Mesdames, Messieurs,
Il n’y a aucune fatalité à avoir des déserts médicaux dans notre pays. L’égalité d’accès aux soins est un des principes fondamentaux de notre système de soins, et il est donc de notre responsabilité de mettre en place une meilleure répartition de l’offre de soins sur l’ensemble du territoire national. Pour cela, il est nécessaire d’apporter des réponses concrètes à ce défi de la démographie médicale. Je veux saluer à cet égard la qualité des travaux de la Commission présidée par le Professeur Berland que Philippe Douste-Blazy avait missionnée le 30 novembre 2004.
Nous sommes face à un double paradoxe. D’une part, le nombre de médecins en France n’a jamais été aussi élevé (203 000 en 2004) et pourtant les disparités entre régions sont trop importantes pour garantir à tous nos concitoyens des soins de qualité. Ainsi, alors qu’en Ile-de-France on trouve 426 médecins pour 100 000 habitants, il n’y en a que 256 dans la région Picardie. Pour les généralistes, la fourchette va de 137 médecins pour 100 000 habitants de la région Centre à 194 en PACA. D’autre part, l’évolution démographique prévisible des professions médicales risque de conduire à une pénurie si nous n’agissons pas immédiatement. Ainsi, en raison des départs massifs à la retraite, le nombre de médecins devrait diminuer de près de 10% d’ici 2025. Et la densité médicale chuterait alors de près de 15%, alors même que les besoins de santé sont croissants, notamment du fait de l’allongement de la durée de la vie.
C’est donc dès maintenant qu’il nous faut agir.
Pour cela, je crois qu’il est tout d’abord nécessaire d’écarter la coercition qui accentuerait la crise des vocations. Je crois au contraire à l’incitation pour agir sur la répartition des professionnels de santé. C’est par des mesures structurantes, nouvelles et globales, directement applicables, que nous pourrons améliorer les conditions d’exercice de ces professionnels de santé et donc la qualité des soins.
I/ Nous devons tout d’abord soutenir les médecins qui exercent dans les zones à faible densité médicale.
Les professionnels de santé que j’ai pu rencontrer dans les zones à faible densité médicale mettent en avant la difficulté de leurs conditions d’exercice. Ils connaissent un rythme de travail plus important qu’ailleurs, accumulent les kilomètres, et ne peuvent que rarement s’absenter que ce soit pour prendre des vacances ou participer à des actions de formation médicale continue.
A/ Pour remédier à cette situation, il nous faut d’abord définir nos priorités territoriales.
Les missions régionales de santé ont établi une première définition des zones prioritaires sur la base de deux critères cumulatifs : une densité de médecins inférieure d’au moins 30% à la moyenne nationale et un niveau d’activité des professionnels de santé supérieur de plus de 30% à cette moyenne. Sur la base de ces critères, des zones prioritaires ont été définies. Rurales pour l’essentiel, mais aussi parfois urbaines [6 villes dont 5 communes de Seine-Saint-Denis], ces zones concernent près de 1 600 médecins généralistes (3 %), répartis sur 4 500 communes (12 % des communes françaises) totalisant 2,6 millions d’habitants (4 % de la population). La carte des zones prioritaires sera actualisée chaque année par les missions, qui établiront par ailleurs dès septembre la carte des zones de faible densité des professionnels paramédicaux, notamment infirmiers.
Ces cartes ne sont pas seulement une aide à l’amélioration de la qualité des soins, ce sont aussi de véritables outils d’aménagement du territoire.
B/ Nos mesures visent à favoriser l’exercice de la médecine en cabinets de groupe.
Cet exercice met en commun les moyens, favorise l’échange des pratiques professionnelles, et libère du temps pour la formation et pour la vie personnelle, il garantit la continuité et la qualité des soins.
