque année à ces pratiques, le plus souvent de leur propre initiative et sans bénéficier d'une prise en charge par la sécurité sociale.
Aucun des interlocuteurs entendus pour la préparation du présent rapport n'a exprimé la moindre opposition au principe d'une réglementation de la profession de psychothérapeute. Tous ont déclaré soutenir une démarche qui vise à rendre la psychothérapie plus lisible aux patients, ou aux usagers, suivant les deux terminologies utilisées en l'espèce. Tous ont considéré que certaines capacités étaient indispensables à l'exercice de la psychothérapie.
Comment les principaux pays européens ont-ils réglementé la psychothérapie ?
Dans son rapport, l'Académie de médecine distingue deux méthodes opposées : « l'abord allemand et autrichien est à la fois autoritaire et contraignant avec des directives très précises sur les indications, le nombre de séances, la qualification et l'affiliation des praticiens ». (...) « l'abord britannique est à l'opposé puisque le respect de la liberté de chacun va même jusqu'à ne pas contraindre les praticiens à s'affilier aux associations qui sont regroupées dans le UK Council for Psychotherapy ».
Enfin, votre rapporteur a interrogé le ministre de la santé sur cette question à l'occasion de son audition le 17 décembre dernier, qui a considéré : « que le souci de protection des patients était légitime mais il a estimé que la réglementation de la profession se heurtait à plusieurs difficultés liées au caractère fluctuant de la frontière entre difficultés psychologiques et affections pathologiques qui devaient continuer à relever de la psychiatrie, à la répartition des compétences entre les différentes disciplines et à la définition de critères de qualité pour la formation des psychothérapeutes ». Il a par ailleurs indiqué que les associations de victimes demandaient surtout à pouvoir se retourner contre le professionnel en cas de dommage et qu'il réfléchissait en conséquence à une possibilité de déclaration du psychothérapeute pour matérialiser son engagement à prendre en charge la personne et donner à cette dernière un moyen de preuve en cas de dommage.
A l'issue de ces consultations, votre commission a considéré qu'il lui appartenait de poursuivre dans la voie ouverte par l'Assemblée nationale et de déterminer les conditions dans lesquelles pouvait être établi un dispositif protecteur des personnes et ouvrant la possibilité d'une labellisation de certains professionnels sur des critères non uniquement universitaires.
Il est donc proposé de subordonner l'usage professionnel du titre de psychothérapeute à l'inscription sur un Registre national des psychothérapeutes, effectuée au niveau départemental. Les médecins et psychologues diplômés de l'Université bénéficieront, s'ils le souhaitent, d'une inscription de droit, les modalités d'application de l'ensemble de ces dispositions étant définies par voie réglementaire.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
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TRAVAUX DE LA COMMISSION
Réunie le mercredi 7 janvier 2004 sous la présidence de M. Nicolas About, président, puis de M. Alain Gournac, vice-président, la commission a procédé à l'examen du rapport de MM. Francis Giraud et Jean-Louis Lorrain sur le projet de loi relatif à la politique de santé publique.
Puis M. Francis Giraud, rapporteur, a présenté l'article du projet de loi relatif aux psychothérapeutes, qui résulte d'un amendement de M. Bernard Accoyer, député, adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale avec l'avis favorable du Gouvernement. Il a indiqué que cet article visait à mieux encadrer la mise en oeuvre des psychothérapies.
Il a insisté sur la complexité de la question soulevée par cet article et a relevé que la pratique des psychothérapies se développait aujourd'hui de manière incontrôlée, alors qu'elle concerne chaque année plusieurs millions de nos concitoyens.
Il a expliqué que l'Assemblée nationale avait choisi de réserver l'exercice de la psychothérapie aux médecins psychiatres, d'une part, et aux psychologues et médecins justifiant d'une formation professionnelle, d'autre part, les autres professionnels étant soumis à un examen de contrôle d'aptitude pour pouvoir continuer à exercer.
M. Francis Giraud, rapporteur, a indiqué que ce projet faisait l'objet de vives contestations de la part des représentants des professionnels, qui arguent que les diplômes mentionnés dans la loi ne constituent pas une condition suffisante pour garantir la qualité du psychothérapeute et que celle-ci ignore les formations spécifiques assurées par des établissements privés non reconnus par l'État.
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M. Jean Chérioux s'est félicité du fait que le projet de loi mette fin à près d'un siècle de silence en matière de politique de santé publique. Il a toutefois déploré la surmédicalisation progressive de l'environnement quotidien des Français et s'est, par ailleurs, interrogé sur l'efficacité des pratiques psychothérapeutiques, sur leur coût et sur l'impact qu'aurait leur prise en charge sur l'équilibre des comptes de l'assurance maladie.
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M. Gilbert Chabroux a estimé que le grand projet de loi de programmation en santé publique, annoncé par le Président de la République, se résumait, en réalité, à un projet « portant diverses mesures d'ordre social ». Il a noté que les cent objectifs figurant au rapport annexé au projet de loi étaient extrêmement hétéroclites et qu'aucun moyen financier n'était prévu pour leur réalisation. Il a souligné que le débat sur les psychothérapeutes était caractéristique de la focalisation du texte sur des détails d'importance limitée. Il a dénoncé le caractère précipité de la réforme de cette profession et il a demandé qu'une mission d'information soit créée à ce sujet. Il a enfin regretté que la santé au travail soit réduite à un simple volet du plan « santé-environnement ».
