Chères consoeurs, chers confrères,
J'ai informé Jacques Louys administrateur du site psydésir où est publié cet échange ci-dessous entre « Yves et Olivier », que je comptais lui donner une publicité. Il ne s'y est pas opposé. C'est d'ailleurs lui-même qui m'a fait remarquer ma bourde quant au titre de Président attribué par erreur à Yves Froger (Il n'a d'ailleurs pas démenti l'attribution patronymique que j'ai supposée quant aux prénoms de ces collègues). Donc il n'y a pas de mise au jour d'un échange secret, mais « outing » quant à ses auteurs putatifs. Pour ma part, je m'interroge sur ce choix de s'exprimer anonymement dans un tel moment de transparence... Qu'ont-ils à cacher ? Quant au côté "figue ou raisin" que vous évoquez, à chacun de juger de la teneur des propos de ces deux collègues.
Et puisque, vous-même, déclarez partager les mêmes hésitations, je crois la transparence très utile au débat. Cela pour que l'on cesse de penser que tous les psychiatres attendent de récolter les fruits corporatistes de cette opération, ce que leur silence tend à signifier : vous savez comme moi combien le silence pousse à l’interprétation...
Permettez-moi de remarquer que lorsque vous reprenez l'expression d'un des deux collègues : « cloué au pilori comme psychiatre », il n’est pas certain que la référence s'applique bien ici. Car à ce jour, on compte en effet plusieurs victimes dans cette affaire :
- la psychanalyse qu'on voudrait « élever » à une expérience existentielle cantonnée à un ghetto de riches intellectuels, lui déniant tout effet thérapeutique : « l'enjeu de l'amendement Accoyer est de restituer à chacun la place qu'il occupe et d'éviter toute confusion des pratiques », dit l’un de nos deux anonymes ;
- les psychologues ravalés, avec les psychothérapeutes, au rang d'auxiliaires médicaux ;
- les patients surtout, que nous avons d'ailleurs tous été si nous ne sommes pas des irresponsables ;
Et je ne vois pas que l'on cloue les psychiatres à quelque pilori que ce soit, pas plus que, jeune interne en formation à l'ECF je n'ai été cloué où que ce soit, bien au contraire. J’y ai été accueilli à bras ouverts au point de vouloir en devenir membre ; ce qu’on ne m’a pas refusé non plus (au terme d’une longue et exigeante formation !). Peut-être le collègue en question se sera-t-il fait gentiment reprendre pour avoir affirmé que la « guérison de surcroît » est une expression lacanienne alors qu'elle est de Freud lui-même ? A-t-il reçu là une blessure qui ne s’est jamais refermée ? Ou alors c’est d’avoir été « cloué », comme je le fus, par la révélation d’un objet unique dans l’histoire de l’humanité : une praxis efficace et éthique adossée à une théorisation puissante ? Il le dira peut-être.
Donc qu'on écrive : « s'il s'agit de psychanalystes psychiatres désireux de maintenir leur activité dans le champ de la psychiatrie, (...) l'amendement Accoyer ne peut que les conforter » est précisément une erreur de nos collègues : car dans le dispositif proposé, c'est l'INSERM et l'ANAES qui vont indiquer et contrôler les psychothérapies autorisées. C’est écrit noir sur blanc dans le Rapport (Cléry-Melin) et dans l’Amendement (Accoyer). Or l'INSERM aurait-elle quelque légitimité pour dire le vrai sur les psychothérapies - à part peut-être la cognitive ? Vous qui refusez l'ANAES et le PMSI, comme la majorité des collègues, ne pensez-vous pas que nous serons autorisés et évalués sur la même base que tous les praticiens des psychothérapies ? Pensez-vous que la psychanalyse survivra à cela ? Je ne parle pas de la « cure type » qui concerne une minorité de sujets, mais de la psychanalyse appliquée aux psychoses ou aux traitements brefs, par exemple, qu’une écrasante majorité de psychiatres pratique en France, en libéral et dans le public. Pensez-vous de même que notre situation en libéral s’améliorera, que vous pourrez prendre le temps nécessaire avec vos patients, que vous pourrez mieux éviter d’avoir à inscrire un diagnostic bâclé dans leurs cartes Vital 2, que vous pourrez même continuer à pratiquer vos psychothérapies telles que votre formation vous y a conduit ? Vous oubliez d’ailleurs un acteur important dans la liste que vous faites de ceux qui pourraient avoir accès au dossier médical informatisé : c’est même le plus important d’entre eux et le plus probable : les assureurs. A l’horizon : l’entrée en force du privé dans l’Assurance maladie, avec ses exigences de rentabilité. C’est prévu. Le dispositif actuel, s’il était adopté, signifierait la fin des psychothérapies remboursées telles qu’exercées actuellement par les psychiatres libéraux. Par conséquent, si certains collègues espèrent devenir les maîtres de ce dispositif en figurant peut-être dans des Comités d’accréditation ou comme Psychiatre coordinateur d’un territoire de santé, ce ne sera pas pour tous : la majorité d’entre nous passera à la moulinette d’une évaluation aveugle et sourde.