C’est la raison pour laquelle je souhaite que, dans le cadre des négociations conventionnelles, la rémunération des médecins exerçant en cabinet de groupe dans les zones à faible densité médicale puisse être augmentée de 20 %. Ainsi, un médecin généraliste gagnera 24 euros par consultation au lieu de 20 euros. Cette rémunération supplémentaire ne sera pas prise en charge ni par les mutuelles, ni par le patient, qui règlera son médecin au tarif habituel, mais par un versement direct de l’Assurance Maladie.
Enfin, l’exercice groupé, entre médecins, et avec les autres professionnels de santé, est facilité par la généralisation des maisons de santé pluridisciplinaires. Leur financement peut désormais être assuré par le FAQSV depuis le vote de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.
Je veux également rappeler que nous avons ouvert aux professions de santé le statut de collaborateur associé, grâce à la loi du 2 août 2005 sur les Petites et moyennes entreprises. Le décret qui modifiera le Code de déontologie médicale en ce sens est actuellement en cours de concertation. Il sera transmis au Conseil d’Etat dès le mois de février.
C/ Je pense aussi à la question des remplacements pour les médecins qui n’exercent pas en cabinet de groupe.
Les médecins exerçant dans ces zones à faible densité médicale rencontrent, pour se faire remplacer, des difficultés plus importantes que la plupart de leurs confrères. C’est pourquoi je souhaite que soit mise en place dans le cadre d’une négociation conventionnelle une majoration de 20 % des honoraires perçus lors du remplacement pour attirer des remplaçants potentiels dans ces régions.
D/ Les médecins exerçant en zones à faible densité médicale sont des acteurs indispensables pour le bon fonctionnement de la permanence des soins.
La meilleure organisation de la permanence des soins est la demande prioritaire des médecins installés en zones rurales. Nous avons d’ores et déjà apporté des réponses très concrètes par le décret du 7 avril 2005 qui a permis de donner plus de souplesse aux départements dans l’organisation de la permanence des soins et par la revalorisation du montant des astreintes (de 50 à 150 euros pour une nuit complète). De surcroît, l’ouverture des maisons médicales de garde sur une plus grande amplitude horaire, en particulier le samedi après midi, sera assurée grâce au financement du FAQSV.
Par ailleurs, la loi sur le développement des territoires ruraux prévoit une exonération de l’impôt sur le revenu issu des astreintes à hauteur de 60 jours par an, soit potentiellement 9 000 euros. Les missions régionales de santé ont achevé leur travail de définition des zones prioritaires, ce dispositif est donc devenu opérationnel.
Je crois aussi à la nécessité de diminuer les temps de déplacement des médecins pour améliorer leur disponibilité vis-à-vis des patients. Je retiens la proposition faite par le Rapport Berland de mettre en place un service de transport destiné à conduire les personnes à mobilité réduite chez leur praticien. Elle donnera lieu à une expérimentation en concertation avec l’Assurance maladie et les représentants des entreprises de transport.
II/ Nous avons aussi la responsabilité d’anticiper les évolutions et les déséquilibres futurs de la démographie médicale.
A/ Pour cela, nous devons disposer d’instruments destinés à prévoir ces évolutions.
Je veux d’abord saluer la qualité du travail de l’Office national de démographie des professions de santé et de ses comités régionaux. J’estime que leurs compétences doivent être élargies et que leur expertise doit nous servir, pour l’ensemble des professions de santé soumises à quotas ou numerus clausus, à déterminer plus précisément et de façon prospective les besoins en formation des professionnels de santé, médicaux et paramédicaux.
La mise en œuvre à l’été 2006 du répertoire partagé des professions de santé aidera également à mieux connaître la démographie des différentes professions. Les professionnels disposeront désormais d’un numéro d’enregistrement unique au lieu de trois actuellement, ce qui leur facilitera les formalités d’installation et permettra un meilleur suivi de l’évolution de la démographie de ces professions.