M. Guy Fisher a déploré le caractère morcelé des réformes en matière de santé qui se répartissent entre le présent projet de loi relatif à la santé publique, la loi de financement de la sécurité sociale, une ordonnance de simplification en matière sanitaire et sociale et le projet de loi relatif aux responsabilités locales. Il a déploré la hâte avec laquelle était examiné le présent texte dont l'adoption interviendrait avant que le Haut conseil sur l'avenir de l'assurance maladie ne rende ses conclusions. Il a estimé que le fait d'encadrer la profession de psychothérapeute ne résoudrait rien à l'état de délabrement de la politique française en matière de santé mentale. Il a souligné que le nombre élevé d'amendements des deux rapporteurs montrait, certes, la qualité du travail effectué par la Haute assemblée, mais qu'il faisait apparaître, en négatif, les lacunes importantes du texte. Il a enfin déclaré que les avancées proposées en matière de veille et d'alerte sanitaires n'étaient pas à la hauteur des enjeux mis en lumière par la canicule de l'été 2003.
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M. Paul Blanc a observé que les attentes des Français en matière de santé publique étaient parfois paradoxales. S'agissant des psychothérapeutes, il s'est étonné de l'absence de tout critère objectif de recrutement et d'évaluation de leurs pratiques alors que ces professionnels étaient de plus en plus souvent requis par les pouvoirs publics eux-mêmes, notamment à l'occasion d'événements traumatiques touchant la population.
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M. André Lardeux a observé que la diversité des thèmes abordés par le projet de loi était à l'image des demandes de la société en matière de santé. Il a déploré le fait que la réduction du temps de travail ait réduit à néant les marges de manoeuvre financières de la France en matière de politique sanitaire et sociale. Il a estimé que la région n'était pas toujours l'échelon approprié pour la prévention de toutes les pathologies. S'agissant des groupements régionaux de santé publique, il a souligné que le principe de participation optionnelle des collectivités locales, autres que la région, ne devait pas servir de prétexte à l'attentisme. Il a enfin estimé que la réglementation de la profession de psychothérapeute ne protégerait jamais les personnes en situation de détresse morale contre les charlatans qui abusent de leur besoin d'écoute et de conseil.
Répondant à l'ensemble des intervenants, M. Francis Giraud, rapporteur, s'est dit surpris de l'attitude conservatrice de l'opposition, rappelant que la mise en oeuvre d'une politique de prévention en matière de santé exigeait un changement complet de mentalité en France.
Il a rappelé que la responsabilité de la multiplication des structures intervenant en matière de santé publique incombait à l'ensemble des gouvernements qui s'étaient succédé depuis quinze ans et que le Gouvernement actuel avait, pour la première fois, entamé un processus de suppression et de regroupement de ces différentes instances.
S'agissant des psychothérapeutes, M. Francis Giraud a indiqué que cette profession se caractérisait par une grande hétérogénéité des formations : les médecins et les psychologues sont, en effet, titulaires de diplômes délivrés par l'État, alors que les formations de psychothérapeute et de psychanalyste sont dispensées par des instituts privés actuellement non contrôlés. Il a noté que l'amendement adopté par les députés relevait d'un souci légitime de protection des usagers, mais qu'il empruntait une voie difficile : la définition des psychothérapies elles-mêmes, ce qui revenait à définir, dans la loi, les bonnes et mauvaises techniques de psychothérapie.
Il a précisé que l'amendement qu'il proposait à la commission visait à réglementer, non pas l'usage des méthodes de psychothérapie, mais l'utilisation du titre de psychothérapeute : à cet effet, un registre national des psychothérapeutes serait créé. Les médecins et psychologues titulaires d'un diplôme d'État pourraient, de droit, être inscrits à ce registre et un décret préciserait les conditions dans lesquelles les formations suivies dans les instituts privés ouvriraient également droit à l'usage de ce titre.
Il a précisé que l'objectif de cet enregistrement était de s'assurer que les professionnels usant du titre de psychothérapeute étaient capables de repérer les situations pathologiques nécessitant non pas un soutien psychologique mais une orientation vers un établissement de soins.
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M. Jean-Pierre Fourcade a insisté pour que la formation requise des psychologues désirant pratiquer la psychothérapie soit au moins équivalente à un diplôme de troisième cycle.
M. Gilbert Barbier a rappelé la nécessité de tenir compte des éventuelles équivalences avec des diplômes délivrés à l'étranger, notamment par les États membres de l'Union européenne.
M. Gilbert Chabroux a voulu savoir si l'amendement proposé par le rapporteur réglait également la situation des psychanalystes.
