* AGS (Accord général sur le commerce des services)
Intervention au Forum Social Européen novembre 2003
1909. Sur le bateau qui les emmène en Amérique, Freud dit à Jung, en parlant de la psychanalyse, « ils ne savent pas que nous leur apportons la peste ». Lacan, qui en fait la révélation dans les Écrits, ajoute judicieusement : « Nous pourrions craindre qu’elle n’y ait joint un billet de retour de première classe. »
2003. La peste est là. Elle nous arrive d’Amérique. Elle a voyagé dans les « attache-case » de représentants de commerce.
Dans tous les pays européens, la pression de Bruxelles entraîne des rapports et des politiques de santé contaminées par le virus néo-libéral, qui portent en germe les projets de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et le modèle américain si désastreux pour les personnes souffrant de «maladies mentales ».
De nombreux professionnels ne relient pas la « modernisation du service public hospitalier » aux principes de l’OMC et de L’AGCS. Et pourtant cette lecture est la seule qui permette de comprendre la logique à l’œuvre à l’hôpital sans se faire manipuler par la séduction néo-libérale.
Dans une note interne, le secrétariat de l’OMC proclame que l’un des principaux objectifs de l’AGCS est de réduire les salaires : « … les avantages les plus significatifs du commerce ne viendront pas de la construction et de la gestion des hôpitaux mais de la possibilité d’employer un personnel plus qualifié plus efficace ou moins coûteux que celui qui pourrait être disponible sur le marché local du travail.»
« Faire baisser les rémunérations relève de l’obsession de L’OMC » - écrit S. Georges .
C’est en suivant le fil de la baisse des salaires que nous allons lire « l’évolution des métiers en santé mentale ».
Cette évolution est en réalité une régression pour de nombreux métiers car aucun professionnel ne travaillera plus à son niveau de qualification.
La devise du libéralisme, dit Michel Foucault, est « vivre dangereusement » … « c’est à dire que les individus sont mis perpétuellement en situation de danger » dans leur vie personnelle mais aussi professionnelle. A travers l’expérience du démantèlement du service public hospitalier, nous mesurons, individuellement et collectivement, les effets ravageants du passage de l’état social à « l’état stratège » qui participe de la « montée de l’insignifiance » dans notre société.
Le management des âmes (Lacan)
Cette question des salaires est directement liée à l’idéologie néo-libérale relayée par le concept de « l’hôpital entreprise ». Depuis 3 ans déjà des fax arrivent régulièrement dans les unités de soins qui annoncent la couleur sans ambiguïté. « Entreprise de France » pour connaître le capital de l’hôpital de X appelez-le …
Les « usagers » ne savent pas encore qu’ils sont déjà des clients… La nuance est de taille, car nous ne sommes plus dans une logique thérapeutique mais dans une logique commerciale et le moins que l’on puisse dire c’est que la psy est un secteur sous influence. Influence des assureurs, des sectes, des psycho-trusts et du MEDEF, qui constituent la nébuleuse « psy-business ».
L’application de l’AGCS entraîne une dérégulation dans le domaine de la qualification des personnels de santé, l’accréditation des établissements médicaux et sociaux et l’assurance maladie. Cela va nécessiter d’attaquer le statut des personnels et des établissements ,considérés comme un «obstacle au commerce », un « frein à la modernisation ».
En effet, le droit du travail et les statuts s’opposent à la loi de la jungle.
Plusieurs techniques font partie de la stratégie de l’OMC pour libéraliser les services publics :
1) le gel du nombre de fonctionnaires : une saturation des moyens est organisée qui oblige à des aménagements.
Une autre stratégie consiste à charger la barque par extension des missions. « De la psychiatrie à la santé mentale » par exemple. La charge de travail augmente , les moyens restent constants. Le privé à alors des solutions à proposer.
2) l’horizontalisation : horizontaliser, dans le jargon de l’OMC, c’est « découper en segments une activité verticale ». Pour mener à bien l’équarrissage du service public, on va faire des quartiers qu’on va privatiser, rentabiliser (accueil-orientation, psychothérapie, hébergement). Pour chacun de ces segments, la question de la baisse des salaires sera en cause, le travail pouvant alors être effectué dans des conditions de rentabilité et sans souci du thérapeutique. (Aux Etats-Unis, le responsable du plus grand groupe hospitalier du monde affirme que la santé n’est pas un domaine différent du transport aérien et de l’industrie du roulement à billes.).
Exemple de segmentation : « l’accueil ».
Arguant des délais d’attente un partage des tâches prévoit de cliver l’acte psychothérapique en deux temps : « accueil-orientation » et psychothérapie. Cette taylorisation de la fonction de psychiatre et de psychoclinicien a pour but la redistribution de nouvelles missions. Il devient du rôle propre de l’infirmier «d’accueillir» .
Cependant la première consultation spécialisée n’est pas un recueil de données (sur quoi on la rabat dans la requalification infirmière) mais un temps d’élaboration du diagnostic et de la thérapeutique et un moment crucial dans l’établissement de la relation transférentielle dont dépend le travail psychothérapique.
L’ accueil infirmier à pour but d’orienter la demande vers des généralistes.