Le souci d’influer de façon volontaire et correctrice sur la répartition des effectifs étudiants était une des pistes principales dégagée par la commission Berland. Je souscris à cette approche : pour s’installer dans une région, il faut la connaître et, si on n’en n’est pas originaire, y avoir été formé. J’ai le souci toutefois de maintenir le même examen, les mêmes questions au niveau national, ce qui est le garant d’une forme d’équité entre étudiants. Mais la répartition des postes au numerus clausus et à l’examen classant national sera faite en tenant compte prioritairement de la situation démographique des régions concernées.
B/ Les anticipations actuelles nous incitent à procéder à une augmentation durable du nombre de médecins en exercice au niveau national :
Nous voulons stabiliser à un niveau élevé le numerus clausus. Fixé à 6300 en 2005, il sera porté à 7000 en 2006, et nous voulons qu’il soit maintenu au moins à ce niveau jusqu’à 2010.
Mais dans l’attente des résultats de cette mesure, nous allons parallèlement inciter davantage les médecins de plus de 65 ans à continuer à exercer. La loi Fillon permet aux médecins de plus de 65 ans de cumuler le revenu de leur retraite et celui de leur activité médicale. Aujourd’hui, 600 médecins ont opté pour cette possibilité. Nous pouvons aller au-delà de ce chiffre. Pour rendre ce dispositif plus incitatif, le plafond sera majoré d’un tiers dès lors que le départ à la retraite s’effectue après 65 ans. Et je veux rappeler que les médecins de plus de 60 sans seront dispensés de gardes de week-end et de nuit, sauf s’ils sont volontaires.
C/ Tirer les conséquences des évolutions démographiques et sociales, c’est aussi constater que les femmes professionnels de santé seront de plus en plus nombreuses.
J’ai ainsi la volonté de permettre aux professionnelles de santé libérales, médecins comme infirmières, de concilier au mieux vie professionnelle et vie familiale. Elles ne peuvent en effet bénéficier actuellement de plus de huit semaines de congés. Dorénavant, elles bénéficieront du même temps de congé de maternité que les salariées, c'est-à-dire 16 semaines pour chacun des deux premiers enfants et 26 à partir du 3ème enfant. Le décret sera transmis au Conseil d’Etat au mois de février pour une entrée en vigueur dès la fin du mois de mars.
D/ Enfin, nous devons avoir comme objectif d’influer durablement sur les choix des futurs professionnels, en favorisant l’installation des jeunes médecins en zone à faible densité médicale
Des mesures concrètes ont déjà été prises. Ainsi, la loi du 2 février 2005 sur les territoires ruraux permet aux collectivités locales d’attribuer aux étudiants de 3ème cycle une indemnité d’étude pouvant aller jusqu’à 24 000 euros par an et une indemnité de logement pour les stagiaires pouvant se monter à 400 euros par mois sous condition d’une installation pendant 5 ans. Par ailleurs, le champ d’action des collectivités locales a été élargi le 1er janvier 2006 pour que des locaux professionnels ou des logements puissent être mis à disposition des médecins s’installant ou exerçant dans ces zones prioritaires.
Je rappelle par ailleurs que depuis le 1er Janvier 2006, un moratoire d’une durée de 5 ans s’applique aux jeunes médecins installés pour la première fois et à ceux qui s’installent dans une zone à faible densité médicale. Cette mesure permet de ne pas pénaliser un patient qui consulterait chez un médecin alors que ce dernier n’est pas son médecin traitant. Elle lève donc les obstacles possibles à la constitution d’une patientèle.
Les étudiants et les jeunes professionnels doivent également disposer au plus tôt d’une information claire et globale sur les aides offertes et plus généralement sur les conditions d’exercice en libéral. J’ai donc souhaité systématiser les initiatives pertinentes que certains acteurs ont déjà prises. Toutes les URCAM sont ainsi d’ores et déjà dotées d’un logiciel d’aide à l’installation performant que l’URCAM de Picardie avait mis en œuvre.
