Le grand échos qu’a eu cet appel démontre, sans doute, qu’il a une inquiétude face à ce qui est en train de se passer dans le champ psy : Il y a, donc, un motif pour se réveiller d’une période, peut-être, trop léthargique.
Le déclencheur, de tout cela, a été un ensemble de normes qui ont débuté avec le décret royal qui réglementait la spécialité en psychologie clinique (PEPC) et puis cela s’est poursuivi avec la loi 44/2003 du 21 nov. de classification des professions sanitaires et enfin le décret royal 1277/2003 du 10oct, par lequel les bases générales sur l’accréditation des centres, services et établissements sanitaires sont établis.
Ces normes nous affectent dans le sens où elles modifient le paysage actuel des pratiques psy : elles réglementent aussi bien le service public que le privé, font la distinction entre spécialistes et généralistes, restreignent certaines fonctions dans leur pratique habituelle de la psychologie clinique (les soins aux troubles mentaux sont réservés dans leur pratique aux seuls psychiatres),…
Le paradoxe, de tout cela, c’est que malgré son incidence directe sur un collectif en nombre, ces normes sont encore méconnues de la plus part de ces collectifs-là. Une première raison, a cela, nous la rencontrons, sans doute, dans la léthargie à laquelle je faisais allusion. Mais il fait également signaler, que ces deux normes, spécialement les deux dernières, ont été peu consensuelles et peu participatives dans leur élaboration. Il suffit de dire que ni les collèges officiels de psychologie ni la Commission Nationale de la spécialité, n’ont été écoutées. C’est un point qui devrait, déjà, nous faire réfléchir sur la nature et les intentions de ces normes.
La question qui nous vient à l’esprit est ; pourquoi maintenant ? Afin d’y répondre il nous faut prendre de la distance par rapport au point nodal de la loi pour saisir quelles sont les lignes de force où apparaît la volonté du législateur et l’orientation politique qui les guide.
Une première constatation est que des lois similaires ont déjà été proclamées dans d’autres pays européens (France, Italie) et occidentaux (Canada), également dans un certain obscurantisme dans leur élaboration. Elles ont, de la même façon généré des mouvements de résistance de la part des professionnels et des associations scientifiques. (1)
A partir de cette série de mesures (2), chacune différente et spécifique à sa réalité locale (2), nous pouvons noter une tendance plus globale : celle du psy comme nouveau facteur de politique. Si jusqu’à maintenant la souffrance relevait du domaine privé et que chaque sujet décidait de la façon de le traiter (médicalement, spirituellement, psychologiquement, au sein de la famille), nous assistons à une croissance progressive de la demande de soin psy, en partie favorisée par une plus grande offre des psy eux mêmes (avec toutes ses variétés et ersatz plus ou moins ésotériques) ainsi que par un épuisement de la réponse médicale et pharmaceutique.
Ce qui fait que , ce domaine de l’intime laisse place à une plus grande intervention du service public, l’Etat prend, alors, en charge la santé mentale de la population de façon généralisée (pas uniquement en ce qui concerne les pathologies graves). (3)
Quelles sont les prémisses de cette politique du psy ? Ce sont, sans doute, celles qui orientent aujourd’hui la pratique politique : les droits du citoyen (NIF) en tant qu’énoncé axiomatique, et le coût minime pour la dépense publique. Il y a deux conséquences à cela :
1 - Une gestion orientée vers l’usager sous la maxime : " le client a toujours raison ". Avec des aspects positifs, par côtés, en ce qui touche la reconnaissance des droits qui transposé au sujet usager a aussi des effets pervers. Dans tous les cas il apparaît de façon claire que cela a complètement modifié de la relation professionnel sujet ; pouvant aller de se prémunir face aux plaintes (4) jusqu’aux exigences sur l’information, etc. ;
2 - Une gestion réglementée par le marché d’après des critères d’efficacité et des rendements conçus selon une idéologie de management. Ce qui implique que les changements soient présentés comme des exigences devant s’adapter à la réalité contemporaine et non comme des options idéologiques. Les opposants à ces normes sont pris, comme on le montre dans la stratégie de communication, pour les représentants, d’une vieille garde, aveuglés par les droits acquis et réfractaires à tout changement. (5) Ainsi, chacun des acteurs de ce système est obligé de prendre position : les professionnels (dans des lobbies et avec des intérêts divergents), les associations d’usagers ou les familles de personnes concernées, les fournisseurs, (assurances et industrie pharmaceutique) ainsi que les technocrates chargés, par l’Etat, d’évaluer les résultats de ces pratiques (6), puisque la réglementation du marché exacerbe la standardisation et l’évaluation permanente de l’acte psy. Si nous analysons ce qui se passe dans des pays " plus en avance " dans ce processus, nous observons (7) comment des alliances se font entre acteurs (quelques groupes de psychiatres et grands groupes d’assurances médicales) qui codifient, standardisent les pratiques qui conviennent à leurs intérêts en écartant celles qui s’adaptent le moins. Dans notre pays nous voyons, également, comment des groupes exercent des pressions importantes dans la configuration de ces normes et comment convergent leurs intérêts avec ceux d’autres secteurs. (8)
L’analyse de ces tendances générales devrait nous orienter dans la compréhension des tendances et processus à l’œuvre dans notre réalité locale.
