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Carte blanche à J.P. KLOTZ

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Rédigé le Dimanche 21 Décembre 2003 à 00:00 | Lu 351 commentaire(s)



Il y a longtemps qu’on parle de réglementer la pratique des psychothérapies en France. L’amendement Accoyer voté le 8 octobre dernier à l’Assemblée Nationale, peu après le dépôt au Ministère de la Santé du Rapport Clery-Melin visant à réorganiser la Santé Mentale dans notre pays, a été présenté comme venant combler ce « vide juridique ». Il a déjà provoqué un beau tollé parmi ses praticiens, ainsi que chez les psychanalystes, les psychologues, les psychiatres et tous ceux qu’on a pris l’habitude dans le langage courant d’aujourd’hui d’appeler « les psys ». Cette agitation est-elle justifiée ?

L’ambition de protéger les usagers, les intentions d’assurer la « sécurité sanitaire », quoi de plus louable ? La difficulté n’apparaît que lorsque sont envisagés les moyens. Les clés de cette sécurité seraient confiées aux psychiatres, seuls habilités comme médecins à prescrire des soins et à contrôler leur mise en ¦uvre. Les psychologues titulaires du DESS de psychologie clinique bénéficieraient de certains droits, mais les autres « psys » ne seraient autorisés à travailler qu’avec leur garantie. L’ennui est qu’un tel dispositif méconnaît gravement les réalités de la pratique et ce qui est devenu aujourd’hui un véritable phénomène de civilisation.

Cette réglementation suppose des psychiatres automatiquement psychothérapeutes, ce qui correspond de moins en moins aux réalités de la psychiatrie actuelle. Celle-ci est de plus en plus biologique et orientée vers l’évaluation quantitative à l’américaine, tout particulièrement au niveau hospitalo-universitaire, c’est-à-dire parmi ceux qui seraient appelés d’abord à contrôler les « psys ». La tutelle médicale d’aujourd’hui, d’une médecine de plus en plus scientifique et de moins en moins subjective, n’est pas forcément la plus ouverte aux pratiques de la parole. De plus, celles-ci ne sont guère adaptables aux cursus universitaires, ne serait-ce qu’en raison des nécessités pour les praticiens de se soumettre eux-mêmes d’abord aux techniques qu’ils se destinent à appliquer, ce qui n’est guère concevable à l’université.

La psychanalyse n’est pas réductible aux psychothérapies, et ne serait pas concernée par les dispositions prévues, est-il avancé. Cela ne l’empêche pas d’avoir des effets thérapeutiques essentiels, de contribuer largement aux réponses données aux problèmes subjectifs contemporains et d’être impliquée massivement dans l’ensemble des pratiques mettant en jeu la parole. La France, pays de Jacques Lacan, est à la pointe de l’expansion devenue planétaire de son enseignement, qui s’est infiltré partout où est préservée une liberté du sujet. Sigmund Freud prônait aussi ce qu’il appelait l’analyse « profane », non réservée aux médecins. Mettre les seuls psychiatres aux commandes stériliserait ces travaux, nuirait aux circuits dont bénéficient de multiples réseaux de soin de fait, et surtout, irait contre le souci de sécurité affiché par les initiateurs du projet. Paradoxe ?

L’une des bonnes intentions est de vérifier que les praticiens ont une formation satisfaisante en psychopathologie Nul ne conteste cette nécessité. Mais les psychanalystes, par exemple, dans les associations responsables de leur formation, sont plutôt hyperformés à cet égard. On peut même dire que leur formation ne cesse jamais. Ils sont de toujours en formation continue. Les psychologues cliniciens, les psychothérapeutes dans leurs associations, sont aussi soumis à ces nécessités.

Il n’est d’ailleurs pas question de contester toute forme de contrôle, y compris par la puissance publique. Mais celui imposé « d’en haut » préconisé par l’initiative Accoyer-Clery-Melin n’assurerait qu’une fausse sécurité. Le vide juridique sera remplacé par les zones de non-droit où se réfugiera hors tous contrôles l’inventivité psy. La lutte proclamée contre les dérives sectaires déboucherait ainsi sur une marginalisation accentuée susceptible de favoriser au contraire de telles dérives.

Une véritable concertation entre les pouvoirs publics et les professionnels représentatifs est nécessaire. On nous dit que celle-ci a eu lieu, mais elle a été suffisamment confidentielle pour que la plupart des associations directement concernées aient découvert l’amendement une fois voté. Une « Coordination psy », émanation du « Forum des psys » animé par Jacques-Alain Miller et la revue « Ornicar ? » (http://www.forumpsy.org) a été constituée à cet effet, dépositaire pour une négociation des droits et des devoirs des psys à mettre sur la table de négociation.

30 novembre 2003

Jean-Pierre KLOTZ est psychiatre et psychanalyste à Bordeaux. Il est actuellement Directeur de l’École de la Cause Freudienne.




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