Je demande à l’Assurance maladie de mettre en place partout des supports d’information, en concertation et collaboration avec les instances ordinales et les instances professionnelles telles que les URML :
- Un guide de l’installation pour l’ensemble des étudiants et les jeunes professionnels dans chacune des zones déficitaires, que je souhaite disponible dès la fin du mois de mars,
- un portail Internet à l’échelle régionale regroupera toutes les informations relatives aux conditions d’installation. Je souhaite qu’ils puissent aussi servir à des échanges d’offres concernant les remplacements.
- Certaines caisses ont déjà organisé des sessions d’information systématique devant les étudiants de 2ème et 3ème cycle. Je souhaite que cette initiative soit généralisée.
- Afin que les médecins puissent avoir un seul interlocuteur au moment de leur installation, un guichet unique, pour diffuser l’information et faciliter les démarches d’installation, sera mis en place par les Missions régionales de santé, en concertation avec les collectivités locales.
Mais il ne suffit pas d’informer, il faut aussi orienter. Faire découvrir la médecine générale aux étudiants le plus tôt possible, c’est leur donner la possibilité, la chance d’embrasser une carrière placée au cœur de notre système de santé par la Réforme de l’Assurance Maladie. Actuellement, les stages en premier et second cycles sont exclusivement hospitaliers. A compter de la rentrée 2006, les étudiants de 2ème cycle, auront la possibilité de faire un stage de 2 mois auprès de médecins généralistes.
E/ Plus généralement, c’est la répartition même des tâches qui mérite d’être repensée.
Je crois profondément au décloisonnement et à la complémentarité entre les professions de santé. Vous le savez, des expérimentations sont en cours ; elles concernent des domaines aussi concrets que l’examen de l’acuité visuelle par un professionnel orthoptiste ou le suivi de patients atteints d’une hépatite C par un infirmier. L’arrêté autorisant dix nouvelles expérimentations sera publié d’ici la fin du mois. Pour aller au-delà de ce stade expérimental, je missionne dès aujourd’hui la Haute autorité de santé de façon à ce qu’elle nous fasse des recommandations de méthode pour généraliser la démarche de partage des tâches. Je lui demanderai par ailleurs de faire des recommandations plus précises dans deux secteurs, l’ophtalmologie et le suivi des malades chroniques.
L’usage de la télémédecine doit aussi permettre de développer les réseaux de soins sur l’ensemble du territoire national. Ces évolutions techniques contribuent à rompre l’isolement des professionnels de santé et des patients, qui constitue un facteur de rupture dans le processus de soins (retards de prise en charge, délais d’attente, temps des déplacements des professionnels, actes inutiles). Elles favorisent ainsi la coopération entre les professionnels de santé, notamment dans les zones à faible densité médicale, et permettent de rapprocher des sites éloignés et favoriser l’accès aux soins.
***
Face au défi de la démographie médicale, les réponses que je vous présente aujourd’hui, d’un coût global de 30 à 35 millions d’euros en année pleine, ne sont qu’une première étape. Le risque de désertification existe pour les médecins libéraux mais aussi pour d’autres professions de santé, comme les infirmiers ou encore les masseurs kinésithérapeutes par exemple, et pour les praticiens hospitaliers.
Sur ce dernier point, j’ai demandé au Professeur Berland de diriger une mission, assisté en cela par deux praticiens hospitaliers et deux directeurs d’hôpitaux. Il me remettra ses conclusions d’ici fin mai. Elles me permettront de vous présenter en juin mes propositions pour relever le défi de la démographie des médecins exerçant dans les différents établissements de santé. Et en septembre, je serai en mesure de vous proposer des mesures concrètes pour faire face au défi démographique des paramédicaux. Nous pourrons donc faire un premier bilan de ce dispositif à la fin de l’année.
