PROPOSITION DE DEVELOPPEMENT DE LA GRANDE PROFESSION « PSY» GENERALISTE DE HAUT NIVEAU DONT NOS CONCITOYENS ONT BESOIN : LA PROFESSION DE PSYCHOLOGUE
Par Jean-Pierre BOUCHARD *1
La complexité et l’importance capitale dans tous les domaines de la vie, du psychisme et des comportements humains, imposent l’existence de psychologues hautement qualifiés pour les appréhender. Dispenser ce haut niveau de qualification actualisé est techniquement possible et humainement incontournable. Des réformes rapides doivent rendre cette exigence réalisable. C’est l’intérêt de toutes et de tous. L’Union Européenne, et la France en particulier, doivent devenir une référence et un exemple dans le monde pour l’enseignement et l’exercice professionnel de cette discipline devenue majeure : la psychologie.
Il est donc plus que jamais indispensable de développer et d’actualiser la grande profession « psy » généraliste de haut niveau, la profession de psychologue, dont nos concitoyens ont besoin dans de nombreux domaines de leur vie privée, professionnelle ou sociale.
Ce développement passe par des changements importants dans la formation initiale des psychologues français:
- Création d’un cursus de formation unique, actualisé, harmonisé, intégrant tous les secteurs d’application de la psychologie, cursus validé par un doctorat.
- Modification des critères de recrutement et de compétences des enseignants de la psychologie afin que cette formation initiale par l’excellence devienne réellement effective.
- Formation d’un nombre adapté de psychologues par rapport aux besoins.
Les conséquences positives de cette réforme de la formation des psychologues concerneraient de nombreux domaines. En voici six exemples.
- Education : prévention, dépistage, traitement des problèmes personnels ou de l’apprentissage de la maternelle à l’université ; orientation ; conseil, aide à la gestion des difficultés des personnels de l’enseignement ; etc.
- Santé : prévention, dépistage, diagnostic, traitement des troubles psychiques et du comportement, des conduites addictives, en secteur libéral ou en milieu institutionnel ; formation et supervision des soignants ; etc.
- Justice : prise en charge des victimes, des infracteurs en milieu carcéral ou extra carcéral, lutte contre la récidive, expertises, formation des personnels, etc.
- Milieu du travail et des entreprises publiques et privées : recrutement, gestion de problèmes des personnels, gestion des ressources humaines, coaching, bilans de compétences, orientation, etc.
- Sport : bilans, gestion et amélioration des performances, gestion du stress, de la réussite, des échecs, de la carrière, etc.
- Recherche : développement de nombreux axes de recherches utiles en rapport avec les nécessités de terrain dans tous les domaines d’application de la psychologie.
La mise en place de cette proposition de réforme de fond, tout en apportant un gain de services très important à nos concitoyens, ne serait pas plus onéreuse que le modèle actuel qui s’avère régulièrement très contre productif. Elle apporterait aussi aux usagers une clarification considérable et nécessaire de la nébuleuse « psy ».
La réalisation de cette réforme ferait de la France un pays moteur en la matière. Par souci d’harmonisation, ce modèle basé sur l’excellence de la formation et des services rendus pourrait par la suite faire école dans le reste de l’Union Européenne.
La communication qui suit développe avec plus de précision cette proposition de réforme.
LE DOCTORAT : UN IMPERATIF POUR LES PSYCHOLOGUES FRANÇAIS ET EUROPEENS
(PROPOSITION DE REFORME)
THE DOCTORATE: AN IMPERATIVE FOR FRENCH AND EUROPEAN PSYCHOLOGISTS
(A PROPOSAL FOR REFORM)
(« Les 2èmes Entretiens de la Psychologie », Université René Descartes Paris V, Institut de Psychologie, Boulogne-Billancourt, 2-4 novembre 2006 )
Résumé
En France comme dans L’Union Européenne le nombre des psychologues ne cesse d’augmenter pour constituer de très loin le plus important vivier de professionnels « psy » et d’experts potentiels. Les demandes de prestations faites aux psychologues dans des domaines très variés connaissent elles aussi, depuis des années, une expansion sans précédent. Malgré ce développement qui devrait encore s’accroître considérablement, les formations initiales des psychologues demeurent très inégales et disparates et souvent très éloignées, voir inadaptées par rapport aux attentes légitimes des usagers. Il importe donc de réformer au plus vite cette formation en l’allongeant, en l’actualisant, en l’homogénéisant, en l’adaptant aux connaissances et aux besoins actuels et en la sanctionnant par un titre unique et clair : le doctorat. Pour résumer le problème qui ne cesse de s’aggraver dans sa spécificité française, il faut former beaucoup moins de psychologues mais il faut les former beaucoup mieux.
Cette réforme, d’une impérieuse nécessité sociale et humaine, doit évidemment s’accompagner aussi d’une indispensable et importante révision des critères de sélection et de compétence de celles et de ceux qui dispenseront cette formation renouvelée (les critères en vigueur actuellement pour recruter les enseignants de la psychologie étant depuis longtemps, et à juste titre, très largement contestés comme étant la principale cause des carences de la formation initiale des psychologues et de leur morcellement professionnel).
Summary
In France, as in the European Union, the number of psychologists continues to increase and constitutes by far the most important source of professionals in this field. The requests for services of psychologist in many various domains have also increased in an unprecedented way for a number of years. In spite of this development, which should continue to increase considerably, the initial training of psychologists remains uneven and disparate and often remote from, even unsuitable to, the legitimate expectations of users. It is therefore important to reform this training by extending, updating, homogenising and adapting it to current knowledge and needs and by marking it by a single and precise degree : that of a doctorate. This reform, which is socially and humanly pressingly necessary must evidently also be accompanied by an indispensable and important revision of the criteria in the selection and competence of those who will dispense this renewed training (the current criteria in use to recruit psychology teachers have been widely contested and deemed to be, justly so, the main cause of shortcomings of the initial training of psychologists and of their professional segmentation).