Voilà quelles sont nos préoccupations, qui rejoignent probablement les vôtres aussi. Car au contraire de Mr Vasseur, nous ne « respectons » pas la psychanalyse, nous nous appliquons à la rendre opérante pour le plus grand nombre de sujets, quelque soit leur « pathologie » et leur niveau social. Qu'en restera-t-il avec les contraintes qu'on nous prépare ? Rien, je vous le garantis ! Les psychothérapies sont actuellement majoritairement inspirées de la psychanalyse car les praticiens sont, comme vous et moi, formés par la psychanalyse. Et même s’ils ne la pratiquent pas, ils ont été marqués durablement par cette expérience qui modifie en profondeur leur pratique de clinicien. Demain il n'y aura plus que la TCC (thérapie cognitivo-comportementale) pour le plus grand nombre… de ceux qui la supporteront : à lire le témoignage de Philippe Labro, il n’est pas sûr qu’elle soit promise au succès dont elle se prévaut dores et déjà selon Mrs Pichot et Allilaire (Rapport de l’Académie de médecine sur les psychothérapies, juillet 2003). Ce sera bien moins onéreux mais qu’adviendra-t-il de nos patients ?
Mr Vasseur sait-il ce qu'il a fait ? Je n'en suis pas sûr. Il clame son amour de la psychanalyse, ici et là parasité par quelques injures, mais il la donne en pâture aux québécois de l'ANAES... Voilà bien une passion violente qui révèle de quoi le « respect », pour certains, peut s'avérer l'envers.
Mr Widlöcher, président de l'IPA, sait-il mieux ce qu'il fait ? Certainement, lui qui est aussi membre d'honneur de l'Association Française de Thérapie Cognitivo-Comportementale.
Et Mr Allilaire son bras droit qui est bien silencieux aussi en ce moment ? Mais laissons-le : il est peut-être bien occupé à de plus sérieuses affaires, comme de compter les neurones de l'hippotalamus dans les laboratoires Ardix.
Alors, voyez-vous, la lutte fratricide a déjà eu lieu et nous ne faisons que sonner l'alerte pour ne pas que toute la profession fasse des choix irréparables en ralliant des mesures liberticides et suicidaires pour la psychiatrie. Car si en effet les associations de psychanalyse ont largement soutenu les Etats Généraux (l’Ecole de la Cause freudienne y était représentée par plusieurs de ses membres, dont son Président, qui y ont apporté leur soutien sans réserve, contrairement à ce qu’affirme Mr Vasseur), elles se voient pour la plupart d’entre elles poignardées en guise de remerciement. Par le Dr Bokobza notamment, qui a apporté publiquement son soutien à Mr Vasseur (France Culture, émission « Tout arrive ») sans se soucier de la trahison que ce soutien constituait, quant aux motions anti-évaluatives des Etats Généraux.
Le combat de l'opinion est déjà gagné pour les opposants à l'Amendement Accoyer tel qu’il est formulé, n'en déplaise à Mr Vasseur : la plupart des associations de psychologues, de psychothérapeutes et de psychanalystes, ainsi que le Syndicat National des Psychiatres Privés s’y sont opposés. De même quant au combat politique. Car cet amendement adopté dans des conditions démocratiquement contestables (députés non informés), qui a attiré l'attention des politologues, sera vraisemblablement retoqué au Sénat et donne déjà lieu à un débat sur « l’arbitraire légal », susceptible d’intéresser l’ensemble de la société française et au-delà.
De tout cela, et plus encore, il sera question au deuxième Forum des psys samedi prochain (www. forumpsy.org). J’estime en effet qu’il n’est pas excessif que la psychanalyse se dise responsable, non pas de la psychiatrie (Yves et Olivier peuvent dormir tranquilles), mais des patients de la psychiatrie auxquels elle apporte une aide considérable depuis cent ans. Qu’on veuille l’en écarter est injuste, dangereux et suicidaire.
Vous ai-je répondu, chère Chantal Jacquié ?
