Monsieur Xavier BERTRAND
Ministre de la Santé et des Solidarités
8, avenue de Ségur
75700 PARIS
Paris, le 18 janvier 2007
Monsieur le Ministre,
Permettez-moi d’évoquer avec vous, une nouvelle fois, la question de la sécurisation de la conduite des psychothérapies et du droit des usagers à l’information et à la sécurité des soins.
Après l’adoption par l’Assemblée nationale, le 11 janvier dernier, de deux amendements parlementaires visant à apporter des garanties supplémentaires aux usagers, vous avez bien voulu attirer mon attention sur le contenu de l’amendement n° 109 présenté par le Gouvernement lors de ces débats, en le présentant comme le « compromis » acceptable par le Gouvernement.
Le texte de l’amendement n° 109 ne présente pas, à mon sens, les garanties indispensables pour les usagers, personnes en souffrance psychique, psychosociale ou atteintes de psychopathologies, sur la formation et la compétence des praticiens auxquels ils se confient.
L’amendement n° 109 prévoit que les personnes exerçant depuis trois années, à la date de publication de la loi du 9 août 2004, sous la dénomination de « psychothérapeute » et qui ne sont pas admises à être inscrites de droit sur le registre national des psychothérapeutes institué par l’article 52 de cette loi, pourront être inscrites « à titre temporaire » sur ce registre, dans l’attente du passage devant une commission régionale ayant pour objet d’évaluer leur expérience.
Cette inscription « à titre temporaire » me paraît présenter plusieurs dangers, à commencer par l’absence de tout critère, donc de la moindre garantie, sur les connaissances et la compétence de ces « psychothérapeutes » autoproclamés qui en bénéficieraient.
L’inscription « à titre temporaire » autoriserait ces « psychothérapeutes » autoproclamés en cause à faire publiquement usage du titre, en particulier dans tous les documents destinés aux usagers : publicité, annuaires, pages jaunes, sites Internet ou autres, au risque d’entretenir une confusion dans l’esprit des usagers avec les professionnels légalement admis à faire usage du titre de psychothérapeute.
Son caractère « temporaire » pourrait s’avérer extrêmement illusoire, tant en raison de temps que mettront les commissions régionales à statuer, que de celui mis par les personnes, dont l’expérience n’aurait pas été validée par ces commissions, à retirer la mention « psychothérapeute » accolée à leur nom dans les documents diffusés au public.
Admettre une inscription « à titre temporaire » serait contraire à la lettre et à l’esprit de l’article 52 de la loi du 9 août 2004 et entraînerait une rupture de l’égalité de traitement entre les professionnels légalement autorisés à faire usage du titre de psychothérapeute et les « psychothérapeutes » autoproclamés.
Aussi, si une telle inscription « à titre temporaire » devait être prévue par le décret d’application, je suis convaincu que celui-ci ne manquerait pas d’être attaqué devant la justice administrative, sur ce fondement de la rupture d’égalité, par les professionnels légalement habilités à faire usage du titre de « psychothérapeute » et les associations les représentant.
Autre point essentiel, au contraire de l’amendement n° 104 adopté à l’Assemblée nationale, l’amendement n° 109, s’il fait référence aux commissions régionales chargées d’examiner la situation des personnes exerçant actuellement sous la dénomination de « psychothérapeutes », ne contient aucune indication sur la composition de ces futures commissions, pas plus que le projet de décret lui-même.
Or, il ne peut être envisageable que siègent au sein de ces commissions des « psychothérapeutes » autoproclamés pouvant arguer uniquement de leur « expérience », à défaut de tout diplôme universitaire en psychiatrie ou en psychologie d’un niveau apportant des garanties suffisantes aux usagers. On ne peut être à la fois juge et partie.
Je partage votre préoccupation de voir clarifiée la situation des personnes exerçant depuis plusieurs années sous la dénomination de « psychothérapeute », communément appelées « grands-pères ».
Comme vous, je suis convaincu qu’il y a de tout parmi ces « grands-pères » : des gens sérieux et compétents dont les connaissances et l’expérience seront validées par les commissions régionales ; d’autres certainement de bonne foi, mais qui, faute de connaissances suffisantes en psychopathologie clinique, peuvent mettre en danger les personnes fragiles les consultant et qui devront, par conséquent, suivre une formation complémentaire ; d’autres personnes, enfin, animées uniquement par des motifs financiers ou sectaires.
