Suppression de l’enseignement d’anthropologie clinique dans le Master professionnel Psychologie Clinique & Psychopathologie de l’Université Paris-10 Nanterre ou de ce que révèle ce passage à l’acte
A l’Université Paris-10 Nanterre le diplôme de Master Pro « Psychologie Clinique et Psychopathologie » s’est trouvé amputé du déjà trop maigre enseignement d’anthropologie clinique et psychanalytique qu’assuraient jusqu’à présent, à la suite de Françoise Couchard, Jean-Baptiste Fotso-Djemo et Oliver Douville, tous deux enseignants titulaires, connus comme de bon spécialistes de cette question par leurs publications et leurs communications scientifiques en Europe comme un peu plus loin ailleurs. Il ne vaudrait pas la peine de commenter plus avant une telle décision, prise sans aucune concertation par Jean-Michel Petot et annoncée aux deux responsables par un mail truffé d’arguties si elle n’annonçait une mutation idéologique inquiétante dans l’enseignement proposé à ces étudiants de Master 2, nos futurs collègues, donc. Certes, cette suppression piteuse d’un enseignement n’est qu’un coup de force, exécuté avec brutalité, sans qu’aucune réponse au courrier envoyé par les deux intéressés ne leur soit parvenu ni que quoi que ce soit n’ait été envisagé à propos de l’amputation de leur service statutaire qui résultait de cet « ukase ». Nous sommes assez loin de la correction et de la collégialité nécessaire à un fonctionnement clair et correct d’une équipe pédagogique. Cette décision est, de plus, et c’est le plus important, tout à fait à courte vue: qui ignorerait que nos futurs collègues vont travailler dans un monde mouvant, pluriel, où les questions de déplacements des populations, des exclusions et des exils fulgurent ? et qu’il convient d’inventer encore une voie clinique qui sans faire l’apologie d’un folklorisme culturaliste, sache entendre les incidences subjectives des ruptures de l’histoire et des exils.
Passons sur l’amertume qu’il y a à voir l’anthropologie clinique rayée d’un revers de main dans une université qui valait autrefois pour le prestige de l’enseignement qu’y dispensaient R. Dorey, B. Gibello et, surtout, D. Anzieu, lequel, nous le tenons de source sûre, avait proposée comme premier titre de sa collection « Psychisme », chez Dunod, celui précisément d’ « Anthropologie Clinique ».
Analysons le symptôme que cette rupture avec la tradition de Nanterre révèle, par sa brutalité même. S’il y survivait encore un peu de l’esprit et de la rationalité de la psychanalyse en psychologie clinique, le territoire de l’abord psycho-dynamique s’est restreint très rapidement à une peau de chagrin. La psychologie clinique est en ces lieux devenue très rapidement un concentré d’enseignements dévolus aux dites nouvelles cliniques (celles qu’on déduit des DSM) et aux nouvelles psychothérapies (qu’on pourrait ranger sous la bannière P.T.S.P. –psychothérapies : tout sauf psychanalyse). On voit très bien l’anthropologie et la psychologie « new-look » qui découlent de ce genre d’idéologies : l’homme comportemental souffrant de quelques défauts d’adaptation au réalisme ambiant. On voit encore mieux à quel point le regard critique qu’une culture anthropologique véritable peut donner aux étudiants à propos de la promotion de ce nouveau typus psycholgicus était indésiré, redouté, encombrant.
C’est ainsi : cette médiocre petite histoire n’est rien qu’un exemple de plus qui montre à vif une antipathie des discours et des conceptions de l’homme qu’abritent d’une part la culture psychodynamique psychanalytique et, d’autre part, et à l’opposé le management psychologique en vogue. Il était logique que la hargne antipsychanalytique dont nos étudiants de clinique sont affublés jusqu’à l’absurde ne puisse admettre que l’on parle de culture et psychisme, de singularité et de collectivité, de la part jamais collectivisable du symptôme, refuse aveuglément qu’on tienne et qu’on présente pour décisifs les avancées « anthropologiques » de Freud, Roheim, Devereux, et de quelques autres plus actuels dont Pradelles de Latour, Duruz, Kaës ou Duparc.
