Novembre 2006
De l'opposition à la concertation
À trois ans d’intervalle, deux émissions de télévision des réseaux publics ont traité de psychothérapie en opposant psychologues et psychothérapeutes : Enjeux : psychothérapies dangereuses (novembre 2003) et Il va y avoir du sport : les psychothérapeutes devraient-ils avoir tous une formation universitaire?, ou « psychothérapeutes versus psychologues » (octobre 2006). Devant la sécurité du titre protégé des psychologues et l’insécurité, souvent justifiée, devant les dérives que permet l’absence d’un titre réservé pour les psychothérapeutes compétents, les médias achoppent habituellement à présenter des positions nuancées qui rendraient compte de la complexité du dossier de la psychothérapie.
Cette situation, d’une part, prive le public d’une information complète qui l’aiderait à mieux comprendre la situation et, d’autre part, ne rend pas justice à un très grand nombre d’intervenants qualifiés et compétents qui pourront bientôt porter officiellement le titre de psychothérapeute. Car voilà, depuis trois ans, il y a eu le travail remarquable du comité d’experts présidé par le Dr Trudeau qui a permis l’élaboration d’un règlement précisant les critères pour accéder au titre réservé de psychothérapeute. Même si ce règlement n’aura force de loi qu’après avoir été adopté par l’Assemblée nationale, même si le processus d’attribution des permis de psychothérapeute n’est pas encore en place pour séparer le bon grain de l’ivraie, les balises sont enfin posées et la réalité d’une pratique partagée est explicitement reconnue.
Nous pouvons donc déjà référer aux psychologues-psychothérapeutes ET aux psychothérapeutes non-psychologues qualifiés qui, au-delà de leurs différences, partagent la même préoccupation et le même souci de rigueur quand il s’agit de protection du public et de mieux-être
C’est dans le chapitre de son rapport intitulé « Une pratique encadrée de la psychothérapie », après avoir explicitement reconnu que la psychothérapie est une profession pratiquée par différents types de professionnels, que le comité d’experts propose une définition consensuelle de la psychothérapie, c’est-à-dire qui définit essentiellement cette pratique plurielle, au-delà des spécificités et divergences entre les différentes approches reconnues.
À partir de cette définition commune, le comité a pu élaborer les critères de formation et les modalités qui garantiront, quelle que soit leur approche, que tous les psychothérapeutes en titre auront reçu une formation adéquate. Le règlement réalise ainsi le tour de force de proposer un encadrement unique pour évaluer des parcours différents. Ce qui était nécessaire puisque la psychothérapie n’est pas pratiquée que par des psychologues, mais aussi par des travailleurs sociaux, des psychoéducateurs, des ergothérapeutes, des conseillers d’orientation, etc. Et cela implique non seulement des formations universitaires différentes, mais aussi des formations spécifiques à la psychothérapie qui ne sont pas toujours dispensées par des universités. Par exemple, la formation universitaire d’une travailleuse sociale-psychothérapeute n’est pas la même que celle d’un psychologue, alors que sa formation à la psychothérapie a généralement été acquise à travers des instituts de formation privés qui dispensent une formation rigoureuse dans une approche spécifique : gestalt, intervention auprès des clientèles avec trouble de personnalité, psychanalyse, thérapie conjugale et familiale, psycho-corporel, etc. Ce sont ces mêmes instituts de formation que beaucoup de psychologues cliniciens fréquentent par souci de formation continue, pour explorer une autre méthode de travail ou parce qu’ils ne se sentent pas suffisamment préparés aux exigences de la clinique par leur formation universitaire. Pour compliquer encore plus les choses, plusieurs praticiens ont suivi des formations spécifiques à la psychothérapie, mais sans que leur diplôme universitaire — en sociologie, pédagogie, art, philosophie, criminologie, etc. — leur permette de se joindre à un ordre professionnel.
Cette réalité a été reconnue par l’Office des professions sous le vocable de « psychothérapeutes compétents non admissibles aux ordres » (PCNA), ce qui représente bien la situation de la majorité des membres de la Société québécoise des psychothérapeutes professionnels-les. La SQPP a d’ailleurs été nommément reconnue dans le rapport du comité d’experts qui propose que ses membres aient un accès direct au titre au terme des droits acquis
Tout ne sera pas réglé avec la mise en application du règlement. Cela ne mettra pas fin aux débats et tiraillements entre tenants des différentes approches, ou entre groupes d’intérêt. Par contre, pour parler de compétence, on ne pourra plus s’en tenir à un clivage opposant psychologues et psychothérapeutes. Cela dit, nous ne pouvons exiger des médias de bien saisir tous les arcanes d’un dossier aussi complexe, ni les pointer comme seuls responsables du manque de nuance dans la couverture donnée à la psychothérapie.
