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QUEBEC Rose-Marie CHAREST: Une Présidente peu commune, Interview par M. Garcin et Mme Stirn, JDP 2001


Rédigé le Dimanche 18 Mars 2007 à 12:51 | Lu 449 commentaire(s)




Emmanuel GARCIN: La situation qu'on perçoit actuellement en France à travers nos pratiques, c'est que le public perçoit le droit d'accès aux psychologues - la réaction est alors : il faut réglementer, donc restaurer les règles de contrôle - on a l'impression d'être piégés dans une sorte de carcan administratif qui empêche toute liberté réelle. Est-ce de même au Québec? Avec votre antériorité, l'aviez-vous senti comme une évolution et comment cela a-t-il joué sur l'offre des psychologues par rapport à d'autres prestataires?

Senja STIRN: Essayons peut-être de comprendre comment cela s'est-il passé chronologiquement. Comment est né l'Ordre des psychologues du Québec ?


Rose-Marie CHAREST: A la différence de la France, la profession de psychologue a commencé chez nous par une réglementation, il y a de cela 30 ans. Le gouvernement a dit: Constituez un Ordre! Au Québec, c'est l'Office des professions qui supervise toutes les « têtes » des professions, les Ordres.
C'est le gouvernement qui autorise le port du titre, mais il a délégué cette fonction aux Ordres.
Les Ordres ont la responsabilité expresse de protéger le public - pour ce faire il y a un Code de déontologie et son respect est obligatoire. Le Code est un règlement, soumis par l'Ordre au gouvernement et approuvé par ce dernier. Par exemple, si un psychologue commettait quelque chose de grave, comme avoir des relations sexuelles avec ses clients, le Conseil de discipline de l'Ordre pourrait décider qu‚il n'a plus le droit de porter le titre de psychologue. La crédibilité du public repose sur notre réglementation.
Sinon, les psychologues sont inspectés quelquefois durant leur carrière. Dans tous les cas, il existe des critères concernant la pratique. Le Conseil donne des recommandations, comme par exemple suivre des formations, des perfectionnements, liés à la spécificité de leur pratique. Certes, cela peut donner un aspect de règles presque autoritaires, mais elles se font à travers les cotisations des psychologues.
Au Québec, on apprécie que cela a pris la forme d'un Ordre - le principe repose sur la supervision par les pairs - jamais un médecin ne donne une opinion sur les compétences de psychologues, comme cela peut se passer en France où j'étais frappé par cette inexistence de reconnaissance.

E.G.: Il y a toutefois une demande du public, une forme de reconnaissance. Je pense que ce phénomène social est le même au Québec...

R.-M. C.: Je vais vous expliquer par un cas concret. Par exemple, le 24 décembre, je reçoit un coup de fil d'un journaliste me demandant de lui rendre service et donner un avis de psychologue sur le sujet de l'article qu'il écrivait.
C'est parce-qu'on accepte pas un article qui touche un quelconque champ concerné par la psychologie sans l'avis d'un psychologue.
L'Ordre a un service média bien développé - quand il y a une demande, l'Ordre s'adresse à la personne concernée par le sujet à traiter, comme par exemple les phobies chez l'enfant..., et chaque année les psychologues donnent entre 600 à 700 interviews.

E.G.: Il y a toutefois une demande du public, une forme de reconnaissance. Je pense que ce phénomène social est le même au Québec...

R.-M. C.: Je vais vous expliquer par un cas concret. Par exemple, le 24 décembre, je reçoit un coup de fil d'un journaliste me demandant de lui rendre service et donner un avis de psychologue sur le sujet de l'article qu'il écrivait. C'est parce-qu'on accepte pas un article qui touche un quelconque champ concerné par la psychologie sans l'avis d'un psychologue.
L'Ordre a un service média bien développé - quand il y a une demande, l'Ordre s'adresse à la personne concernée par le sujet à traiter, comme par exemple les phobies chez l'enfant..., et chaque année les psychologues donnent entre 600 à 700 interviews.

