SUD SANTE SOCIAUX
COMMISSION FEDERALE DES PSYCHOLOGUES
Dans la suite de notre précédente prise de position en date du 7 février 2005 et au vu des nouvelles données concernant la politique de santé publique, nous, psychologues de la Commission Fédérale du syndicat SUD Santé Sociaux, réaffirmons notre engagement :
CONTRE L’INSTRUMENTALISATION DES PSYCHOLOGUES, POUR UNE FORMATION SPECIFIQUE NOUS PERMETTANT D’ETRE RESPONSABLES DE NOS PRATIQUES
Les pouvoirs publics, ayant organisé la baisse de la démographie médicale et plus particulièrement celle des psychiatres, ont envisagé de faire entrer les psychologues dans les professions de santé et donc de les former à la faculté de médecine (Projet de Plan Psychiatrie et Santé Mentale, mars 2005).
Il s’agissait de les inclure soit dans un tronc commun des professions de santé, soit au niveau du Master 2 actuel, avec la perspective d’une 6e année de stage (équivalent à une sorte « d’internat ») organisée conjointement par la faculté des Sciences Humaines et la faculté de Médecine. Ils auraient pu, dès lors, se prévaloir d’une garantie médicale propre à suppléer les médecins pour certaines prestations. Celles-ci auraient bien évidemment été prescrites par ces derniers et, peut-être un jour, remboursées.
Dans les hôpitaux, dans la perspective «Hôpital 2007 », comme les autres professions, les psychologues seront recrutés au niveau des pôles et non plus au niveau des services. Comme les autres, ils devront répondre à l’exigence de flexibilité selon l’activité au sein du pôle. Ils deviendront ainsi prestataires de services, répondant au coup par coup selon les prescriptions médicales, et ne pourront plus assurer leur fonction clinique - tant auprès de l’institution que des patients - car elle nécessite durée et continuité de présence. Tout ceci les fera rentrer, comme tous, dans la gestion de l’hôpital-entreprise, entreprise rentable, labellisée, garantie. Tant la psychiatrie que les autres services de soins sont concernés.
Dans le Préambule du Plan Psychiatrie et Santé Mentale du 22 avril 2005, un constat est fait : « L’état des lieux est mitigé et montre des forces et des faiblesses. »
Cet état des lieux est ensuite décliné selon plusieurs points :
« Un état de santé des personnes peu favorable et mal connu…
Une offre présentant une forte hétérogénéité régionale et une situation démographique paradoxale et préoccupante…
Un fonctionnement cloisonné de l'offre…
Une sollicitation du système de soins parfois inappropriée ... ...mais des atouts incontestables…
Donner à la psychiatrie et à la santé mentale un nouveau souffle, au service des usagers et des acteurs »
Dans cet ensemble de remarques, nous pouvons repérer la mise en avant du terme de « synergie ». Le petit Larousse illustré nous en donne la définition suivante : « une mise en commun de plusieurs actions concourant à un effet unique avec une économie de moyen ». A chacun d’apprécier ce qui semble constituer le fondement de la pensée contenue dans ce Plan… !
En ce qui concerne les psychologues, ce même Plan préconise – dans le chapitre 2.2 Améliorer l’exercice des professionnels en santé mentale, paragraphe 2.2.1 Renforcer la formation initiale et continue et favoriser l’évolution des métiers – les mesures suivantes :
« Proposition par le ministère de la Santé au ministère de l’Education Nationale de la création d’un mastère de psychologie clinique et thérapeutique, sur la base d’une réflexion à mener conjointement avec les représentants nationaux des psychologues, des psychiatres et des universitaires.
Impulsion, par le ministère de la Santé, de la création de projets de psychologie clinique dans les établissements de santé, dans le cadre d’une réflexion qui associera les professionnels. Ces projets, qui peuvent s’appuyer sur les «collèges» déjà existants, ont vocation à réunir les psychologues de ces établissements et à leur donner la capacité et un rôle de diffusion de bonnes pratiques, de développement de la formation et de contribution à la recherche clinique, dans une démarche collective cohérente avec le projet d’établissement. »
Dans le même temps, le statut des psychologues de la Fonction Publique Hospitalière est attaqué. Le concours régional de recrutement est bafoué ; on assiste au retour de l’embauche de contractuels, le temps Formation Information Recherche est de plus en plus remis en cause.
N’oublions pas le projet de réforme de la Fonction Publique qui vise à transformer 900 corps en 28 cadres statutaires.
Les psychologues relevant des conventions collectives ou d’autres fonctions publiques, ne sont pas épargnés : la même logique est à l’œuvre.
Le titre de psychologue (loi 85772 du 25/07/85 relative à la protection du titre de psychologue) a tout juste 20 ans. Certes, la loi de juillet 85 prévoit que ce titre puisse être accompagné d’un qualificatif. La fiche métier du Répertoire des Métiers de la Fonction Publique Hospitalière (publié en novembre 2004) concernant notre profession porte le titre de « Psychologue Hospitalier ». Certes, cette fiche décline les activités attendues des psychologues et la psychothérapie en fait partie. Mais, malgré nos propositions, la mention du domaine de référence « Sciences Humaines » n’apparaît pas et la psychanalyse a disparu de la rubrique « connaissances associées ».
Ne nous leurrons pas : l’article 52 de la loi relative à la politique de santé publique, adoptée en août 2004, visant à réglementer l’exercice du titre de psychothérapeute n’est en rien « protecteur » (1) , ni des dits « usagers », ni des professionnels qu’il mentionne. Sous ce couvert de « protection », par le biais de la formation, il est la pierre angulaire d’une volonté politique qui a fait le choix de la rentabilité et du contrôle des orientations et des pratiques.
Mais ne participons pas davantage à la duperie intellectuelle que constitue cet article de loi : aucun diplôme – Doctorat en médecine ou DESS et Mastère de psychologie – ne peut permettre à quiconque de se prévaloir d’une « aptitude » à la psychothérapie. Nous le savons : c’est au décours d’une expérience personnelle plus ou moins longue, pour son propre compte, qu’un sujet pourra s’engager à accueillir la parole d’un autre sujet qui s’adresse à lui. Et de cette rencontre pourront se produire, à plus ou moins long terme, des effets thérapeutiques.
Contre les conclusions du Rapport de l’Inserm sur l’évaluation des psychothérapies qui prétend démontrer la supériorité des approches cognitives et comportementales, contre la montée en puissance des neurosciences et de la tendance à la biologisation du psychisme, nous voulons sauvegarder la dimension de la causalité psychique.
En conséquence, nous demandons le retrait de l’article 52 de la Loi relative à la politique de santé publique, visant à réglementer l’exercice du titre de psychothérapeute.
Et nous invitons les psychologues, et leurs organisations syndicales et associations, les étudiants et enseignants en psychologie, les psychiatres, et leurs syndicats et associations , les psychanalystes, et leurs associations et écoles, les professionnels et les citoyens qui s’opposent à cette abrasion de nos formations, qualifications et pratiques, à s’engager à nos côtés dans cette voie.
(1) Cf la proposition de Loi n° 2342 du 26/04/2000 « relative à la prescription et à la conduite des psychothérapies » présentée par Mr Bernard Accoyer : «…le vide juridique actuel (qui) constitue un danger réel pour la santé mentale, la santé publique et la sécurité sanitaire, ainsi qu’une atteinte au droit des malades. »
25 juillet 2005