Source : Cabinet de Xavier Bertrand
Ministre de la Santé et des Solidarités
Mercredi 25 janvier 2006
Il n’y a aucune fatalité à avoir des déserts médicaux dans notre pays. L’égalité d’accès aux soins est un des principes fondamentaux de notre système de soins, et il est donc de notre responsabilité de mettre en place une meilleure répartition de l’offre de soins sur l’ensemble du territoire national. Pour cela, il est nécessaire d’apporter des réponses concrètes à ce défi de la démographie médicale. Je veux saluer à cet égard la qualité des travaux de la Commission présidée par le Professeur Berland que Philippe Douste-Blazy avait missionnée le 30 novembre 2004.
Nous sommes face à un double paradoxe. D’une part, le nombre de médecins en France n’a jamais été aussi élevé (203 000 en 2004) et pourtant les disparités entre régions sont trop importantes pour garantir à tous nos concitoyens des soins de qualité. Ainsi, alors qu’en Ile-de-France on trouve 426 médecins pour 100 000 habitants, il n’y en a que 256 dans la région Picardie. Pour les généralistes, la fourchette va de 137 médecins pour 100 000 habitants de la région Centre à 194 en PACA. D’autre part, l’évolution démographique prévisible des professions médicales risque de conduire à une pénurie si nous n’agissons pas immédiatement. Ainsi, en raison des départs massifs à la retraite, le nombre de médecins devrait diminuer de près de 10% d’ici 2025. Et la densité médicale chuterait alors de près de 15%, alors même que les besoins de santé sont croissants, notamment du fait de l’allongement de la durée de la vie.
C’est donc dès maintenant qu’il nous faut agir.
Pour cela, je crois qu’il est tout d’abord nécessaire d’écarter la coercition qui accentuerait la crise des vocations. Je crois au contraire à l’incitation pour agir sur la répartition des professionnels de santé. C’est par des mesures structurantes, nouvelles et globales, directement applicables, que nous pourrons améliorer les conditions d’exercice de ces professionnels de santé et donc la qualité des soins.
I/ Nous devons tout d’abord soutenir les médecins qui exercent dans les zones à faible densité médicale.
Les professionnels de santé que j’ai pu rencontrer dans les zones à faible densité médicale mettent en avant la difficulté de leurs conditions d’exercice. Ils connaissent un rythme de travail plus important qu’ailleurs, accumulent les kilomètres, et ne peuvent que rarement s’absenter que ce soit pour prendre des vacances ou participer à des actions de formation médicale continue.
A/ Pour remédier à cette situation, il nous faut d’abord définir nos priorités territoriales.
Les missions régionales de santé ont établi une première définition des zones prioritaires sur la base de deux critères cumulatifs : une densité de médecins inférieure d’au moins 30% à la moyenne nationale et un niveau d’activité des professionnels de santé supérieur de plus de 30% à cette moyenne. Sur la base de ces critères, des zones prioritaires ont été définies. Rurales pour l’essentiel, mais aussi parfois urbaines [6 villes dont 5 communes de Seine-Saint-Denis], ces zones concernent près de 1 600 médecins généralistes (3 %), répartis sur 4 500 communes (12 % des communes françaises) totalisant 2,6 millions d’habitants (4 % de la population). La carte des zones prioritaires sera actualisée chaque année par les missions, qui établiront par ailleurs dès septembre la carte des zones de faible densité des professionnels paramédicaux, notamment infirmiers.
Ces cartes ne sont pas seulement une aide à l’amélioration de la qualité des soins, ce sont aussi de véritables outils d’aménagement du territoire.
B/ Nos mesures visent à favoriser l’exercice de la médecine en cabinets de groupe.
Cet exercice met en commun les moyens, favorise l’échange des pratiques professionnelles, et libère du temps pour la formation et pour la vie personnelle, il garantit la continuité et la qualité des soins.