Mots-clés : psychologie, psychologue, psychothérapie, psychothérapeute, Europe, formation, doctorat, santé
Keywords: psychology, psychologist, psychotherapy, psychotherapist, Europe, formation, doctorate, health
Schlüsselwörter: Psychologie, Psychologe, Psychotherapie, Psychotherapeut, Europa, Ausbildung, Doktortitel, Gesundheit
Palabras clave: psicología, psicólogo, psicoterapia, psicoterapeuta, Europa, formación, doctorado, salu
AVANT-PROPOS :
Cette communication a été faite une première fois dans le cadre du colloque qui s’est tenu les 24 et 25 juin 2004 à l’Université de Toulouse 2 (France) et qui avait pour thème, « la formation professionnelle des psychologues et l’université ». Cette proposition de réforme de la formation initiale des psychologues français et européens pose un cadre général, clair et simple. En suscitant l’amélioration du contenu de cette formation et en confortant la spécificité et l’unité de la profession de psychologue, tout en permettant la polyvalence de son exercice, cette réforme permettrait de mieux répondre aux demandes légitimes sans cesse plus nombreuses, plus diversifiées et plus complexes faites aux psychologues. Cette réforme permettrait également d’apporter une solution adaptée et de qualité au problème crucial de la formation visant à l’exercice des psychothérapies. Afin d’apporter une qualité de service optimum cet exercice des psychothérapies doit demeurer une des fonctions possibles, parmi d’autres, d’un métier à la culture théorique et pratique psychologique beaucoup plus large et de haut niveau et ne saurait se réduire à une formation et à une profession de « psychothérapeute » au sens étroit du terme. Il suffirait donc aux personnes qui souhaitent exercer les psychothérapies de devenir psychologue (ou psychiatre) de souche si elles ne le sont pas déjà.
Cette proposition de réforme, socle de la profession et de son exercice, a reçu un avis de principe favorable de la majorité des psychologues français et européens (présents au colloque) interrogés sur sa validité (professionnels de terrain dans des domaines différents, représentants d’organisations de psychologues, universitaires et étudiants en psychologie). Depuis le colloque de Toulouse cette proposition régulièrement affinée et publiée dans des journaux professionnels ou sur des sites Internet spécialisés a également reçu de nombreuses autres réactions de soutien de la part de psychologues ou d’autres professionnels (enseignants, cadres de santé, médecins, directeurs d’institutions, infirmières, avocats, etc.). Sur les dizaines de milliers de psychologues ou d’autres personnes qui ont pu prendre connaissance de cette proposition moins de dix réactions critiques ou défavorables ont été exprimées.
Il est plus que jamais indispensable de développer et d’actualiser la grande profession « psy » généraliste de haut niveau, la profession de psychologue, dont les usagers ont besoin dans de nombreux domaines de leur vie privée, professionnelle ou sociale.
LA PROPOSITION DE REFORME :
Les interventions et les sollicitations des psychologues dans des domaines de plus en plus variés et sensibles (champ social, éducation, justice, santé, transports, police, milieu du travail et des entreprises, armées, milieu carcéral, suivi extra carcéral, sport, orientation, prise en charge des victimes, expertises, etc.) pour des personnes de tous âges (de la conception à la mort) ne cessent de s’accroître depuis des décennies en France et en Europe en particulier. Parallèlement les connaissances et les pratiques en psychologie ne cessent elles aussi de se développer, de s’enrichir et très fréquemment les formations initiales, trop souvent disparates et inégales, des professionnels de la psychologie ne permettent plus d’assurer l’intégration de ces connaissances et de ces pratiques indispensables à un exercice professionnel valide. Le problème crucial d’une réforme du contenu et de la durée de formation des psychologues français et de l’Union Européenne se pose donc avec une particulière acuité depuis de nombreuses années.
1-Le nécessaire allongement de la formation initiale des psychologues français et européens :
Force est de constater que les durées de formation en six ans, cinq ans ou moins (Master ou autres appellations) ne sont plus suffisantes pour intégrer la quantité de connaissances théoriques et de mises en situations pratiques nécessaires à une bonne formation. La durée de cette formation doit donc être allongée. Un alignement sur le niveau doctoral du nouveau cursus européen L.M.D. (Licence, Master, Doctorat) est une durée minimale et raisonnable. Cet allongement permettrait d’intégrer les données nouvelles concernant les champs traditionnels de la psychologie, les données concernant les nouveaux champs d’application de la psychologie (1) et devrait bien évidemment intégrer l’indispensable formation aux psychothérapies référencées aux grands modèles théoriques et pratiques dont l’intérêt est cliniquement reconnu (psychanalyse et thérapies d’orientation psychanalytique, thérapies cognitives et comportementales, thérapies systémiques, thérapies individuelles, de couples, familiales, de groupes …). Cette formation poly-référencée permettrait de passer d’une culture encore trop souvent centrée sur l’orientation, et les carences, du thérapeute à une culture d’indication, d’ouverture et de compétences centrée sur l’intérêt des personnes suivies en psychothérapie.
Les enseignements de psychophysiologie et neurosciences devraient être actualisés et harmonisés en prenant en compte les grands enjeux de santé publique actuels et à venir. Ils devraient être complétés par des enseignements de psychopharmacologie incluant l’apprentissage à la prescription des médicaments psychotropes.
2- Former un nombre adapté de psychologues par rapport aux besoins.
Pour résumer le problème de la formation des psychologues qui ne cesse de s’aggraver dans sa spécificité française, on peut dire qu’il faut en former beaucoup moins mais qu’il faut les former beaucoup mieux. Plus de 4500 psychologues sont actuellement diplômés et titrés chaque année en France après des cursus de formation très divers et le plus souvent éloignés des réalités de terrain. Ce chiffre est très excessif par rapport aux besoins, comme l’est également la constante multiplication des troisièmes cycles qui carence les étudiant(e)s en connaissances générales théoriques et pratiques indispensables à l’exercice. Cette multiplication irréaliste des troisièmes cycles, aux labels très sectorisés, a également comme effets très négatifs de minorer les possibilités d’insertion professionnelle ainsi que celles de changement de secteur d’exercice en cours de carrière. Cet état de fait plaide en faveur d’une formation initiale de haut niveau, sanctionnée par un doctorat, harmonisée et intégrant les fondamentaux concernant tous les champs d’application de la psychologie.
3. Le doctorat : un diplôme unique, clair, de haut niveau conjuguant la formation à l’exercice professionnel, la formation à la recherche et la formation à l’enseignement.
Ce doctorat de niveau huit ans d’études supérieures minimum permettant d’accéder au titre de psychologue serait un diplôme signant un haut niveau de formation clairement reconnu par les usagers, les professionnels et leurs éventuels employeurs. Ce diplôme serait attribué à des personnes ayant validé des études complètes en psychologie. La nécessité d’harmonisation des formations, des diplômes et des niveaux de compétence en France et dans l’Union Européenne devrait faire de ce doctorat en psychologie, au delà de la France, un diplôme professionnel commun à tous les Etats membres.
