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Audition des MM Basset, Brunelle, Rance en vue du Rapport Influence des mouvements à caractère sectaire ... des mineurs, Comiss d'enquête AN, 2006


Rédigé le Lundi 22 Janvier 2007 à 13:14 | Lu 686 commentaire(s)



Audition conjointe de M. Bernard BASSET, sous-directeur à la direction générale de la santé, et de MM. Érik RANCE et Francis BRUNELLE, conseillers au cabinet du ministre de la santé et des solidarités

(Procès-verbal de la séance du 10 octobre 2006)

Présidence de M. Georges FENECH, Président

Extraits

...

Messieurs, nous allons procéder à votre audition, qui va faire l’objet d’un enregistrement. Mais au préalable, nous avons souhaité visionner, en votre présence, un film d’une dizaine de minutes qui décrit le procédé dit de « communication facilitée ». Il est probable que nous aurons des questions à vous poser à ce sujet.

(Projection d’un film)
...

M. Jean-Pierre BRARD : Vous avez dit que les promoteurs de ces méthodes étaient de bonne foi. Travaillent-ils bénévolement ?

M. Bernard BASSET : Ce que j’ai dit, c’est que ces méthodes ne sont pas à relier mécaniquement aux mouvements sectaires. Par exemple, la méthode Doman est pratiquée par un certain nombre de gens qui la pratiquent de bonne foi, sans être liés à un mouvement sectaire. Ils croient à cette méthode de conditionnement, et n’appartiennent pas forcément à un groupement sectaire.

M. Jean-Pierre BRARD : Mais ne constituent-ils pas eux-mêmes un groupuscule ayant les mêmes caractéristiques que les groupements sectaires : manipulation mentale de personnes en situation de faiblesse, flux financiers, injonction d’obéir aux prescriptions pseudo-thérapeutiques qui sont formulées ?

M. Bernard BASSET : C’est difficile à dire. La méthode Doman, par exemple, mobilise le voisinage dans le but de rééduquer l’enfant. J’ai du mal à dire qu’il y a manipulation consciente. Ils jouent sur la solidarité.

M. Jean-Pierre BRARD : Le Parti humaniste fait cela très bien.

M. Philippe TOURTELIER : Dans ma commune, il y a une forte mobilisation des voisins. Un mouvement de sympathie s’est créé. Il y a beaucoup d’argent en jeu. De nombreux spectacles sont destinés à assurer le financement. La méthode coûte cher.

M. le Président : Outre la question de la prise en charge de la communication facilitée par le ministère de la santé et celle de son enseignement dans certaines facultés de médecine, nous vous demanderons également de nous préciser si le ministère subventionne les associations qui promeuvent la communication facilitée.

M. Bernard BASSET : En ce qui concerne la DGS, je peux vous répondre clairement non. Nous ne les subventionnons pas. Je vais vérifier ce qu’il en est sur l’ensemble du ministère, mais cela m’étonnerait que des subventions existent.

M. le Président : Je propose que nous en restions là pour ce qui est des questions suscitées par le film que nous venons de voir. Je suppose, Monsieur Basset, que vous avez préparé un propos liminaire en vue de cette audition ?

M. Bernard BASSET : Oui, Monsieur le président. La commission a souhaité m'entendre en raison de mes responsabilités dans le champ de la santé mentale, et en particulier sur la mise en oeuvre de l'article 52 de la loi du 9 août 2004 qui concerne l'usage du titre de psychothérapeute.

Je dirais, en introduction, que le champ de la santé mentale est tout à fait propice à l'intervention des mouvements à caractère sectaire. Car les personnes ayant soit des troubles mentaux avérés, soit des difficultés passagères liées à un événement grave de leur vie, sont dans une situation de vulnérabilité. Elles sont souvent en recherche de soutien, de réconfort, et n'ont pas, la plupart du temps, la même vigilance à l'égard de ceux qui s'adressent à eux et prétendent les aider.