M. Nicolas About, président, a précisé qu'un décret prévoirait les équivalences de diplômes nécessaires. Il a indiqué que l'inquiétude des psychanalystes vis-à-vis de l'amendement adopté à l'Assemblée nationale résidait dans le fait que celui-ci visait les techniques de psychothérapie, la psychanalyse pouvant justement être classée parmi celles-ci. Il a expliqué que, dans la mesure où l'amendement du rapporteur portait sur l'usage du titre de psychothérapeute, celui-ci n'aurait un impact que dans le cas, vraisemblablement rare, de psychanalystes désirant également user de ce deuxième titre.
M. André Vantomme a craint que la réglementation de la profession de psychothérapeute ne conduise des professionnels mal intentionnés à se cacher désormais sous un autre label, notamment celui de psychanalyste.
La commission a ensuite examiné les articles et les amendements présentés par les rapporteurs.
......
A l'article 18 quater (prescription et mise en oeuvre des psychothérapies), à l'issue d'un large débat au cours duquel sont notamment intervenues Mmes Sylvie Desmarescaux et Gisèle Printz, la commission a adopté un amendement visant à améliorer l'information du public au regard des compétences des psychothérapeutes, qui devront désormais être inscrits sur un registre national suivant des modalités précisées par décret.
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La commission a enfin adopté le projet de loi ainsi amendé.
ANNEXE II
AUDITIONS DES RAPPORTEURS
Jeudi 4 décembre 2003
Pr. Daniel Widlocher, service de psychiatrie de la Pitié-Salpétrière
Dr Philippe Clery-Melin, auteur du rapport sur le plan d'actions pour le développement de la psychiatrie et la promotion de la santé mentale
Mme Senja Stirn, psychologue, M. Norbert Hacquard, représentant du Réseau national des psychologues et M. Jacques Py, président de la Société française de psychologie
M. Jacques-Alain Miller, psychanalyste
M. Michel Meignant, président de la Fédération française de psychothérapie
M. Didier Jayle, directeur de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT)
Mercredi 10 décembre 2003
Dr Pierre Coret, M. Jean-Michel Fourcade, vice-présidents de l'Association fédérative française des organismes de psychothérapie (AFFOP)
M. Paul Boyesen, président de l'association européenne de psychothérapie, et Mme Marie Legros, psychologue et psychothérapeute.
M. Charles Melman, neuropsychiatre
Mercredi 17 décembre 2003
M. Michel Ducloux, président du Conseil national de l'ordre des médecins
Mardi 6 janvier 2004
M. Alain Fine, président, Mme Marilia Aisenstein, vice-président, M. Paul Israël, président de la commission d'enseignement et M. Bernard Brunet, représentant de l'Institut de formation, de la Société psychanalytique de Paris
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TABELAU COMPARATIF
Article 18 quater (nouveau)
Article 18 quater
I. - Le livre II de la troisième partie du code de la santé publique est complété par un titre III intitulé « Dispositions particulières », comprenant un chapitre unique intitulé « Psychothérapies ».
L'usage du titre de psychothérapeute est réservé aux professionnels inscrits au registre national des psychothérapeutes.
II. - Dans ce chapitre unique, il est inséré un article L. 3231-1 ainsi rédigé :
L'inscription est enregistrée sur une liste dressée par le représentant de l'Etat dans le département de leur résidence professionnelle.
« Art. L. 3231-1. - Les psychothérapies constituent des outils thérapeutiques utilisés dans le traitement des troubles mentaux.
L'inscription est de droit pour les titulaires d'un diplôme de docteur en médecine ou les psychologues titulaires d'un diplôme d'Etat de l'Université dont le niveau sera défini par décret.
« Les différentes catégories de psychothérapies sont fixées par décret du ministre chargé de la santé. Leur mise en oeuvre ne peut relever que de médecins psychiatres ou de médecins et psychologues ayant les qualifications professionnelles requises fixées par ce même décret. L'Agence nationale d'accré-ditation et d'évaluation en santé apporte son concours à l'élaboration de ces conditions.
Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret.
« Les professionnels actuellement en activité et non titulaires de ces qualifications, qui mettent en oeuvre des psychothérapies depuis plus de cinq ans à la date de promulgation de la loi n°...... du ...... relative à la politique de santé publique, pourront poursuivre cette activité thérapeutique sous réserve de satisfaire dans les trois années suivant la promulgation de la loi n°...... du ...... précitée à une évaluation de leurs connaissances et pratiques par un jury. La composition, les attributions et les modalités de fonctionnement de ce jury sont fixées par arrêté conjoint du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de l'enseignement supérieur. »
A M E N D E M E N T C G présenté par M. GIRAUD
au nom de la Commission des Affaires sociales
N° 89 8 janvier 2004
ARTICLE 18 QUATER
Rédiger comme suit cet article :
L'usage du titre de psychothérapeute est réservé aux professionnels inscrits au registre national des psychothérapeutes.
L'inscription est enregistrée sur une liste dressée par le représentant de l'État dans le département de leur résidence professionnelle.
L'inscription est de droit pour les titulaires d'un diplôme de docteur en médecine ou les psychologues titulaires d'un diplôme d'État dont le niveau sera défini par décret.
Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret.
Pour lire le Rapport entier, cliquez ici : Rapport Comm.Aff.Soc.