ARTICLE 18 quater
M. SUEUR. – PS – Loiret C'est avec une certaine émotion que je prends la parole ce soir sur un sujet extrêmement grave et qui est sans doute un des plus difficile qu'il soit donné au législateur d'aborder, puisqu'il traite du rapport entre la loi et la psychologie, entre l'État et les professions de santé qui travaillent dans le domaine de la psychothérapie relationnelle. En fait, cela revient à la lecture que nous faisons de Freud, de Jung et de Lacan…
Il y a déjà eu trois débats sur cette question au Parlement et ce soir, c'est le dernier. Notre vote aura donc des conséquences très graves. Je vais essayer de vous convaincre qu'il est très important de supprimer cet article et de s'opposer, une bonne fois pour toute, à l'amendement Accoyer et à toutes les versions successives qui ont été adoptées jusqu'à ce jour. Pourquoi ? Parce que cet amendement établit une inacceptable tutelle de la psychiatrie sur la psychothérapie. Il présupposait que le champ de la psychothérapie serait traversé d'incertitudes, conflictuel, flou alors que celui de la psychiatrie serait clair, univoque, ce qui est une plaisanterie ! Une certaine forme de la psychiatrie, fondée sur la théorie cognotivo-comportementale, devenait le seul fondement légitime de la psychothérapie. Avec cet amendement, nous en revenions à l'hygiénisme, au behaviourisme, au scientisme des plus élémentaires !
Certes, il faut lutter contre les dérives sectaires mais il n'est pas acceptable que cette lutte couvre une incroyable régression !
Pour sortir de cette impasse, M. Mattei aurait pu aborder cette question de front en engageant un large dialogue avec les professionnels concernés, faisant place à l'autorégulation. C'est ce que le président Gouteyron suggéra par amendement. Votre prédécesseur s'arrangea pour que cet amendement ne soit même pas soumis au vote et il fit adopter par le Sénat – je ne comprends toujours pas pourquoi il y parvint –, une solution plus expéditive : tout médecin pourrait être, de facto, psychothérapeute quand bien même sa spécialité n'aurait aucun rapport avec le sujet. Parallèlement, les psychothérapeutes, même s'ils avaient sept ou huit ans d'études derrière eux, ne pourraient exercer leur fonction que s'ils étaient enregistrés sur une liste dressée par le représentant de l'État selon des critères dont nous ne savons toujours rien. Aux uns, le pouvoir absolu, aux autres, la glorieuse incertitude des listes préfectorales ! Cerise sur le gâteau, les psychanalystes régulièrement inscrits sur les registres de leurs associations étaient dispensés d'autorisation préfectorale : ces derniers applaudirent des deux mains. C'était l'effet recherché.
Ainsi, pour traiter de ce sujet extrêmement complexe, M. Mattei avait usé d'une habileté politicienne dressant les uns contre les autres !
M. ABOUT, Médecin UDF président de la commission des affaires sociales . – Allons donc !
M. LE PRÉSIDENT. – Il vous faut conclure !
M. SUEUR. – Lors de ma prochaine intervention, je vous dirai pourquoi cette solution n'avait aucun fondement.
M. ABOUT, président de la commission. – Nous attendons avec impatience !
M. LE PRÉSIDENT. – Cinq amendements peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Amendement n° 90, présenté par M. Chabroux et les membres du groupe socialiste et apparenté et rattachée.
Supprimer cet article.
M. SUEUR. – Le bricolage de M. Mattei était voué à la plus totale inefficacité, puisque tout psychanalyste ne pouvait exercer sa profession que s'il était inscrit sur un registre. Or nombre d'entre eux ne figurent sur aucune liste ! D'ailleurs, quel est le fondement légal de celle-ci ?
En outre, les associations de psychanalystes étaient tenues de remettre leurs listes au représentant de l'État, ce qui n'est pas sans poser certains problèmes…
Enfin, une telle mesure impliquait une séparation radicale entre les professions de psychothérapeutes et de psychanalystes.