C’est à ce titre que je tiens à porter à votre connaissance cette petite anecdote révélatrice comme on dit de l’ « air du temps ».
Olivier Douville
14/11/2007
A l’Université Paris-10 Nanterre le diplôme de Master Pro « Psychologie Clinique et Psychopathologie » s’est trouvé amputé du déjà trop maigre enseignement d’anthropologie clinique et psychanalytique qu’assuraient jusqu’à présent, à la suite de Françoise Couchard, Jean-Baptiste Fotso-Djemo et Oliver Douville, tous deux enseignants titulaires, connus comme de bon spécialistes de cette question par leurs publications et leurs communications scientifiques en Europe comme un peu plus loin ailleurs. Il ne vaudrait pas la peine de commenter plus avant une telle décision, prise sans aucune concertation par Jean-Michel Petot et annoncée aux deux responsables par un mail truffé d’arguties si elle n’annonçait une mutation idéologique inquiétante dans l’enseignement proposé à ces étudiants de Master 2, nos futurs collègues, donc. Certes, cette suppression piteuse d’un enseignement n’est qu’un coup de force, exécuté avec brutalité, sans qu’aucune réponse au courrier envoyé par les deux intéressés ne leur soit parvenu ni que quoi que ce soit n’ait été envisagé à propos de l’amputation de leur service statutaire qui résultait de cet « ukase ». Nous sommes assez loin de la correction et de la collégialité nécessaire à un fonctionnement clair et correct d’une équipe pédagogique. Cette décision est, de plus, et c’est le plus important, tout à fait à courte vue: qui ignorerait que nos futurs collègues vont travailler dans un monde mouvant, pluriel, où les questions de déplacements des populations, des exclusions et des exils fulgurent ? et qu’il convient d’inventer encore une voie clinique qui sans faire l’apologie d’un folklorisme culturaliste, sache entendre les incidences subjectives des ruptures de l’histoire et des exils.
Passons sur l’amertume qu’il y a à voir l’anthropologie clinique rayée d’un revers de main dans une université qui valait autrefois pour le prestige de l’enseignement qu’y dispensaient R. Dorey, B. Gibello et, surtout, D. Anzieu, lequel, nous le tenons de source sûre, avait proposée comme premier titre de sa collection « Psychisme », chez Dunod, celui précisément d’ « Anthropologie Clinique ».
Analysons le symptôme que cette rupture avec la tradition de Nanterre révèle, par sa brutalité même. S’il y survivait encore un peu de l’esprit et de la rationalité de la psychanalyse en psychologie clinique, le territoire de l’abord psycho-dynamique s’est restreint très rapidement à une peau de chagrin. La psychologie clinique est en ces lieux devenue très rapidement un concentré d’enseignements dévolus aux dites nouvelles cliniques (celles qu’on déduit des DSM) et aux nouvelles psychothérapies (qu’on pourrait ranger sous la bannière P.T.S.P. –psychothérapies : tout sauf psychanalyse). On voit très bien l’anthropologie et la psychologie « new-look » qui découlent de ce genre d’idéologies : l’homme comportemental souffrant de quelques défauts d’adaptation au réalisme ambiant. On voit encore mieux à quel point le regard critique qu’une culture anthropologique véritable peut donner aux étudiants à propos de la promotion de ce nouveau typus psycholgicus était indésiré, redouté, encombrant.
C’est ainsi : cette médiocre petite histoire n’est rien qu’un exemple de plus qui montre à vif une antipathie des discours et des conceptions de l’homme qu’abritent d’une part la culture psychodynamique psychanalytique et, d’autre part, et à l’opposé le management psychologique en vogue. Il était logique que la hargne antipsychanalytique dont nos étudiants de clinique sont affublés jusqu’à l’absurde ne puisse admettre que l’on parle de culture et psychisme, de singularité et de collectivité, de la part jamais collectivisable du symptôme, refuse aveuglément qu’on tienne et qu’on présente pour décisifs les avancées « anthropologiques » de Freud, Roheim, Devereux, et de quelques autres plus actuels dont Pradelles de Latour, Duruz, Kaës ou Duparc.
C’est à ce titre que je tiens à porter à votre connaissance cette petite anecdote révélatrice comme on dit de l’ « air du temps ».
Olivier Douville
14/11/2007