« L’accueil »: on pressent qu il y a là une porte qui ouvre la boite de Pandore. Un « accueil »tout le monde peut le faire . Cette fonction d’accueil n’est d’ailleurs pas spécifique au secteur psychiatrique, c’est un procédé déjà utilisé dans le secteur social.
Ainsi que l’exprime le sociologue Michel Autès dans Le Monde diplomatique : « on voit apparaître de nouvelles formes d’organisation du travail autour d’une taylorisation des fonctions sociales : séparation des fonctions d’accueil et des fonctions de traitement des dossiers, spécialisations par domaines. Le travail social tend alors à s’inscrire « dans une stricte logique de service centrée sur la demande immédiate en rupture avec le schéma traditionnel de prise en charge et d’accompagnement dans le long terme. »
3) les « Partenariats privés publics » (PPP).
Comme le disait cyniquement le rapport d’étape Piel Roelandt dans un chapitre intitulé : « Conséquence attendues sur la répartition public privé ».
« Dans cette pratique libérale du fait de la diversification des intervenants, on verrait sans doute à terme assez rapide une diminution des effectifs de psychiatres (le « gâteau » étant partagé entre un plus grand nombre d’acteurs dont les tarifs seraient directement concurrentiels) et leur réorientation plus majoritairement vers des pratiques publiques si les possibilités statutaires étaient aménagées. Les statuts de psychothérapeutes reconnus, une embauche spécifique dans les consultations publiques pourrait être organisée. »
Concurrence, le maître-mot est lâché ! Cela a maintenant un nom, le rapport Berland sur « les coopérations des professions de santé : le transfert de tâches et de compétences ».
Sur le terrain tous les repères symboliques, théoriques, déontologiques et éthiques sont battus en brèche par un management sauvage.
On notera au passage qu’un autre rapport stipule que la « psychiatrie infanto-juvénile comporte plus de marges d’assouplissement dans le domaine des métiers ».
Deux mots sur les réseaux et l’incitation à l’activité libérale. On voit qu’elle est étendue après une formation de psychothérapeute ‘‘santé publique’’ « pas trop livresque » à presque toutes les professions.
Conventionnée par les assurances complémentaires, la pratique libérale sera soumise à condition : l’intégration d’un réseau (coopératif) de santé. Ces réseaux sont le dernier cri des PPP : le libéral sans les caractéristiques du libéral, c’est-à-dire sans l’indépendance et la liberté intellectuelle, le libéral avec le droit de payer ses charges, ses cotisations et le droit de voir son action « évaluée et rationalisée » par des psychiatres coordonateurs (style DSM III ou IV), et sous-payées !
4) changer de dénominations, reclassifier, faire de nouvelles catégories qui permettent de détourner, de capturer des domaines considérés comme des monopoles pour les remettre en circulation.
Par exemple, bien que les accords de libéralisations soient tenus secrets, il semble qu’à Cancun, la santé ait été engagée dans l’AGCS par l’hôtellerie, le tourisme, l’informatique et le management.
Autre exemple : « De la psychiatrie à la santé mentale ». L’inversion sémantique n’est pas gratuite, car si la psychiatrie ne concerne qu’une minorité, la santé nous concerne tous. En perspective marchande, la différence pèse tout son poids.
De nouvelles « catégories nosographiques » sont inventées. Les « psychotiques » , évanouis dans la nature, deviennent des enfants, des adolescents, des personnes âgées, des exclus, des chômeurs, des handicapés. « Chômeurs !!! » derrière ce changement de classification, il y a l’idée de faire assumer par le malade l’autofinancement de sa propre maladie.
Il y a peu, Bernard Kouchner déplorait que : « les malades handicapés psychiques restent handicapés dans leur relation aux autres comme pour leur insertion dans une société rapide, productiviste et individualiste ».
« Rapide, productiviste et individualiste » !!!
5) les accréditations , les normes, les qualifications :
La réorganisation des hôpitaux passe par une procédure d’accréditation et d’évaluation de la qualité effectuée par le conseil scientifique de l’ANAES. La notion de qualité se réfère explicitement au modèle de production industrielle de masse inventé par le capitalisme du début du XXème siècle (Cf le guide de l’accréditation).
Ce modèle est à l’origine de l’idéologie de la norme et de la standardisation qui envahit la santé aujourd’hui. Il va légitimer la « merdonité » à l’hôpital en nous tenant l’argumentation de la qualité.
6) La baisse du nombre de lits.
Clef de voûte du Rapport Piel Roelandt, la «déshospitalisation» conditionne toute cette construction. C’est un terme qui exprime bien l’idée qu’il faut, sortir de l’hôpital le malade qui nécessite une hospitalisation. Après la déferlante de fermeture de lits depuis 10 ans (30 000), les places sont très rares à ce jour en psychiatrie. Mais les néo-libéraux utilisent l’argument marketing de la « psychiatrie communautaire », de la « psychiatrie hors les murs », dont on voit le résultat aux Etats-Unis et en Italie, pour mener à bien un travail de déstructuration pratiquement achevé.
*****
Les multiples intérêts du transfert de tâches et de compétence
En superposant et croisant les différents rapports, un même schéma se dessine quelle que soit la couleur politique des gouvernements : remplacer des professionnels spécialisés par des personnels sous qualifiés et si possible des bénévoles, en se déchargeant sur les familles, l’associatif, le caritatif ou des privatisations.