Certains mouvements sont parfaitement connus de nous, car leur action est publique. C'est le cas de l'Église de Scientologie, qui a fait publiquement du champ de la santé mentale une de ses priorités. Elle se pose en défenseur des malades mentaux. Elle dénonce, par ses publications – souvent luxueuses, d’ailleurs – les traitements psychiatriques dans les hôpitaux, qu'elle présente sous un jour inhumain. Elle s'abrite souvent derrière le paravent d'une association qu'elle contrôle et qui entretient la confusion par son intitulé : la commission consultative des droits de l'homme (CCDH). Il existe, en effet, une Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) qui est placée auprès du Premier ministre. Cette CCDH « scientologique » interpelle les parlementaires et harcèle littéralement l'administration, en utilisant toutes les possibilités d'accès aux documents administratifs. Elle demande périodiquement communication systématique de tous les documents sur l'activité des commissions départementales de l'hospitalisation psychiatrique, les CDHP. Nous avertissons alors les DDASS de la nature réelle du demandeur. Nous incitons nos services à la plus grande circonspection dans le respect, évidemment, des règles de droit.

S'il est relativement facile de détecter l'intervention d'un mouvement comme celui de l'Église de Scientologie, il est beaucoup plus difficile de repérer l'action de mouvements de plus faible audience. Ce repérage est d'autant plus difficile que les plaintes sont rares, pour ne pas dire inexistantes, auprès de nos services. Nous avons parfois des informations imprécises, que nous ne sommes pas à même de vérifier, même si leur répétition doit nous rendre attentifs. C'est le cas, en particulier, dans les situations de catastrophes, où les mouvements sectaires sont réputés se mobiliser pour « apporter de l'aide aux victimes ». Mais dans la situation de désorganisation qui suit souvent les catastrophes, il est difficile de constater une telle intervention et donc de la prévenir.

La psychothérapie est l’un des modes d'action possible des mouvements sectaires, là aussi sous couvert d'aider des personnes en souffrance. Jusqu'à la loi du 9 août 2004 relative à la santé publique, l'usage du titre de psychothérapeute était totalement libre. Or un thérapeute est par définition un soignant auquel s'adressent des personnes en état de souffrance psychique. Cette appellation de psychothérapeute recouvrait des pratiques extrêmement diverses. Et ce d'autant plus que les professionnels de la psychiatrie ou de la psychologie sont pour une part d'entre eux opposés, il faut en être conscient, à des démarches d'évaluation scientifique. La direction générale de la santé, préoccupée par ce problème, a demandé à l'INSERM de conduire une évaluation des psychothérapies. Cette évaluation a fait grand bruit. L'INSERM a fait, avec des experts de différentes écoles, une expertise collective qui s'est traduite par un rapport en 2004, qui a provoqué de nombreux commentaires, favorables ou défavorables selon les résultats obtenus pas les différentes approches. Il n'en reste pas moins que la seule façon de résister aux pratiques sectaires est une démarche scientifique, rigoureuse et publique.

L'élaboration du décret en application de l'article 52 a donné lieu à une concertation très importante. Tous les représentants des psychothérapeutes autoproclamés, des psychanalystes, des psychologues et des psychiatres ont été conviés à cette concertation. Un certain nombre de psychothérapeutes ont des pratiques dont il est difficile d'affirmer qu'elles sont de nature sectaire, mais que l’on pourrait plutôt qualifier de « folkloriques ». Une partie d'entre eux s'est formée dans des structures de formation totalement privées, n'ayant fait l'objet d'aucun contrôle sur les formations qu'elles dispensent. Cependant, chacun craignait, en l'absence de références scientifiques admises par tous, que sa propre pratique ne soit remise en cause. Le travail d'explication et de concertation a donc nécessairement été très long.

Nous sommes en phase finale. La concertation sur un projet de décret qui a l'aval à la fois du ministre de la santé et du ministre de l'éducation nationale s'est achevée hier, le 9 octobre. Il reste deux étapes : la consultation du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, le CNESER, qui devrait avoir lieu la semaine prochaine, et l'examen par le Conseil d'État.

Ce décret réservera l'usage du titre, pour ceux qui n'en bénéficient pas de droit, à des professionnels pouvant attester d'une formation universitaire préalable importante.

M. le Président : On en revient donc à l’établissement par le préfet d’une liste de psychothérapeutes. Ce dispositif s’inspire de celui en vigueur pour les psychologues. Quel bilan peut-on tirer de ce dernier ?

M. Bernard BASSET : Compte tenu de la complexité du sujet, nous avons innové.

M. le Président : Mais il y aura bien des listes départementales ?

M. Bernard BASSET : Oui.

M. le Rapporteur : Le film que nous avons vu est préoccupant. Nous avons reçu beaucoup de témoignages sur ces dérives des psychothérapeutes, qui concernent notamment les enfants. Nous sommes donc très désireux de savoir si le projet de décret est de nature à résoudre une partie des difficultés que nous constatons sur ce sujet. Vous avez certes souligné que ces dérives ne sont pas nécessairement le fait d’organisations sectaires. Il reste qu’il s’agit là de pratiques qui se situent à la limite du phénomène sectaire. Pouvez-vous nous en dire plus, donc, sur ce projet de décret ?