Ce doctorat ne serait pas la généralisation du doctorat actuel (à vocation enseignement recherche) dont les carences sont régulièrement dénoncées car il appauvrit et déconnecte des nombreuses réalités les doctorants en privilégiant le travail sur un sujet unique : celui de la thèse (il faut rappeler que très peu de psychologues sont aujourd’hui titulaires du doctorat car dans sa forme et dans son contenu actuels très controversés ce diplôme n’est exigé que pour enseigner dans le supérieur ; le niveau actuellement nécessaire pour l’exercice professionnel en France est Bac+5 [D.E.S.S. ou D.E.A.+stage ou Master 2], niveau devenu insuffisant qu’il faut améliorer). Cette formation renouvelée, de par son programme théorique et pratique revu, augmenté et adapté aux réalités, de par ses nombreuses, obligatoires et diversifiées mises en situation sur le terrain (dans les secteurs de l’éducation, du travail et des entreprises, de la justice, de la santé, etc.) au cours des huit années d’études, préparerait beaucoup mieux à l’exercice professionnel, à la recherche et à l’enseignement. C’est donc l’optimisation de cette nécessaire et complémentaire triangulation, préparation à l’exercice professionnel, à la recherche et à l’enseignement, que réaliserait ce doctorat nouveau dans un cursus unique.
Une telle réforme permettant de passer à une formation plus adaptée aux réalités, plus homogène et par l’excellence assurerait de meilleures garanties de service aux usagers des psychologues et à leurs éventuels employeurs. Au-delà d’une amélioration de fond de leur formation initiale et de leur offre de compétence elle permettrait aussi aux psychologues de voir une très nette amélioration de leur statut professionnel ainsi que de leur niveau de rémunération.
Selon la classique « clause du grand-père », les personnes déjà habilitées, lors de la création de ce doctorat, à porter le titre de psychologue ne seraient pas obligées de valider ce doctorat mais bénéficieraient des avancées générées par cette amélioration importante de la formation initiale (statut, rémunération, etc.). Si des personnes déjà habilitées à porter le titre de psychologue souhaitaient valider ce doctorat, elles pourraient le faire dans un délai et selon des modalités définis (complément de formation, validation des acquis de l’expérience, thèse, etc.).
Pour aider les étudiants à assumer matériellement l’allongement du cursus des systèmes d’aide financière lors des trois dernières années d’études devraient être mis en place soit sous forme d’allocations d’études, soit sous forme d’internat avec implication professionnelle rémunérée dans les grands secteurs d’exercice de la psychologie (éducation, milieu judiciaire et para-judiciaire, milieu du travail et des entreprises, santé, etc.) en parallèle et en complément de la formation à l’université. L’internat devrait être privilégié car il permettrait la réalisation d’un quadruple objectif : immerger les étudiant(e)s très avancé(e)s dans l’exercice professionnel tout en continuant à les former sous tutelle, leur offrir des terrains d’exercice et de recherche variés et adaptés aux réalités, les rémunérer et rendre également par ce procédés un service important aux usagers (particuliers ou institutions).
Cette nouvelle génération de psychologues formés dans l’excellence et à haut niveau de compétences, serait donc particulièrement qualifiée pour exercer dans le champ sanitaire (libéral ou institutionnel), dans le champ de l’éducation, dans celui de la justice (expertises, prises en charges des victimes, suivi des infracteurs en milieu carcéral ou extra carcéral, etc.), dans le monde du travail et des entreprises, ainsi que dans de nombreux autres secteurs d’application.
4 - La question du recrutement des enseignants de la psychologie à l’Université :
Afin que la formation initiale des psychologues connaisse cette nécessaire avancée il est essentiel de modifier également certains critères de recrutement et de compétence de celles et de ceux qui la dispenseront. Les critères actuels de ce recrutement sont régulièrement dénoncés car ils favorisent trop souvent l’accès à l’enseignement supérieur à des personnes éloignées (voir étrangères) des réalités d’exercice et de terrain, ce qui est pour le moins paradoxal et préjudiciable à la formation des psychologues ainsi qu’à l’activité de recherche. Comment et avec quelle pertinence enseigner une discipline que l’on a peu ou pas pratiquée ou que l’on ne pratique plus depuis longtemps ?… Une voie agrégative ou post-doctorale devrait donc être créée pour recruter les futurs enseignants (maîtres de conférences et professeurs) de la psychologie dans l’enseignement supérieur (public et privé). Ce recrutement devrait prendre en compte les connaissances théoriques des candidat(e)s mais également leur connaissance de la profession et leurs qualités dans son exercice. Ainsi les critères suivant devraient être incontournables pour recruter les enseignants de la psychologie :
- la validation du doctorat en psychologie (et éventuellement la validation de formations complémentaires à ce doctorat)
- l’exercice de la profession de psychologue sur le terrain (pendant au moins dix ans à temps complet avec possibilité de devenir ensuite praticien-enseignant-chercheur en psychologie, dans le secteur d’expériences et de compétences acquises, si le(la) candidat(e) est sélectionné(e) à l’agrégation)
- les aptitudes à concevoir, initier, effectuer, diriger et communiquer des recherches
- les aptitudes à l’enseignement.
Le recrutement de tou(te)s les enseignant(e)s de psychologie (maîtres de conférences et professeurs) dans le vivier des psychologues professionnels expérimentés, talentueux, chevronnés et exerçant dans tous les champs d’application de la discipline, sous statut de praticien-enseignant-chercheur, est un élément capital pour réaliser cette indispensable amélioration de la formation des psychologues, de leur exercice et de leur activité de recherche. Ainsi, la mise en place au plus vite d’un doctorat et d’une agrégation (ou en ce qui concerne l’agrégation d’un dispositif formalisé équivalent) pour les psychologues français et européens est une voie prioritaire de leur avenir. C’est l’intérêt commun des professionnels de la psychologie, de leurs formateurs et bien plus encore de leurs usagers (personnes ou institutions). Cette réforme permettrait aussi de conserver l’indispensable unité de la discipline et de la profession au delà de la multiplicité de leurs secteurs d’application et d’intervention. Elle faciliterait également les possibilités d’insertion, de changement de secteur d’exercice en cours de carrière et la mobilité géographique professionnelle. Elle apporterait enfin aux usagers une clarification importante et nécessaire de la nébuleuse « psy ».
