N° 2736
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 décembre 2005.
PROPOSITION DE LOI visant à protéger les enfants dans les cas de divorces conflictuels,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉE
par Mme Nadine MORANO, MM. Jean AUCLAIR, Patrick BALKANY, Mme Brigitte BARÈGES, Jacques-Alain BÉNISTI, Jean-Louis BERNARD, Jean-Michel BERTRAND, Claude BIRRAUX, Mme Chantal BOURRAGUÉ, MM. Loïc BOUVARD, Dominique CAILLAUD, Antoine CARRÉ, Roland CHASSAIN, Dino CINIERI, Philippe COCHET, Alain CORTADE, Alain COUSIN, Jean-Yves COUSIN, Jean-Pierre DECOOL, Bernard DEFLESSELLES, Patrick DELNATTE, Jean-Jacques DESCAMPS, Philippe DUBOURG, Nicolas DUPONT-AIGNAN, Georges FENECH, Marc FRANCINA, Mme Arlette FRANCO, MM. René GALY-DEJEAN, Maurice GIRO, François GROSDIDIER, Louis GUÉDON, Jean-Jacques GUILLET, Patrick HERR, Francis HILLMEYER, Mme Maryse JOISSAINS-MASINI, MM. Patrick LABAUNE, Édouard LANDRAIN, Jean-Marc LEFRANC, Jean-Louis LÉONARD, Lionnel LUCA, Richard MALLIÉ, Thierry MARIANI, Alain MARLEIX, Mme Henriette MARTINEZ, MM. Pierre MICAUX, Alain MOYNE-BRESSAND, Dominique PAILLÉ, Mmes Valérie PECRESSE, Bérengère POLETTI, M. Axel PONIATOWSKI,
Mme Josette PONS, MM. Daniel PRÉVOST, Didier QUENTIN, Michel RAISON, Jean-François RÉGÈRE, Jacques REMILLER, Jean-Marc ROUBAUD, Francis SAINT-LÉGER, Daniel SPAGNOU, Guy TEISSIER, Mme Irène THARIN, MM. Michel VOISIN et Gérard WEBER
Députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La séparation et le divorce sont des moments de rupture pénibles et difficiles à gérer pour les parents comme pour les enfants. Ce type d'épreuve s'inscrit dans le quotidien de millions de familles en France. On comptait en 2003, 125 175 divorces pour 275 963 mariages. Près d'un mariage sur deux se termine par un divorce à Paris, ce rapport est de un sur trois dans le reste de la France.
Derrière ces chiffres se cachent des situations extrêmes liées aux difficultés rencontrées par les parents à préserver les enfants du conflit conjugal. Or, la séparation des parents est d'autant plus douloureuse et traumatisante pour un enfant qu'elle est conflictuelle. Quand le conflit porte sur la garde de l'enfant, ce dernier fait l'objet d'un combat juridique acharné particulièrement néfaste à son équilibre. Instrumentalisé dans cette « guerre de la rupture », l'enfant est exposé au chantage psychologique d'un parent qui abuse de son autorité parentale en ne respectant pas le droit de visite et en l'incitant à rompre tout lien affectif avec son autre parent.
Le prix de cette maltraitance psychologique dont l'enfant fait l'objet n'est pas sans conséquence sur la construction de sa personnalité. Repli sur soi, perte de confiance en soi, perception biaisée de la réalité sont autant de symptômes qui annoncent ou accompagnent de graves perturbations : troubles psychosomatiques, échec scolaire mais également comportements dangereux (alcool, drogue) qui peuvent mener l'enfant jusqu'au suicide.
Le parent associant abusivement son enfant à son divorce, non seulement ne respecte pas l'équilibre psychologique de l'enfant mais également ne respecte pas la loi.
En effet, au terme de article 373-2 du code civil, « chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l'enfant et respecter les liens de celui-ci avec l'autre parent. »
Le juge doit par ailleurs veiller à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs et prendre les mesures qui s'imposent afin de garantir la continuité et l'effectivité du maintien des liens de l'enfant avec chacun des parents. La loi du 4 mars 2002 a, d'autre part, confirmé le recours à la médiation familiale : en cas de désaccord entre les parents, la recherche d'un exercice consensuel de l'autorité parentale est favorisée. Elle a aussi donné la possibilité au juge d'ordonner l'inscription sur le passeport des parents de l'interdiction de sortie de l'enfant du territoire français, sans l'autorisation des deux parents.
Si ces mesures ont constitué de vraies avancées juridiques au bénéfice des enfants, elles ne prévoient malheureusement pas la prévention des conflits familiaux, comme cela existe déjà au Canada.
Dès lors, il nous semble nécessaire de renforcer les dispositifs de soutien et d'accompagnement à destination des parents en incluant dans le code civil la possibilité pour le juge de proposer aux parents en instance de séparation un stage de guidance parentale. L'objectif de ce stage serait pour chacun des deux parents de mesurer l'impact de leurs comportements, de leurs actes ou de leurs paroles, sur leurs enfants et d'accroître leur information.
Il prendrait la forme d'un accompagnement dans la durée des parents traversant de grandes difficultés lors de la séparation afin qu'ils puissent identifier et résoudre par eux-mêmes les causes du conflit parental. Le stage de guidance parentale devra être administré par une équipe pluridisciplinaire qui interviendra dans les domaines :
- juridique, en expliquant la loi, les droits et les responsabilités des parents ;
- psychologique, en expliquant les effets des conflits parentaux sur les enfants ainsi que les difficultés inhérentes à la gestion d'une rupture ;
- médical, en soutenant les personnes atteintes d'éventuelles pathologies ;
- social, pour trouver des solutions aux contraintes du quotidien et organiser la vie des parents autour de l'enfant.
Il reviendrait au juge d'ordonner ce stage lors de la demande de séparation ou à n'importe quel moment de la procédure de séparation.
Tels sont les motifs pour lesquels il vous est demandé de bien vouloir adopter les dispositions qui suivent.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
L'article 252 du code civil est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Le juge peut accompagner la tentative de conciliation de l'obligation d'accomplir pour les deux parents un stage de guidance parentale, selon des modalités fixées par décret. Ce stage peut être imposé tout au long de la procédure de divorce. »
Article 2
Le dernier alinéa de l'article 373-2-6 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Dans le cas d'une séparation conflictuelle, il peut aussi enjoindre les deux parents de suivre un stage de guidance parentale prévu à l'article 252. »
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