Discuté en janvier dernier, le projet de loi sur le médicament a été l’occasion pour les sénateurs de réagir à l’amendement d’un député* destiné à réglementer la profession de psychothérapeute. L’exercice de cette discipline avait fait l’objet d’une loi, en 2004, dont les décrets d’application ont tardé à être publiés.
"Les psychothérapeutes ne sont pas des médicaments", a lancé Nicolas About (Yvelines, UC-UDF), traduisant ainsi la réticence de nombreux sénateurs à évoquer ce sujet, dans le cadre d’un texte sur le médicament. L’objection a été relayée par le Conseil constitutionnel, qui a invalidé, en février, cette disposition, pour des raisons de forme. D’autres sénateurs, la plupart d’opposition, ont confirmé leur désaccord avec l’idée d’encadrer la profession, en tout cas de la stigmatiser (ce qu’ils reprochaient au texte de 2004). Ils se sont également déclarés opposés à l’amendement qui instaure un cursus pour les personnes souhaitant pratiquer. Ils ont aussi dénoncé la prééminence donnée aux médecins par ces textes, pour user du titre de psychothérapeute et prescrire des médicaments aux malades. "On ne peut qu’approuver la volonté d’encadrer les dérives de faux thérapeutes. Mais cet argument sert trop facilement de paravent pour “normer” une profession, sous le contrôle du “médical", a signalé Guy Fischer (Rhône, CRC). Des dispositions pénales existent pour protéger les personnes vulnérables. À l’inverse, il faut se méfier du "tout-médicament". Des associations alertent contre les dangers des anxiolytiques et antidépresseurs." Majoritaires, les sénateurs favorables à l’encadrement de la profession ont assuré qu’ils ne voulaient pas jeter l’opprobre sur les psychothérapeutes, mais organiser leur pratique. Certains ont redit à quel point la préférence donnée aux médecins, pour exercer ces soins, serait moins néfaste que l’absence de cursus, permettant à quiconque de se déclarer "psychothérapeute". "Soigner les gens est chose sérieuse, a affirmé Francis Giraud (Bouches-du-Rhône, UMP), tenant de ce courant. Et dès qu’on parle de traitement, ils doivent savoir à qui ils ont à faire. Dans "psychothérapeute", il y a “thérapeuthe”, qui renvoie à la médecine. Le public, en lisant la plaque d’un professionnel, doit être assuré qu’il a reçu, comme d’autres professions de santé, une formation par l’État.
* Bernard Accoyer (Haute-Savoie, UMP).
Gilbert Barbier
sénateur (RDSE) du Jura
"Oui, il faut encadrer cette profession et le décret d’application de la loi de 2004 me semblait aller dans le bon sens. La question sous-jacente est plus complexe : c’est celle des modalités de l’encadrement. L’université, à qui certains voudraient donner le monopole de la formation, n’a pas la capacité à assurer une formation pratique, et des écoles le font très bien. Il s’agit, dès lors, de faire le tri entre celles qui offrent des garanties scientifiques et d’éthique, et les autres. Le second point à surveiller est celui du devenir des professionnels de longue date, ceux que l’on appelle les petits pères : que leur demander comme garanties pour les autoriser à continuer d’exercer ?"
Jean-Pierre Sueur
sénateur (Soc.) du Loiret
"Certes, il est légitime de lutter contre les dérives sectaires ; des lois existent à ce sujet, elles s’appliquent à tous. Mais il est inacceptable de qualifier les représentants d’une profession, ou la plupart, de charlatans et de membres de sectes. Nous ne pouvons méconnaître cet important courant qui, issu de Freud, est devenu une part de notre culture. À partir du moment où l’on dit qu’il ne sert à rien, qu’il ne fonctionne pas, qu’il est pervers, et qu’arrive un comportementalisme triomphant qui va régler tous les problèmes – avec l’aide de quelques médicaments –, on place le débat dans un contexte qui lui porte tort."
Source : Journal du Sénat