Gageons que les pays de l’Union Européenne, et la France en particulier, avides de développement et de modernité, sauront initier rapidement ce type de réforme de bon sens qui, en améliorant la prise en charge des personnes et l’équilibre collectif, serait une avancée nouvelle et importante de leurs traditions humanistes (selon l’Organisation Mondiale de la Santé une personne sur quatre est en souffrance psychologique). La complexité et l’importance capitale dans tous les domaines de la vie, du psychisme et des comportements humains, imposent l’existence de psychologues hautement qualifiés pour les appréhender. Dispenser ce haut niveau de qualification actualisé est techniquement possible et humainement incontournable. Des réformes rapides doivent rendre cette exigence réalisable. C’est l’intérêt de toutes et de tous. L’Union Européenne et tous ses Etats membres doivent devenir une référence et un exemple dans le monde pour l’enseignement et l’exercice professionnel de cette discipline devenue majeure : la psychologie.
1. Un exemple d’enseignement indispensable:
la psychotraumatologie, la victimologie, la criminologie, l’expertise mentale, des enseignements théoriques et pratiques inclus dans la formation initiale réformée des psychologues.
Dans la perspective d’une telle réforme la psychotraumatologie et la victimologie devraient être systématiquement incluses dans la formation initiale des psychologues. Ainsi tout(e) psychologue sortant de l’université connaîtrait les réactions et la symptomatologie qui peuvent être présentées par les victimes d’événements potentiellement traumatisant ou perturbant de toutes sortes (catastrophes naturelles ou technologiques, accidents, attentats, enlèvements, prises d’otages, tentatives d’homicides, viols, allégations mensongères, incendies, infractions contre les biens, autres types d’agressions humaines, etc.) ainsi que les différentes prises en charge possible à court, moyen et long terme: défusing, débriefing psychologique, psychothérapies, expertises mentales, etc. Une telle réforme serait de nature à améliorer considérablement l’évolution et l’avenir (psychologique, social, sanitaire et judiciaire) des victimes encore trop souvent oubliées ou mal évaluées et mal prises en charge.
La connaissance de la délinquance et de la criminalité, la connaissance des auteurs d’infractions (leur psychologie, leurs comportements, leur évaluation, leurs prises en charge, leurs expertises, la lutte contre la récidive) indissociables du problème des victimes, devrait être également enseignées.
De nombreuses autres matières théoriques et pratiques, recouvrant la diversité des champs d’application de la psychologie, devraient aussi être intégrées à cette formation réformée de tous(tes) les psychologues. Ces enseignements concernant les victimes, les agresseurs et bien d’autres domaines essentiels à la validité professionnelle des psychologues ont été jusqu’à présent majoritairement ignorés ou négligés, dans leurs formations initiales, en France comme dans d’ autres pays de L’Union Européenne. La création de programmes adaptés et harmonisés de formation des psychologues ainsi que la mise en vigueur de nouveaux critères de compétence et de recrutement des enseignants de la psychologie sont plus que jamais indispensables.
Psychologue, spécialiste des agresseurs et des victimes, diplômé d’études supérieures spécialisées (D.E.S.S.) en psychologie pathologique et clinique, docteur en psychopathologie, docteur en droit, diplômé en criminologie appliquée à l’expertise mentale, diplômé en victimologie (Universités de Paris V et de Washington), promoteur d’une proposition de réforme de la formation initiale des psychologues en France et dans l’Union Européenne.
Post-Scriptum: Merci de bien vouloir diffuser cette proposition de réforme. Si vous souhaitez donner votre avis sur cette proposition, vous pouvez le faire par courriel (court) à jpbouchard@voila.fr en mentionnant éventuellement vos noms, fonctions, formations et en précisant comme objet « doctorat ».
Références:
- Bouchard J.P.(Novembre 1988) : A propos du titre unique des psychologues : le doctorat. Le journal des psychologues, n°62, 51-52.
- Bouchard J.P.(Avril 1989) : Le doctorat d’exercice : un impératif pour les psychologues. Le journal des psychologues, n°66, 16.
- Bouchard J.P.(Juin 1991) : Le doctorat et l’agrégation : les voies de l’avenir pour les psychologues. Le journal des psychologues, n°88, 61.
- Bouchard J.P. : Le doctorat : un impératif pour les psychologues européens ( Proposition de réforme). Le journal des psychologues, 2004, n°220, 4 ; Psychologues et psychologies, 2004, n°176, 60-61 ; Psycho-Logos (Journal de la Fédération Belge des Psychologues, FBP, Bruxelles, Belgique), n°3/2004, 17-18 ; les Annales Médico Psychologiques, 2006, Vol. 164, 94-96 ; Revue francophone du stress et du trauma, février 2006, Tome 6, n° 1, 54-56 ; Journal de thérapie comportementale et cognitive, juin 2006, 16, 2, 75-78 ; Publication sur des sites Internet spécialisés (Psychologue.fr , SNP, Psychothérapie Vigilance.com, etc.).
- Rogard V., Bouchard J.-P., Lécuyer R. : L’internationalisation de la formation en psychologie : enjeux et réalisations. Présentation du « Master Erasmus Mundus in Work, Organizational and Personnel Psychology » (V.Rogard.) ; proposition de réforme de la formation initiale des psychologues en France et dans l’Union Européenne (J.-P. Bouchard ) ; présentation d’« Europsy » (R. Lécuyer). « Les 2èmes Entretiens de la Psychologie », Université René Descartes Paris V, Institut de Psychologie, Boulogne-Billancourt, 2-4 novembre 2006.
- Bouchard J.-P. : Réformer l’expertise psychiatrique et l’expertise psychologique : un impératif pour la justice. Le concours médical, tome 128-02, 18 janvier 2006, 97-99.
- Bouchard J.-P. : L’expertise mentale en France entre « pollution de la justice » et devoir d’objectivité. Droit pénal, éditions LexisNexis, n° 2, février 2006, étude n° 3, 15-16.
- Bouchard J.-P. : Réformer l’expertise psychologique et l’expertise psychiatrique : une impérieuse nécessité pour la justice. Le journal des psychologues, n° 238, 30-33, juin 2006.
- Bouchard J.-P. : L’indispensable réforme de l’expertise psychiatrique et de l’expertise psychologique. Colloque sur « La preuve pénale », Paris, La Sorbonne, 10 novembre 2006; XXIème Forum professionnel des psychologues, Avignon, Palais des Papes, 23-25 novembre 2006 ; Conférences « Regards sur l’actualité », Institut d’études judiciaires, Université Panthéon -Assas, Paris II, faculté de droit, 19 février 2007.