M. Bernard BASSET : La loi actuelle prévoit des inscrits de droit : les médecins, les psychologues et les psychanalystes régulièrement inscrits dans un annuaire. Il reste ce que nous appelons les psychothérapeutes autoproclamés, ou les « ni-nini », ceux qui ne sont ni psychiatre, ni psychologue, ni psychanalyste. Ceux-là se verront imposer une formation qui, en l’état actuel du projet, est de 500 heures de théorie et 500 heures de pratique, sous la responsabilité de l’université.

Évidemment, cela provoque des réactions extrêmement négatives des « ni-ni-ni ».

En effet, ces psychothérapeutes autoproclamés avaient leurs propres écoles, qui recevaient des sommes de ceux qui s’y inscrivaient. Ces écoles ne pourront plus délivrer le titre de psychothérapeute, à moins d’être liées à l’université par une convention.

M. le Rapporteur : Cette possibilité de conclure des conventions n’ouvre-t-elle pas la voie à des dérives ? Si les universités sont démunies pour mettre en place des formations, ne risque-t-on pas de les voir passer des conventions avec ces écoles, celles-ci pouvant éventuellement continuer de pratiquer les mêmes dérives ?

D’autre part, supposons que le décret soit clair. Après la formation se pose la question du contrôle et de l’évaluation. Les personnes qui ont exercé pendant un certain nombre d’années peuvent fort bien suivre une formation et continuer leurs pratiques, disons, farfelues. Le projet de décret prévoit-il un contrôle et une évaluation ?

M. Francis BRUNELLE : S’agissant de la formation, l’aspect financier des dérives est double. D’une part, le budget des familles est lourdement grevé par des psychothérapies souvent très intensives – parfois 12 heures par jour, 7 jours 7.

D’autre part, le deuxième flux financier identifié concerne les écoles, qui sont payantes, et parfois très onéreuses, étant donné les revenus importants que l’on peut tirer des activités de psychothérapeute à l’issue de ces écoles.

Nous essayons de mettre en place des systèmes de protection pour permettre une formation de qualité. Les établissements qui passeront une convention avec l’université se plient à la totalité des règles universitaires. C’est, par exemple, le cas de l’université catholique de Lille, qui est évaluée à travers les mécanismes en vigueur pour l’université. La formation est réévaluée dans le cadre du plan quadriennal des universités.

En ce qui concerne l’évaluation des pratiques, il y a les professions médicales, qui, par essence, tombent sous le coup de la loi de santé publique qui rend obligatoire l’évaluation des pratiques professionnelles. Cette obligation n’est pas encore étendue aux professions paramédicales, mais devrait prochainement l’être.

Un titre de psychothérapeute est un label portant sur la qualité de la formation, mais ne crée par pour autant une profession de santé à part entière. Trois critères définissent une profession de santé : premièrement, l’établissement d’un numerus clausus ou d’un quota ; deuxièmement, l’agrément du cursus de formation, délivré conjointement par les ministères de l’enseignement supérieur et de la santé ; troisièmement, la délivrance d’un diplôme d’État, qui est un droit d’exercer. Le projet de décret n’aboutira qu’à la reconnaissance d’un titre, et non pas d’une profession de santé. Par conséquent, les actes de psychothérapie ne seront pas inscrits dans la classification commune des actes médicaux.

Mme Martine DAVID : Avez-vous une idée du nombre de ceux dont vous pensez que ce sont des charlatans, pour appeler les choses par leur nom ?

M. Bernard BASSET : Il y a des associations de psychothérapeutes. Quand on consulte leurs sites Internet, on est frappé par la description de pratiques que l’on peut, pour être gentil, qualifier de folkloriques. Mais elles peuvent être plus inquiétantes que cela.

Ces associations avancent des chiffres d’adhérents qui se comptent par milliers, voire par dizaines de milliers. Ces chiffres sont invérifiables.

M. le Président : Je rappelle que le délit d’usurpation de titres est défini par l’article 433-17 du code pénal, qui dispose que « l’usage, sans droit, d'un titre attaché à une profession réglementée par l'autorité publique ou d'un diplôme officiel ou d'une qualité dont les conditions d'attribution sont fixées par l'autorité publique est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. » Qu’en est-il de l’usurpation du titre de psychologue ?