Bien à vous,
Pierre Sidon
25 novembre 2003
Source : site PSYDESIR
J'ai informé Jacques Louys administrateur du site psydésir où est publié cet échange ci-dessous entre « Yves et Olivier », que je comptais lui donner une publicité. Il ne s'y est pas opposé. C'est d'ailleurs lui-même qui m'a fait remarquer ma bourde quant au titre de Président attribué par erreur à Yves Froger (Il n'a d'ailleurs pas démenti l'attribution patronymique que j'ai supposée quant aux prénoms de ces collègues). Donc il n'y a pas de mise au jour d'un échange secret, mais « outing » quant à ses auteurs putatifs. Pour ma part, je m'interroge sur ce choix de s'exprimer anonymement dans un tel moment de transparence... Qu'ont-ils à cacher ? Quant au côté "figue ou raisin" que vous évoquez, à chacun de juger de la teneur des propos de ces deux collègues.
Et puisque, vous-même, déclarez partager les mêmes hésitations, je crois la transparence très utile au débat. Cela pour que l'on cesse de penser que tous les psychiatres attendent de récolter les fruits corporatistes de cette opération, ce que leur silence tend à signifier : vous savez comme moi combien le silence pousse à l’interprétation...
Permettez-moi de remarquer que lorsque vous reprenez l'expression d'un des deux collègues : « cloué au pilori comme psychiatre », il n’est pas certain que la référence s'applique bien ici. Car à ce jour, on compte en effet plusieurs victimes dans cette affaire :
- la psychanalyse qu'on voudrait « élever » à une expérience existentielle cantonnée à un ghetto de riches intellectuels, lui déniant tout effet thérapeutique : « l'enjeu de l'amendement Accoyer est de restituer à chacun la place qu'il occupe et d'éviter toute confusion des pratiques », dit l’un de nos deux anonymes ;
- les psychologues ravalés, avec les psychothérapeutes, au rang d'auxiliaires médicaux ;
- les patients surtout, que nous avons d'ailleurs tous été si nous ne sommes pas des irresponsables ;
Et je ne vois pas que l'on cloue les psychiatres à quelque pilori que ce soit, pas plus que, jeune interne en formation à l'ECF je n'ai été cloué où que ce soit, bien au contraire. J’y ai été accueilli à bras ouverts au point de vouloir en devenir membre ; ce qu’on ne m’a pas refusé non plus (au terme d’une longue et exigeante formation !). Peut-être le collègue en question se sera-t-il fait gentiment reprendre pour avoir affirmé que la « guérison de surcroît » est une expression lacanienne alors qu'elle est de Freud lui-même ? A-t-il reçu là une blessure qui ne s’est jamais refermée ? Ou alors c’est d’avoir été « cloué », comme je le fus, par la révélation d’un objet unique dans l’histoire de l’humanité : une praxis efficace et éthique adossée à une théorisation puissante ? Il le dira peut-être.
Donc qu'on écrive : « s'il s'agit de psychanalystes psychiatres désireux de maintenir leur activité dans le champ de la psychiatrie, (...) l'amendement Accoyer ne peut que les conforter » est précisément une erreur de nos collègues : car dans le dispositif proposé, c'est l'INSERM et l'ANAES qui vont indiquer et contrôler les psychothérapies autorisées. C’est écrit noir sur blanc dans le Rapport (Cléry-Melin) et dans l’Amendement (Accoyer). Or l'INSERM aurait-elle quelque légitimité pour dire le vrai sur les psychothérapies - à part peut-être la cognitive ? Vous qui refusez l'ANAES et le PMSI, comme la majorité des collègues, ne pensez-vous pas que nous serons autorisés et évalués sur la même base que tous les praticiens des psychothérapies ? Pensez-vous que la psychanalyse survivra à cela ? Je ne parle pas de la « cure type » qui concerne une minorité de sujets, mais de la psychanalyse appliquée aux psychoses ou aux traitements brefs, par exemple, qu’une écrasante majorité de psychiatres pratique en France, en libéral et dans le public. Pensez-vous de même que notre situation en libéral s’améliorera, que vous pourrez prendre le temps nécessaire avec vos patients, que vous pourrez mieux éviter d’avoir à inscrire un diagnostic bâclé dans leurs cartes Vital 2, que vous pourrez même continuer à pratiquer vos psychothérapies telles que votre formation vous y a conduit ? Vous oubliez d’ailleurs un acteur important dans la liste que vous faites de ceux qui pourraient avoir accès au dossier médical informatisé : c’est même le plus important d’entre eux et le plus probable : les assureurs. A l’horizon : l’entrée en force du privé dans l’Assurance maladie, avec ses exigences de rentabilité. C’est prévu. Le dispositif actuel, s’il était adopté, signifierait la fin des psychothérapies remboursées telles qu’exercées actuellement par les psychiatres libéraux. Par conséquent, si certains collègues espèrent devenir les maîtres de ce dispositif en figurant peut-être dans des Comités d’accréditation ou comme Psychiatre coordinateur d’un territoire de santé, ce ne sera pas pour tous : la majorité d’entre nous passera à la moulinette d’une évaluation aveugle et sourde.