Par Jean-Pierre BOUCHARD *1
La complexité et l’importance capitale dans tous les domaines de la vie, du psychisme et des comportements humains, imposent l’existence de psychologues hautement qualifiés pour les appréhender. Dispenser ce haut niveau de qualification actualisé est techniquement possible et humainement incontournable. Des réformes rapides doivent rendre cette exigence réalisable. C’est l’intérêt de toutes et de tous. L’Union Européenne, et la France en particulier, doivent devenir une référence et un exemple dans le monde pour l’enseignement et l’exercice professionnel de cette discipline devenue majeure : la psychologie.
Il est donc plus que jamais indispensable de développer et d’actualiser la grande profession « psy » généraliste de haut niveau, la profession de psychologue, dont nos concitoyens ont besoin dans de nombreux domaines de leur vie privée, professionnelle ou sociale.
Ce développement passe par des changements importants dans la formation initiale des psychologues français:
- Création d’un cursus de formation unique, actualisé, harmonisé, intégrant tous les secteurs d’application de la psychologie, cursus validé par un doctorat.
- Modification des critères de recrutement et de compétences des enseignants de la psychologie afin que cette formation initiale par l’excellence devienne réellement effective.
- Formation d’un nombre adapté de psychologues par rapport aux besoins.
Les conséquences positives de cette réforme de la formation des psychologues concerneraient de nombreux domaines. En voici six exemples.
- Education : prévention, dépistage, traitement des problèmes personnels ou de l’apprentissage de la maternelle à l’université ; orientation ; conseil, aide à la gestion des difficultés des personnels de l’enseignement ; etc.
- Santé : prévention, dépistage, diagnostic, traitement des troubles psychiques et du comportement, des conduites addictives, en secteur libéral ou en milieu institutionnel ; formation et supervision des soignants ; etc.
- Justice : prise en charge des victimes, des infracteurs en milieu carcéral ou extra carcéral, lutte contre la récidive, expertises, formation des personnels, etc.
- Milieu du travail et des entreprises publiques et privées : recrutement, gestion de problèmes des personnels, gestion des ressources humaines, coaching, bilans de compétences, orientation, etc.
- Sport : bilans, gestion et amélioration des performances, gestion du stress, de la réussite, des échecs, de la carrière, etc.
- Recherche : développement de nombreux axes de recherches utiles en rapport avec les nécessités de terrain dans tous les domaines d’application de la psychologie.
La mise en place de cette proposition de réforme de fond, tout en apportant un gain de services très important à nos concitoyens, ne serait pas plus onéreuse que le modèle actuel qui s’avère régulièrement très contre productif. Elle apporterait aussi aux usagers une clarification considérable et nécessaire de la nébuleuse « psy ».
La réalisation de cette réforme ferait de la France un pays moteur en la matière. Par souci d’harmonisation, ce modèle basé sur l’excellence de la formation et des services rendus pourrait par la suite faire école dans le reste de l’Union Européenne.
La communication qui suit développe avec plus de précision cette proposition de réforme.
LE DOCTORAT : UN IMPERATIF POUR LES PSYCHOLOGUES FRANÇAIS ET EUROPEENS
(PROPOSITION DE REFORME)
THE DOCTORATE: AN IMPERATIVE FOR FRENCH AND EUROPEAN PSYCHOLOGISTS
(A PROPOSAL FOR REFORM)
(« Les 2èmes Entretiens de la Psychologie », Université René Descartes Paris V, Institut de Psychologie, Boulogne-Billancourt, 2-4 novembre 2006 )
Résumé
En France comme dans L’Union Européenne le nombre des psychologues ne cesse d’augmenter pour constituer de très loin le plus important vivier de professionnels « psy » et d’experts potentiels. Les demandes de prestations faites aux psychologues dans des domaines très variés connaissent elles aussi, depuis des années, une expansion sans précédent. Malgré ce développement qui devrait encore s’accroître considérablement, les formations initiales des psychologues demeurent très inégales et disparates et souvent très éloignées, voir inadaptées par rapport aux attentes légitimes des usagers. Il importe donc de réformer au plus vite cette formation en l’allongeant, en l’actualisant, en l’homogénéisant, en l’adaptant aux connaissances et aux besoins actuels et en la sanctionnant par un titre unique et clair : le doctorat. Pour résumer le problème qui ne cesse de s’aggraver dans sa spécificité française, il faut former beaucoup moins de psychologues mais il faut les former beaucoup mieux.
Cette réforme, d’une impérieuse nécessité sociale et humaine, doit évidemment s’accompagner aussi d’une indispensable et importante révision des critères de sélection et de compétence de celles et de ceux qui dispenseront cette formation renouvelée (les critères en vigueur actuellement pour recruter les enseignants de la psychologie étant depuis longtemps, et à juste titre, très largement contestés comme étant la principale cause des carences de la formation initiale des psychologues et de leur morcellement professionnel).
Summary
In France, as in the European Union, the number of psychologists continues to increase and constitutes by far the most important source of professionals in this field. The requests for services of psychologist in many various domains have also increased in an unprecedented way for a number of years. In spite of this development, which should continue to increase considerably, the initial training of psychologists remains uneven and disparate and often remote from, even unsuitable to, the legitimate expectations of users. It is therefore important to reform this training by extending, updating, homogenising and adapting it to current knowledge and needs and by marking it by a single and precise degree : that of a doctorate. This reform, which is socially and humanly pressingly necessary must evidently also be accompanied by an indispensable and important revision of the criteria in the selection and competence of those who will dispense this renewed training (the current criteria in use to recruit psychology teachers have been widely contested and deemed to be, justly so, the main cause of shortcomings of the initial training of psychologists and of their professional segmentation).