C’est la raison pour laquelle je souhaite que, dans le cadre des négociations conventionnelles, la rémunération des médecins exerçant en cabinet de groupe dans les zones à faible densité médicale puisse être augmentée de 20 %. Ainsi, un médecin généraliste gagnera 24 euros par consultation au lieu de 20 euros. Cette rémunération supplémentaire ne sera pas prise en charge ni par les mutuelles, ni par le patient, qui règlera son médecin au tarif habituel, mais par un versement direct de l’Assurance Maladie.
Enfin, l’exercice groupé, entre médecins, et avec les autres professionnels de santé, est facilité par la généralisation des maisons de santé pluridisciplinaires. Leur financement peut désormais être assuré par le FAQSV depuis le vote de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.
Je veux également rappeler que nous avons ouvert aux professions de santé le statut de collaborateur associé, grâce à la loi du 2 août 2005 sur les Petites et moyennes entreprises. Le décret qui modifiera le Code de déontologie médicale en ce sens est actuellement en cours de concertation. Il sera transmis au Conseil d’Etat dès le mois de février.
C/ Je pense aussi à la question des remplacements pour les médecins qui n’exercent pas en cabinet de groupe.
Les médecins exerçant dans ces zones à faible densité médicale rencontrent, pour se faire remplacer, des difficultés plus importantes que la plupart de leurs confrères. C’est pourquoi je souhaite que soit mise en place dans le cadre d’une négociation conventionnelle une majoration de 20 % des honoraires perçus lors du remplacement pour attirer des remplaçants potentiels dans ces régions.
D/ Les médecins exerçant en zones à faible densité médicale sont des acteurs indispensables pour le bon fonctionnement de la permanence des soins.
La meilleure organisation de la permanence des soins est la demande prioritaire des médecins installés en zones rurales. Nous avons d’ores et déjà apporté des réponses très concrètes par le décret du 7 avril 2005 qui a permis de donner plus de souplesse aux départements dans l’organisation de la permanence des soins et par la revalorisation du montant des astreintes (de 50 à 150 euros pour une nuit complète). De surcroît, l’ouverture des maisons médicales de garde sur une plus grande amplitude horaire, en particulier le samedi après midi, sera assurée grâce au financement du FAQSV.
Par ailleurs, la loi sur le développement des territoires ruraux prévoit une exonération de l’impôt sur le revenu issu des astreintes à hauteur de 60 jours par an, soit potentiellement 9 000 euros. Les missions régionales de santé ont achevé leur travail de définition des zones prioritaires, ce dispositif est donc devenu opérationnel.
Je crois aussi à la nécessité de diminuer les temps de déplacement des médecins pour améliorer leur disponibilité vis-à-vis des patients. Je retiens la proposition faite par le Rapport Berland de mettre en place un service de transport destiné à conduire les personnes à mobilité réduite chez leur praticien. Elle donnera lieu à une expérimentation en concertation avec l’Assurance maladie et les représentants des entreprises de transport.
II/ Nous avons aussi la responsabilité d’anticiper les évolutions et les déséquilibres futurs de la démographie médicale.
A/ Pour cela, nous devons disposer d’instruments destinés à prévoir ces évolutions.
Je veux d’abord saluer la qualité du travail de l’Office national de démographie des professions de santé et de ses comités régionaux. J’estime que leurs compétences doivent être élargies et que leur expertise doit nous servir, pour l’ensemble des professions de santé soumises à quotas ou numerus clausus, à déterminer plus précisément et de façon prospective les besoins en formation des professionnels de santé, médicaux et paramédicaux.
La mise en œuvre à l’été 2006 du répertoire partagé des professions de santé aidera également à mieux connaître la démographie des différentes professions. Les professionnels disposeront désormais d’un numéro d’enregistrement unique au lieu de trois actuellement, ce qui leur facilitera les formalités d’installation et permettra un meilleur suivi de l’évolution de la démographie de ces professions.