Afin de présenter toutes les garanties indispensables aux usagers sur la compétence des personnes justifiant « d’au moins trois années d’expérience professionnelle », admises à s’inscrire, après autorisation d’une commission régionale, sur le registre national des psychothérapeutes, la composition des commissions régionales doit être précisément fixée par la loi ou par le décret d’application.
La très grande majorité des associations représentatives des psychiatres et des psychologues vous ont d’ailleurs publiquement demandé que ces commissions régionales soient composées à parité, et exclusivement, de psychiatres et de psychologues, universitaires et praticiens.
Le projet de décret transmis au Conseil d’Etat, pas plus que l’amendement n° 109, ne contenant la moindre garantie sur ce point essentiel pour les usagers et les victimes, l’Assemblée nationale a voulu, en adoptant l’amendement n° 104, l’inscrire dans la loi, à travers une démarche saluée publiquement par les associations représentatives des psychiatres et des psychologues.
Enfin, Monsieur le Ministre, l’amendement n° 109 ne contient aucune référence à l’exigence d’une formation « universitaire », autre point essentiel pour le législateur, comme pour les associations de psychiatres et de psychologues, ainsi qu’ils ont pu vous en saisir directement.
Au contraire, le projet de décret propose de légitimer des instituts privés de formation à la conduite des psychothérapies, par le biais d’un simple conventionnement avec des universités, dans des conditions ne permettant pas aux usagers de bénéficier de garanties suffisantes sur le sérieux et la compétence de ces instituts.
La responsabilité de protéger et d’informer clairement les usagers, personnes en souffrance psychique, psychosociale ou atteintes de psychopathologies, sur la compétence et le sérieux de ceux à qui ils se confient, revient à l’Etat.
S’ils ne devaient bénéficier des garanties indispensables en la matière que seule une formation universitaire, à l’exclusion de toute autre, est susceptible de leur apporter, je suis convaincu que les victimes ne manqueraient pas, dans l’avenir, de se retourner vers l’Etat en intentant d’éventuelles actions.
Telles sont les raisons pour lesquelles l’amendement n° 109 ne me paraît pas suffisamment précis, ni propre à protéger efficacement les usagers, ainsi que l’a voulu clairement le législateur par l’article 52 de la loi du 9 août 2004.
Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, en l’assurance de ma haute considération.
Bernard ACCOYER
Ministre de la Santé et des Solidarités
8, avenue de Ségur
75700 PARIS
Paris, le 18 janvier 2007
Monsieur le Ministre,
Permettez-moi d’évoquer avec vous, une nouvelle fois, la question de la sécurisation de la conduite des psychothérapies et du droit des usagers à l’information et à la sécurité des soins.
Après l’adoption par l’Assemblée nationale, le 11 janvier dernier, de deux amendements parlementaires visant à apporter des garanties supplémentaires aux usagers, vous avez bien voulu attirer mon attention sur le contenu de l’amendement n° 109 présenté par le Gouvernement lors de ces débats, en le présentant comme le « compromis » acceptable par le Gouvernement.
Le texte de l’amendement n° 109 ne présente pas, à mon sens, les garanties indispensables pour les usagers, personnes en souffrance psychique, psychosociale ou atteintes de psychopathologies, sur la formation et la compétence des praticiens auxquels ils se confient.
L’amendement n° 109 prévoit que les personnes exerçant depuis trois années, à la date de publication de la loi du 9 août 2004, sous la dénomination de « psychothérapeute » et qui ne sont pas admises à être inscrites de droit sur le registre national des psychothérapeutes institué par l’article 52 de cette loi, pourront être inscrites « à titre temporaire » sur ce registre, dans l’attente du passage devant une commission régionale ayant pour objet d’évaluer leur expérience.
Cette inscription « à titre temporaire » me paraît présenter plusieurs dangers, à commencer par l’absence de tout critère, donc de la moindre garantie, sur les connaissances et la compétence de ces « psychothérapeutes » autoproclamés qui en bénéficieraient.
L’inscription « à titre temporaire » autoriserait ces « psychothérapeutes » autoproclamés en cause à faire publiquement usage du titre, en particulier dans tous les documents destinés aux usagers : publicité, annuaires, pages jaunes, sites Internet ou autres, au risque d’entretenir une confusion dans l’esprit des usagers avec les professionnels légalement admis à faire usage du titre de psychothérapeute.
Son caractère « temporaire » pourrait s’avérer extrêmement illusoire, tant en raison de temps que mettront les commissions régionales à statuer, que de celui mis par les personnes, dont l’expérience n’aurait pas été validée par ces commissions, à retirer la mention « psychothérapeute » accolée à leur nom dans les documents diffusés au public.