En terme managérial, il faut « optimiser le recours aux spécialistes » c’est-à-dire qu’on va organiser le détournement de la demande des usagers vers des professionnels prescripteurs, pédiatres, généralistes, infirmiers praticiens et éloigner de la clinique directe les spécialistes qui vont se voir confier l’aide aux aidants pour les psychologues cliniciens et la téléconsultation pour les psychiatres.
Pour passer du vertical à l’horizontal, il y a tout un jeu possible de promotions et d’exclusions qui n’est pas anodin et sous-tend plusieurs marchés : (médicament, emploi, formation , psychothérapie, judiciarisation)
1° Favoriser le médical et le CMI (Complexe Médico Industiel).
Le mot d’ordre des projets d’établissement est de « renforcer la logique médicale en psychiatrie ».
On assiste donc à une médicalisation du diagnostic et du soin psychiatrique et psychologique.
- Question diagnostic , l’OMS a simplifié tout ça. En ce qui concerne les classifications internationales (intégrées au réseau informatisé), « l’utilisateur n’a pas besoin d’une formation psychiatrique approfondie ». (Quant on sait qu’une fois la sécurité sociale démantelée, le taux de cotisation aux mutuelles complémentaires pourrait être conditionné à ce diagnostic...)
- Question soin : l’administration tend de plus en plus à imposer dans notre pays l’usage des classifications américaines des troubles mentaux (DSMIII et IV) dont celle de l’OMS est largement inspirée.
Des consultations spécialisées « Ritaline et nouvelles molécules » se sont ouvertes dans les urgences pédiatriques qui reçoivent sans délais.
Le coucou néo-libéral vole au-dessus de la psychiatrie. (Des articles dans les revues nationales se mettent à vanter les vertus de la lobotomie. On a presque trouvé le gène de la psychose !!!)
Etc. etc…
Toujours dans le chapitre médicalisation forcée, une observation s’impose : tous les métiers sont tirés du côté du médical. On demande aux psychiatres d’être de vrais psychiatres, c’est-à-dire de prescrire, les infirmiers deviennent prescripteurs et les psychologues « médicaux » et testeurs.
Par un redécoupage suspect du champ clinique, la prévention et la première ligne reviennent électivement à des professions médicales (généralistes et infirmiers).
La psychothérapie étant considérée désormais comme un monopole des psychologues et des psychiatres, un embargo est décidé sur le psychothérapique. Pour plus de sécurité, la formation (psychothérapique) des psychologues cliniciens se fera en faculté de médecine où, selon le professeur Zarifian, l’enseignement de la psychopathologie est essentiellement aux mains des laboratoires. Ils pourront ainsi « intégrer la nouvelle donne pharmacologique »…
Finie la psychodiversité pour les malades… la manière de soigner unique est arrivée !
Par ailleurs, de nombreux indicateurs convergent pour conforter l’idée d’une médicalisation du secteur éducatif et social.
Le sanitaire va encadrer le social.
(Les structures sociales et médico-sociales sont déjà passées sous la coupe de la direction générale des hôpitaux).
Au travers des différents projets de loi, nous assistons à un retour de la médecine comme instance de contrôle social d’autant plus surprenant que le principe qui préside à la réforme est de basculer le psychiatrique vers le social (santé mentale), donc de démédicaliser. Au contraire, on assiste à une para-médicalisation des sciences humaines.
2° Stimuler le marché de l’emploi.
« A côté des habituelles rengaines patronales se développe une croisade pour le relèvement du taux d’emploi à 70% d’ici 2010. Cet indicateur correspond en fait à la mise - ou remise - au travail forcé des demandeurs d’emploi, mais à n’importe quelles conditions. Il déstabilise ainsi directement les anciennes garanties collectives contre la sous-rémunération et la sous-qualification, et il promeut l’idée d’un retour des personnes âgées à la vie active par un relèvement de l’âge de la retraite ou par une « participation » des retraités à l’activité, en échange d’une légère rémunération. »cf Corinne Gobin (23)
Illustration de cette politique, les infirmiers tentés par le statut de psychothérapeute verront sans doute leur retraite retardée, comme cela a été le cas pour les instituteurs promus professeurs des écoles.
Pour les psychiatres : « On peut explorer la recherche de collaboration provenant de praticiens récemment retraités ».
Faire faire le travail des uns par les autres ne se fait évidemment pas aux mêmes conditions statutaires.
Il manque actuellement 30 000 psychologues cliniciens ,il manquera bientôt 5000 psychiatres.
C’est toute une chaîne, une synergie. On augmente le numerus clausus des infirmiers, on baisse celui des psychologues.
Les infirmiers praticiens, incités à se diriger vers l’activité de psychothérapeute en libéral, pourront remplacer des spécialistes et être remplacés par des personnes précarisées.
Conséquence de la «déshospitalisation», il n’y a plus besoin d’infirmier pour l’accompagnement de la vie quotidienne et collective.