Mots-clés : psychologie, psychologue, psychothérapie, psychothérapeute, Europe, formation, doctorat, santé
Keywords: psychology, psychologist, psychotherapy, psychotherapist, Europe, formation, doctorate, health
Schlüsselwörter: Psychologie, Psychologe, Psychotherapie, Psychotherapeut, Europa, Ausbildung, Doktortitel, Gesundheit
Palabras clave: psicología, psicólogo, psicoterapia, psicoterapeuta, Europa, formación, doctorado, salu
AVANT-PROPOS :
Cette communication a été faite une première fois dans le cadre du colloque qui s’est tenu les 24 et 25 juin 2004 à l’Université de Toulouse 2 (France) et qui avait pour thème, « la formation professionnelle des psychologues et l’université ». Cette proposition de réforme de la formation initiale des psychologues français et européens pose un cadre général, clair et simple. En suscitant l’amélioration du contenu de cette formation et en confortant la spécificité et l’unité de la profession de psychologue, tout en permettant la polyvalence de son exercice, cette réforme permettrait de mieux répondre aux demandes légitimes sans cesse plus nombreuses, plus diversifiées et plus complexes faites aux psychologues. Cette réforme permettrait également d’apporter une solution adaptée et de qualité au problème crucial de la formation visant à l’exercice des psychothérapies. Afin d’apporter une qualité de service optimum cet exercice des psychothérapies doit demeurer une des fonctions possibles, parmi d’autres, d’un métier à la culture théorique et pratique psychologique beaucoup plus large et de haut niveau et ne saurait se réduire à une formation et à une profession de « psychothérapeute » au sens étroit du terme. Il suffirait donc aux personnes qui souhaitent exercer les psychothérapies de devenir psychologue (ou psychiatre) de souche si elles ne le sont pas déjà.
Cette proposition de réforme, socle de la profession et de son exercice, a reçu un avis de principe favorable de la majorité des psychologues français et européens (présents au colloque) interrogés sur sa validité (professionnels de terrain dans des domaines différents, représentants d’organisations de psychologues, universitaires et étudiants en psychologie). Depuis le colloque de Toulouse cette proposition régulièrement affinée et publiée dans des journaux professionnels ou sur des sites Internet spécialisés a également reçu de nombreuses autres réactions de soutien de la part de psychologues ou d’autres professionnels (enseignants, cadres de santé, médecins, directeurs d’institutions, infirmières, avocats, etc.). Sur les dizaines de milliers de psychologues ou d’autres personnes qui ont pu prendre connaissance de cette proposition moins de dix réactions critiques ou défavorables ont été exprimées.
Il est plus que jamais indispensable de développer et d’actualiser la grande profession « psy » généraliste de haut niveau, la profession de psychologue, dont les usagers ont besoin dans de nombreux domaines de leur vie privée, professionnelle ou sociale.
LA PROPOSITION DE REFORME :
Les interventions et les sollicitations des psychologues dans des domaines de plus en plus variés et sensibles (champ social, éducation, justice, santé, transports, police, milieu du travail et des entreprises, armées, milieu carcéral, suivi extra carcéral, sport, orientation, prise en charge des victimes, expertises, etc.) pour des personnes de tous âges (de la conception à la mort) ne cessent de s’accroître depuis des décennies en France et en Europe en particulier. Parallèlement les connaissances et les pratiques en psychologie ne cessent elles aussi de se développer, de s’enrichir et très fréquemment les formations initiales, trop souvent disparates et inégales, des professionnels de la psychologie ne permettent plus d’assurer l’intégration de ces connaissances et de ces pratiques indispensables à un exercice professionnel valide. Le problème crucial d’une réforme du contenu et de la durée de formation des psychologues français et de l’Union Européenne se pose donc avec une particulière acuité depuis de nombreuses années.
1-Le nécessaire allongement de la formation initiale des psychologues français et européens :
Force est de constater que les durées de formation en six ans, cinq ans ou moins (Master ou autres appellations) ne sont plus suffisantes pour intégrer la quantité de connaissances théoriques et de mises en situations pratiques nécessaires à une bonne formation. La durée de cette formation doit donc être allongée. Un alignement sur le niveau doctoral du nouveau cursus européen L.M.D. (Licence, Master, Doctorat) est une durée minimale et raisonnable. Cet allongement permettrait d’intégrer les données nouvelles concernant les champs traditionnels de la psychologie, les données concernant les nouveaux champs d’application de la psychologie (1) et devrait bien évidemment intégrer l’indispensable formation aux psychothérapies référencées aux grands modèles théoriques et pratiques dont l’intérêt est cliniquement reconnu (psychanalyse et thérapies d’orientation psychanalytique, thérapies cognitives et comportementales, thérapies systémiques, thérapies individuelles, de couples, familiales, de groupes …). Cette formation poly-référencée permettrait de passer d’une culture encore trop souvent centrée sur l’orientation, et les carences, du thérapeute à une culture d’indication, d’ouverture et de compétences centrée sur l’intérêt des personnes suivies en psychothérapie.
Les enseignements de psychophysiologie et neurosciences devraient être actualisés et harmonisés en prenant en compte les grands enjeux de santé publique actuels et à venir. Ils devraient être complétés par des enseignements de psychopharmacologie incluant l’apprentissage à la prescription des médicaments psychotropes.
2- Former un nombre adapté de psychologues par rapport aux besoins.
Pour résumer le problème de la formation des psychologues qui ne cesse de s’aggraver dans sa spécificité française, on peut dire qu’il faut en former beaucoup moins mais qu’il faut les former beaucoup mieux. Plus de 4500 psychologues sont actuellement diplômés et titrés chaque année en France après des cursus de formation très divers et le plus souvent éloignés des réalités de terrain. Ce chiffre est très excessif par rapport aux besoins, comme l’est également la constante multiplication des troisièmes cycles qui carence les étudiant(e)s en connaissances générales théoriques et pratiques indispensables à l’exercice. Cette multiplication irréaliste des troisièmes cycles, aux labels très sectorisés, a également comme effets très négatifs de minorer les possibilités d’insertion professionnelle ainsi que celles de changement de secteur d’exercice en cours de carrière. Cet état de fait plaide en faveur d’une formation initiale de haut niveau, sanctionnée par un doctorat, harmonisée et intégrant les fondamentaux concernant tous les champs d’application de la psychologie.
3. Le doctorat : un diplôme unique, clair, de haut niveau conjuguant la formation à l’exercice professionnel, la formation à la recherche et la formation à l’enseignement.
Ce doctorat de niveau huit ans d’études supérieures minimum permettant d’accéder au titre de psychologue serait un diplôme signant un haut niveau de formation clairement reconnu par les usagers, les professionnels et leurs éventuels employeurs. Ce diplôme serait attribué à des personnes ayant validé des études complètes en psychologie. La nécessité d’harmonisation des formations, des diplômes et des niveaux de compétence en France et dans l’Union Européenne devrait faire de ce doctorat en psychologie, au delà de la France, un diplôme professionnel commun à tous les Etats membres.
