Les enseignants de psychopathologie de l'Université de Poitiers (Pascal-Henri KELLER; Stéphane THIBIERGE, Michel RICATEAU, Christian HOFFMAN , Vincent ESTELLON; Jean-Bernard CHAPELLIER, Dolorès ALBARRACIN) adressent au ministère de la santé
(Monsieur Xavier Bertrand, Ministre de la Santé et des Solidarités; Monsieur Bernard Basset, Sous-directeur Direction Générale de la Santé ) le communiqué suivant :
Concernant l’avant-projet de décret relatif à l'usage du titre de Psychothérapeute, actuellement en discussion, nous tenons à rappeler que :
Dans sa rédaction de l’article 52 de la loi de santé d’août 2004, l’esprit du législateur était, entre autres, d’offrir la garantie à tous les professionnels voulant user du titre de psychothérapeute —médecins, psychologues, psychanalystes ou praticiens d’une forme de psychothérapie— de disposer d’une formation reconnue en psychopathologie clinique. C'est exactement ce que s’emploie à préciser la Section II de l’avant-projet de décret : « La formation minimale commune, théorique et pratique, en psychopathologie clinique, pour user du titre de psychothérapeute ».
Comme nous l'avons constaté, cette formation est dévolue à l’Université, qu’elle doit être de niveau master, et qu’elle porte bien, à toutes ses occurrences dans l’avant-projet de décret, l’intitulé « psychopathologie clinique », ce qui semble conforme à l’esprit de la loi.
Nous notons par ailleurs qu'en France, des formations de niveau master en psychopathologie clinique existent bel et bien, et depuis longtemps : ce sont les anciens DESS de psychopathologie clinique (dont la liste faisait référence pour les embauches des psychologues cliniciens dans les établissements de santé mentale), anciens DESS devenus, depuis la réforme dite « L M D », les masters 2 Professionnels en psychopathologie clinique.
Nous posons donc les questions suivantes : si ces formations et ces diplômes existent, sont amplement reconnus et largement fonctionnels, s’agit-il d’en créer de nouveaux, qui, dans ce cas, seraient concurrentiels des premiers et institueraient de fait, comme il l’a été rappelé par les associations de psychologues, une nouvelle profession ? A l'inverse, s’agit-il de reconnaître que ces « masters 2 Professionnels en psychopathologie clinique » existants, correspondent très précisément à « la formation minimale commune théorique et pratique » voulue par le législateur (ces master comprennent en moyenne 600 h d’enseignement théorique réparties sur deux années d’études, et seize semaines de stages)?
En résumé, nous voulons souligner quatre points essentiels :
1) L’article 52 de la loi d’août 2004 légifère sur la nécessité d’une formation théorique et pratique en psychopathologie clinique. L’extension à la formation en psychothérapie, telle qu’elle est particulièrement mentionnée à l’alinéa II de l’article 2 et à l’article 8 de l’avant-projet, est infondée et n’a pas lieu d’être.
2) La formation en psychopathologie clinique relève explicitement de l’Université, plus précisément des équipes pédagogiques et des laboratoires de recherche de psychopathologie clinique.
3) Le contenu théorique et pratique des formations en psychopathologie est du ressort exclusif des spécialistes compétents de la discipline. Il n'appartient ni au Conseil d'État, ni aux parlements, ni aux administrations ministérielles, de définir la vérité scientifique, les frontières d’une discipline ou le contenu des formations qui en procèdent.
4) Les théories et pratiques dans le champ de la psychopathologie sont multiples et en évolution constante. Réglementer à partir de l’état présent constituerait un facteur d’immobilisme contraire à l’esprit et au travail scientifiques.
Par conséquent, nous nous joignons à la proposition de modification de l'avant projet en ces termes :
Remplacer le troisième point de l’alinéa II de l’article 2 de l’avant-projet de décret par cette rédaction :
« II – Pour les autres professionnels :
- l’attestation de la certification de la formation en psychopathologie clinique prévue par l’article 7 ;
- le cas échéant, l’attestation de l’obtention d’un diplôme relatif à une profession réglementée dans le champ sanitaire et social ;
- une déclaration sur l'honneur faisant état des autres formations suivies dans le domaine de la pratique de la psychothérapie.
La déclaration sur l’honneur … »
Remplacer la section II de l’avant-projet de décret par cette rédaction :
« Article 7 - En application du dernier alinéa de l’article 52, les professionnels souhaitant user du titre de psychothérapeute doivent avoir validé une formation théorique et pratique en psychopathologie clinique, conforme au cahier des charges des masters 2 professionnels relevant de cette compétence. »
« Article 8 - Cette formation suppose le développement des diplômes de master de psychopathologie clinique existants, pour lesquels les universités et laboratoires de psychopathologie clinique compétents seront sollicités, et qui seront expertisés et habilités selon les procédures universitaires habituelles. »
« Article 9 - La liste des diplômes de formation en psychopathologie clinique répondant à cette disposition est fixée par décret.»
10-02-2006