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VASSEUR Ch.: Entre la réunion de Marly-le-Roi et la deuxième navette au Sénat, mars 2004


Rédigé le Jeudi 29 Avril 2004 à 00:00 | Lu 1446 commentaire(s)



« Car tout homme, dès le naître,
reçoit en l?âme je ne sais quelles
fatales impressions qui le contraignent
à suivre plutôt son destin que sa volonté »
Pierre de Ronsard
La Franciade



Comme prévu dans le cadre de la Semaine d'Information sur la Santé Mentale , la réunion du 20 mars à Marly-le-Roi a été le lieu d'un Groupe de travail limité volontairement à un petit nombre d'acteurs représentant les sociétés particulièrement concernées par la question de la formation :
Jean-Jacques Kress, Président d'Honneur de l'Association Française de Psychiatrie,
Didier Houzel, Fédération Française des Psychothérapeutes Psychanalytiques d'Enfants et d'Adolescents,
André Sirota, Secrétaire général du Séminaire Inter-Universitaire Européen de Recherche en Psychopathologie et Psychanalyse,
Jean-Pierre Chartier, Directeur de l'Ecole des Psychologues Praticiens de l'Université Catholique de Paris, Vice-Président de la Fédération Française des Psychologues et de Psychologie,
Philippe Grosbois, Commission (Nationale Spécialisée) du Syndicat National des Psychologues .
et moi-même comme Président de l?Association Française de Psychiatrie,

Nous avons ainsi été six à cadrer le débat sur le pré-requis de la formation de tout professionnel s'orientant vers la pratique des psychothérapies, avec quelques autres représentations significatives : Jean-François Allilaire (CNUP), Jacques-David Beigbeder (AFP), Béatrice Bennevault (AFP), Bernard Brusset, Françoise Coret (Fedepsy), Charles Gellman, François Kammerer (SPF), Roger Salbreux (CASP), Elie Winter (AFFEP).

Il n'y eut aucune dissonance mais confrontation, approfondissement, clarification et étayage des fondements de départ, puis rappel que la formation pour qui s'y engage est un lieu de transformation des a priori , des croyances, et d'appropriation des connaissances, dans une articulation théorico-clinique. Ceci est d'ailleurs valable pour l'apprentissage de tous les métiers, de tout temps, dans tous les pays ; introjection oblige !

Ainsi, nous avons travaillé chaque mot d'un pré-requis qui devrait, selon nous, « chapeauter » toute loi sur la pratique des psychothérapies, car il répond à la triple exigence : scientifique, éthique et juridique : « Les psychothérapies sont des méthodes de traitement psychologique assurées par des professionnels qualifiés ayant une formation théorique, clinique et pratique, reconnue en psychopathologie ».

Le Groupe ayant trouvé un excellent rythme de travail, nous avons aussi réécrit l'amendement Giraud-Mattei et nous nous sommes quittés sur un accord unanime. Toutefois, dans les heures qui ont suivi, les uns ou les autres, éloignés du chaleureux de l?élaboration commune et rafraîchis par leur base, ont souhaité ne pas soutenir cette réécriture-là.

Dès lors, seul le pré-requis pouvait être adressé au Ministre et aux responsables concernés ; ce qui fut fait. Les Conseillers du Ministre ont réagi immédiatement pour manifester leur approbation et leur souhait d'approfondissement. Ce fut fait dès le lendemain, au Ministère : oui, les psychothérapies sont bien des traitements psychologiques ; oui, l'acquisition de la psychopathologie n'est pas une option mais un fondement radical de la formation. Il est apparu que cet aspect avait été mal évalué, alors que :
« La psychopathologie est le domaine spatial et temporel des expressions de la santé mentale, psychosomatique et somatique des personnalités. Elle est le lieu de la présence des troubles psychiques dans l'émergence des faits psychopathologiques, au carrefour des faits psychiques et des faits psychiatriques ». Et aussi : « Elle est une discipline de l'ordre des Sciences Humaines permettant de façon globale et diversifiée l?approche clinique et la compréhension des troubles psychiques et des perturbations de la personnalité ». Et encore, elle sera : « clinique plus opérante quand elle ne sert pas de cache-misère à l?indigence de la clinique » (1) .On ne peut pas mieux dire ! Comment pourrait-on s'en passer pour la compréhension et le maniement thérapeutique de la relation !

Enfin, l'immersion dans l'univers d'accueil et de soin de la souffrance psychique et de ses effets est indissociable de l'acquisition des savoirs théoriques de base. En effet, c'est une expérience fondatrice car transformatrice pour le futur soignant qui aura appris à se former aux méthodes. Mais est-ce suffisant ? Nous le savons tous, nous ne serons jamais assez intelligents, perspicaces, accueillants, souples et disponibles pour répondre idéalement aux demandes qui nous sont adressées ; alors, beaucoup d?entre nous, diplômes en poche, passent leur vie à se former !

Certes, les diplômes ne sont pas des « filtres à cons » (2) parfaitement efficaces ; soit, mais ils en éliminent un grand nombre. Reste alors la question de l'aptitude de fond (3) On entend beaucoup ces derniers temps que la bonne filière du destin de l?être psychothérapeute, c'est d'avoir suivi soi-même une psychothérapie et, s'en trouvant mieux, de promouvoir la méthode.

De tout temps, sauf celui des origines inévitablement incestuel, les psychanalystes ont considéré que « devenir psychanalyste comme son analyste » signe plutôt l'échec d'une analyse dans son processus d'individuation ; des milliers de pages ont été écrites, et il est curieux que les plus virulents d'alors à cet égard cautionnent maintenant de tels errements. Nous n'avons pas voulu, dans le pré-requis, traiter de cette question qui reste ouverte. Plus modestement, nous avons voulu rappeler les conditions élémentaires d'un progrès pour la Santé publique.

D'ailleurs, à lire les écrits et les silences sur ce pré-requis, il apparaît bien que, quelles que soient les difficultés d'une mise en oeuvre, tout le monde est d'accord.

Alors, autant que la loi le dise.


Christian Vasseur

(1) Michel de Boucaud : « Psychiatrie et psychopathologie. Les désorganisations psychiques », Medias Flash, 1999.
(2) Pro pos d?un vénéré maître du passé, peut-être Lacan !
(3) Question difficile, toujours récurrente et dont, à propos des analystes et du parcours de formation, Raymond Cann ( Du Sujet , RFP, Rapport au congrès des Langues Romanes, 1992) écrit : « Tels les candidats à la formation dont on sait, quelque soit l?école à laquelle ils s?adressent, qu?ils deviendront les analystes qu?ils sont éventuellement déjà, en opposition aux analystes "comme si", cauchemars et sous-produits -inévitables- des institutions ». C?est valable pour les médecins, les psychiatres, et les psychologues également. C?est « inévitable », mais il faudra bien un jour à nouveau s?atteler, après d?autres, à cette question

Source : SITE OEDIPE www.oedipe.org




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