La lettre de Danièle Brun et Roland Gori adressée à Laurent Joffrin, direction du Nouvel Observateur
Objet : La couverture du n° 2130 et l’article qui lui fait suite : ´Faut-il en finir avec la psychanalyse ?'
Monsieur,
Le nouvel Observateur dont l’histoire est pourtant bien ancrée dans la presse de qualité et d’objectivité, se laisse aller avec la couverture et l’article princeps de son dernier numéro, à un scoop de rentrée digne des journaux à scandale qui alimentent la rumeur et distillent la propagande.
´Faut-il en finir avec la psychanalyse ? : la réponse, curieusement, est inscrite dans la question. Dans ce pseudo-débat mené sans méthode ni approche critique, et où les opinions passionnelles prennent le pas sur la discussion des idées, la psychanalyse devient une affaire de croyance. En tant qu’universitaires et psychanalystes, nous nous sommes sentis injuriés par l’article partisan d’Ursula Gauthier, article purement idéologique qui incite à une prescription sociale au nom d’une description soi-disant scientifique de la réalité.
Cet article idéologique constitue le faire valoir promotionnel des extraits du Livre noir qui diabolisent Freud et la psychanalyse. Dans ce dossier, les auteurs avancent pêle-mêle des arguments et des appréciations sans que leur démonstration soit à la hauteur des exigences scientifiques au nom desquelles ils condamnent la psychanalyse. Il ne s’agit donc pas d’un débat épistémologique mais d’un règlement de comptes.
Impossible, dans un tel article, de faire la part de l’info et de l’intox. Impossible aussi, en l’absence de toute méthodologie, d’engager un débat sur le fond, à savoir la place et le statut de la psychanalyse. Les auteurs rassemblent des éléments historiques et des arguments annihilant la portée de la psychanalyse de manière fallacieuse et en dehors de tout contexte. Ils réalisent ainsi l’imposture même dont ils accusent Freud et la psychanalyse.
C’est toujours cette même absence de méthode et de rigueur qui mène à mettre conjointement en question le bien fondé de l’enseignement de la psychanalyse à l’Université et l’appartenance à une société de psychanalyse. Le mélange règne puisque l’un, l’enseignement, est d’ordre public, officiel, expertisé tandis que l’autre, l’appartenance à une société, est contractuelle et relève d’une procédure spécifique à la formation du psychanalyste. Cet amalgame conduit la responsable du dossier à se faire, inconsidérément, la zélote des thérapies cognitivo-comportementales, et la bonne conscience médiatique du "sanitairement correct", comme au bon temps du maccarthisme.
La lecture de cet article nous invite, en tant qu’universitaires de psychopathologie clinique se référant à la psychanalyse, regroupés au sein du séminaire inter-universitaire européen de recherche et d’enseignement de la psychanalyse et de la psychopathologie (SIUEERPP), à vous interroger sur les buts que poursuit la direction du Nouvel Observateur en publiant un article contraire à la plus élémentaire objectivité et dépourvu du minimum de rigueur exigible auxquels votre journal avait habitué son lectorat.
Veuillez néanmoins croire, Monsieur, à l’expression de notre considération
Paris, le 2 septembre 2005
Objet : La couverture du n° 2130 et l’article qui lui fait suite : ´Faut-il en finir avec la psychanalyse ?'
Monsieur,
Le nouvel Observateur dont l’histoire est pourtant bien ancrée dans la presse de qualité et d’objectivité, se laisse aller avec la couverture et l’article princeps de son dernier numéro, à un scoop de rentrée digne des journaux à scandale qui alimentent la rumeur et distillent la propagande.
´Faut-il en finir avec la psychanalyse ? : la réponse, curieusement, est inscrite dans la question. Dans ce pseudo-débat mené sans méthode ni approche critique, et où les opinions passionnelles prennent le pas sur la discussion des idées, la psychanalyse devient une affaire de croyance. En tant qu’universitaires et psychanalystes, nous nous sommes sentis injuriés par l’article partisan d’Ursula Gauthier, article purement idéologique qui incite à une prescription sociale au nom d’une description soi-disant scientifique de la réalité.
Cet article idéologique constitue le faire valoir promotionnel des extraits du Livre noir qui diabolisent Freud et la psychanalyse. Dans ce dossier, les auteurs avancent pêle-mêle des arguments et des appréciations sans que leur démonstration soit à la hauteur des exigences scientifiques au nom desquelles ils condamnent la psychanalyse. Il ne s’agit donc pas d’un débat épistémologique mais d’un règlement de comptes.
Impossible, dans un tel article, de faire la part de l’info et de l’intox. Impossible aussi, en l’absence de toute méthodologie, d’engager un débat sur le fond, à savoir la place et le statut de la psychanalyse. Les auteurs rassemblent des éléments historiques et des arguments annihilant la portée de la psychanalyse de manière fallacieuse et en dehors de tout contexte. Ils réalisent ainsi l’imposture même dont ils accusent Freud et la psychanalyse.
C’est toujours cette même absence de méthode et de rigueur qui mène à mettre conjointement en question le bien fondé de l’enseignement de la psychanalyse à l’Université et l’appartenance à une société de psychanalyse. Le mélange règne puisque l’un, l’enseignement, est d’ordre public, officiel, expertisé tandis que l’autre, l’appartenance à une société, est contractuelle et relève d’une procédure spécifique à la formation du psychanalyste. Cet amalgame conduit la responsable du dossier à se faire, inconsidérément, la zélote des thérapies cognitivo-comportementales, et la bonne conscience médiatique du "sanitairement correct", comme au bon temps du maccarthisme.
La lecture de cet article nous invite, en tant qu’universitaires de psychopathologie clinique se référant à la psychanalyse, regroupés au sein du séminaire inter-universitaire européen de recherche et d’enseignement de la psychanalyse et de la psychopathologie (SIUEERPP), à vous interroger sur les buts que poursuit la direction du Nouvel Observateur en publiant un article contraire à la plus élémentaire objectivité et dépourvu du minimum de rigueur exigible auxquels votre journal avait habitué son lectorat.
Veuillez néanmoins croire, Monsieur, à l’expression de notre considération
Paris, le 2 septembre 2005