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Les avancées pour les psychologues du projet de loi santé, E. Garcin


Rédigé le Dimanche 3 Mai 2015 à 15:19 | Lu 6681 fois | 0 commentaire(s)



Les avancées pour les psychologues du projet de loi santé, E. Garcin

La première lecture à l’Assemblée Nationale (AN) du « Projet de loi de modernisation de notre système de santé  », dite « loi de santé » ou encore « loi Touraine », a été l’occasion d’une remarquable avancée pour les psychologues des hôpitaux publics et privés. 

Un premier amendement a modifié la définition des missions des établissements de santé en réintroduisant la prise en « compte de la singularité et des aspects psychologiques des personnes ». Modifie l’article L 6111-1 du Code de la Santé Publique (CSP). Et un second amendement a précisé la composition du projet d’établissement en ajoutant au projet médical et au projet de soins infirmiers un « projet psychologique ». Modifie l’article L 6143-2 du CSP. 

Pour que l’intention de ces formulations soit dépourvue d’ambigüité, la rapporteure du projet de loi à l’AN a tenu à préciser que le premier amendement visait « à affirmer le rôle des psychologues dans les établissements de santé », ajoutant que la Commission et elle-même soutenaient « fortement cet amendement ». Pour mieux comprendre la portée de ces deux modifications, nous reproduisons les deux articles du CSP tels qu’ils seraient modifiés par cette première lecture. 

Article L 6111-1 du CSP - Premier alinéa
Les établissements de santé publics, privés, et privés d’intérêt collectif, assurent, dans les conditions prévues par le présent code, en tenant compte de la singularité et des aspects psychologiques des personnes, le diagnostic, la surveillance, le traitement des malades, des blessés, et des femmes enceintes et mènent des actions de prévention et d’éducation à la santé


Article L 6143-2 du CSP
Le projet d’établissement définit, notamment sur la base du projet médical, la politique de l’établissement. Il prend en compte les objectifs de formation et de recherche définis conjointement avec l’université dans la convention prévue à l’article L6142-3 du présent code et à l’article L 713-4 du code de l’éducation. Il comporte un projet de prise en charge des patients en cohérence avec le projet de soins infirmiers, de rééducation et médico-technique, ainsi qu’un projet psychologique et un projet social. Le projet d’établissement, qui doit être compatible avec les objectifs du schéma d’organisation des soins, définit, dans le cadre des territoires de santé, la politique de l’établissement en matière de participation aux réseaux de santé mentionnés à l’article L 6321-1 et d’action de coopération mentionnée au titre III du présent livre. Il prévoit les moyens d’hospitalisation, de personnel et d’équipement de toute nature dont l’établissement doit disposer pour réaliser ses objectifs. 
Le projet d’établissement est établi pour une durée maximale de cinq ans. Il peut être révisé avant ce terme. 


Une avancée juridique majeure

​Comme l’indiquent les termes du débat, il s’est agi de rétablir la prise en compte des « aspects psychologiques » du patient, introduit en 1991 dans la définition des missions de l’hôpital et supprimé en 2009 par la loi Hôpital Patient Santé Territoire (HPST). Comme en 1991, les débats de 2015 indiquent qu’il faut y voir la reconnaissance des services rendus aux usagers par les psychologues. 

Donc, retour à l’état antérieur sur ce point, mais en allant en même temps beaucoup plus loin par l’adoption de la notion de projet psychologique comme composante, avec le projet médical et le projet de soins infirmiers, du projet d’établissement.

Après l’expérimentation sur les collèges de psychologues, c’est un moyen supplémentaire et cette fois inscrit dans la loi, contrairement aux collèges dont l’expérimentation en cours ne relève que d’une circulaire, d’installer une filière psychologique, à côté de la filière médicale et de la filière des auxiliaires médicaux. A ce titre, c’est une avancée juridique majeure. 

Au passage, et il faudra y revenir car c’est une option constante du présent projet de loi, l’éducation à la santé et surtout la prévention, sont rajoutées aux missions générales des établissements de santé. 