Pour cette raison, l’analyse que nous allons faire des normes ne doits pas, uniquement, se faire sur les énoncés, dans les bonnes intentions que toute loi expose comme motifs (droit à la santé, garantie des usagers, réglementation de la pratique, amélioration de la qualité des soins) intentions que nous partageons à tous les coups. Les psy, nous savons bien jusqu’à quel point ce qui n’est pas dit ordonne et donne signification à ce qui l’est (9). Nous devons, donc, faire aussi le calcul des conséquences possibles. Il n’est pas toujours facile pour nous, puisque la pratique de la politique nous concerne en tant que citoyens, amateurs, et ceci peut nous faire oublier que la politique est , également, un métier avec sa stratégie et sa logique pas toujours apparentes.
Cela arrive dans la création d’une sculpture. L’artiste sait lorsqu’il commence son travail quel sera le résultat final, il l’a déjà en tête lorsqu’il se met face au bloc à sculpter. Il procède par soustraction de morceaux, parfois grands lorsqu’il n’y a pas de doute, d’autres plus petits lorsqu’il faut prendre des précautions. Ceux qui observent ce processus se taisent sans pouvoir l’évaluer (concevoir) et lorsque, finalement, ils contemplent l’œuvre achevée ils comprendront après-coup l’intention du créateur. Alors, le retour en arrière n’est plus possible.
Je vous propose de lire, à partir de cette métaphore, les différentes normes et décisions politiques ayant trait au champ psy (création de la spécialité, LOPS et décrets royaux de 2003, réglementation du titre européen en psychologie 2004 et put être réglementation de la psychothérapie dans quelques mois).
J’aimerais pour en finir exprimer un souhait ; le désir que le débat qui s’établit ici sur la question psy (LOPS y compris) ne soit pas réduit au registre corporatif, qui existe déjà sans doute, (le COPC est une corporation de droit public), mais qu’il inclue la dimension la psychologie en tant que discipline avec un présent et un futur, avec une trajectoire où il existence de certaines différences doit être considérée comme un signe de maturité et de progrès.
Cette question soulève un troisième point, qui est fondamental, qui a à voir avec la position éthique prise individuellement et collectivement. Nous assistons, aujourd’hui, à une généralisation des mesures préventives qui, au nom de la sécurité et de la défense des citoyens, apparaissent de plus en plus comme un découpage des libertés ou comme des outils de ségrégation. Il suffit de se rappeler des mesures prises par Blair sur la prévention des toxicomanies à l’école ou l’exigence en France d’un avis psychique établi par les maîtres sur la santé mentale des écoliers. Aussi, dans notre pays des propositions ont été faites pour le dépistage précoce, même de médicalisation préventive, des schizophrénies postérieures possibles. Nous ne pouvons pas rester étrangers à ces faits puisque dans la plus part des cas nous sommes nous mêmes, les psys, parfois involontairement, qui cautionnons la couverture scientifique de ces expériences de contrôle social.
Intervention de l’auteur dans la première partie (15 mars 2004)
du cycle de débats du Collège Officiel des Psychologues de Catalogne
sur la question psy.
(1) J.R. Ubieto " la réglementation du domaine psy " dans Full informatiu n° 167 mars 2004 Barcelone COPC.
(2) Chaque réalité territoriale a son réel insupportable. Pour les uns (Canada) il s’agît de mouvements sociaux qui se disputent le pouvoir et les assurances qui aspirent au bénéfice. De là à ce que les normes appellent à un contrôle des conseils d’administration des organismes communautaires, de gauche, et à une décentralisation massive de la santé publique. ; Pour d’autres, en France, il s’agit de réduire les coûts de l’Etat providence et de parvenir à l’hégémonie d’un modèle pseudo scientifique. C’est pour ça que les mesures parient sur l’allégement de l’écoute en tant que pratique utile socialement et sur le renforcement du rôle du psychiatre en tant que contrôleur et distributeur de soins. Pour nous, en Espagne, où le poids de la santé privée est encore faible et celui de la santé mentale n’a jamais été révélateur, il s’agit de poser les bases d’un futur modèle consensuel entre lobbies de professions et futurs fournisseurs de soins. Ce n’est pas hasard que des importantes agences d’assurance comme Sanitas ou que des grandes entreprises (Endesa, Iberdrola) appâtent dans les secteurs socio sanitaires en croissance (troisième âge).
(3) Ce déplacement de la santé mentale à la santé publique ne va pas sans une certaine élision du subjectif et de la souffrance psychologique en faveur de la notion plus organique du trouble.
(4) Il est à prévoir que certains enregistrements d’entretiens n’auront plus l’usage technique deviendront des face à d’éventuelles plaintes.
(5) Les renoncements que fait l’Etat en ce qui concerne les responsabilités dans la question publique doivent être considérés, selon l’idéologie néolibérale, non pas comme une régression mais comme une avancée dans l’espace de liberté et de responsabilité.
(6) V texte de l’INSERM. France, " évaluation des psychothérapies.
(7) Au Canada la gestion externe des prestations sanitaires par les mutuelles privées rend compte du monopole de quasiment toute la dépense publique ;
(8) D’après Albino Navarro Izquierdo médecin et directeur des relations avec la CCAA de l’industrie pharmaceutique. Les structures externes pouvant contribuer à la cohésion de la situation actuelle devant être des organisations professionnels, syndicales et dans lesquelles l’on trouve l’industrie pharmaceutique.
(9) Il faut noter que comme les normes qui nous touchent il existe une stratégie minimaliste incluant les aspects de façon minime pour après les développer dans des normes d’un rang plus bas (décrets) ou m^me dans des réglementations administratives qui restent en marge du débat public et à portée des pressions de lobbies en particulier ;