S.St.: Mais les médias savent-ils à qui ils s'adressent ou bien c'est comme en France où parfois dans les émissions télévisées ils présentent l'intervenant en tant que psychologue, alors qu'il est psychothérapeute ou autre chose...

R.C.: Chez nous, le psychologue est bien identifié. Ce n'est que les psychanalystes - dont le titre n'est pas protégé - qui ne veulent pas sortir de leur cadre, diffuser, aller aux médias... Mais les psychologues sont très présents dans la vie sociale. Tout ceci a fait que le public a de plus en plus confiance aux psychologues. Par exemple, moi-même, je participe à une émission radio hebdomadaire et à une chronique Psychologie tous les mardis matin. Lors de cette chronique on peut aussi donner les références des psychologues à consulter. Et on s'était aperçu que la radio reçoit beaucoup plus d'appels ces mardis.
La demande de consulter un psychologue est en forte hausse. Le remboursement d'un travail en privé est possible. Mais, nous avons un autre problème : la disponibilité des psychologues dans le Service Public. Ainsi, notre combat actuel c'est la possibilité, le droit que tout un chacun ait la possibilité d'accès au service des psychologues et donc dans le Service Public.
Actuellement, il n'y en a que 300, le plus souvent ils sont embauchés sur des temps partiels - les autres postes sont occupés par des assistants sociaux, des infirmiers...

E.G.: Chez nous, c'est la situation inverse...

R.-M. C.: Le système de santé publique est différent aussi. Chez nous existent des « Centres locaux de service communautaires » qui sont la porte d'entrée sanitaire et sociale pour passer au Service Public. Mais les médecins l'ont boudé. En plus, il y a de moins en moins de psychologues dans ces Centres et dans les hôpitaux parce-que le gouvernement trouve que les psychologues coûtent trop cher, bien plus que les assistants sociaux ou les infirmiers.
En ce qui concerne le système de « remboursement », c'est différent aussi. Chaque résident québécois possède une carte, délivrée par le Ministère de la Santé, avec laquelle il peut aller n'importe où sans débourser un centime. Ainsi, nous ne payons pas une consultation, mais de l'autre côté, il y a vraie pénurie de médecins, les attentes sont longues. Et elles le sont aussi chez les psychologues du Service Public. Alors tout naturellement, les gens préfèrent aller chez les psychologues en ville où il existe des possibilités de « remboursement » par quelques « mutuelles ».
Mais ce que nous voulons, c'est qu'il existe un lien entre la pauvreté et la souffrance psychique. C'est ceux-là qui n'ont pas de moyens pour aller consulter en ville ni de possibilité d'accès à nos services alors que c'est eux qui en ont besoin le plus.

E.G.: Nous aussi, nous assistons à un accroissement de la demande de par la détérioration des faits de la société comme l'exclusion, le stress, la dépression, le travail... Ce sont devenus des problèmes de détresse psychique qui justifient un soutien psychologique...

R.-M. C.: La multiplicité des relations de couple, les recompositions familiales, le fait que parents font des grosses carrières - les phénomènes sociaux, il y en a ! Mais je pense que notre rôle sera surtout à effectuer une analyse psychologique autour de l'enfant, de l'adolescent... et notamment autour de cette contenance qui existait avant. Je me rappelle que dans ma famille nous discutions beaucoup dans la cuisine, autour de la politique surtout. Il existait ainsi un contenant, traversé par des contraintes familiales, religieuses, politiques... Le problème c'est qu'aujourd‚hui, on a laissé l'être humain seul avec ces contraintes, seul avec l'humain... Un enfant, on le laisse « libre », on lui laisse « le choix », on lui parle comment on parle avec un adulte ! Alors, on s'aperçoit par exemple, que les filles ne s'identifient plus à leur mère, mais aux stars et qui en plus, ne sont pas des stars parce-qu'elles ont du talent, mais juste parce-qu'elles se trouvaient là et on les a filmé dans chacune de leurs occupations journalières - du genre Star Academy. Tout cela - le fait de rester seul devant des questions existentielles, devant les identifications... a finalement crée beaucoup d'insécurité. A mon avis, la névrose découlait de trop de contraintes, mais aujourd'hui les contraintes n'existent plus, alors on a passé du côté narcissique.