Le souci d’influer de façon volontaire et correctrice sur la répartition des effectifs étudiants était une des pistes principales dégagée par la commission Berland. Je souscris à cette approche : pour s’installer dans une région, il faut la connaître et, si on n’en n’est pas originaire, y avoir été formé. J’ai le souci toutefois de maintenir le même examen, les mêmes questions au niveau national, ce qui est le garant d’une forme d’équité entre étudiants. Mais la répartition des postes au numerus clausus et à l’examen classant national sera faite en tenant compte prioritairement de la situation démographique des régions concernées.
B/ Les anticipations actuelles nous incitent à procéder à une augmentation durable du nombre de médecins en exercice au niveau national :
Nous voulons stabiliser à un niveau élevé le numerus clausus. Fixé à 6300 en 2005, il sera porté à 7000 en 2006, et nous voulons qu’il soit maintenu au moins à ce niveau jusqu’à 2010.
Mais dans l’attente des résultats de cette mesure, nous allons parallèlement inciter davantage les médecins de plus de 65 ans à continuer à exercer. La loi Fillon permet aux médecins de plus de 65 ans de cumuler le revenu de leur retraite et celui de leur activité médicale. Aujourd’hui, 600 médecins ont opté pour cette possibilité. Nous pouvons aller au-delà de ce chiffre. Pour rendre ce dispositif plus incitatif, le plafond sera majoré d’un tiers dès lors que le départ à la retraite s’effectue après 65 ans. Et je veux rappeler que les médecins de plus de 60 sans seront dispensés de gardes de week-end et de nuit, sauf s’ils sont volontaires.
C/ Tirer les conséquences des évolutions démographiques et sociales, c’est aussi constater que les femmes professionnels de santé seront de plus en plus nombreuses.
J’ai ainsi la volonté de permettre aux professionnelles de santé libérales, médecins comme infirmières, de concilier au mieux vie professionnelle et vie familiale. Elles ne peuvent en effet bénéficier actuellement de plus de huit semaines de congés. Dorénavant, elles bénéficieront du même temps de congé de maternité que les salariées, c'est-à-dire 16 semaines pour chacun des deux premiers enfants et 26 à partir du 3ème enfant. Le décret sera transmis au Conseil d’Etat au mois de février pour une entrée en vigueur dès la fin du mois de mars.
D/ Enfin, nous devons avoir comme objectif d’influer durablement sur les choix des futurs professionnels, en favorisant l’installation des jeunes médecins en zone à faible densité médicale
Des mesures concrètes ont déjà été prises. Ainsi, la loi du 2 février 2005 sur les territoires ruraux permet aux collectivités locales d’attribuer aux étudiants de 3ème cycle une indemnité d’étude pouvant aller jusqu’à 24 000 euros par an et une indemnité de logement pour les stagiaires pouvant se monter à 400 euros par mois sous condition d’une installation pendant 5 ans. Par ailleurs, le champ d’action des collectivités locales a été élargi le 1er janvier 2006 pour que des locaux professionnels ou des logements puissent être mis à disposition des médecins s’installant ou exerçant dans ces zones prioritaires.
Je rappelle par ailleurs que depuis le 1er Janvier 2006, un moratoire d’une durée de 5 ans s’applique aux jeunes médecins installés pour la première fois et à ceux qui s’installent dans une zone à faible densité médicale. Cette mesure permet de ne pas pénaliser un patient qui consulterait chez un médecin alors que ce dernier n’est pas son médecin traitant. Elle lève donc les obstacles possibles à la constitution d’une patientèle.
Les étudiants et les jeunes professionnels doivent également disposer au plus tôt d’une information claire et globale sur les aides offertes et plus généralement sur les conditions d’exercice en libéral. J’ai donc souhaité systématiser les initiatives pertinentes que certains acteurs ont déjà prises. Toutes les URCAM sont ainsi d’ores et déjà dotées d’un logiciel d’aide à l’installation performant que l’URCAM de Picardie avait mis en œuvre.