Dans l’attente d’un règlement, les psychothérapeutes sont restés dispersés et relativement isolés, que ce soit individuellement, au sein d’associations de praticiens regroupés autour d’une méthode particulière ou au sein d’un ordre professionnel dans lequel ils étaient — et resteront — minoritaires. Dans ce contexte, nous n’avons pu bénéficier d’une voix unifiée et certifiée sur la place publique.
Alors que, même si tous les psychologues ne partagent pas le même avis sur toutes ces questions, l’ordre des psychologues a pu parler d’une seule voix, certifiée et sécurisante.
Avec la nouvelle réglementation, l’Ordre des psychologues hérite d’un nouveau défi à relever puisqu’il lui incombera, sinon de donner une voix aux psychothérapeutes non-psychologues qualifiés, du moins de leur attribuer un statut professionnel en encadrant l’émission et la gestion du permis de psychothérapeute, y compris pour les PCNA. Dans cette tâche, l’Ordre des psychologues pourra profiter du même esprit de concertation qui a permis au comité Trudeau d’atteindre ses objectifs, en prenant appui sur les avis du Conseil consultatif interdisciplinaire qui regroupera des représentants des différents ordres professionnels ayant des psychothérapeutes parmi leurs membres. Est-ce suffisant pour que nous ayons enfin une voix? Nous aurons à passer par un guichet unique pour être accrédités, mais nous serons encore dispersés. Ne devrions-nous pas nous donner les moyens de développer une voix commune bien que plurielle, une identité forte bien que multiple, un pouvoir d’affirmation qui nous assurera de ne pas avoir hérité, avec le titre de psychothérapeute, d’un simple sous-titre? La SQPP travaille en ce sens depuis déjà 15 ans.
Michel Brais, président
Source : Société québecoise des psychothérapeutes professionnels
De l'opposition à la concertation
À trois ans d’intervalle, deux émissions de télévision des réseaux publics ont traité de psychothérapie en opposant psychologues et psychothérapeutes : Enjeux : psychothérapies dangereuses (novembre 2003) et Il va y avoir du sport : les psychothérapeutes devraient-ils avoir tous une formation universitaire?, ou « psychothérapeutes versus psychologues » (octobre 2006). Devant la sécurité du titre protégé des psychologues et l’insécurité, souvent justifiée, devant les dérives que permet l’absence d’un titre réservé pour les psychothérapeutes compétents, les médias achoppent habituellement à présenter des positions nuancées qui rendraient compte de la complexité du dossier de la psychothérapie.
Cette situation, d’une part, prive le public d’une information complète qui l’aiderait à mieux comprendre la situation et, d’autre part, ne rend pas justice à un très grand nombre d’intervenants qualifiés et compétents qui pourront bientôt porter officiellement le titre de psychothérapeute. Car voilà, depuis trois ans, il y a eu le travail remarquable du comité d’experts présidé par le Dr Trudeau qui a permis l’élaboration d’un règlement précisant les critères pour accéder au titre réservé de psychothérapeute. Même si ce règlement n’aura force de loi qu’après avoir été adopté par l’Assemblée nationale, même si le processus d’attribution des permis de psychothérapeute n’est pas encore en place pour séparer le bon grain de l’ivraie, les balises sont enfin posées et la réalité d’une pratique partagée est explicitement reconnue.
Nous pouvons donc déjà référer aux psychologues-psychothérapeutes ET aux psychothérapeutes non-psychologues qualifiés qui, au-delà de leurs différences, partagent la même préoccupation et le même souci de rigueur quand il s’agit de protection du public et de mieux-être
C’est dans le chapitre de son rapport intitulé « Une pratique encadrée de la psychothérapie », après avoir explicitement reconnu que la psychothérapie est une profession pratiquée par différents types de professionnels, que le comité d’experts propose une définition consensuelle de la psychothérapie, c’est-à-dire qui définit essentiellement cette pratique plurielle, au-delà des spécificités et divergences entre les différentes approches reconnues.