E.G.: Le problème, en ce qui concerne notre discipline, c‚est que nos théories n‚ont pas suivi ce mode d'évolution. Nos théories ont été basées sur un modèle social, sur le modèle de la névrose, le modèle patriarcal. Alors qu 'aujourd'hui, on est passé, comme vous le dites au modèle narcissique, au système matriarcal. C'est une vraie révolution culturelle pour les psy...

R.-M. C.:On ne peut pas faire l'économie de la remise en question de nos modèles...

E.G. : Les psychologues ont quelque chose à dire sur les enjeux de la société...

R.-M. C.: La France a beaucoup de problèmes autour du suicide. Au Québec on a une grosse difficulté autour de jeux phobiques. Le gouvernement a demandé l'avis à l'Ordre et il a payé des recherches. Sur la base de ces études nous avons attiré l'attention du gouvernement s'il augmentait le nombre des machines de « lotterie vidéo« , il y a aura aussi la dépendance qui augmentera.
Qui d'autre que les psychologues peut dire quelque chose sur ce phénomène, qui d'autre peut l'étudier et le dire aussi bien au gouvernement qu'aux médias ? Certainement pas les médecins.
Alors, le gouvernement a décidé de diminuer de moitié le nombre de ces machines.

E.G.: C’est une instance qui est consultée. D'un côté, il y a alors des psychologues qui donnent leurs avis et de l'autre côté, il y a des demandes qui sont adressées aux psychologues en tant qu'instance. Comment gère-t-on une telle demande ?

R.-M. C.: Par exemple, nous avions eu une demande autour de la question de ce qui se passe après un vécu d'accident de voiture. On s'était aperçu que parmi les gens qui, après un accident de voiture, ont une difficulté de retourner au travail, le diagnostic est le plus souvent psychologique. Donc, on nous a demandé un avis, un conseil sur la possibilité d'une mise en place d'un dispositif social permettant de créer des services pour aider ces gens-là.
Au Québec, il y a UN organisme qui représente les psychologues - donc le gouvernement s'adresse directement à l'Ordre. Nous interpellons des psychologues qui travaillent dans le champ concerné, mais cela implique aussi la création d'un comité. Et nous leur demandons: Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet-là ? Alors, l'Ordre assistera le comité et enverra le groupe au gouvernement, sous le couvert de l'Ordre.

S. St.: Comment devient-on membre de l'Ordre, quelles sont les conditions ? Qu'enest- il du titre de psychologue ? Est-il reconnu, par qui, y en-a-t-il qu'un ?

R.-M. C.: La grande majorité des psychologues du Québec sont membres de l‚Ordre - nous avons 7200 membres, une cotisation d'environ 250 euros et un budget annuel de 3,5 millions de dollars.
Si un psychologue n‚est pas membre de l‚Ordre, il ne peut pas porter le titre. Ce dernier est protégé et il n'y en a qu'un. Il n'y a pas de titre de psychologue clinicien, psychologue ceci cela, mais UN SEUL TITRE: psychologue.
L’Université donne un diplôme, mais pas le titre. C’est l‚Ordre qui émet le permis de porter le titre, suivant la liste des diplômes reconnus par lui. Ensuite, il y a l’obligation de payer la cotisation au risque de perdre ce permis du port de titre.
Il n’y a que dans les Services Publics qu’on peut contourner cette obligation de porter le titre. Ils ont crée un poste, « Agent des relations humaines » qui est un vrai casse-tête puisque le poste ne porte pas de titre de psychologue, quelqu’un peut l‚occuper sans avoir le titre.
Cependant, le titre a une telle valeur que la majorité des psychologues deviennent membre. Il est obligatoire quand on est dans le libéral, sinon on ne peut ni se déclarer en privé, ni, par exemple, obtenir le remboursement des psychothérapies par des assurances.

S. St.: Mais il y a aussi une Fédération des psychologues - qu’est-ce qu’elle est, quelles sont vos fonctions respectives ?