Or, depuis qu'on en parle, aucun membre du gouvernement n'a justifié la distinction législative entre les deux catégories.
Parmi les cinq critères utilisés par les associations de psychothérapeutes pour admettre un candidat, le premier porte sur une psychanalyse ou une psychothérapie personnelle approfondie suivie par l'intéressé… Rien n'interdit aux psychothérapeutes de se constituer à ce titre, en associations de psychanalystes. En définitive, le dispositif satisfait les illusions sécuritaires, mais il serait inopérant, car rien ne fonde l'inscription d'office des psychanalystes sur les listes d'aptitude, alors que les psychothérapeutes en resteraient exclus.
Monsieur le Ministre, j'attends vos explications. Vous pouvez laisser se refermer le piège Accoyer-Mattei : tous les médecins seront alors inscrits de droit; les psychanalystes figureront sur une liste dépourvue de légitimité ; les psychothérapeutes iront chez le préfet, qui décidera en fonction de critères dont nous ignorons tout. Ainsi, l'incohérence sera totale !
À ce jour, vous n'avez reçu ni les représentants des psychothérapeutes, ni ceux des psychanalystes. Il est donc temps d'organiser une concertation approfondie avec les psychiatres, les psychanalystes, les psychothérapeutes et les psychologues !
Certes, il faut contrer les dérives, mais pas par un bricolage dénué de sens. L'autorégulation est préférable à un bidouillage qui ne grandit pas le Parlement !
Les amendements nos 100 et 126 ne sont pas soutenus.
M. LE PRÉSIDENT. – Amendement n° 13, présenté par M. Francis Giraud au nom de la commission des Affaires sociales.Rédiger comme suit cet article :
L'usage du titre de psychothérapeute est réservé aux professionnels inscrits au registre national des psychothérapeutes.
L'inscription est enregistrée sur une liste dressée par le représentant de l'État dans le département de leur résidence professionnelle. Elle est tenue à jour, mise à la disposition du public et publiée régulièrement. Cette liste mentionne les formations suivies par le professionnel, notamment les formations théoriques et pratiques en psychopathologie clinique. En cas de transfert de la résidence professionnelle dans un autre département, une nouvelle inscription est obligatoire. La même obligation s'impose aux personnes qui, après deux ans d'interruption, veulent à nouveau faire usage du titre de psychothérapeute.
L'inscription sur la liste visée à l'alinéa précédent est de droit pour les titulaires d'un diplôme de docteur en médecine, les personnes autorisées à faire usage du titre de psychologue dans les conditions définies par l'article 44 de la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre social et les psychanalystes régulièrement enregistrés dans les annuaires de leurs associations.
Un décret en conseil d'État précise les modalités d'application du présent article et les conditions de formation théoriques et pratiques que doivent remplir les candidats à l'inscription en application du deuxième alinéa.
M. Francis GIRAUD, rapporteur. Professeur de Médecine Bouches du Rhône– Trois débats parlementaires se sont déjà déroulés sur ce sujet.
M. SUEUR. – Et rien n'est réglé !
M. Francis GIRAUD, rapporteur. – La commission des Affaires sociales n'a pas varié sur un certain nombre de points. Ainsi, nous ne voulons pas nous occuper des psychothérapies, car la mission du législateur est de définir un métier, d'assurer le sérieux, la formation et la qualification des professionnels, dans l'intérêt des patients. Nous n'agissons pas en médecins, mais en législateurs. Lorsqu'on voit une plaque professionnelle avec la mention « psychothérapeute » comment apprécier la formation, la compétence et le sérieux de l'intéressé ? D'innombrables personnes sont psychothérapeutes sans avoir aucun titre !
M. SUEUR. – Il en va de même pour les psychanalystes !
M. Francis GIRAUD, rapporteur. – L'amendement Dubernard mentionnait les « psychothérapies » alors que l'amendement n° 13 se borne à l'usage du « titre de psychothérapeute ».
L'inscription sur une liste n'a rien de très original. Il nous semble ainsi que certaines catégories peuvent y figurer de droit.