Cette situation va ouvrir de vastes marchés, compris dans l’AGCS sous l’euphémisme « tourisme et hôtellerie ». La mission d’appui a des idées : « les Canadiens utilisent fréquemment dans les services de psychiatrie des agents d’ambiance qui n’exercent pas de fonction thérapeutique mais remplissent un rôle d’animation et de disponibilité au près des patients ; ceci libère d’autant les infirmiers. »
L’autre marché à développer est celui de l’aide à domicile. C’est un marché considérable et un des enjeux de la décentralisation de la santé. Ces emplois sous-qualifiés permettraient une relance économique. En Italie où la «déshospitalisation» a créé un besoin d’aide aux familles, ce travail est assumé essentiellement par des personnes clandestines qui coûtent 5 fois moins cher que les infirmiers.
3° Stimuler le marché de la formation.
La « formation » est ce qui va permettre le passage d’une compétence à l’autre. Le management encourage ces démarches et attise les revendications.
Nous allons assister à un reformatage des professions en fonction des « bonnes pratiques » protocolisées plus compatibles avec l’industrie de la santé.
Des technocrates européens déclaraient il y a peu qu’en 2004, 60% des professions demanderont moins de 4 jours de formation.
Selon le rapport Attali, « aucun diplôme universitaire n’aura plus de légitimité permanente ». Une obligation de « formation tout au long de sa vie » viendra le remplacer.
Sectes, labos, assurances et MEDEF peuvent conditionner des modes de prise en charge dites thérapeutiques qui ne pourraient être imposées à des professionnels possédant leurs « références » théoriques.
Les laboratoires trouvent désormais les services de psychiatrie ouverts pour la formation des personnels médicaux et infirmiers sans que cela ne suscite le moindre tollé. Ils viennent y faire la promotion de leurs produits.
Par le biais de la formation continue, on va donner des diplômes provisoires, adaptés à l’entreprise hôpital et au marché local de la santé mentale, via la décentralisation.
Il y a bien sûr et pour peu de temps encore des «professions réglementées», considérées comme « des obstacles au commerce ».
Comment contourner les règles de l’art ? Un exemple édifiant nous en est donné par un fax publicitaire adressé au responsable de la gestion des compétences dans les hôpitaux. Il propose une formation pour gestionnaire intitulée :
« Comprendre l’importance et les enjeux spécifiques
de la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE)
pour les établissements publics » …
- éclairer vos agents sur le sens de la certification, discerner qualification et diplôme
- l’après VAE quels sont les risques auxquels vous devrez faire face ? Comment gérer l’après-validation pour l’agent.
- éviter les risques liés aux attentes des agents que les Ressources Humaines ne pourront combler : promotion, augmentation » (!!!)
Des titres donc et « pour le reste vous repasserez … ».
L’ascenseur social marche avec de la monnaie de singe.
4° Développer le marché des psychothérapies.
Et la psychothérapie dans tout ça ? A l’aune des critères libéraux, confisquée, technicisée, médicalisée, intégrée dans des réseaux assurantiels, elle n’a plus de thérapeutique que le nom.
La psychanalyse est évincée du service public parce qu’elle est fondamentalement antinomique avec le libéralisme.
Celui-ci pousse à la liberté totale, la jouissance sans frein, la psychanalyse mise sur le manque ,la limitation nécessaire à l’inscription dans l’ordre symbolique .Elle nécessite du temps pour l’élaboration, elle produit de l’inquantifiable et elle soutient le lien social.
De ce fait, elle va se voir préférer les formations courtes, les « thérapies brèves » plus adaptées à notre société « rapide, productiviste et individualiste »..
Nous savons que cadence et rendement sont le lot des thérapeutes américains et que « La thérapie cognitive a été inventée par Aron Beck parce qu’il voyait que la psychanalyse allait devenir rapidement désuète dans le secteur public et que les compagnies d’assurances n’allaient pas rembourser les séances ».
5° Le marché de la judiciarisation et de l’assurantiel
Pas de petits profits pour le « capitaliste ». Les professionnels devront par-dessus le marché, si je puis dire, s’assurer contre les risques d’une incompétence organisée.
Par ailleurs ,l’AGCS vise la fin du service public de santé considéré comme un monopole.
La réalisation de cet accord conduit donc à la privatisation du systéme de santé et la mise en concurrence de la sécurité sociale avec les compagnies d’assurances et des prestataires de soins (concurentiels entre eux).
************
Et les syndicats, comment se situent-ils par rapport à cette question de la baisse des salaires?
Corinne Gobin, politologue, explique « les extraordinaires pressions que subirent les directions de centrales syndicales réunies au sein de la Confédération Européenne des Syndicats (CES), pour les contraindre à d’adapter au libéralisme » (….) .
« … plus les syndicats font le jeu de l’emploi contre le salaire, et plus l’UE affine ses méthodes d’activation pour bien encadrer et discipliner le salariat, et l’obliger à accepter cette offre d’emplois précarisés et amputés des protections juridiques antérieures. »
CONCLUSION
i[« […] La deuxième conséquence de ce libéralisme et de cet art libéral de gouverner, c’est la formidable extension des procédures de contrôle, de contrainte, de coercition qui vont constituer comme la contrepartie et le contrepoids des libertés »]i dit Michel Foucault.
L’Accord Général sur le Commerce des Services est « démocraticide ». Il est un des masques de l’horreur économique. Rien ne fait « chair » de l’humain dans ce discours « d’experts idoines », de technocrates et de managers.
Le libéralisme, entend-on dire communément est un renard libre dans un poulailler libre. Peut-on négocier avec un renard ? Les poules ont essayé.