Je demande à l’Assurance maladie de mettre en place partout des supports d’information, en concertation et collaboration avec les instances ordinales et les instances professionnelles telles que les URML :
- Un guide de l’installation pour l’ensemble des étudiants et les jeunes professionnels dans chacune des zones déficitaires, que je souhaite disponible dès la fin du mois de mars,
- un portail Internet à l’échelle régionale regroupera toutes les informations relatives aux conditions d’installation. Je souhaite qu’ils puissent aussi servir à des échanges d’offres concernant les remplacements.
- Certaines caisses ont déjà organisé des sessions d’information systématique devant les étudiants de 2ème et 3ème cycle. Je souhaite que cette initiative soit généralisée.
- Afin que les médecins puissent avoir un seul interlocuteur au moment de leur installation, un guichet unique, pour diffuser l’information et faciliter les démarches d’installation, sera mis en place par les Missions régionales de santé, en concertation avec les collectivités locales.
Mais il ne suffit pas d’informer, il faut aussi orienter. Faire découvrir la médecine générale aux étudiants le plus tôt possible, c’est leur donner la possibilité, la chance d’embrasser une carrière placée au cœur de notre système de santé par la Réforme de l’Assurance Maladie. Actuellement, les stages en premier et second cycles sont exclusivement hospitaliers. A compter de la rentrée 2006, les étudiants de 2ème cycle, auront la possibilité de faire un stage de 2 mois auprès de médecins généralistes.
E/ Plus généralement, c’est la répartition même des tâches qui mérite d’être repensée.
Je crois profondément au décloisonnement et à la complémentarité entre les professions de santé. Vous le savez, des expérimentations sont en cours ; elles concernent des domaines aussi concrets que l’examen de l’acuité visuelle par un professionnel orthoptiste ou le suivi de patients atteints d’une hépatite C par un infirmier. L’arrêté autorisant dix nouvelles expérimentations sera publié d’ici la fin du mois. Pour aller au-delà de ce stade expérimental, je missionne dès aujourd’hui la Haute autorité de santé de façon à ce qu’elle nous fasse des recommandations de méthode pour généraliser la démarche de partage des tâches. Je lui demanderai par ailleurs de faire des recommandations plus précises dans deux secteurs, l’ophtalmologie et le suivi des malades chroniques.
L’usage de la télémédecine doit aussi permettre de développer les réseaux de soins sur l’ensemble du territoire national. Ces évolutions techniques contribuent à rompre l’isolement des professionnels de santé et des patients, qui constitue un facteur de rupture dans le processus de soins (retards de prise en charge, délais d’attente, temps des déplacements des professionnels, actes inutiles). Elles favorisent ainsi la coopération entre les professionnels de santé, notamment dans les zones à faible densité médicale, et permettent de rapprocher des sites éloignés et favoriser l’accès aux soins.
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Face au défi de la démographie médicale, les réponses que je vous présente aujourd’hui, d’un coût global de 30 à 35 millions d’euros en année pleine, ne sont qu’une première étape. Le risque de désertification existe pour les médecins libéraux mais aussi pour d’autres professions de santé, comme les infirmiers ou encore les masseurs kinésithérapeutes par exemple, et pour les praticiens hospitaliers.
Sur ce dernier point, j’ai demandé au Professeur Berland de diriger une mission, assisté en cela par deux praticiens hospitaliers et deux directeurs d’hôpitaux. Il me remettra ses conclusions d’ici fin mai. Elles me permettront de vous présenter en juin mes propositions pour relever le défi de la démographie des médecins exerçant dans les différents établissements de santé. Et en septembre, je serai en mesure de vous proposer des mesures concrètes pour faire face au défi démographique des paramédicaux. Nous pourrons donc faire un premier bilan de ce dispositif à la fin de l’année.
Source : Cabinet de Xavier Bertrand
Ministre de la Santé et des Solidarités
Mercredi 25 janvier 2006