Une séquence politique

En 1991, lors du débat sur le « projet de réforme hospitalière », le député PS de Boulogne, Monsieur Bernard Bioulac, présente un amendement intégrant la notion de « prise en compte des aspects psychologiques des personnes » et faisant explicitement référence au travail des psychologues. Amendement accepté par le rapporteur et par le ministre. 

En 2009, à l’occasion du débat sur la loi HPST, la majorité UMP tire un trait sur cette formulation, selon l’argument que prendre en compte les aspects psychologiques, cela va de soi et n’a donc nul besoin d’être précisé. 

En 2015, lors du débat sur le « projet de loi de modernisation de notre système de santé », le député PS du Loir-et-Cher, Monsieur Denys Robiliard, connu pour ses rapports sur la psychiatrie, présente un amendement défendant l’idée de « tenir compte de la singularité et des aspects psychologiques des personnes ». La rapporteure, Madame Bernadette Laclais, députée PS de Savoie, stipule qu’il s’agit d’affirmer le rôle des psychologues. L’amendement est accepté par la ministre. 


Côté syndical

Un peu d’histoire ne fait pas de mal.
Les missions des psychologues précisées par le décret statutaire des psychologues de la FPH de 1991 et la prise en compte des aspects psychologiques des personnes dans la loi hospitalière de 1991 sont des avancées dues à des initiatives du SNP alors emmené par Norbert Hacquard, secrétaire général plutôt inspiré. 

Passées relativement inaperçues dans un premier temps, les professionnels en ont assez vite compris la portée et l’importance. D’où, en particulier, l’indignation très partagée par les représentants de la profession lors de la suppression de la prise en compte des aspects psychologiques par la loi HPST. 

Le SNP est le premier à avoir pris position pour intégrer une référence à l’activité des psychologues au sein du projet de loi préparé par Madame Marisol Touraine. D’autres organisations professionnelles ont également pris leur bâton de pèlerin pour se faire entendre, jusqu’à l’Intercollège d’Ile-De-France. Il est vraisemblable que la convergence de ces prises de position ait conforté les responsables politiques favorables à une ouverture en direction des psychologues. 

Enfin, il faut savoir gré à la Ministre de la Santé d’avoir largement communiqué sur son projet de loi et d’avoir laissé le temps à la réflexion et aux contributions. C’est une vertueuse conception du débat démocratique. 


Les psychologues, auxiliaires médicaux dans le Code de la santé publique ?

Dans la suite des débats sont examinés deux amendements visant à intégrer les psychologues dans le CSP.
Auteur du premier des deux amendements, Denys Robiliard entend ouvrir le CSP aux psychologues pour qu’ils pallient aux limites imposées à la démographie des psychiatres. En connaisseur de la situation, il ajoute que le développement des « pratiques avancées qui s’applique aux professions paramédicales et qui permettra de faire prendre en charge par des infirmières des actes qui actuellement ne relèvent pas d’elles », « ne suffira pas à remédier aux problèmes qui se posent ». 

Pour Philippe Vigier, député UDI d’Eure-et-Loir, auteur de l’autre amendement, « il convient vraiment de définir la répartition du travail avec les psychologues qui arrivent en première et seconde intention, sinon le risque est grand d’être confronté à une rupture dans la qualité des soins ». 

Le rapporteur Jean-Louis Touraine, député PS du Rhône, et la ministre sont défavorables à ces amendements en soulignant en particulier que les psychologues sont très attachés à leur titre unique, qu’une intégration d’une partie des psychologues dans le CSP pourrait remettre en cause. 

Denys Robiliard accepte de retirer son amendement. Philippe Vigier maintient le sien. Les deux amendements sont repoussés. 

Désormais c’est aux psychologues qu’il revient de se saisir du débat en le posant dans toute sa complexité, à peine effleurée par les députés. 

Emmanuel Garcin, Mardi 21 Avril 2015 

 


Lire plus

Débats de l’Assemblée Nationale sur le projet de loi de modernisation de notre système de santé. 2ème séance du 9 avril 2015   et 3ème séance du 9 avril 2015.

Voir les débats sur l’article 26  (sur les établissements de santé) et sur l’article 30  (sur l’intégration des psychologues dans le CSP). 





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