A propos de l’Article 18 quater du projet de Loi de Santé publique.
Depuis plusieurs années les psychologues voient avec inquiétude se développer, chez les experts devant éclairer le débat public, une partialité en faveur d’une psychologie placée sous tutelle de la médecine et des hypothèses des neurosciences.
Ainsi, des organismes nationaux tels l’Institut National de la Santé et de la Recherche médicale ou l’Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé privilégient quasi-exclusivement un champ de la recherche et ses outils d’étude particuliers : les Thérapies Cognitives et Comportementales.
A cet égard, nous demandons aux pouvoirs publics de veiller au respect de la pluralité des pratiques et des conceptions théoriques, sans prendre parti dans ce qui doit rester un débat scientifique.
C’est dans ce contexte que le Parlement s’est engagé dans la voie d’une réglementation des pratiques psychothérapeutiques visant l’information et la protection du public.
L’InterCoPsychos constate qu’en l’état actuel du débat, et à la veille du vote de l’Article 18 quater de la Loi de Santé publique, l’amendement issu de la navette parlementaire qui va être proposé au vote des Sénateurs ne représente pas une solution satisfaisante. Le seul fait qu’il donne lieu d’ores et déjà à des interprétations contradictoires démontre que le débat n’est pas arrivé au terme qui permettrait qu’un texte lisible et applicable puisse être soumis au vote, puis mis en œuvre par les professionnels concernés.
Sur ces questions, d’une part, nous observons que les pratiques psychothérapeutiques incluent les psychothérapies mais ne s’y réduisent pas. Prévoir des formations qui permettraient de conduire des psychothérapies, au sens restreint, rétrécirait considérablement les aptitudes psychothérapeutiques, en les cantonnant à l’intérieur de simples techniques. La qualité de nos interventions auprès du public en serait profondément altérée.
D’autre part nous considérons que la création d’un titre unique de psychothérapeute recouvrant des professions (psychologues, psychiatres, psychanalystes, psychothérapeutes), des orientations, et des actions très diverses, ne ferait qu’amplifier le manque de clarté pour le public jusqu’à une confusion qui serait pire que la situation antérieure. Au surplus, la création d’un registre national des psychothérapeutes constitué par les DDASS inscrirait cette pratique dans les professions paramédicales, ce qui est inacceptable. Car la psychologie fait partie des sciences humaines. Elle ne saurait être placée ni conçue sous la tutelle de la médecine sans s’en trouver profondément dénaturée. Si cette donnée fondamentale n’est pas respectée cela conduira à priver le public d’un abord qu’il connaît et dont il montre qu’il sait user.
Mettre en place une réglementation de ce qui touche le plus intime et donc le plus précieux pour chacun, appelle la mesure et mérite une réflexion qui éclaire les enjeux, prenne en considération la complexité et la subtilité de ces matières. Il n’est pas sûr d’ailleurs qu’une loi soit le meilleur moyen d’aboutir au résultat recherché. Si nous convenons de la nécessité de mettre en œuvre un encadrement des pratiques psychothérapeutiques, nous affirmons qu’il n’y a aucune urgence à légiférer en la matière. Un débat préalable est nécessaire qui devrait porter sur le fond de la question. S’il s’agit de garantir la sécurité du public, il ne faudrait pas prendre de mesures qui pourraient s’avérer contre-productives.
Or, deux propositions qui permettraient cette réflexion ont été émises par des parlementaires dans les débats. Nous les soutenons.
D’une part, le report du vote, avec la création d’une mission d’information, qui ferait porter la responsabilité des futurs choix à la représentation nationale. Cette mission pourrait valablement auditionner les professionnels concernés et proposer un texte adapté à la réalité du terrain et des pratiques.
D’autre part la proposition d’amendement du Sénateur Adrien Gouteyron, qui fait porter cette responsabilité aux professionnels eux-mêmes en leur donnant la charge, dans un Conseil collégial, d’observer les pratiques en question et d’émettre des recommandations aux professionnels et des avis pour les pouvoirs publics et la représentation nationale.
En ce qui concerne spécifiquement les psychologues nous rappelons que le titre de psychologue est déjà protégé par la loi depuis 1985, et que l’activité hospitalière des psychologues est définie par le décret n° 91-129 du 31 janvier 1991 portant statut particulier des psychologues de la Fonction Publique hospitalière stipulant en particulier : “ Ils contribuent à la détermination, à l'indication et à la réalisation d'actions préventives et curatives assurées par les établissements et collaborent à leurs projets thérapeutiques ou éducatifs tant sur le plan individuel qu'institutionnel.” Il n’y a donc pas lieu de légiférer davantage.
Enfin, nous indiquons que notre profession a, depuis 1996, avancé des propositions déontologiques permettant l’information et la protection du public. Parmi celles-ci (Code de déontologie des psychologues, TITRE I - PRINCIPES GÉNÉRAUX, 2/ Compétence) : “ Le psychologue tient ses compétences de connaissances théoriques régulièrement mises à jour, d'une formation continue et d'une formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d'autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières et définit ses limites propres, compte tenu de sa formation et de son expérience. Il refuse toute intervention lorsqu'il sait ne pas avoir les compétences requises. ”
Pour toutes ces raisons nous prions instamment les Sénateurs de ne pas céder au sentiment de précipitation et d’adopter une disposition qui permette que le débat soit mené jusqu’à l’adoption d’un solution équilibrée.
L’InterCoPsychos restera présent et disposé à contribuer à une réflexion et des décisions qui allient protection du public et qualité des actions de notre profession auprès de lui.