Ce doctorat ne serait pas la généralisation du doctorat actuel (à vocation enseignement recherche) dont les carences sont régulièrement dénoncées car il appauvrit et déconnecte des nombreuses réalités les doctorants en privilégiant le travail sur un sujet unique : celui de la thèse (il faut rappeler que très peu de psychologues sont aujourd’hui titulaires du doctorat car dans sa forme et dans son contenu actuels très controversés ce diplôme n’est exigé que pour enseigner dans le supérieur ; le niveau actuellement nécessaire pour l’exercice professionnel en France est Bac+5 [D.E.S.S. ou D.E.A.+stage ou Master 2], niveau devenu insuffisant qu’il faut améliorer). Cette formation renouvelée, de par son programme théorique et pratique revu, augmenté et adapté aux réalités, de par ses nombreuses, obligatoires et diversifiées mises en situation sur le terrain (dans les secteurs de l’éducation, du travail et des entreprises, de la justice, de la santé, etc.) au cours des huit années d’études, préparerait beaucoup mieux à l’exercice professionnel, à la recherche et à l’enseignement. C’est donc l’optimisation de cette nécessaire et complémentaire triangulation, préparation à l’exercice professionnel, à la recherche et à l’enseignement, que réaliserait ce doctorat nouveau dans un cursus unique.
Une telle réforme permettant de passer à une formation plus adaptée aux réalités, plus homogène et par l’excellence assurerait de meilleures garanties de service aux usagers des psychologues et à leurs éventuels employeurs. Au-delà d’une amélioration de fond de leur formation initiale et de leur offre de compétence elle permettrait aussi aux psychologues de voir une très nette amélioration de leur statut professionnel ainsi que de leur niveau de rémunération.
Selon la classique « clause du grand-père », les personnes déjà habilitées, lors de la création de ce doctorat, à porter le titre de psychologue ne seraient pas obligées de valider ce doctorat mais bénéficieraient des avancées générées par cette amélioration importante de la formation initiale (statut, rémunération, etc.). Si des personnes déjà habilitées à porter le titre de psychologue souhaitaient valider ce doctorat, elles pourraient le faire dans un délai et selon des modalités définis (complément de formation, validation des acquis de l’expérience, thèse, etc.).
Pour aider les étudiants à assumer matériellement l’allongement du cursus des systèmes d’aide financière lors des trois dernières années d’études devraient être mis en place soit sous forme d’allocations d’études, soit sous forme d’internat avec implication professionnelle rémunérée dans les grands secteurs d’exercice de la psychologie (éducation, milieu judiciaire et para-judiciaire, milieu du travail et des entreprises, santé, etc.) en parallèle et en complément de la formation à l’université. L’internat devrait être privilégié car il permettrait la réalisation d’un quadruple objectif : immerger les étudiant(e)s très avancé(e)s dans l’exercice professionnel tout en continuant à les former sous tutelle, leur offrir des terrains d’exercice et de recherche variés et adaptés aux réalités, les rémunérer et rendre également par ce procédés un service important aux usagers (particuliers ou institutions).
Cette nouvelle génération de psychologues formés dans l’excellence et à haut niveau de compétences, serait donc particulièrement qualifiée pour exercer dans le champ sanitaire (libéral ou institutionnel), dans le champ de l’éducation, dans celui de la justice (expertises, prises en charges des victimes, suivi des infracteurs en milieu carcéral ou extra carcéral, etc.), dans le monde du travail et des entreprises, ainsi que dans de nombreux autres secteurs d’application.
4 - La question du recrutement des enseignants de la psychologie à l’Université :
Afin que la formation initiale des psychologues connaisse cette nécessaire avancée il est essentiel de modifier également certains critères de recrutement et de compétence de celles et de ceux qui la dispenseront. Les critères actuels de ce recrutement sont régulièrement dénoncés car ils favorisent trop souvent l’accès à l’enseignement supérieur à des personnes éloignées (voir étrangères) des réalités d’exercice et de terrain, ce qui est pour le moins paradoxal et préjudiciable à la formation des psychologues ainsi qu’à l’activité de recherche. Comment et avec quelle pertinence enseigner une discipline que l’on a peu ou pas pratiquée ou que l’on ne pratique plus depuis longtemps ?… Une voie agrégative ou post-doctorale devrait donc être créée pour recruter les futurs enseignants (maîtres de conférences et professeurs) de la psychologie dans l’enseignement supérieur (public et privé). Ce recrutement devrait prendre en compte les connaissances théoriques des candidat(e)s mais également leur connaissance de la profession et leurs qualités dans son exercice. Ainsi les critères suivant devraient être incontournables pour recruter les enseignants de la psychologie :
- la validation du doctorat en psychologie (et éventuellement la validation de formations complémentaires à ce doctorat)
- l’exercice de la profession de psychologue sur le terrain (pendant au moins dix ans à temps complet avec possibilité de devenir ensuite praticien-enseignant-chercheur en psychologie, dans le secteur d’expériences et de compétences acquises, si le(la) candidat(e) est sélectionné(e) à l’agrégation)
- les aptitudes à concevoir, initier, effectuer, diriger et communiquer des recherches
- les aptitudes à l’enseignement.
Le recrutement de tou(te)s les enseignant(e)s de psychologie (maîtres de conférences et professeurs) dans le vivier des psychologues professionnels expérimentés, talentueux, chevronnés et exerçant dans tous les champs d’application de la discipline, sous statut de praticien-enseignant-chercheur, est un élément capital pour réaliser cette indispensable amélioration de la formation des psychologues, de leur exercice et de leur activité de recherche. Ainsi, la mise en place au plus vite d’un doctorat et d’une agrégation (ou en ce qui concerne l’agrégation d’un dispositif formalisé équivalent) pour les psychologues français et européens est une voie prioritaire de leur avenir. C’est l’intérêt commun des professionnels de la psychologie, de leurs formateurs et bien plus encore de leurs usagers (personnes ou institutions). Cette réforme permettrait aussi de conserver l’indispensable unité de la discipline et de la profession au delà de la multiplicité de leurs secteurs d’application et d’intervention. Elle faciliterait également les possibilités d’insertion, de changement de secteur d’exercice en cours de carrière et la mobilité géographique professionnelle. Elle apporterait enfin aux usagers une clarification importante et nécessaire de la nébuleuse « psy ».