M. Bernard BASSET : C’est une profession extrêmement bien organisée. La formation universitaire est reconnue à un niveau bac + 5. Les psychologues sont très attentifs à ce que leur titre ne soit pas usurpé, et corresponde à une formation universitaire. Mais cette profession ne dispose pas encore de l’outil déontologique rendant possibles des sanctions ordinales. La création d’un conseil de l’Ordre est envisagée, afin que les professionnels puissent, en amont d’une sanction pénale, avoir un droit de regard sur la pratique des psychologues. J’ajoute que, comme vous le savez, ils ont un panel professionnel extrêmement vaste. Ils sont présents dans les structures de communication, dans les entreprises. Ils ne sont pas tous thérapeutes.

M. le Président : Il nous a été rapporté que des médecins quittent volontairement l’Ordre des médecins pour exercer l’activité de psychothérapeute en échappant à des sanctions ordinales.

M. Bernard BASSET : Je ne vois pas comment on pourrait le leur interdire. Qu’il y ait des déviants parmi ces médecins, c’est possible. Qu’ils se disent psychothérapeutes, ils en ont le droit en l’absence de réglementation de l’usage du titre. Il reste qu’ils ont une formation qui devrait leur permettre d’établir des diagnostics valables, ce qui n’est pas le cas de tous les psychothérapeutes autoproclamés.

M. Francis BRUNELLE : Ce cas de figure devrait être couvert par le décret réglementant l’usage du titre de psychothérapeute. Le médecin qui se déconventionne et se désinscrit de l’Ordre n’a plus le droit d’exercice. Il tombera donc sous le coup du décret qui devrait paraître assez rapidement, et sera soumis aux mêmes conditions que n’importe quel « ni-ni ni ».

M. Jean-Pierre BRARD : Pour un esprit cartésien, cela semble bizarre d’abandonner sa profession et son titre pour faire un travail moins bien défini. Comment expliquez-vous cela ?

M. Francis BRUNELLE : Il est beaucoup plus rémunérateur d’être déconventionné. L’attrait de l’argent amène un certain nombre de médecins à devenir psychothérapeute ou nutritionniste.

M. Jean-Pierre BRARD : Peut-on ensuite redevenir médecin ?

M. Francis BRUNELLE : L’Ordre des médecins vous répondrait sans doute plus précisément que moi. Mais il me semble que la sortie de l’Ordre des médecins est définitive. Le retour ordinal est extrêmement difficile.

M. Philippe TOURTELIER : Vous avez évoqué une formation de 500 heures de théorie et 500 heures de pratique. Qui va en déterminer le contenu ? Qui déterminera, parmi les psychothérapies existantes, celles qui sont bonnes et celles qui ne le sont pas ?

M. Francis BRUNELLE : Le cahier des charges pédagogiques est établi par le ministère de la santé. Il inclut une obligation de sécurité du soin. L’université se saisit de ce cahier des charges et délivre le titre universitaire qui correspond à son cursus et aux règles du code de l’éducation.

M. Bernard BASSET : Je n’ai peut-être pas suffisamment insisté sur le fait qu’il y a des résistances, de la part de professionnels honnêtes, psychiatres ou psychanalystes, à toute évaluation, comme à des méthodes qui visent à encadrer les pratiques, en particulier les psychothérapies. L’administration n’est pas la seule. Il faut que les professionnels rigoureux acceptent un cadre à leurs propres pratiques, qui empêche les dérives sectaires. Si l’on n’arrive pas à définir les pratiques « normales », il est difficile d’exclure les pratiques déviantes. Quand on a demandé à l’INSERM de procéder à une évaluation scientifique, on a constaté que le fait même de poser la question à l’INSERM était sacrilège.

M. le Rapporteur : On nous a beaucoup parlé des faux souvenirs induits. Le ministère s’est-il intéressé à ce phénomène ? A-t-il mené une enquête sur ces charlatans psychothérapeutes se livrant à de telles pratiques ?