Novembre 2003
Intervention au Forum Social Européen novembre 2003
1909. Sur le bateau qui les emmène en Amérique, Freud dit à Jung, en parlant de la psychanalyse, « ils ne savent pas que nous leur apportons la peste ». Lacan, qui en fait la révélation dans les Écrits, ajoute judicieusement : « Nous pourrions craindre qu’elle n’y ait joint un billet de retour de première classe. »
2003. La peste est là. Elle nous arrive d’Amérique. Elle a voyagé dans les « attache-case » de représentants de commerce.
Dans tous les pays européens, la pression de Bruxelles entraîne des rapports et des politiques de santé contaminées par le virus néo-libéral, qui portent en germe les projets de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et le modèle américain si désastreux pour les personnes souffrant de «maladies mentales ».
De nombreux professionnels ne relient pas la « modernisation du service public hospitalier » aux principes de l’OMC et de L’AGCS. Et pourtant cette lecture est la seule qui permette de comprendre la logique à l’œuvre à l’hôpital sans se faire manipuler par la séduction néo-libérale.
Dans une note interne, le secrétariat de l’OMC proclame que l’un des principaux objectifs de l’AGCS est de réduire les salaires : « … les avantages les plus significatifs du commerce ne viendront pas de la construction et de la gestion des hôpitaux mais de la possibilité d’employer un personnel plus qualifié plus efficace ou moins coûteux que celui qui pourrait être disponible sur le marché local du travail.»
« Faire baisser les rémunérations relève de l’obsession de L’OMC » - écrit S. Georges .
C’est en suivant le fil de la baisse des salaires que nous allons lire « l’évolution des métiers en santé mentale ».
Cette évolution est en réalité une régression pour de nombreux métiers car aucun professionnel ne travaillera plus à son niveau de qualification.
La devise du libéralisme, dit Michel Foucault, est « vivre dangereusement » … « c’est à dire que les individus sont mis perpétuellement en situation de danger » dans leur vie personnelle mais aussi professionnelle. A travers l’expérience du démantèlement du service public hospitalier, nous mesurons, individuellement et collectivement, les effets ravageants du passage de l’état social à « l’état stratège » qui participe de la « montée de l’insignifiance » dans notre société.
Le management des âmes (Lacan)
Cette question des salaires est directement liée à l’idéologie néo-libérale relayée par le concept de « l’hôpital entreprise ». Depuis 3 ans déjà des fax arrivent régulièrement dans les unités de soins qui annoncent la couleur sans ambiguïté. « Entreprise de France » pour connaître le capital de l’hôpital de X appelez-le …
Les « usagers » ne savent pas encore qu’ils sont déjà des clients… La nuance est de taille, car nous ne sommes plus dans une logique thérapeutique mais dans une logique commerciale et le moins que l’on puisse dire c’est que la psy est un secteur sous influence. Influence des assureurs, des sectes, des psycho-trusts et du MEDEF, qui constituent la nébuleuse « psy-business ».
L’application de l’AGCS entraîne une dérégulation dans le domaine de la qualification des personnels de santé, l’accréditation des établissements médicaux et sociaux et l’assurance maladie. Cela va nécessiter d’attaquer le statut des personnels et des établissements ,considérés comme un «obstacle au commerce », un « frein à la modernisation ».
En effet, le droit du travail et les statuts s’opposent à la loi de la jungle.
Plusieurs techniques font partie de la stratégie de l’OMC pour libéraliser les services publics :
1) le gel du nombre de fonctionnaires : une saturation des moyens est organisée qui oblige à des aménagements.
Une autre stratégie consiste à charger la barque par extension des missions. « De la psychiatrie à la santé mentale » par exemple. La charge de travail augmente , les moyens restent constants. Le privé à alors des solutions à proposer.
2) l’horizontalisation : horizontaliser, dans le jargon de l’OMC, c’est « découper en segments une activité verticale ». Pour mener à bien l’équarrissage du service public, on va faire des quartiers qu’on va privatiser, rentabiliser (accueil-orientation, psychothérapie, hébergement). Pour chacun de ces segments, la question de la baisse des salaires sera en cause, le travail pouvant alors être effectué dans des conditions de rentabilité et sans souci du thérapeutique. (Aux Etats-Unis, le responsable du plus grand groupe hospitalier du monde affirme que la santé n’est pas un domaine différent du transport aérien et de l’industrie du roulement à billes.).
Exemple de segmentation : « l’accueil ».
Arguant des délais d’attente un partage des tâches prévoit de cliver l’acte psychothérapique en deux temps : « accueil-orientation » et psychothérapie. Cette taylorisation de la fonction de psychiatre et de psychoclinicien a pour but la redistribution de nouvelles missions. Il devient du rôle propre de l’infirmier «d’accueillir» .
Cependant la première consultation spécialisée n’est pas un recueil de données (sur quoi on la rabat dans la requalification infirmière) mais un temps d’élaboration du diagnostic et de la thérapeutique et un moment crucial dans l’établissement de la relation transférentielle dont dépend le travail psychothérapique.
L’ accueil infirmier à pour but d’orienter la demande vers des généralistes.