R.-M. C.: Pour ce qui est de l’organisation de notre profession, les Ordres des psychologues existent partout, c’est une règle générale. Dans les autres régions canadiennes, les ordres professionnels n’ont qu’une mission: protéger le public, donc faire respecter le Code de déontologie, tandis qu’au Québec, l’Ordre a pour mission aussi le respect et le développement de la profession. Cependant, il reste que l’Ordre ne peut pas s’occuper des intérêts socio-économiques de ses membres, ce n’est pas un syndicat, on ne peut pas rebattre autour des salaires...
Certains psychologues ont souhaité la création d’une Association de psychologues. Elle existe depuis 15 ans, mais elle n’a que peu de membres, entre 300 à 400 - c’est parce-que l’adhésion est volontaire, elle n’est pas obligatoire comme pour l’Ordre.
En plus de cette Association, il existe des petits regroupements (l’association des psychologues scolaires, des psychologues en gérontologie). Il y a 5 ans, ils se sont dit: pourquoi ne pas créer une Fédération qui regrouperait tous ces regroupements car elle serait plus puissante. Cela a plus ou moins fonctionné, à part les psychologues scolaires qui ont maintenu leur autonomie et ont préféré de rester à part. La Fédération a, elle aussi, peu de membres, entre 400-500.
Il y a ainsi une Association et une Fédération. Sans que je m’y connaisse un peu plus, il existe quand même un antagonisme avec l’Ordre puisque c’est ce dernier qui est la figure d’autorité. Alors, pour ce qui est de la synergie entre l’Ordre et la Fédération, nous leur avons proposé de travailler avec nous sur la formation continue, en pensant qu’ils allaient croître mieux s’ils pouvaient se définir autrement que contre l’Ordre... Mais ...

S. St.: Pour revenir à vos missions - en résumé, vous faîtes le pont entre les psychologues et le public ...

R.-M. C.: Chez nous, les psychologues ont leur place partout où il s’agit de comprendre le fonctionnement du psychisme humain.

E.G.: Que pensez-vous de la tendance actuelle qui veut psychologiser les questions qui ne sont pas nécessairement du le champ de la psychologie, comme par exemple, les Cellules Urgence ... ?

R.-M. C.: C’est inquiétant. On ne peut pas peur réduire le tout à la seule dimension psychologique ...

S. St.: Vous êtes au courant de la Directive européenne et l'ordonnance française qui donnent la possibilité à un psychologue européen à demander le port du titre tout en ayant uniquement deux années d’expérience sans aucune formation initiale. Maintenant, prenons le cas d’un psychologue français qui voudrait travailler au Québec - comment peut-il le faire, donc comment faire pour porter le titre ?

R.C.: Cette Directive est scandaleuse. Au Québec, le psychologue français doit faire part à l’Ordre du diplôme obtenu en France, des stages (les durées, avec qui et ou) et de l’ensemble du contenu de son cursus. On procédera ensuite à une étude d’équivalence, cas par cas, entre sa formation et la formation initiale exigé pour être un psychologue au Québec.
Le système éducatif au Québec est différent du français: après 13 ans de scolarité, nous passons à l'Université et après un 1er cycle de 3 années, nous obtenons le « baccalauréat » (the bachelor degree) en psychologie. Ensuite on passe soit la maîtrise (études gratuites) : 2 années incluant un minimum de stages (master degree) soit le doctorat (PhD) d‚au moins 4 années. Cela c’est l’ancien système mais qui sera changer au cours de cette année, à l’initiative de l’Ordre. Nous exigeons un doctorat après le bachelor degree, axé sur les compétences, d’une durée minimale de 4 années et une rédaction de thèse en plus. La dernière année est une année complète d’internat, c‚est-à-dire une année de stage dans un lieu public, un hôpital qui est reconnu par l’Université.
C'est parce-que dans ce cadre-là, nous ne voulons pas de PhD. Il y aura ainsi 2 doctorats : un doctorat de compétences et un doctorat de recherche.
Les compétences en question sont : l’habilité interpersonnelle, l’éthique et la déontologie, l’évaluation, l’intervention, la consultation (c’est-à-dire être capable de conseiller un autre professionnel qu’un psychologue), la supervision (sur la base de modèles), la gestion (car on s’attend que les psychologues occupent de plus en plus des postes de directeurs) et la recherche.