Voilà quelles sont nos préoccupations, qui rejoignent probablement les vôtres aussi. Car au contraire de Mr Vasseur, nous ne « respectons » pas la psychanalyse, nous nous appliquons à la rendre opérante pour le plus grand nombre de sujets, quelque soit leur « pathologie » et leur niveau social. Qu'en restera-t-il avec les contraintes qu'on nous prépare ? Rien, je vous le garantis ! Les psychothérapies sont actuellement majoritairement inspirées de la psychanalyse car les praticiens sont, comme vous et moi, formés par la psychanalyse. Et même s’ils ne la pratiquent pas, ils ont été marqués durablement par cette expérience qui modifie en profondeur leur pratique de clinicien. Demain il n'y aura plus que la TCC (thérapie cognitivo-comportementale) pour le plus grand nombre… de ceux qui la supporteront : à lire le témoignage de Philippe Labro, il n’est pas sûr qu’elle soit promise au succès dont elle se prévaut dores et déjà selon Mrs Pichot et Allilaire (Rapport de l’Académie de médecine sur les psychothérapies, juillet 2003). Ce sera bien moins onéreux mais qu’adviendra-t-il de nos patients ?
Mr Vasseur sait-il ce qu'il a fait ? Je n'en suis pas sûr. Il clame son amour de la psychanalyse, ici et là parasité par quelques injures, mais il la donne en pâture aux québécois de l'ANAES... Voilà bien une passion violente qui révèle de quoi le « respect », pour certains, peut s'avérer l'envers.
Mr Widlöcher, président de l'IPA, sait-il mieux ce qu'il fait ? Certainement, lui qui est aussi membre d'honneur de l'Association Française de Thérapie Cognitivo-Comportementale.
Et Mr Allilaire son bras droit qui est bien silencieux aussi en ce moment ? Mais laissons-le : il est peut-être bien occupé à de plus sérieuses affaires, comme de compter les neurones de l'hippotalamus dans les laboratoires Ardix.
Alors, voyez-vous, la lutte fratricide a déjà eu lieu et nous ne faisons que sonner l'alerte pour ne pas que toute la profession fasse des choix irréparables en ralliant des mesures liberticides et suicidaires pour la psychiatrie. Car si en effet les associations de psychanalyse ont largement soutenu les Etats Généraux (l’Ecole de la Cause freudienne y était représentée par plusieurs de ses membres, dont son Président, qui y ont apporté leur soutien sans réserve, contrairement à ce qu’affirme Mr Vasseur), elles se voient pour la plupart d’entre elles poignardées en guise de remerciement. Par le Dr Bokobza notamment, qui a apporté publiquement son soutien à Mr Vasseur (France Culture, émission « Tout arrive ») sans se soucier de la trahison que ce soutien constituait, quant aux motions anti-évaluatives des Etats Généraux.
Le combat de l'opinion est déjà gagné pour les opposants à l'Amendement Accoyer tel qu’il est formulé, n'en déplaise à Mr Vasseur : la plupart des associations de psychologues, de psychothérapeutes et de psychanalystes, ainsi que le Syndicat National des Psychiatres Privés s’y sont opposés. De même quant au combat politique. Car cet amendement adopté dans des conditions démocratiquement contestables (députés non informés), qui a attiré l'attention des politologues, sera vraisemblablement retoqué au Sénat et donne déjà lieu à un débat sur « l’arbitraire légal », susceptible d’intéresser l’ensemble de la société française et au-delà.
De tout cela, et plus encore, il sera question au deuxième Forum des psys samedi prochain (www. forumpsy.org). J’estime en effet qu’il n’est pas excessif que la psychanalyse se dise responsable, non pas de la psychiatrie (Yves et Olivier peuvent dormir tranquilles), mais des patients de la psychiatrie auxquels elle apporte une aide considérable depuis cent ans. Qu’on veuille l’en écarter est injuste, dangereux et suicidaire.
Vous ai-je répondu, chère Chantal Jacquié ?
Bien à vous,
Pierre Sidon
25 novembre 2003
Source : site PSYDESIR