M. SUEUR. – Pourquoi ?
M. Francis GIRAUD, rapporteur. – Nous avons repris la mention et la formation théorique et pratique en psychopathologie clinique.
Les modalités de l'inscription seront fixées par un décret en Conseil d'État.
Vous le voyez : la porte n'est pas fermée. Nous n'avons jamais voulu jeter l'opprobre sur qui que ce soit, mais les associations – en majorité très sérieuses – doivent prendre contact avec le ministère afin de participer à la concertation qui débouchera sur le décret.
N'ayant aucune arrière-pensée, la commission note que trois débats parlementaires n'ont pas déterminé la solution miracle.
M. LE PRÉSIDENT. – Sous-amendement n° 66 rectifié à l'amendement n° 13, présenté par M. Francis Giraud au nom de la commission des Affaires sociales, présenté par M. Gouteyron, Mme Brisepierre, MM. Fournier et Schmitz.Après les mots :«dispositions d'ordre social » «,rédiger comme suit la fin de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 13 :«, les psychanalystes et les psychothérapeutes régulièrement enregistrés dans les annuaires de leurs associations ».
M. SCHMITZ. – UMP - Versailles M. Gouteyron regrette de ne pouvoir exposer cet amendement. Je m'exprimerai donc longuement en son nom, mais aussi à titre personnel.
La réflexion a évolué depuis la première lecture : la vision scientiste du sujet n'est plus de mise. Chercher un cadre pour l'exercice d'une profession est une chose ; faire assumer la tutelle sur certains psychothérapeutes par d'autres serait inacceptable !
La commission va plus loin que l'Assemblée nationale, car elle supprime la mention des psychothérapies. Comment la loi pourrait-elle enfermer les psychothérapeutes dans un carcan dont la clef serait aux mains des psychanalystes ?
Il reste que la rupture d'égalité entre psychothérapeutes et psychanalystes n'est pas opportune. L'amendement de la commission corrige la vision réductrice, et dangereuse pour nos concitoyens en difficulté qui trouvent un soutien auprès des psychothérapeutes. Il faut donc franchir encore un pas pour aboutir à une solution conforme à l'intérêt général et sortant des ornières corporatistes.
Tel est l'objet du sous-amendement, qui tend à inscrire de droit les psychothérapeutes dûment répertoriés dans les annuaires des organisations professionnelles représentatives. Ainsi, toute discrimination entre psychanalystes et psychothérapeutes disparaîtra.
Cette rédaction de compromis répond aux légitimes inquiétudes sur ce sujet délicat et inquiétant.
M. Francis GIRAUD, rapporteur. – Défavorable à l'amendement de suppression n° 90. Le sous-amendement n° 66 rectifié n'est pas conforme à la position de la commission : je vous demande de le retirer. À défaut, avis défavorable.
M. SUEUR. – Et voilà !
M. DOUSTE-BLAZY, ministre de la Santé. – Cette discussion avait commencé avant que je ne sois ministre.
M. SUEUR. – Vous pouvez rectifier le tir !
M. DOUSTE-BLAZY, ministre de la Santé. – L'amendement de la commission prévoit qu'un décret en Conseil d'État fixe les conditions de formation théoriques et pratiques que doivent remplir les candidats. C'est moi qui rédigerai ce décret. L'amendement renforce l'accessibilité du public aux informations sur les psychothérapeutes, sans remettre en cause la spécificité de leur organisation, et intègre les médecins, les psychologues et les psychanalystes au registre…
Il améliore la transparence au profit des personnes les plus fragilisées. J'y suis favorable, mais je prendrai le temps pour consulter très largement tous les professionnels concernés.
M. AUTAIN. – PCF Médecin – Loire Atlantique On aurait pu commencer par là !
M. DOUSTE-BLAZY, ministre de la Santé. – Le débat avait démarré dans une ambiance quelque peu faussée ; désormais, je vais prendre le temps d'écouter tout le monde, pour rédiger ce décret, le moment venu, en mon âme et conscience. (Applaudissements à droite.)