S. St.: Donc, si je comprends bien cela voudrait dire en France un bac + 7 dont 1 année complète de stage ...

R.-M. C.: Cela sera probablement sera même bac + 8 puisque les gens prendront certainement 1 année de plus pour la rédaction de la thèse. Voyez-vous, au Québec aussi, le gouvernement a essayé d’aller à la baisse. C’est l’Ordre qui a exigé ces dispositions, en s’appuyant sur les expériences nord-américaines. Si nous n’avions pas construit un doctorat en 4 années et qui ne soit pas un PhD (recherche), le gouvernement aura refuser le projet.

S. St.: Si nous reprenions notre psychologue français arrivant au Québec ...

R.-M. C.: Donc, après l’évaluation, on lui dit ce qu‚il lui manque pour être admissible au titre de psychologue au Québec - cela peut être aussi bien une proposition de suivi des cours, comme au niveau du stage ... Au bout d’un an, comme tous les psychologues québécois, il reçoit la visite de l’inspection de l'Ordre qui se penche sur l’étude du contenu, peut par exemple exiger une supervision ...
Il est évident que nous ne pouvons pas exiger moins de quelqu’un qui vient de l’extérieur. Ce n’est pas juste une question quantitative - c’est une question plus généraliste, de profil exigé.
Par contre ce qui est obligatoire pour tout ceux qui viennent de l‚extérieur, c‚est le cours sur le Code de déontologie. Dans les programmes universitaires, le cours est obligatoire. C’est l’Ordre qui a construit le cours, le présente à l’université et valide l’examen. C‚est d‚ailleurs le seul cours dispensé à l’université par l’Ordre, pour le reste de la formation initiale, nous n’avons que certaines exigences.

E.G.: Par contre, vous vous occupez de la formation post-universitaire, continue ?

R.-M. C.: Un des article du Code traite de la Formation continue en tant que maintien des connaissances. Quand nous inspectons un psychologue - comme dit, cela arrive tout à fait régulièrement quelques fois au cours de sa carrière - ce dernier doit plus ou moins rendre compte de sa formation continue - c’est au niveau qualitatif du terme. Ce qui compte aussi c’est la pertinence de la formation continue par rapport à sa pratique. Il ne s’agit pas seulement d’un intérêt personnel du psychologue, mais surtout du développement des compétences qui sont en lien avec sa propre pratique.
D’autre part, nous organisons des activités de formation continue qui sont en lien avec notre mandat. Par exemple, nous nous sommes aperçu qu’il y avait eu plusieurs cas de suicide suivant une consultation. La demande se situait au niveau de la prévention du suicide. Nous avions alors crée un atelier de 2 jours que nous avions promené à travers le Québec. L'atelier n’était pas obligatoire, mais si un psychologue donné ne possédait pas de connaissances à ce sujet, nous estimions que cela relevait de sa responsabilité à se former cela fait partie alors des recommandations qui lui sont données.
Nous nous occupons aussi des lignes directrices. Actuellement, il existe par exemple un grand problème autour de la consommation de Ritaline (traitement de l’hyperactivité) - il est prescrit 16 fois plus qu’il y a 15 ans. C’est nous qui avions établi la nouvelle ligne directrice, c’est-à-dire de proposer d’autres traitements et notamment l’intervention des psychologues. Et nous créons un atelier de formation continue ...

E.G.: Qu’en-est-il de la psychothérapie et du titre de psychothérapeute ?


R.-M. C.: La principale activité des psychologues est la psychothérapie, mais elle est pratiquée par beaucoup de monde ayant des compétences variés, l’appellation de psychothérapeute est utilisé par tout le monde. Il y a 4 ans, le gouvernement a adopté une loi qui réserve le titre de psychothérapeute. Il avait laissé à l’Office des professions le mandat de déterminer à quelles professions et selon quels critères il sera octroyé. Mais, le titre existe et il y a une difficulté majeure à établir un consensus sur ces derniers points. On va donner le titre de Psychothérapeute ! Pour nous, c'est un désastre.

