1 - Le sophrologue pourra « sophroniser » dès lors qu’il n’emploiera pas le mot »psychothérapie ». Il pourra s'occuper de l’endeuillé, personne n’ira vérifier que cet endeuillé n’est pas aussi mélancolique. Idem pour la psychanalyse.
La médicalisation de la psychothérapie s ‘appuie sur le motif de la protection du public sans qu’il y ait la moindre certitude que cette protection sera assurée. On recueille donc un double inconvénient :
la médicalisation assurée
la protection du public incertaine.
2 - Les « troubles mentaux »
On a su qu’ils désignent les psychoses et sont l’expression de cette médicalisation. Or, elle confond psychopathologie et psychiatrie. Une énurésie chez l’enfant ou une boulimie ne sont pas des troubles mentaux. On protège le public au prix d’une erreur. Autres rédactions possibles :
troubles psychiques
troubles psychiatriques et psychologiques
troubles psychopathologiques et psychologiques,
si on renonce à « souffrance psychique »,qui peut paraître trop englobant.
3-Un décret : la liste des critères pour identifier une méthode psychothérapique.
Le risque est celui d’une bureaucratisation psychologique, médicale, gestionnaire (pour assurances et directions) en vue de l’établissement d’un catalogue des « bonnes pratiques » pour l’évaluation (et donc l’argent).
La psychothérapie est réduite, pour des raisons gestionnaires et calculatrices à un « état de choses « pré-emballé, existant en soi, au détriment du processus, impossible à anticiper. Il n’y a de psychothérapie qu’en acte.
4-Renoncer au terme de « para-médicalisation », devenu embrouillé avec la parution de nombreux rapports : ils cherchent à créer de nouveaux corps soignants qui soient plus que les classiques para-médicaux et moins que les corps médicaux. Afin de répondre aux besoins et demandes sanitaires de la masse.
Dire plutôt « indépendance professionnelle ».Celle-ci n’est pas garantie par un code de déontologie (les para-médicaux en ont un), pas garantie non plus par la rédaction actuelle de l’amendement ACCOYER : la « mise en œuvre » (application) d’une méthode psychothérapique. D’où une formule telle que « dans l’indépendance de leurs actes professionnels les psychologues déterminent, etc… »
La loi ACCOYER ne marche pas toute seule. Elle serait combinée et hiérarchisée par les tribunaux et la jurisprudence, aux autres textes existants, en particulier l’article L.372 du code de la santé relatif à l’exercice illégal de la médecine, probablement plus puissant juridiquement. Mais va-t-on enfin rechercher un avis juridique éclairé et compétent sur ce point ?
Un indice qui montre que l’on n’a pas envie de mettre les psychologues « au niveau » des médecins (la parité, quelle parité ?) : le rejet de la formation à BAC+8. Mais,à terme, des corps de santé à BAC+5, jugés « suffisants » . La non-reconnaissance du fait que la formation effective des psychologues dépasse déjà BAC+8 et qu’elle ne se traduit pas dans la rémunération. Donc que les professionnels financent eux-mêmes leur formation !
6-Des défis à l’épistémologie et à l’éthique des psychologues.
Les commentaires de M.ACCOYER montrent la confusion qu’il fait entre la psychopathologie et la psychothérapie. Que le « travail sur soi » c’est bon « pour les psychanalystes ».
Ce rabattement sur une conception médicale des plus étroites est proposé comme une solution « moderne » à de nouveaux problèmes :une gestion de masse de la souffrance (la « souffrance sociale »). Est recherchée une nouvelle ligne de démarcation, une « part du feu »,au prix toutefois de nouvelles contradictions(la réponse par une vieille médecine, d’avant la psychanalyse, repli identitaire), qu’un corps de « psychotechniciens » aurait pour mission d’ajuster et de normer : moderniser le codage médical du contrôle social. D’où ce passage obligé par le médical, que nous sommes chargés de faire évoluer mais en sauvegardant les canons de base du médical. Devons-nous substituer le psychologique au médical, faire du « médico-psychologique » ? On nous pousse à une alliance qui ressemble à une subordination. Subordination moins à un corps de personnes qu’à une logique médicale et gestionnaire et à ses dérives scientistes.
Conclusion
Est recherché un compromis entre l’efficacité gestionnaire supposée (portée traditionnellement par le repérage médical) et la vérité propre au champ et à la question psychothérapiques. La loi positive a des effets symboliques (cf.P.Legendre),elle aussi des effets funestes, et la ligne de partage entre les deux peut être ténue. La difficulté est de ne pas confondre norme et loi. Nos disciplines ,tout particulièrement, se prêtent à une proximité incestueuse entre loi positive et loi symbolique.
Le 1er décembre 2003
Gérard FOURCHER