M. CHÉRIOUX. – UMP Très bien !
M. DOUSTE-BLAZY, ministre de la Santé. – Je suis donc défavorable au sous- amendement n° 66 rectifié, ainsi qu'à l'amendement n° 90.
M. ABOUT, président de la commission. – Le débat étant bien recentré autour de l'amendement n° 13, je souhaite la priorité. (M. Sueur proteste.)
La priorité, acceptée par le gouvernement, est de droit.
M. SCHMITZ. – Je retire le sous-amendement, mais il est important de poursuivre le dialogue. C'est sans doute l'absence de dialogue qui a créé la situation où nous sommes.
Le sous-amendement n° 66 rectifié est retiré.
M. SUEUR. – Une fois de plus, la priorité va nous interdire de parler sur deux amendements : c'est toujours ça de gagné ! Ces procédures ne sont pas à la hauteur de l'enjeu.
M. ABOUT, président de la commission. – N'importe qui ! Les amendements ont été exposés.
M. SUEUR. – Je m'exprime contre l'amendement de la commission. Dans son livre Le patient, le thérapeute et l'État, Élisabeth Roudinesco affirme que l'objectif du ministère de la Santé – et vous semblez le confirmer ce soir, monsieur le Ministre – est de bannir les psychothérapeutes non diplômés de la cité pour les remplacer par les médecins et les psychologues, en accordant aux psychanalystes un privilège, en les autorisant de facto à devenir psychothérapeutes même s'ils ne sont pas diplômés.
Soit l'État reconnaît comme psychothérapeutes ceux qui sont diplômés, par l'université, médecins ou psychologues – soit il accepte que ce titre soit donné à ceux qui ont été formés à cette fin dans des associations privées – ce qui n'est pas le cas des psychanalystes…
M. DOUSTE-BLAZY, ministre de la Santé. – Le décret précisera tout cela !
M. SUEUR. – Vous n'avez pas vu la portée de l'amendement de la commission. Prenez tout le discours de M. Francis Giraud et remplacez « psychothérapeute » par « psychanalyste » : on peut en tirer les mêmes conséquences !
M. ABOUT, président de la commission. – Les psychanalystes peuvent être reconnus d'utilité sociale.
M. SUEUR. – Pourquoi les médecins figurent-ils de droit sur les listes, même s'ils n'ont reçu aucune formation dans ce domaine. On peut être un excellent spécialiste de médecine sans être compétent comme psychothérapeute…
M. DOUSTE-BLAZY, ministre de la Santé. – J'en suis un exemple vivant ! (Sourires.)
M. SUEUR. –… sauf à adopter la position hygiéniste de l'amendement Accoyer.
Deuxièmement, tout psychanalyste peut être inscrit de droit sur la liste. Qu'est-ce qui empêchera les quatre cinquièmes des psychothérapeutes qui ont suivi une analyse de s'inscrire en tant que psychanalyste ? Vous donnez une fausse sécurité, en créant une situation préjudiciable aux psychothérapeutes qui ne peuvent être inscrits de droit. Quel en est le fondement légal, scientifique, théorique ? Dites que vous arrêtez les frais, retirez l'article 18 quater, et comme l'amendement proposé, le sous-amendement malheureusement retiré, traités à égalité psychothérapie et psychanalyste du point de vue de la formation.
M. LE PRÉSIDENT. – Veuillez conclure.
M. SUEUR. – Enfin, le quatrième alinéa ne se réfère qu'au deuxième alinéa, et non au troisième. En vertu de quoi les candidats seront-ils agréés ? Pourquoi traiter différemment les professionnels ?
M. CHABROUX. – PS Rhône La priorité invoquée par la commission étouffe le débat, qui n'a pas eu lieu depuis des mois, malgré quelques discussions. Nous avons demandé le 2 décembre 2003 une mission d'information parlementaire, pour permettre le débat démocratique. Nous en débattons certes pour la quatrième fois, entre les deux Assemblées, mais sans aller au fond, et définir des conditions de réglementation efficaces et acceptables. Que de temps perdu, que d'erreurs et de maladresses accumulées !
