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Décret psychothérapie - réaction SFP 14 avril 2006


Rédigé le Mardi 18 Avril 2006 à 08:18 | Lu 323 commentaire(s)



Lettre ouverte à M. Xavier Bertrand, Ministre de la Santé


Monsieur le Ministre,

Le 7 avril dernier, vous avez convoqué les responsables des organisations représentatives de psychologues, psychiatres, psychanalystes, et psychothérapeutes pour leur présenter un nouveau projet de Décret d’application de l’article 52 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 portant sur la réglementation du titre de psychothérapeute.

Les termes de ce projet amènent à vous demander d’apporter plusieurs correctifs essentiels. En effet, la philosophie du projet de décret est d’exiger, pour que les professionnels ni psychologues, ni psychiatres, ni psychanalystes puissent porter le titre de psychothérapeute, des pré-requis de formation initiale en psychopathologie clinique à ce point minimaux que l’application de ce texte reviendrait à valider légalement une insuffisance de compétence en matière de psychothérapie.

Comment peut-on imaginer que sur la base de 150 heures de formation théorique et d’un stage pratique de 4 mois, un professionnel puisse apporter l’aide nécessaire à une personne en souffrance psychique nécessitant une psychothérapie ? Devient-on chirurgien, architecte, avocat ou ingénieur sur la base de 150 heures de formation initiale et d’un stage pratique de quelques mois ? La formation de tout professionnel confronté à une certaine complexité - et personne ne conteste que la souffrance psychique s’inscrit le plus souvent dans une problématique complexe - doit reposer sur un socle de savoirs qui sont des pré-requis à des savoirs faire et à des compétences spécifiques. C’est pourquoi on exige de ces professionnels une formation initiale universitaire de haut niveau qui correspond au moins à l’obtention d’une licence et d’un master, voire d’un doctorat d’exercice.

Permettez-moi, Monsieur le Ministre, de vous inviter à réfléchir à la question suivante : si, en tant que Ministre de la Santé qui a été amené à s’intéresser à la réglementation des psychothérapies, un proche vous demande conseil parce qu’il a besoin d’une aide sous la forme d’une psychothérapie, lui conseillerez-vous de consulter un psychothérapeute répondant au niveau d’exigence formulé dans le projet de décret, ou lui conseillerez-vous de consulter un psychologue ou un psychiatre expérimenté en matière de psychothérapie Je ne connais pas un seul psychologue ou psychiatre qui pratique la psychothérapie - qu’il ait une approche psychodynamique ou une approche cognitivocomportementale - qui n’ait pas eu l’expérience d’un patient en très grande souffrance psychique qui l’a consulté après avoir suivi une psychothérapie auprès d’un professionnel insuffisamment formé, qui n’était donc pas en capacité d’apporter l’aide nécessaire à une personne présentant une pathologie
complexe. Je ne souhaite pas jeter l’opprobre sur la profession de psychothérapeute.

Beaucoup de psychothérapeutes apportent certainement une aide utile à des personnes en difficulté psychique, et l’on trouve très probablement parmi eux quelques professionnels remarquables. J’affirme simplement que leur formation dans les organismes privés n’apporte pas les garanties nécessaires en termes de formation initiale que le citoyen est en droit d’attendre.

C’est bien là le principal enjeu de ce décret d’application. Il ne s’agit pas de se protéger des dérives sectaires comme on a pu l’entendre ici ou là ; on ne luttera pas efficacement contre ce phénomène en légiférant sur les psychothérapies. Il ne s’agit pas d’une défense corporatiste de la profession de psychologue bien que les références à des « professions réglementées dans le champ sanitaire et social » qui sont apparues dans la dernière version du projet de décret puissent légitimement inquiéter les psychologues. Il s’agit

1. de ne pas fournir une légitimité institutionnelle à des professionnels qui ne possèdent pas le socle de connaissances initiales et le niveau de formation qui leur permettront d’appréhender les situations souvent complexes qui se présenteront à eux, ce qui ne peut que nuire à l’information du public et amènera trop souvent un psychologue ou un psychiatre à tenter, par la suite, de rattraper le temps perdu et de « réparer les dégâts » d’une approche inappropriée, et
2. d’offrir des garanties suffisantes en termes de formation initiale.

