*1 Roger Wartel est professeur émérite de psychiatrie à la Faculté de médecine d'Angers et ancien directeur de l'École de la Casue freudienne
Chers amis psychiatres, mes vieux complices de l'Université,
Un débat assez large s'étale depuis quelques mois, sur les ondes, dans les colonnes des quotidiens, et heureusement un peu plus largement, jusqu'à faire tribune. Et nous, nous n'en disons que peu.
Or, cela nous concerne et nous juge, radicalement, parce que nous étions psychiatres-formateurs-enseignants de générations de psychiatres. Et il s'agit de formation, de mise à bonne forme, voire du minimum d'information que nous serions censés apporter à des élèves, de jeunes collègues de quelle que provenance universitaire que ce soit.
Nous avions avec nous quelques internes des hôpitaux, mais bien plus des psychologues cliniciens (DESS) qui assurent, depuis des décennies, une activité professionnelle cohérente, dont il est cependant difficile de cerner et de préciser tant les fondements que les contrôles. Ceci les aligne sur les internes, lesquels seraient adoubés au seul titre d'une inscription sur une liste de concours.
Il est, à ce jour, un projet de réglementation de la psychothérapie qui veut arranger tout cela sous la rubrique : « Enfin, la voilà encadrée ». Les psychanalystes s'en étonnent, s'en insurgent non qu'ils s'arrogent premièrement de thérapie. Mais il leur apparaît, en notre temps, hasardeux et difficile de prétendre réduire tout espace de liberté.
Réduire ? Oui, c'est le fantasme actif de tout gouvernant : boucher les trous, remplir le vide juridique. Voici la belle affaire du Professeur Nimbus et des Shadoks, c'est-à-dire : pour remplir un trou, là, prenons une pelletée, ci. Resterait-il alors un trou, que nous prendrions un peu plus loin la bonne pelletée.
Ainsi, à lire des textes et commentaires d'aucuns, les plus bienveillants lecteurs y décèleraient quelque filigrane d'obscurantisme n'allons pas jusque là où l'on soulignerait la nuance entre "souffrance remboursable" et "confort-va-te-faire-voir". D'expérience, mais c'est là une conjoncture très restrictivement subjective, je n'ai jamais rencontré de souffrance qui se puisse pommader de confort.
Ailleurs, je tends l'oreille jusqu'à entendre, de très loin dans l'histoire, le hourra autour du bûcher des charlatans. On croît rêver... Des psychiatres, et des meilleurs, main dans la main avec des gens sérieux et qui ont fait des études, et qui ont pignon sur rue, et qui sont des élus, et dont on pense qu'ils ont la tête entre les deux oreilles, et qui crieraient sur l'air des lampions...« Le charlatanisme ne passera pas ». Merci, Docteur, nous n'attendions que vous, avec le fagot, la poix et le brandon. L'avenir est devant nous, enfin. Plus triste ? Non. Mais consternant.
Voici le docteur-psychiatre qui viendrait expertiser le cas clinique à la manière des commissaires-priseurs de l'Hôtel Drouot : « Ça vaut pas un clou, zéro pour le confort », et alors une psychose...« Ça vaut bien 100 séances ».
Chers vieux camarades des agrégations issues de 68, voilà où nous en sommes rendus, sans savoir ni comment ni pourquoi. Bien sûr que si, nous savons, et le pourquoi et le comment. La psychiatrie française a engendré un monstre !
On l'appelait Lacan. On a cru qu'il suffirait qu'il disparut. Toujours là ! Mais il est malheureusement probable que de son « Petit discours aux psychiatres » (1967), le discours court, mais pas jusqu'à tous les psychiatres.
C'est bête d'avoir tout raté, d'une moue ou d'un haussement d'épaules.
Angers, le 2 décembre 2003
Chers amis psychiatres, mes vieux complices de l'Université,
Un débat assez large s'étale depuis quelques mois, sur les ondes, dans les colonnes des quotidiens, et heureusement un peu plus largement, jusqu'à faire tribune. Et nous, nous n'en disons que peu.
Or, cela nous concerne et nous juge, radicalement, parce que nous étions psychiatres-formateurs-enseignants de générations de psychiatres. Et il s'agit de formation, de mise à bonne forme, voire du minimum d'information que nous serions censés apporter à des élèves, de jeunes collègues de quelle que provenance universitaire que ce soit.
Nous avions avec nous quelques internes des hôpitaux, mais bien plus des psychologues cliniciens (DESS) qui assurent, depuis des décennies, une activité professionnelle cohérente, dont il est cependant difficile de cerner et de préciser tant les fondements que les contrôles. Ceci les aligne sur les internes, lesquels seraient adoubés au seul titre d'une inscription sur une liste de concours.
Il est, à ce jour, un projet de réglementation de la psychothérapie qui veut arranger tout cela sous la rubrique : « Enfin, la voilà encadrée ». Les psychanalystes s'en étonnent, s'en insurgent non qu'ils s'arrogent premièrement de thérapie. Mais il leur apparaît, en notre temps, hasardeux et difficile de prétendre réduire tout espace de liberté.
Réduire ? Oui, c'est le fantasme actif de tout gouvernant : boucher les trous, remplir le vide juridique. Voici la belle affaire du Professeur Nimbus et des Shadoks, c'est-à-dire : pour remplir un trou, là, prenons une pelletée, ci. Resterait-il alors un trou, que nous prendrions un peu plus loin la bonne pelletée.
Ainsi, à lire des textes et commentaires d'aucuns, les plus bienveillants lecteurs y décèleraient quelque filigrane d'obscurantisme n'allons pas jusque là où l'on soulignerait la nuance entre "souffrance remboursable" et "confort-va-te-faire-voir". D'expérience, mais c'est là une conjoncture très restrictivement subjective, je n'ai jamais rencontré de souffrance qui se puisse pommader de confort.
Ailleurs, je tends l'oreille jusqu'à entendre, de très loin dans l'histoire, le hourra autour du bûcher des charlatans. On croît rêver... Des psychiatres, et des meilleurs, main dans la main avec des gens sérieux et qui ont fait des études, et qui ont pignon sur rue, et qui sont des élus, et dont on pense qu'ils ont la tête entre les deux oreilles, et qui crieraient sur l'air des lampions...« Le charlatanisme ne passera pas ». Merci, Docteur, nous n'attendions que vous, avec le fagot, la poix et le brandon. L'avenir est devant nous, enfin. Plus triste ? Non. Mais consternant.
Voici le docteur-psychiatre qui viendrait expertiser le cas clinique à la manière des commissaires-priseurs de l'Hôtel Drouot : « Ça vaut pas un clou, zéro pour le confort », et alors une psychose...« Ça vaut bien 100 séances ».
Chers vieux camarades des agrégations issues de 68, voilà où nous en sommes rendus, sans savoir ni comment ni pourquoi. Bien sûr que si, nous savons, et le pourquoi et le comment. La psychiatrie française a engendré un monstre !
On l'appelait Lacan. On a cru qu'il suffirait qu'il disparut. Toujours là ! Mais il est malheureusement probable que de son « Petit discours aux psychiatres » (1967), le discours court, mais pas jusqu'à tous les psychiatres.
C'est bête d'avoir tout raté, d'une moue ou d'un haussement d'épaules.
Angers, le 2 décembre 2003