La psychanalyse, selon Lacan, est « un poumon artificiel » à l'égard des « effets irrespirables » du discours de la science. L'affaiblissement de son impact social tend à déchaîner les classifications rigides de l'humain, favorisant l'expansion de ce que E. Roudinesco nomme « les invasions barbares de l'expertise ». Un siècle après l'émergence de la découverte freudienne, le statut épistémologique singulier de la psychanalyse, aux limites du discours de la science, et en connexion avec des disciplines diverses, reste non identifiable par nos « experts » et nos gouvernants. Ces derniers persistent à ne concevoir d'autre appréhension de ses applications à la thérapeutique qu'à l'aune d'évaluations quantitatives inappropriées à la saisie du subjectif. Dès lors, elle se trouve menacée d'être réduite à une technique de confort, bientôt à un exercice intellectuel sans conséquence.
Pourtant, paradoxalement, il faudrait en réglementer l'exercice, en s'appuyant à l'aveugle sur des diplômes étrangers à la formation spécifique des psychanalystes. La promotion de telles garanties fallacieuses aurait pour principal effet d'étouffer la richesse de l'analyse laïque. Quand Freud se prononça en faveur de cette dernière, ce ne fut pas en incitant à la chasse aux vides juridiques, mais en notant qu'un « excès d'ordonnances et d'interdictions nuit à l'autorité de la loi ».
Si les méconnaissances du statut singulier de la psychanalyse parvenaient, comme en d'autres pays, à opérer leurs jonctions, ce ne serait pas seulement promesse du retour des grandes épidémies hystériques, mais aussi devenir compté de la découverte freudienne, développement de psychothérapies sommaires et/ou fantastiques (cf aujourd'hui les Etats-Unis d¹Amérique), ainsi qu'essor des thérapies cognitivo-comportementales.
À l'heure de ces menaces accentuées, le Mouvement universitaire pour la Psychanalyse (MUPP) voudrait convier les enseignants et chercheurs de toutes disciplines à dépasser divisions et frilosités. Il propose d'oeuvrer en commun pour faire barrage à l'idéologie managériale de l'évaluation et à ses retombées afin que perdure la psychanalyse.
Il y a du sujet, telle est pour nous l'hypothèse incontournable. Là où, selon Lacan, « quand l'homme cherchant le vide de la pensée s'avance dans la lueur sans ombre de l'espace imaginaire en s'abstenant même d'attendre ce qui va en surgir, un miroir sans éclat lui montre une surface où ne se reflète rien ». Là où s'efface, selon le poète, « un aboli bibelot d'inanité sonore ». Le point d'impossible, selon nos disciplines, se désigne comme l'inclassable, l'inguérissable, le contingent, l'aléatoire ou le paradoxal. Qu'y avait-il avant le « Big Bang » ? Aporie qui fait émerger le sujet qui en calcule les coordonnées. Son insubstantialité est transdisciplinaire, elle nous oriente.
Dans les circonstances actuelles deux principes doivent guider notre action, ceux dégagés le 22 novembre 2003, par Jacques-Alain Miller, lors de l'émergence d'une coordination psy :
- « Le droit de la personne souffrante à choisir son psy sans interférence étatique ».
- « Le devoir des psy de se porter garant devant le public, à travers leurs associations et écoles, de la qualité de la formation clinique, de la pratique thérapeutique et de l'éthique professionnelle de ses membres ».
Saisissons la chance de contribuer à faire de la situation française un exemple pour que s'affirme l'utilité sociale de la psychanalyse. L'Université en accentuera son ouverture au monde.
Jean-Claude MALEVAL
10 décembre 2003
Pourtant, paradoxalement, il faudrait en réglementer l'exercice, en s'appuyant à l'aveugle sur des diplômes étrangers à la formation spécifique des psychanalystes. La promotion de telles garanties fallacieuses aurait pour principal effet d'étouffer la richesse de l'analyse laïque. Quand Freud se prononça en faveur de cette dernière, ce ne fut pas en incitant à la chasse aux vides juridiques, mais en notant qu'un « excès d'ordonnances et d'interdictions nuit à l'autorité de la loi ».
Si les méconnaissances du statut singulier de la psychanalyse parvenaient, comme en d'autres pays, à opérer leurs jonctions, ce ne serait pas seulement promesse du retour des grandes épidémies hystériques, mais aussi devenir compté de la découverte freudienne, développement de psychothérapies sommaires et/ou fantastiques (cf aujourd'hui les Etats-Unis d¹Amérique), ainsi qu'essor des thérapies cognitivo-comportementales.
À l'heure de ces menaces accentuées, le Mouvement universitaire pour la Psychanalyse (MUPP) voudrait convier les enseignants et chercheurs de toutes disciplines à dépasser divisions et frilosités. Il propose d'oeuvrer en commun pour faire barrage à l'idéologie managériale de l'évaluation et à ses retombées afin que perdure la psychanalyse.
Il y a du sujet, telle est pour nous l'hypothèse incontournable. Là où, selon Lacan, « quand l'homme cherchant le vide de la pensée s'avance dans la lueur sans ombre de l'espace imaginaire en s'abstenant même d'attendre ce qui va en surgir, un miroir sans éclat lui montre une surface où ne se reflète rien ». Là où s'efface, selon le poète, « un aboli bibelot d'inanité sonore ». Le point d'impossible, selon nos disciplines, se désigne comme l'inclassable, l'inguérissable, le contingent, l'aléatoire ou le paradoxal. Qu'y avait-il avant le « Big Bang » ? Aporie qui fait émerger le sujet qui en calcule les coordonnées. Son insubstantialité est transdisciplinaire, elle nous oriente.
Dans les circonstances actuelles deux principes doivent guider notre action, ceux dégagés le 22 novembre 2003, par Jacques-Alain Miller, lors de l'émergence d'une coordination psy :
- « Le droit de la personne souffrante à choisir son psy sans interférence étatique ».
- « Le devoir des psy de se porter garant devant le public, à travers leurs associations et écoles, de la qualité de la formation clinique, de la pratique thérapeutique et de l'éthique professionnelle de ses membres ».
Saisissons la chance de contribuer à faire de la situation française un exemple pour que s'affirme l'utilité sociale de la psychanalyse. L'Université en accentuera son ouverture au monde.
Jean-Claude MALEVAL
10 décembre 2003