Comme mentionnée dans le communiqué officiel de la Société Française de Psychologie en date du 23 février transmis à vos services, l’exigence de formation initiale définissant les pré-requis en psychopathologie clinique et pratique doit donc correspondre au moins à l’obtention d’un master centré sur l’étude et la compréhension du comportement humain et de son psychisme, l’entrée en formation de master étant conditionnée par l’obtention d’une licence congruente. Ce cursus doit se dérouler exclusivement dans le cadre universitaire. En effet, seule l’université présente les garanties d’une formation initiale par la recherche, d’une diversité des approches théoriques et des débats scientifiques inhérents à la démarche de constitution des connaissances scientifiques. A ce jour, deux cursus offrent ce niveau d’exigence et ces garanties : celui de psychologue et celui de psychiatre. Le cursus de psychologie (licence + master) apparaît certainement constituer la forme la plus opérante d’une formation initiale en psychopathologie clinique théorique et pratique destinée à l’obtention d’un titre de psychothérapeute. Ajoutons que les dispositions sur la Validation des Acquis de l’Expérience, prévues par la loi de modernisation sociale promulguée le 17 janvier 2002, permettent d’apporter des solutions concrètes aux insuffisances de formation initiale des psychothérapeutes en exercice qui ne sont ni psychologues ni psychiatres.

Si le niveau d’exigence requis (obtention d’un master) et les garanties nécessaires (le cadre universitaire) apparaissent incompatibles avec les dispositions prévues par l’article 52 (notamment l’alinéa stipulant que des psychanalystes ni psychologues ni psychiatres peuvent, de droit, faire usage du titre de psychothérapeute), il serait probablement raisonnable de recourir à des dispositions législatives permettant de remplacer cet article voté dans un contexte de peu de sérénité à un moment où les organisations de psychologues, comme celles de psychiatres ou de psychanalystes n’étaient pas encore parvenues à des positions suffisamment consensuelles. Les réunions de concertations organisées à l’initiative du Ministère de la Santé ont permis de dégager l’expression de ce consensus parmi la très grande majorité des psychologues, psychiatres et psychanalystes présents, et je vous en remercie. Il s’agit maintenant de fournir un cadre légal à ce consensus.

Il existe dans ce pays des millions de personnes qui ont eu, ont ou auront besoin d’une aide sous la forme d’une psychothérapie, ou qui ont un proche qui a eu, a ou aura besoin d’un psychothérapeute compétent. A l’heure de l’application du principe de précaution, sachons fournir à nos concitoyens les garanties que les professionnels auxquels ils s’adressent possèdent une formation initiale universitaire de haut niveau appropriée.

Espérant vous avoir convaincu, je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes sentiments respectueux,

Professeur Jacques Py
Président de la Société Française de Psychologie


i[La Société Française de Psychologie, société savante créée par Pierre Janet en 1901, représente la psychologie française dans les instances scientifiques nationales (Comité National Français de Psychologie Scientifique – CNFPs, membre du Comité Français des Unions Scientifiques Internationales - COFUSI lié à l’Académie des Sciences) et internationales (International Union of Psychological Science - IUPsyS). Avec ses organisations partenaires qui adhèrent au Département des Organisations Associées de la SFP, la Société Française de Psychologie représente 5 000 psychologues, chercheurs et enseignants-chercheurs en psychologie.
Secrétaire Général du Comité National Français de Psychologie Scientifique

Pour tout contact : Jacques.Py@univ-paris8.fr UFR7 Université Paris 8 2 rue de la Liberté 93526 St Denis Cedex



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