Gageons que les pays de l’Union Européenne, et la France en particulier, avides de développement et de modernité, sauront initier rapidement ce type de réforme de bon sens qui, en améliorant la prise en charge des personnes et l’équilibre collectif, serait une avancée nouvelle et importante de leurs traditions humanistes (selon l’Organisation Mondiale de la Santé une personne sur quatre est en souffrance psychologique). La complexité et l’importance capitale dans tous les domaines de la vie, du psychisme et des comportements humains, imposent l’existence de psychologues hautement qualifiés pour les appréhender. Dispenser ce haut niveau de qualification actualisé est techniquement possible et humainement incontournable. Des réformes rapides doivent rendre cette exigence réalisable. C’est l’intérêt de toutes et de tous. L’Union Européenne et tous ses Etats membres doivent devenir une référence et un exemple dans le monde pour l’enseignement et l’exercice professionnel de cette discipline devenue majeure : la psychologie.
1. Un exemple d’enseignement indispensable:
la psychotraumatologie, la victimologie, la criminologie, l’expertise mentale, des enseignements théoriques et pratiques inclus dans la formation initiale réformée des psychologues.
Dans la perspective d’une telle réforme la psychotraumatologie et la victimologie devraient être systématiquement incluses dans la formation initiale des psychologues. Ainsi tout(e) psychologue sortant de l’université connaîtrait les réactions et la symptomatologie qui peuvent être présentées par les victimes d’événements potentiellement traumatisant ou perturbant de toutes sortes (catastrophes naturelles ou technologiques, accidents, attentats, enlèvements, prises d’otages, tentatives d’homicides, viols, allégations mensongères, incendies, infractions contre les biens, autres types d’agressions humaines, etc.) ainsi que les différentes prises en charge possible à court, moyen et long terme: défusing, débriefing psychologique, psychothérapies, expertises mentales, etc. Une telle réforme serait de nature à améliorer considérablement l’évolution et l’avenir (psychologique, social, sanitaire et judiciaire) des victimes encore trop souvent oubliées ou mal évaluées et mal prises en charge.
La connaissance de la délinquance et de la criminalité, la connaissance des auteurs d’infractions (leur psychologie, leurs comportements, leur évaluation, leurs prises en charge, leurs expertises, la lutte contre la récidive) indissociables du problème des victimes, devrait être également enseignées.
De nombreuses autres matières théoriques et pratiques, recouvrant la diversité des champs d’application de la psychologie, devraient aussi être intégrées à cette formation réformée de tous(tes) les psychologues. Ces enseignements concernant les victimes, les agresseurs et bien d’autres domaines essentiels à la validité professionnelle des psychologues ont été jusqu’à présent majoritairement ignorés ou négligés, dans leurs formations initiales, en France comme dans d’ autres pays de L’Union Européenne. La création de programmes adaptés et harmonisés de formation des psychologues ainsi que la mise en vigueur de nouveaux critères de compétence et de recrutement des enseignants de la psychologie sont plus que jamais indispensables.
Psychologue, spécialiste des agresseurs et des victimes, diplômé d’études supérieures spécialisées (D.E.S.S.) en psychologie pathologique et clinique, docteur en psychopathologie, docteur en droit, diplômé en criminologie appliquée à l’expertise mentale, diplômé en victimologie (Universités de Paris V et de Washington), promoteur d’une proposition de réforme de la formation initiale des psychologues en France et dans l’Union Européenne.
Post-Scriptum: Merci de bien vouloir diffuser cette proposition de réforme. Si vous souhaitez donner votre avis sur cette proposition, vous pouvez le faire par courriel (court) à jpbouchard@voila.fr en mentionnant éventuellement vos noms, fonctions, formations et en précisant comme objet « doctorat ».
Références:
- Bouchard J.P.(Novembre 1988) : A propos du titre unique des psychologues : le doctorat. Le journal des psychologues, n°62, 51-52.
- Bouchard J.P.(Avril 1989) : Le doctorat d’exercice : un impératif pour les psychologues. Le journal des psychologues, n°66, 16.
- Bouchard J.P.(Juin 1991) : Le doctorat et l’agrégation : les voies de l’avenir pour les psychologues. Le journal des psychologues, n°88, 61.
- Bouchard J.P. : Le doctorat : un impératif pour les psychologues européens ( Proposition de réforme). Le journal des psychologues, 2004, n°220, 4 ; Psychologues et psychologies, 2004, n°176, 60-61 ; Psycho-Logos (Journal de la Fédération Belge des Psychologues, FBP, Bruxelles, Belgique), n°3/2004, 17-18 ; les Annales Médico Psychologiques, 2006, Vol. 164, 94-96 ; Revue francophone du stress et du trauma, février 2006, Tome 6, n° 1, 54-56 ; Journal de thérapie comportementale et cognitive, juin 2006, 16, 2, 75-78 ; Publication sur des sites Internet spécialisés (Psychologue.fr , SNP, Psychothérapie Vigilance.com, etc.).
- Rogard V., Bouchard J.-P., Lécuyer R. : L’internationalisation de la formation en psychologie : enjeux et réalisations. Présentation du « Master Erasmus Mundus in Work, Organizational and Personnel Psychology » (V.Rogard.) ; proposition de réforme de la formation initiale des psychologues en France et dans l’Union Européenne (J.-P. Bouchard ) ; présentation d’« Europsy » (R. Lécuyer). « Les 2èmes Entretiens de la Psychologie », Université René Descartes Paris V, Institut de Psychologie, Boulogne-Billancourt, 2-4 novembre 2006.
- Bouchard J.-P. : Réformer l’expertise psychiatrique et l’expertise psychologique : un impératif pour la justice. Le concours médical, tome 128-02, 18 janvier 2006, 97-99.
- Bouchard J.-P. : L’expertise mentale en France entre « pollution de la justice » et devoir d’objectivité. Droit pénal, éditions LexisNexis, n° 2, février 2006, étude n° 3, 15-16.
- Bouchard J.-P. : Réformer l’expertise psychologique et l’expertise psychiatrique : une impérieuse nécessité pour la justice. Le journal des psychologues, n° 238, 30-33, juin 2006.
- Bouchard J.-P. : L’indispensable réforme de l’expertise psychiatrique et de l’expertise psychologique. Colloque sur « La preuve pénale », Paris, La Sorbonne, 10 novembre 2006; XXIème Forum professionnel des psychologues, Avignon, Palais des Papes, 23-25 novembre 2006 ; Conférences « Regards sur l’actualité », Institut d’études judiciaires, Université Panthéon -Assas, Paris II, faculté de droit, 19 février 2007.