« L’accueil »: on pressent qu il y a là une porte qui ouvre la boite de Pandore. Un « accueil »tout le monde peut le faire . Cette fonction d’accueil n’est d’ailleurs pas spécifique au secteur psychiatrique, c’est un procédé déjà utilisé dans le secteur social.
Ainsi que l’exprime le sociologue Michel Autès dans Le Monde diplomatique : « on voit apparaître de nouvelles formes d’organisation du travail autour d’une taylorisation des fonctions sociales : séparation des fonctions d’accueil et des fonctions de traitement des dossiers, spécialisations par domaines. Le travail social tend alors à s’inscrire « dans une stricte logique de service centrée sur la demande immédiate en rupture avec le schéma traditionnel de prise en charge et d’accompagnement dans le long terme. »
3) les « Partenariats privés publics » (PPP).
Comme le disait cyniquement le rapport d’étape Piel Roelandt dans un chapitre intitulé : « Conséquence attendues sur la répartition public privé ».
« Dans cette pratique libérale du fait de la diversification des intervenants, on verrait sans doute à terme assez rapide une diminution des effectifs de psychiatres (le « gâteau » étant partagé entre un plus grand nombre d’acteurs dont les tarifs seraient directement concurrentiels) et leur réorientation plus majoritairement vers des pratiques publiques si les possibilités statutaires étaient aménagées. Les statuts de psychothérapeutes reconnus, une embauche spécifique dans les consultations publiques pourrait être organisée. »
Concurrence, le maître-mot est lâché ! Cela a maintenant un nom, le rapport Berland sur « les coopérations des professions de santé : le transfert de tâches et de compétences ».
Sur le terrain tous les repères symboliques, théoriques, déontologiques et éthiques sont battus en brèche par un management sauvage.
On notera au passage qu’un autre rapport stipule que la « psychiatrie infanto-juvénile comporte plus de marges d’assouplissement dans le domaine des métiers ».
Deux mots sur les réseaux et l’incitation à l’activité libérale. On voit qu’elle est étendue après une formation de psychothérapeute ‘‘santé publique’’ « pas trop livresque » à presque toutes les professions.
Conventionnée par les assurances complémentaires, la pratique libérale sera soumise à condition : l’intégration d’un réseau (coopératif) de santé. Ces réseaux sont le dernier cri des PPP : le libéral sans les caractéristiques du libéral, c’est-à-dire sans l’indépendance et la liberté intellectuelle, le libéral avec le droit de payer ses charges, ses cotisations et le droit de voir son action « évaluée et rationalisée » par des psychiatres coordonateurs (style DSM III ou IV), et sous-payées !
4) changer de dénominations, reclassifier, faire de nouvelles catégories qui permettent de détourner, de capturer des domaines considérés comme des monopoles pour les remettre en circulation.
Par exemple, bien que les accords de libéralisations soient tenus secrets, il semble qu’à Cancun, la santé ait été engagée dans l’AGCS par l’hôtellerie, le tourisme, l’informatique et le management.
Autre exemple : « De la psychiatrie à la santé mentale ». L’inversion sémantique n’est pas gratuite, car si la psychiatrie ne concerne qu’une minorité, la santé nous concerne tous. En perspective marchande, la différence pèse tout son poids.
De nouvelles « catégories nosographiques » sont inventées. Les « psychotiques » , évanouis dans la nature, deviennent des enfants, des adolescents, des personnes âgées, des exclus, des chômeurs, des handicapés. « Chômeurs !!! » derrière ce changement de classification, il y a l’idée de faire assumer par le malade l’autofinancement de sa propre maladie.
Il y a peu, Bernard Kouchner déplorait que : « les malades handicapés psychiques restent handicapés dans leur relation aux autres comme pour leur insertion dans une société rapide, productiviste et individualiste ».
« Rapide, productiviste et individualiste » !!!
5) les accréditations , les normes, les qualifications :
La réorganisation des hôpitaux passe par une procédure d’accréditation et d’évaluation de la qualité effectuée par le conseil scientifique de l’ANAES. La notion de qualité se réfère explicitement au modèle de production industrielle de masse inventé par le capitalisme du début du XXème siècle (Cf le guide de l’accréditation).
Ce modèle est à l’origine de l’idéologie de la norme et de la standardisation qui envahit la santé aujourd’hui. Il va légitimer la « merdonité » à l’hôpital en nous tenant l’argumentation de la qualité.
6) La baisse du nombre de lits.
Clef de voûte du Rapport Piel Roelandt, la «déshospitalisation» conditionne toute cette construction. C’est un terme qui exprime bien l’idée qu’il faut, sortir de l’hôpital le malade qui nécessite une hospitalisation. Après la déferlante de fermeture de lits depuis 10 ans (30 000), les places sont très rares à ce jour en psychiatrie. Mais les néo-libéraux utilisent l’argument marketing de la « psychiatrie communautaire », de la « psychiatrie hors les murs », dont on voit le résultat aux Etats-Unis et en Italie, pour mener à bien un travail de déstructuration pratiquement achevé.
*****
Les multiples intérêts du transfert de tâches et de compétence
En superposant et croisant les différents rapports, un même schéma se dessine quelle que soit la couleur politique des gouvernements : remplacer des professionnels spécialisés par des personnels sous qualifiés et si possible des bénévoles, en se déchargeant sur les familles, l’associatif, le caritatif ou des privatisations.