À partir de cette définition commune, le comité a pu élaborer les critères de formation et les modalités qui garantiront, quelle que soit leur approche, que tous les psychothérapeutes en titre auront reçu une formation adéquate. Le règlement réalise ainsi le tour de force de proposer un encadrement unique pour évaluer des parcours différents. Ce qui était nécessaire puisque la psychothérapie n’est pas pratiquée que par des psychologues, mais aussi par des travailleurs sociaux, des psychoéducateurs, des ergothérapeutes, des conseillers d’orientation, etc. Et cela implique non seulement des formations universitaires différentes, mais aussi des formations spécifiques à la psychothérapie qui ne sont pas toujours dispensées par des universités. Par exemple, la formation universitaire d’une travailleuse sociale-psychothérapeute n’est pas la même que celle d’un psychologue, alors que sa formation à la psychothérapie a généralement été acquise à travers des instituts de formation privés qui dispensent une formation rigoureuse dans une approche spécifique : gestalt, intervention auprès des clientèles avec trouble de personnalité, psychanalyse, thérapie conjugale et familiale, psycho-corporel, etc. Ce sont ces mêmes instituts de formation que beaucoup de psychologues cliniciens fréquentent par souci de formation continue, pour explorer une autre méthode de travail ou parce qu’ils ne se sentent pas suffisamment préparés aux exigences de la clinique par leur formation universitaire. Pour compliquer encore plus les choses, plusieurs praticiens ont suivi des formations spécifiques à la psychothérapie, mais sans que leur diplôme universitaire — en sociologie, pédagogie, art, philosophie, criminologie, etc. — leur permette de se joindre à un ordre professionnel.
Cette réalité a été reconnue par l’Office des professions sous le vocable de « psychothérapeutes compétents non admissibles aux ordres » (PCNA), ce qui représente bien la situation de la majorité des membres de la Société québécoise des psychothérapeutes professionnels-les. La SQPP a d’ailleurs été nommément reconnue dans le rapport du comité d’experts qui propose que ses membres aient un accès direct au titre au terme des droits acquis
Tout ne sera pas réglé avec la mise en application du règlement. Cela ne mettra pas fin aux débats et tiraillements entre tenants des différentes approches, ou entre groupes d’intérêt. Par contre, pour parler de compétence, on ne pourra plus s’en tenir à un clivage opposant psychologues et psychothérapeutes. Cela dit, nous ne pouvons exiger des médias de bien saisir tous les arcanes d’un dossier aussi complexe, ni les pointer comme seuls responsables du manque de nuance dans la couverture donnée à la psychothérapie.
Dans l’attente d’un règlement, les psychothérapeutes sont restés dispersés et relativement isolés, que ce soit individuellement, au sein d’associations de praticiens regroupés autour d’une méthode particulière ou au sein d’un ordre professionnel dans lequel ils étaient — et resteront — minoritaires. Dans ce contexte, nous n’avons pu bénéficier d’une voix unifiée et certifiée sur la place publique.
Alors que, même si tous les psychologues ne partagent pas le même avis sur toutes ces questions, l’ordre des psychologues a pu parler d’une seule voix, certifiée et sécurisante.
Avec la nouvelle réglementation, l’Ordre des psychologues hérite d’un nouveau défi à relever puisqu’il lui incombera, sinon de donner une voix aux psychothérapeutes non-psychologues qualifiés, du moins de leur attribuer un statut professionnel en encadrant l’émission et la gestion du permis de psychothérapeute, y compris pour les PCNA. Dans cette tâche, l’Ordre des psychologues pourra profiter du même esprit de concertation qui a permis au comité Trudeau d’atteindre ses objectifs, en prenant appui sur les avis du Conseil consultatif interdisciplinaire qui regroupera des représentants des différents ordres professionnels ayant des psychothérapeutes parmi leurs membres. Est-ce suffisant pour que nous ayons enfin une voix? Nous aurons à passer par un guichet unique pour être accrédités, mais nous serons encore dispersés. Ne devrions-nous pas nous donner les moyens de développer une voix commune bien que plurielle, une identité forte bien que multiple, un pouvoir d’affirmation qui nous assurera de ne pas avoir hérité, avec le titre de psychothérapeute, d’un simple sous-titre? La SQPP travaille en ce sens depuis déjà 15 ans.
Michel Brais, président
Source : Société québecoise des psychothérapeutes professionnels