(Remarque : depuis fin 2006, c'est l'Ordre des psychologues qui délivre le titre de psychothérapeute aux psychologues, mais aussi à tous les professionnels non-médecins).

E.G.: Cela tend vers l’abaissement à nouveau ...

R.-M. C.: Le problème, c‚est que le public confond un psychologue et un psychothérapeute. En France - votre Ministère semble laisser tomber le titre de psychothérapeute parce-que vous vous n’entendez pas, alors on va certainement vous demander des devis (portant sur la formation initiale, la durée des séances, la fréquence, le prix des séances, la durée approximative des traitements ...). Au Québec, cela ne marche pas, personne ne fait de devis, même pas un garagiste.

E.G.: Mais, dans tous les cas, chez vous et chez nous, c’est exercice de la psychothérapie par tout le monde !
R.-M. C.: Tout d‚abord, de nombreuses professions veulent le titre de psychothérapeute: les médecins, les infirmiers, les travailleurs sociaux, les conseillers d’orientation, les psycho-éducateurs, les ergothérapeutes - ceux-là ont des ordres. Il y a encore 2 autres groupes qui le veulent mais qui n‚ont pas d'ordre: les sexologues et les criminologues. Les psychanalystes qui n’ont pas un ordre non plus et qui pendant des siècles soutenaient qu‚ils ne faisaient pas de psychothérapie, commencent à le reconnaître plus ou moins, même si pas encore publiquement - c’est-à-dire que sinon les assureurs ne rembourseront pas leurs actes.
L’autre problème sont les critères des compétences exigées pour porter le titre. L’Ordre des psychologues est exigeant à ce sujet-là: nous ne voulons pas que le titre de psychothérapeute soit porté tout seul, mais qu’il y a un port de deux titres, afin que le public soit au courant à qui il a à faire: par exemple, Psychologue-Psychothérapeute - donc j’ai alors ma crédibilité via Psychologue.

E.G.: Excellent, cela permet la lisibilité, que personne ne soit dans le flou.

R.-M. C.: Oui, et avec cette idée que je suis psychologue avant tout. Le problème est épistémologique: normalement, si un même titre réfère à une même compétence et si nous exigeons une telle et telle formation pour pouvoir porter le titre - dois-je exiger la même quand il s’agit d’un infirmier ou d’un psychologue ... Pour le moment, on dit « compétences équivalentes » - mais alors on n’arrivera pas à s’entendre. On réduira ainsi le tout aux psychiatres et aux psychologues qui ont une formation clinique. Tandis que le gouvernement demande que l’on trouve une façon pour reconnaître tous les autres. En janvier, il y a la remise du rapport - il s’agira certainement d’une formation d’appoint pour tout le monde, mais de notre côté, j’exigerais qu’il y a toujours un titre initial.
Le gros problème se posera au niveau des 500 psychanalystes surtout parcequ’ils refusent de devenir un ordre professionnel. Nous leur avons proposé de joindre notre Ordre au moyen d’une passerelle. Ils ont refusé.

E.G.: En conclusion, en ce qui concerne l’organisation de la profession, en France c’est les syndicats qui ont occupé le terrain historiquement, alors qu’au Canada vous avez commencé par l’Ordre. Les Fédérations ne semblent pas être une forme forte dans un ou l’autre pays. Toutefois, en ce qui concerne nos pratiques et les évolutions du public, elles paraissent avoir le même visage.

R.-M. C.: Une corporation syndicale représente les intérêts seuls des professionnels, alors qu’un Ordre représente surtout l’intérêt du public et donne par là même une force, un poids à la profession, notamment vis-à-vis des demandes des instances. Mais, la société qu’elle soit française ou canadienne, évolue aujourd’hui dans le même sens, d‚où la ressemblance dans les demandes - c’est là où l’analyse des psychologues prends sa réelle place dans
la société.


c/o Journal des psychologues 2001




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