M. Francis BRUNELLE : Il se trouve que j’appartiens à l’unité de recherche de l’INSERM travaillant sur l’imagerie cérébrale, et sur l’autisme en particulier. La question des souvenirs induits renvoie à l’évaluation des techniques thérapeutiques. L’INSERM s’est vu confier cette méta-analyse de la littérature scientifique sur les psychothérapies, et a pu montrer qu’un certain nombre d’entre elles avait une évaluation positive. C’est en particulier le cas des fameuses TCC, les thérapies comportementales et cognitives. D’autres thérapies, par contre, sont inefficaces.

Les faux souvenirs induits relèvent de cette théorie que je mentionnais tout à l’heure, mettant en avant une culpabilité primordiale.

Au vu des réactions suscitées par le rapport de l’INSERM, le ministre de la santé a souhaité que le débat s’élargisse. Une nouvelle réunion, tenue sous l’égide du ministère, aura lieu au mois de novembre. Le ministre s’exprimera pour demander qu’il soit procédé, s’agissant de ces thérapies, à des évaluations plus vastes, plus fréquentes et plus scientifiques. C’est un domaine dans lequel les acteurs ont un positionnement par essence anti-cartésien. Ils dénient à la pensée cartésienne le droit d’évaluer des concepts qui s’apparentent à des concepts philosophiques, et qui sont parfois proches de dérives sectaires. Ils dénient même parfois à l’État, en tant que tel, le droit de s’immiscer dans ce domaine. Il y a là un enfermement extrêmement problématique.

M. le Rapporteur : Je ne parlais pas des gens compétents. Les témoignages que nous avons reçus portent sur des psychothérapeutes utilisant des méthodes non maîtrisées, qui se sont soldées par des conséquences dramatiques pour les individus concernés et leurs familles. Le ministère s’est-il intéressé à ceux qui, pour faire de l’argent, se sont livrés à de telles pratiques, qui s’apparentent en fait à du racket organisé ? A-t-il éventuellement ordonné des enquêtes sur ce phénomène ?

M. Francis BRUNELLE : C’est l’objet du décret. Le contenu de la formation des futurs psychothérapeutes sera fondé sur des connaissances scientifiquement validées. Seules les personnes ayant reçu cet enseignement se verront délivrer le titre. Cela étant, il n’est pas impossible d’imaginer qu’un certain nombre de déviants suivent cette formation universitaire et, par la suite, exercent dans un autre champ que celui dans lequel ils auront été formés.

M. le Président : Pourriez-vous nous faire parvenir l’avant-projet de décret ?

M. Bernard BASSET : Bien sûr.

M. le Président : Nous allons maintenant entendre M. Erik Rance.

M. Érik RANCE : Le ministre de la santé a souhaité que je vous indique les axes de l’action du ministère en matière de lutte contre les dérives sectaires, notamment en ce qui concerne les enfants.

Le ministère a pris la pleine mesure du phénomène. On peut estimer entre 60 000 et 80 000 le nombre d’enfants potentiellement concernés, à environ 6 000 le nombre d’enfants faisant l’objet d’une scolarisation hors normes, et à 500 le nombre d’enfants vivant dans les communautés sectaires.
Les risques que courent les enfants sont divers. Ils peuvent aller des maltraitances sexuelles à des carences alimentaires, en passant par des syndromes d’enfermement propres aux sectes.
Face à cette situation, le ministre souhaite prendre plusieurs mesures. Le projet de loi relatif à la protection de l’enfance comporte des dispositions d’ordre général visant à réprimer les atteintes à l’intégrité de l’enfant, à sa santé et à son épanouissement. Néanmoins, nous n’avons pas souhaité inclure dans ce projet des dispositions spécifiques de lutte contre les dérives sectaires. Le ministre annoncera lui-même dans les prochains jours les mesures qu’il va prendre. Il a souhaité que je vous fasse état des réflexions qui sont les nôtres.

Le premier axe est de mieux organiser le ministère pour identifier les phénomènes sectaires. Il y a déjà un correspondant qui, au sein de l’administration centrale, coordonne les actions contre les sectes. Il y a également des référents locaux dans les services déconcentrés : 65 personnes sont identifiées à ce titre. Il n’en reste pas moins qu’il faut structurer ce travail.

Le deuxième axe est l’évaluation des pratiques. Ce travail peut être mené avec l’INSERM, avec les sociétés savantes, avec la Haute autorité de santé. Vous souligniez tout à l’heure, Monsieur le président, qu’il n’était pas nécessaire de se livrer à des analyses très fouillées pour se rendre compte que certaines pratiques sont inappropriées. D’autres pratiques, par contre, posent plus de questions, et nécessitent un travail d’expertise.