InterCoPsychos (Inter-Collectifs de psychologues)
4 juillet 2004
Depuis plusieurs années les psychologues voient avec inquiétude se développer, chez les experts devant éclairer le débat public, une partialité en faveur d’une psychologie placée sous tutelle de la médecine et des hypothèses des neurosciences.
Ainsi, des organismes nationaux tels l’Institut National de la Santé et de la Recherche médicale ou l’Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé privilégient quasi-exclusivement un champ de la recherche et ses outils d’étude particuliers : les Thérapies Cognitives et Comportementales.
A cet égard, nous demandons aux pouvoirs publics de veiller au respect de la pluralité des pratiques et des conceptions théoriques, sans prendre parti dans ce qui doit rester un débat scientifique.
C’est dans ce contexte que le Parlement s’est engagé dans la voie d’une réglementation des pratiques psychothérapeutiques visant l’information et la protection du public.
L’InterCoPsychos constate qu’en l’état actuel du débat, et à la veille du vote de l’Article 18 quater de la Loi de Santé publique, l’amendement issu de la navette parlementaire qui va être proposé au vote des Sénateurs ne représente pas une solution satisfaisante. Le seul fait qu’il donne lieu d’ores et déjà à des interprétations contradictoires démontre que le débat n’est pas arrivé au terme qui permettrait qu’un texte lisible et applicable puisse être soumis au vote, puis mis en œuvre par les professionnels concernés.
Sur ces questions, d’une part, nous observons que les pratiques psychothérapeutiques incluent les psychothérapies mais ne s’y réduisent pas. Prévoir des formations qui permettraient de conduire des psychothérapies, au sens restreint, rétrécirait considérablement les aptitudes psychothérapeutiques, en les cantonnant à l’intérieur de simples techniques. La qualité de nos interventions auprès du public en serait profondément altérée.
D’autre part nous considérons que la création d’un titre unique de psychothérapeute recouvrant des professions (psychologues, psychiatres, psychanalystes, psychothérapeutes), des orientations, et des actions très diverses, ne ferait qu’amplifier le manque de clarté pour le public jusqu’à une confusion qui serait pire que la situation antérieure. Au surplus, la création d’un registre national des psychothérapeutes constitué par les DDASS inscrirait cette pratique dans les professions paramédicales, ce qui est inacceptable. Car la psychologie fait partie des sciences humaines. Elle ne saurait être placée ni conçue sous la tutelle de la médecine sans s’en trouver profondément dénaturée. Si cette donnée fondamentale n’est pas respectée cela conduira à priver le public d’un abord qu’il connaît et dont il montre qu’il sait user.
Mettre en place une réglementation de ce qui touche le plus intime et donc le plus précieux pour chacun, appelle la mesure et mérite une réflexion qui éclaire les enjeux, prenne en considération la complexité et la subtilité de ces matières. Il n’est pas sûr d’ailleurs qu’une loi soit le meilleur moyen d’aboutir au résultat recherché. Si nous convenons de la nécessité de mettre en œuvre un encadrement des pratiques psychothérapeutiques, nous affirmons qu’il n’y a aucune urgence à légiférer en la matière. Un débat préalable est nécessaire qui devrait porter sur le fond de la question. S’il s’agit de garantir la sécurité du public, il ne faudrait pas prendre de mesures qui pourraient s’avérer contre-productives.
Or, deux propositions qui permettraient cette réflexion ont été émises par des parlementaires dans les débats. Nous les soutenons.
D’une part, le report du vote, avec la création d’une mission d’information, qui ferait porter la responsabilité des futurs choix à la représentation nationale. Cette mission pourrait valablement auditionner les professionnels concernés et proposer un texte adapté à la réalité du terrain et des pratiques.
D’autre part la proposition d’amendement du Sénateur Adrien Gouteyron, qui fait porter cette responsabilité aux professionnels eux-mêmes en leur donnant la charge, dans un Conseil collégial, d’observer les pratiques en question et d’émettre des recommandations aux professionnels et des avis pour les pouvoirs publics et la représentation nationale.
En ce qui concerne spécifiquement les psychologues nous rappelons que le titre de psychologue est déjà protégé par la loi depuis 1985, et que l’activité hospitalière des psychologues est définie par le décret n° 91-129 du 31 janvier 1991 portant statut particulier des psychologues de la Fonction Publique hospitalière stipulant en particulier : “ Ils contribuent à la détermination, à l'indication et à la réalisation d'actions préventives et curatives assurées par les établissements et collaborent à leurs projets thérapeutiques ou éducatifs tant sur le plan individuel qu'institutionnel.” Il n’y a donc pas lieu de légiférer davantage.
Enfin, nous indiquons que notre profession a, depuis 1996, avancé des propositions déontologiques permettant l’information et la protection du public. Parmi celles-ci (Code de déontologie des psychologues, TITRE I - PRINCIPES GÉNÉRAUX, 2/ Compétence) : “ Le psychologue tient ses compétences de connaissances théoriques régulièrement mises à jour, d'une formation continue et d'une formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d'autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières et définit ses limites propres, compte tenu de sa formation et de son expérience. Il refuse toute intervention lorsqu'il sait ne pas avoir les compétences requises. ”
Pour toutes ces raisons nous prions instamment les Sénateurs de ne pas céder au sentiment de précipitation et d’adopter une disposition qui permette que le débat soit mené jusqu’à l’adoption d’un solution équilibrée.
L’InterCoPsychos restera présent et disposé à contribuer à une réflexion et des décisions qui allient protection du public et qualité des actions de notre profession auprès de lui.
InterCoPsychos (Inter-Collectifs de psychologues)
4 juillet 2004