M. ABOUT, président de la commission. – Vous adorez perdre du temps !
M. CHABROUX. – Ce texte est baclé. Nous avons eu les amendements Accoyer, Giraud-Mattei, Dubernard, puis à nouveau Giraud, mais nous avons très peu avancé.
M. ABOUT, président de la commission. – Parlez pour vous !
M. CHABROUX. – L'amendement Dubernard visait à faire reconnaître la formation du psychothérapeute par des psychanalystes.
M. ABOUT, président de la commission. – Ce n'est plus le sujet !
M. CHABROUX. – Tout de même ! Et depuis votre prise de fonction, monsieur le Ministre, vous auriez pu rectifier les choses.
M. Francis GIRAUD, rapporteur. – Il y a eu l'amendement Dubernard.
M. CHABROUX. – Ça ne va toujours pas !
Les psychothérapeutes qualifient ce texte de « bâclé et discriminatoire » – je l'ai lu dans un journal qui a été mal traité ici. Ils s'interrogent sur ce « contrôle sourcilleux » que le législateur voudrait leur imposer quand la rigueur de leurs institutions n'a rien à envier aux psychanalystes ! Nous souhaitons vivement la création d'une mission d'information parlementaire. En attendant, nous voterons contre l'amendement de la commission et demandons la suppression de l'article 18 quater.
M. ABOUT, président de la commission. – Je remercie M. Chabroux d'avoir souligné que le Sénat avait amélioré le texte.
M. CHABROUX. – Peut mieux faire !
M. ABOUT, président de la commission. – Quant à M. Sueur, j'aurais préféré qu'il commence par assister aux auditions…
M. SUEUR. – C'est un reproche facile !
M. ABOUT, président de la commission. –… nombreuses que nous avons menées avec les psychologues, psychothérapeutes, psychanalystes et psychiatres – et, nous aurions pu avancer !
M. SUEUR. – Je les ai entendus et reçu !
M. ABOUT, président de la commission. – Vous n'avez peut-être même pas lu l'amendement de la commission ! Sinon, vous auriez compris que, si certaines catégories de professionnels sont inscrites de droit sur la liste, toutes sont soumises aux mêmes obligations et on ne peut craindre qu'un médecin sans formation spécifique se présente comme psychothérapeute. Il n'y a pas de meilleures garanties pour le malade que la connaissance de la formation de son praticien…
M. SUEUR. – Ce n'est pas ce que dit l'amendement…
M. ABOUT, président de la commission. – Enfin !
L'amendement de M. Francis Giraud garantit au patient qu'il va voir un psychothérapeute qui a des compétences.
M. CHABROUX. – Lesquelles ?
M. ABOUT, président de la commission. – Travaillez avec le ministre pour préparer le décret et vous le saurez. Les donneurs de leçons ça suffit.
M. SUEUR. – J'ai reçu les représentants des associations nationales de psychothérapeutes.
M. ABOUT, président de la commission. – Elles sont largement d'accord !
M. SUEUR. – Vous interprétez cet amendement de manière fort singulière ! Selon son troisième alinéa tout médecin ou psychanalyste sera inscrit de droit pour médecins et analystes.
M. ABOUT, président de la commission. – Et le deuxième alinéa ?
M. SUEUR. – Il mentionne les formations mais l'inscription est de droit pour médecins et analystes. C'est byzantin ! Monsieur le Ministre, je vous en supplie, dépassons les querelles politiques (on en doute à droite), pour faire preuve de cohérence intellectuelle : un médecin sans formation en psychothérapie ou un psychanalyste en vertu du troisième alinéa figurera sur la liste, pas un psychothérapeute qui aurait suivi une formation de huit ans !