Le troisième axe est la vérification de l’adéquation des formations qui sont financées par le ministère de la santé, que ce soit par des crédits d’État ou par des crédits de l’assurance maladie.

De façon plus générale, et dans le même ordre d’idées, nous souhaitons mieux évaluer les actions financées notamment par l’assurance maladie et qui se prêtent particulièrement à d’éventuelles pratiques sectaires, comme dans le domaine de la lutte contre le cancer ou la maladie d’Alzheimer.

Le quatrième axe est un travail avec les psychiatres et les associations concernées sur le devenir des sortants de secte et la meilleure façon de les prendre en charge de façon adaptée. Nous ne pensons pas qu’il soit forcément nécessaire de créer des structures dédiées à la prise en charge des sortants de secte. Néanmoins, même s’ils sont accueillis dans des structures de droit commun, il faut s’interroger sur la manière la plus appropriée de les prendre en charge.

Le cinquième axe est la rédaction d’un guide technique à destination des professionnels de la protection de l’enfance, notamment les personnels des conseils généraux. Ce guide concernera un sujet plus large que celui qui fait l’objet de votre commission d’enquête, mais inclura une partie consacrée à la vigilance nécessaire à l’égard des dérives sectaires.

Le dernier axe d’action consiste à donner une orientation prioritaire au contrôle des services déconcentrés sur les phénomènes sectaires en milieu médico-social ou en milieu sanitaire. Nous avons pour cela un instrument, la directive nationale d’orientation, qui trace chaque année les grandes orientations prioritaires que nous souhaitons impulser dans l’action des services déconcentrés. La DNO pour 2007 comprendra un volet consacré aux phénomènes sectaires.

Nous avons travaillé à ces orientations avec la MIVILUDES, qui les approuve, et qui est prête à nous aider en la matière.

Tout cela implique un travail de longue haleine, dont on ne peut pas s’attendre à ce qu’il donne des résultats dans les semaines qui viennent. À court terme, les contraintes sont bien connues. Elles sont d’ordre budgétaire ; elles s’expriment également en termes de compétences. Le ministre est néanmoins déterminé à avancer en la matière, notamment en mobilisant les synergies les plus adéquates avec les ministères les plus directement concernés, notamment ceux de la justice et de l’intérieur.

Voilà, en quelques mots, ce que le ministre souhaitait que je vous indique ce soir.

M. le Rapporteur : Vous nous avez cité des chiffres. Or, nous avons auditionné les représentants des différents ministères : le fait est que les chiffres ne concordent pas du tout. Le chiffre de 60 000 à 80 000 enfants susceptibles d’être concernés par les phénomènes sectaires se retrouve à peu près dans toutes les évaluations. Par contre, les chiffres diffèrent, par exemple, sur la scolarisation hors normes. C’est un problème.

Mme Martine DAVID : Ce programme d’actions donne le sentiment que l’on est aujourd’hui très loin du compte, même si le ministère de la santé le met en oeuvre dans les départements, en liaison avec les conseils généraux et fournit déjà des instruments d’analyse. Cela étant, ce n’est pas une critique, car c’est la première fois qu’un ministère nous présente un programme d’actions d’une telle ampleur. Il serait bon qu’un certain nombre d’autres ministères soient beaucoup plus offensifs.

M. Érik RANCE : L’inconvénient de définir un programme d’actions est que l’on donne toujours l’impression que rien n’était fait avant sa mise en oeuvre. Il faut rappeler que des actions sont menées, mais elles le sont de façon diffuse et non organisée. Des correspondants ont déjà été désignés, les 65 personnes dans les services déconcentrés travaillent. Notre but est de les faire travailler ensemble, et d’encadrer leur travail par des actions directives. Il y a des actions qui ne peuvent pas se faire si les acteurs de l’administration sont livrés à eux-mêmes, sans l’impulsion du ministre et de ses collaborateurs. Je pense par exemple à l’évaluation des pratiques.

M. le Rapporteur : S’agissant de la prévention, y a-t-il une coordination entre le ministère de la santé et celui de l’éducation nationale ?

M. Érik RANCE : Pour être tout à fait sincère, je ne pense pas que ce soit le cas à l’heure actuelle. Mais je prends note de cette suggestion. Il y a là en effet matière à réflexion.

M. le Rapporteur : Messieurs, je vous remercie pour votre contribution aux travaux de notre commission.

Source : Site de l'Assemblée Nationale



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