Admettre une inscription « à titre temporaire » serait contraire à la lettre et à l’esprit de l’article 52 de la loi du 9 août 2004 et entraînerait une rupture de l’égalité de traitement entre les professionnels légalement autorisés à faire usage du titre de psychothérapeute et les « psychothérapeutes » autoproclamés.
Aussi, si une telle inscription « à titre temporaire » devait être prévue par le décret d’application, je suis convaincu que celui-ci ne manquerait pas d’être attaqué devant la justice administrative, sur ce fondement de la rupture d’égalité, par les professionnels légalement habilités à faire usage du titre de « psychothérapeute » et les associations les représentant.
Autre point essentiel, au contraire de l’amendement n° 104 adopté à l’Assemblée nationale, l’amendement n° 109, s’il fait référence aux commissions régionales chargées d’examiner la situation des personnes exerçant actuellement sous la dénomination de « psychothérapeutes », ne contient aucune indication sur la composition de ces futures commissions, pas plus que le projet de décret lui-même.
Or, il ne peut être envisageable que siègent au sein de ces commissions des « psychothérapeutes » autoproclamés pouvant arguer uniquement de leur « expérience », à défaut de tout diplôme universitaire en psychiatrie ou en psychologie d’un niveau apportant des garanties suffisantes aux usagers. On ne peut être à la fois juge et partie.
Je partage votre préoccupation de voir clarifiée la situation des personnes exerçant depuis plusieurs années sous la dénomination de « psychothérapeute », communément appelées « grands-pères ».
Comme vous, je suis convaincu qu’il y a de tout parmi ces « grands-pères » : des gens sérieux et compétents dont les connaissances et l’expérience seront validées par les commissions régionales ; d’autres certainement de bonne foi, mais qui, faute de connaissances suffisantes en psychopathologie clinique, peuvent mettre en danger les personnes fragiles les consultant et qui devront, par conséquent, suivre une formation complémentaire ; d’autres personnes, enfin, animées uniquement par des motifs financiers ou sectaires.
Afin de présenter toutes les garanties indispensables aux usagers sur la compétence des personnes justifiant « d’au moins trois années d’expérience professionnelle », admises à s’inscrire, après autorisation d’une commission régionale, sur le registre national des psychothérapeutes, la composition des commissions régionales doit être précisément fixée par la loi ou par le décret d’application.
La très grande majorité des associations représentatives des psychiatres et des psychologues vous ont d’ailleurs publiquement demandé que ces commissions régionales soient composées à parité, et exclusivement, de psychiatres et de psychologues, universitaires et praticiens.
Le projet de décret transmis au Conseil d’Etat, pas plus que l’amendement n° 109, ne contenant la moindre garantie sur ce point essentiel pour les usagers et les victimes, l’Assemblée nationale a voulu, en adoptant l’amendement n° 104, l’inscrire dans la loi, à travers une démarche saluée publiquement par les associations représentatives des psychiatres et des psychologues.
Enfin, Monsieur le Ministre, l’amendement n° 109 ne contient aucune référence à l’exigence d’une formation « universitaire », autre point essentiel pour le législateur, comme pour les associations de psychiatres et de psychologues, ainsi qu’ils ont pu vous en saisir directement.
Au contraire, le projet de décret propose de légitimer des instituts privés de formation à la conduite des psychothérapies, par le biais d’un simple conventionnement avec des universités, dans des conditions ne permettant pas aux usagers de bénéficier de garanties suffisantes sur le sérieux et la compétence de ces instituts.
La responsabilité de protéger et d’informer clairement les usagers, personnes en souffrance psychique, psychosociale ou atteintes de psychopathologies, sur la compétence et le sérieux de ceux à qui ils se confient, revient à l’Etat.
S’ils ne devaient bénéficier des garanties indispensables en la matière que seule une formation universitaire, à l’exclusion de toute autre, est susceptible de leur apporter, je suis convaincu que les victimes ne manqueraient pas, dans l’avenir, de se retourner vers l’Etat en intentant d’éventuelles actions.
Telles sont les raisons pour lesquelles l’amendement n° 109 ne me paraît pas suffisamment précis, ni propre à protéger efficacement les usagers, ainsi que l’a voulu clairement le législateur par l’article 52 de la loi du 9 août 2004.
Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, en l’assurance de ma haute considération.
Bernard ACCOYER