En terme managérial, il faut « optimiser le recours aux spécialistes » c’est-à-dire qu’on va organiser le détournement de la demande des usagers vers des professionnels prescripteurs, pédiatres, généralistes, infirmiers praticiens et éloigner de la clinique directe les spécialistes qui vont se voir confier l’aide aux aidants pour les psychologues cliniciens et la téléconsultation pour les psychiatres.
Pour passer du vertical à l’horizontal, il y a tout un jeu possible de promotions et d’exclusions qui n’est pas anodin et sous-tend plusieurs marchés : (médicament, emploi, formation , psychothérapie, judiciarisation)
1° Favoriser le médical et le CMI (Complexe Médico Industiel).
Le mot d’ordre des projets d’établissement est de « renforcer la logique médicale en psychiatrie ».
On assiste donc à une médicalisation du diagnostic et du soin psychiatrique et psychologique.
- Question diagnostic , l’OMS a simplifié tout ça. En ce qui concerne les classifications internationales (intégrées au réseau informatisé), « l’utilisateur n’a pas besoin d’une formation psychiatrique approfondie ». (Quant on sait qu’une fois la sécurité sociale démantelée, le taux de cotisation aux mutuelles complémentaires pourrait être conditionné à ce diagnostic...)
- Question soin : l’administration tend de plus en plus à imposer dans notre pays l’usage des classifications américaines des troubles mentaux (DSMIII et IV) dont celle de l’OMS est largement inspirée.
Des consultations spécialisées « Ritaline et nouvelles molécules » se sont ouvertes dans les urgences pédiatriques qui reçoivent sans délais.
Le coucou néo-libéral vole au-dessus de la psychiatrie. (Des articles dans les revues nationales se mettent à vanter les vertus de la lobotomie. On a presque trouvé le gène de la psychose !!!)
Etc. etc…
Toujours dans le chapitre médicalisation forcée, une observation s’impose : tous les métiers sont tirés du côté du médical. On demande aux psychiatres d’être de vrais psychiatres, c’est-à-dire de prescrire, les infirmiers deviennent prescripteurs et les psychologues « médicaux » et testeurs.
Par un redécoupage suspect du champ clinique, la prévention et la première ligne reviennent électivement à des professions médicales (généralistes et infirmiers).
La psychothérapie étant considérée désormais comme un monopole des psychologues et des psychiatres, un embargo est décidé sur le psychothérapique. Pour plus de sécurité, la formation (psychothérapique) des psychologues cliniciens se fera en faculté de médecine où, selon le professeur Zarifian, l’enseignement de la psychopathologie est essentiellement aux mains des laboratoires. Ils pourront ainsi « intégrer la nouvelle donne pharmacologique »…
Finie la psychodiversité pour les malades… la manière de soigner unique est arrivée !
Par ailleurs, de nombreux indicateurs convergent pour conforter l’idée d’une médicalisation du secteur éducatif et social.
Le sanitaire va encadrer le social.
(Les structures sociales et médico-sociales sont déjà passées sous la coupe de la direction générale des hôpitaux).
Au travers des différents projets de loi, nous assistons à un retour de la médecine comme instance de contrôle social d’autant plus surprenant que le principe qui préside à la réforme est de basculer le psychiatrique vers le social (santé mentale), donc de démédicaliser. Au contraire, on assiste à une para-médicalisation des sciences humaines.
2° Stimuler le marché de l’emploi.
« A côté des habituelles rengaines patronales se développe une croisade pour le relèvement du taux d’emploi à 70% d’ici 2010. Cet indicateur correspond en fait à la mise - ou remise - au travail forcé des demandeurs d’emploi, mais à n’importe quelles conditions. Il déstabilise ainsi directement les anciennes garanties collectives contre la sous-rémunération et la sous-qualification, et il promeut l’idée d’un retour des personnes âgées à la vie active par un relèvement de l’âge de la retraite ou par une « participation » des retraités à l’activité, en échange d’une légère rémunération. »cf Corinne Gobin (23)
Illustration de cette politique, les infirmiers tentés par le statut de psychothérapeute verront sans doute leur retraite retardée, comme cela a été le cas pour les instituteurs promus professeurs des écoles.
Pour les psychiatres : « On peut explorer la recherche de collaboration provenant de praticiens récemment retraités ».
Faire faire le travail des uns par les autres ne se fait évidemment pas aux mêmes conditions statutaires.
Il manque actuellement 30 000 psychologues cliniciens ,il manquera bientôt 5000 psychiatres.
C’est toute une chaîne, une synergie. On augmente le numerus clausus des infirmiers, on baisse celui des psychologues.
Les infirmiers praticiens, incités à se diriger vers l’activité de psychothérapeute en libéral, pourront remplacer des spécialistes et être remplacés par des personnes précarisées.
Conséquence de la «déshospitalisation», il n’y a plus besoin d’infirmier pour l’accompagnement de la vie quotidienne et collective.
