Universités. La ministre de l’Enseignement supérieur veut recentrer les humanités sur des objectifs de compétitivité, d’évaluation et d’innovation.
À deux semaines de la rentrée universitaire, la ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Pécresse, multiplie les déplacements, les rencontres et les points presse. Mercredi dernier, elle a prononcé un long discours devant les vingt-huit membres du tout nouveau Conseil pour le développement des humanités et des sciences sociales. Créé en 1998 par Claude Allègre, ce conseil reprend du service pour une durée d’un an. Ses missions ? « Définir une vision stratégique pour l’ensemble des disciplines de sciences humaines et sociales, clarifier les enjeux de formation et d’insertion professionnelles, favoriser l’excellence académique et la compétitivité, et accroître l’ouverture des sciences humaines et sociales vers la société et l’économie. »
Dans son allocution, la ministre exprime une volonté de reprise en main de disciplines considérées comme trop « subjectives », trop indépendantes et, par conséquent, génératrices d’une pensée critique. En un mot, contestataires. Ce que la ministre n’est pas loin d’assumer : « Je le sais, bien des craintes et bien des inquiétudes traversent la communauté des sciences humaines et sociales. Le mouvement du printemps dernier l’a montré : c’est en son sein que les interrogations sont les plus vives. » Du côté des universitaires mobilisés, le but de ce conseil éveille plus que des interrogations quant à l’avenir des disciplines visées.
Pour Jérôme Valluy, professeur de sociologie politique à Paris-I, « Valérie Pécresse a bien compris que les sciences humaines et sociales ont fortement contribué au mouvement d’opposition à ses réformes et semble vouloir les traiter spécifiquement à l’aune de ses mots clés : programmation technocratique, utilité pour les entreprises, évaluation et concurrence, visibilité internationale… Quatre façons de garantir le déclin de leur influence dans la société. »
Autre réaction, celle du SNESup. Pour son secrétaire général Stéphane Tassel, ce conseil « sous-tend une logique utilitariste et de mise en concurrence ».
Enfin, la composition de ce conseil laisse rêveur. La présence de « personnalités qualifiées », comme Franck Riboud, PDG de Danone, du PDG d’un cabinet de services financiers, et de personnalités telles que l’explorateur Jean-Louis Étienne ou l’éditorialiste Jacques Julliard, pose la question de la représentativité et de la pluralité intellectuelle de ce conseil. Ces nominations, loin d’être seulement symboliques, plongent un peu plus encore l’université française dans la marmite des logiques managériales du monde de l’entreprise.
Ixchel Delaporte
l'Humanité, Article paru le 4 septembre 2009
À deux semaines de la rentrée universitaire, la ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Pécresse, multiplie les déplacements, les rencontres et les points presse. Mercredi dernier, elle a prononcé un long discours devant les vingt-huit membres du tout nouveau Conseil pour le développement des humanités et des sciences sociales. Créé en 1998 par Claude Allègre, ce conseil reprend du service pour une durée d’un an. Ses missions ? « Définir une vision stratégique pour l’ensemble des disciplines de sciences humaines et sociales, clarifier les enjeux de formation et d’insertion professionnelles, favoriser l’excellence académique et la compétitivité, et accroître l’ouverture des sciences humaines et sociales vers la société et l’économie. »
Dans son allocution, la ministre exprime une volonté de reprise en main de disciplines considérées comme trop « subjectives », trop indépendantes et, par conséquent, génératrices d’une pensée critique. En un mot, contestataires. Ce que la ministre n’est pas loin d’assumer : « Je le sais, bien des craintes et bien des inquiétudes traversent la communauté des sciences humaines et sociales. Le mouvement du printemps dernier l’a montré : c’est en son sein que les interrogations sont les plus vives. » Du côté des universitaires mobilisés, le but de ce conseil éveille plus que des interrogations quant à l’avenir des disciplines visées.
Pour Jérôme Valluy, professeur de sociologie politique à Paris-I, « Valérie Pécresse a bien compris que les sciences humaines et sociales ont fortement contribué au mouvement d’opposition à ses réformes et semble vouloir les traiter spécifiquement à l’aune de ses mots clés : programmation technocratique, utilité pour les entreprises, évaluation et concurrence, visibilité internationale… Quatre façons de garantir le déclin de leur influence dans la société. »
Autre réaction, celle du SNESup. Pour son secrétaire général Stéphane Tassel, ce conseil « sous-tend une logique utilitariste et de mise en concurrence ».
Enfin, la composition de ce conseil laisse rêveur. La présence de « personnalités qualifiées », comme Franck Riboud, PDG de Danone, du PDG d’un cabinet de services financiers, et de personnalités telles que l’explorateur Jean-Louis Étienne ou l’éditorialiste Jacques Julliard, pose la question de la représentativité et de la pluralité intellectuelle de ce conseil. Ces nominations, loin d’être seulement symboliques, plongent un peu plus encore l’université française dans la marmite des logiques managériales du monde de l’entreprise.
Ixchel Delaporte
l'Humanité, Article paru le 4 septembre 2009