M. ABOUT, président de la commission. – Quelle formation ? Où ? Quand ?
M. SUEUR. – Quel est le fondement théorique de cette distinction ?
Arrêtez ce bricolage ! Prenez le temps de réunir tout le monde. M. Gouteyron a proposé l'organisation d'une conférence avec les quatre grandes familles. Nous pourrions ainsi sortir par le haut de cette impasse, monsieur le Ministre ! Pensez-vous qu'il suffise d'être sur une liste pour être compétent ?
M. ABOUT, président de la commission. – C'est comme les parlementaires, l'élection les fait compétents !
M. DOUSTE-BLAZY, ministre de la Santé. – Monsieur Sueur, votre interrogation est légitime. Nous prendrons le temps qu'il faudra pour réfléchir avec les professionnels avant la publication du décret.
M. SUEUR. – Il faudrait commencer par ne pas adopter ce texte !
M. AUTAIN. – Le problème a été mal posé. Le dépôt intempestif d'un amendement par le député Accoyer n'était pas une bonne démarche. Il aurait fallu commencer par débattre et, accepter la demande du groupe socialiste de créer une mission d'information. L'impasse dans laquelle nous sommes est la conséquence de cette erreur de méthode. L'inquiétude justifiée des professionnels et leur mobilisation montre que nous aurions dû procéder autrement, comme l'avait suggéré M. Ralite.
Faut-il encadrer la psychothérapie ou réglementer le titre de psychothérapeute ?
Si cet amendement vise à pallier le manque de personnel en psychiatrie, en accordant à tout médecin le titre de thérapeute, la réponse est négative.
Enfermer la psychothérapie dans le secteur de la santé témoignerait d'une conception réductrice et scientiste de l'homme. Les seules « sciences du cerveau » ne suffisent pas à expliquer le psychique. Cette conception est étrangère à la psychothérapie dont le domaine est l'intime, le singulier. Le long travail de l'analyse ne vise pas la guérison mais la transformation et les résultats ne sont pas quantifiables ni mesurables. Les partisans de la régulation de cette pratique évoquent souvent le risque sectaire… En réalité, une régulation mal préparée serait dangereuse et contre-productive !
M. ABOUT, président de la commission. – Et l'absence de régulation ?
M. AUTAIN. – Les sectes s'adapteraient bien vite…
Nous souhaitons, comme nos collègues socialistes, qu'une réflexion plus large s'engage avec les professionnels pour trouver une solution satisfaisante. Nous voterons contre l'amendement de la commission et pour l'amendement de suppression.
M. ABOUT, président de la commission. – Compte tenu de l'importance du sujet, je demande le scrutin public.
À la demande du groupe socialiste et de la commission, l'amendement n° 13 est mis aux voix par scrutin public.
M. LE PRÉSIDENT. – Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants 319
Suffrages exprimés 319
Majorité absolue 160
Pour 205
Contre 114
Le Sénat a adopté. (MM. About, président de la commission et Chérioux applaudissent.)
L'article 18 quater est ainsi rédigé.
L'usage du titre de psychothérapeute est réservé aux professionnels inscrits au registre national des psychothérapeutes.
L'inscription est enregistrée sur une liste dressée par le représentant de l'État dans le département de leur résidence professionnelle. Elle est tenue à jour, mise à la disposition du public et publiée régulièrement. Cette liste mentionne les formations suivies par le professionnel, notamment les formations théoriques et pratiques en psychopathologie clinique. En cas de transfert de la résidence professionnelle dans un autre département, une nouvelle inscription est obligatoire. La même obligation s'impose aux personnes qui, après deux ans d'interruption, veulent à nouveau faire usage du titre de psychothérapeute.
L'inscription sur la liste visée à l'alinéa précédent est de droit pour les titulaires d'un diplôme de docteur en médecine, les personnes autorisées à faire usage du titre de psychologue dans les conditions définies par l'article 44 de la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre social et les psychanalystes régulièrement enregistrés dans les annuaires de leurs associations.
Un décret en conseil d'État précise les modalités d'application du présent article et les conditions de formation théoriques et pratiques que doivent remplir les candidats à l'inscription en application du deuxième alinéa.
L'amendement n° 90 devient sans objet.