Cette situation va ouvrir de vastes marchés, compris dans l’AGCS sous l’euphémisme « tourisme et hôtellerie ». La mission d’appui a des idées : « les Canadiens utilisent fréquemment dans les services de psychiatrie des agents d’ambiance qui n’exercent pas de fonction thérapeutique mais remplissent un rôle d’animation et de disponibilité au près des patients ; ceci libère d’autant les infirmiers. »
L’autre marché à développer est celui de l’aide à domicile. C’est un marché considérable et un des enjeux de la décentralisation de la santé. Ces emplois sous-qualifiés permettraient une relance économique. En Italie où la «déshospitalisation» a créé un besoin d’aide aux familles, ce travail est assumé essentiellement par des personnes clandestines qui coûtent 5 fois moins cher que les infirmiers.
3° Stimuler le marché de la formation.
La « formation » est ce qui va permettre le passage d’une compétence à l’autre. Le management encourage ces démarches et attise les revendications.
Nous allons assister à un reformatage des professions en fonction des « bonnes pratiques » protocolisées plus compatibles avec l’industrie de la santé.
Des technocrates européens déclaraient il y a peu qu’en 2004, 60% des professions demanderont moins de 4 jours de formation.
Selon le rapport Attali, « aucun diplôme universitaire n’aura plus de légitimité permanente ». Une obligation de « formation tout au long de sa vie » viendra le remplacer.
Sectes, labos, assurances et MEDEF peuvent conditionner des modes de prise en charge dites thérapeutiques qui ne pourraient être imposées à des professionnels possédant leurs « références » théoriques.
Les laboratoires trouvent désormais les services de psychiatrie ouverts pour la formation des personnels médicaux et infirmiers sans que cela ne suscite le moindre tollé. Ils viennent y faire la promotion de leurs produits.
Par le biais de la formation continue, on va donner des diplômes provisoires, adaptés à l’entreprise hôpital et au marché local de la santé mentale, via la décentralisation.
Il y a bien sûr et pour peu de temps encore des «professions réglementées», considérées comme « des obstacles au commerce ».
Comment contourner les règles de l’art ? Un exemple édifiant nous en est donné par un fax publicitaire adressé au responsable de la gestion des compétences dans les hôpitaux. Il propose une formation pour gestionnaire intitulée :
« Comprendre l’importance et les enjeux spécifiques
de la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE)
pour les établissements publics » …
- éclairer vos agents sur le sens de la certification, discerner qualification et diplôme
- l’après VAE quels sont les risques auxquels vous devrez faire face ? Comment gérer l’après-validation pour l’agent.
- éviter les risques liés aux attentes des agents que les Ressources Humaines ne pourront combler : promotion, augmentation » (!!!)
Des titres donc et « pour le reste vous repasserez … ».
L’ascenseur social marche avec de la monnaie de singe.
4° Développer le marché des psychothérapies.
Et la psychothérapie dans tout ça ? A l’aune des critères libéraux, confisquée, technicisée, médicalisée, intégrée dans des réseaux assurantiels, elle n’a plus de thérapeutique que le nom.
La psychanalyse est évincée du service public parce qu’elle est fondamentalement antinomique avec le libéralisme.
Celui-ci pousse à la liberté totale, la jouissance sans frein, la psychanalyse mise sur le manque ,la limitation nécessaire à l’inscription dans l’ordre symbolique .Elle nécessite du temps pour l’élaboration, elle produit de l’inquantifiable et elle soutient le lien social.
De ce fait, elle va se voir préférer les formations courtes, les « thérapies brèves » plus adaptées à notre société « rapide, productiviste et individualiste »..
Nous savons que cadence et rendement sont le lot des thérapeutes américains et que « La thérapie cognitive a été inventée par Aron Beck parce qu’il voyait que la psychanalyse allait devenir rapidement désuète dans le secteur public et que les compagnies d’assurances n’allaient pas rembourser les séances ».
5° Le marché de la judiciarisation et de l’assurantiel
Pas de petits profits pour le « capitaliste ». Les professionnels devront par-dessus le marché, si je puis dire, s’assurer contre les risques d’une incompétence organisée.
Par ailleurs ,l’AGCS vise la fin du service public de santé considéré comme un monopole.
La réalisation de cet accord conduit donc à la privatisation du systéme de santé et la mise en concurrence de la sécurité sociale avec les compagnies d’assurances et des prestataires de soins (concurentiels entre eux).
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Et les syndicats, comment se situent-ils par rapport à cette question de la baisse des salaires?
Corinne Gobin, politologue, explique « les extraordinaires pressions que subirent les directions de centrales syndicales réunies au sein de la Confédération Européenne des Syndicats (CES), pour les contraindre à d’adapter au libéralisme » (….) .
« … plus les syndicats font le jeu de l’emploi contre le salaire, et plus l’UE affine ses méthodes d’activation pour bien encadrer et discipliner le salariat, et l’obliger à accepter cette offre d’emplois précarisés et amputés des protections juridiques antérieures. »
CONCLUSION
i[« […] La deuxième conséquence de ce libéralisme et de cet art libéral de gouverner, c’est la formidable extension des procédures de contrôle, de contrainte, de coercition qui vont constituer comme la contrepartie et le contrepoids des libertés »]i dit Michel Foucault.
L’Accord Général sur le Commerce des Services est « démocraticide ». Il est un des masques de l’horreur économique. Rien ne fait « chair » de l’humain dans ce discours « d’experts idoines », de technocrates et de managers.
Le libéralisme, entend-on dire communément est un renard libre dans un poulailler libre. Peut-on négocier avec un renard ? Les poules ont essayé.
Novembre 2003