Monsieur le Sénateur,
Eu égard à vos compétences et responsabilités au Sénat, en ma qualité de Président de l'Ecole de Nancy pour la psychanalyse, je me permets d'attirer votre attention sur l'amendement dit "Accoyer", visant à la réglementation des psychothérapies et y incluant la psychanalyse. Il nous paraît, en effet, regrettable que cet amendement ait été voté par les députés sans discussion et sans concertation préalable avec les professionnels concernés. En traitant la psychothérapie et la psychanalyse comme des techniques qui pourraient être prescrites, comme un antibiotique ou comme des séances de kinésithérapie (par des médecins qui n'ont, au demeurant, qu'une information succincte en la matière), cet amendement méconnaît la spécificité d'une démarche qui, pour produire ses effets, suppose d'être engagée à la demande de celui qui s'y propose et soutenue par lui. Comment, en effet, une entreprise qui vise à la responsabilité du sujet pourrait-elle être engagée sans son adhésion, voire contre son gré ? A défaut d'un investissement psychologique, nous le constatons régulièrement avec les patients soumis à une "obligation de soins" (délinquants, toxicomanes…), ou avec les adolescents ou enfants amenés contraints et forcés par leurs parents, si une démarche ne peut pas être reprise à son propre compte par l'intéressé, elle est au mieux inutile, au pire nuisible et, néanmoins coûteuse, lorsqu'elle fait l'objet d'un remboursement par l'assurance maladie.
De même, la restriction de leur exercice aux seuls médecins psychiatres et aux psychologues cliniciens méconnaît le fait qu'il relève d'une formation spécifique, incluant le fait de s'être soi-même soumis, longuement, à la méthode que l'on entend pratiquer, formation non dispensée, et non dispensable par l'université. De plus, concernant la psychanalyse, il a toujours paru nécessaire aux psychanalystes, et d'abord au fondateur de la psychanalyse qui était médecin, de permettre à des "profanes" de se former et d'exercer, afin précisément d'éviter que la psychanalyse ne devienne une technique planifiée, mais garde, au contraire, par cette ouverture, sa vivacité et son inventivité. C'est le cas, actuellement, pour ces analystes "profanes" qui se forment, comme les autres, longuement et de façon continue, dans les associations et groupes d'analystes, organismes sans but lucratif, il est utile de le préciser. A titre d'exemple, notre école, locale, organise, en soirée, neuf séminaires mensuels ou bimensuels, pour une cinquantaine de participants dont la très grande majorité, il faut également le préciser, possède les titres requis par l'amendement "Accoyer". Il ne s'agit donc aucunement pour nous de la défense d'intérêts personnels ou corporatistes menacés mais bien de maintenir, dans la cité, un espace pour le sujet.
Quant à la protection du public, dont nous avons la préoccupation, notre clientèle n'étant pas constituée par la prescription mais fondée sur le bouche à oreille et la recommandation, il s'avère que ceux qui n'ont pas acquis la reconnaissance par leurs pairs ne parviennent pas à s'établir durablement. Comme le soulignait déjà Freud, les éventuels charlatans nuisent plus à la psychanalyse qu'à leurs patients qui ne sont pas dupes longtemps et n'engagent pas, en général, une telle démarche sans s'être sérieusement informés. S'agissant enfin des dérives sectaires dont il a été fait état, chacun sait que la possession de diplômes ne constitue en rien une garantie.
Pour ces raisons, nous souhaiterions qu'une réflexion approfondie avec les professionnels soit menée avant toute réglementation définitive.Et si une telle réglementation apparaissait comme indispensable aux parlementaires, il nous semble qu'elle devrait laisser hors de son champ la psychanalyse, qui n'est pas une psychothérapie, de façon à en permettre l'accès à ceux qui, en raison d'un parcours personnel, professionnel, les ayant confrontés à la souffrance psychologique ont été conduits à une analyse personnelle qui les a mis en position de souhaiter devenir psychanalyste et s'en donner la formation. A charge pour les associations d'analystes d'en assumer la responsabilité.
Espérant vous avoir sensibilisé à cette question qui doit être soumise en janvier prochain à votre assemblée, je vous prie de recevoir, Monsieur le Sénateur l'expression de mon plus profond respect.
Norbert Bon
Président de l'Ecole de Nancy pour la psychanalyse
Psychanalyste, psychologue clinicien, Docteur en psychologie
Chargé d'enseignement à l'université de Nancy 2
Nancy, le 4 décembre 2003
Eu égard à vos compétences et responsabilités au Sénat, en ma qualité de Président de l'Ecole de Nancy pour la psychanalyse, je me permets d'attirer votre attention sur l'amendement dit "Accoyer", visant à la réglementation des psychothérapies et y incluant la psychanalyse. Il nous paraît, en effet, regrettable que cet amendement ait été voté par les députés sans discussion et sans concertation préalable avec les professionnels concernés. En traitant la psychothérapie et la psychanalyse comme des techniques qui pourraient être prescrites, comme un antibiotique ou comme des séances de kinésithérapie (par des médecins qui n'ont, au demeurant, qu'une information succincte en la matière), cet amendement méconnaît la spécificité d'une démarche qui, pour produire ses effets, suppose d'être engagée à la demande de celui qui s'y propose et soutenue par lui. Comment, en effet, une entreprise qui vise à la responsabilité du sujet pourrait-elle être engagée sans son adhésion, voire contre son gré ? A défaut d'un investissement psychologique, nous le constatons régulièrement avec les patients soumis à une "obligation de soins" (délinquants, toxicomanes…), ou avec les adolescents ou enfants amenés contraints et forcés par leurs parents, si une démarche ne peut pas être reprise à son propre compte par l'intéressé, elle est au mieux inutile, au pire nuisible et, néanmoins coûteuse, lorsqu'elle fait l'objet d'un remboursement par l'assurance maladie.
De même, la restriction de leur exercice aux seuls médecins psychiatres et aux psychologues cliniciens méconnaît le fait qu'il relève d'une formation spécifique, incluant le fait de s'être soi-même soumis, longuement, à la méthode que l'on entend pratiquer, formation non dispensée, et non dispensable par l'université. De plus, concernant la psychanalyse, il a toujours paru nécessaire aux psychanalystes, et d'abord au fondateur de la psychanalyse qui était médecin, de permettre à des "profanes" de se former et d'exercer, afin précisément d'éviter que la psychanalyse ne devienne une technique planifiée, mais garde, au contraire, par cette ouverture, sa vivacité et son inventivité. C'est le cas, actuellement, pour ces analystes "profanes" qui se forment, comme les autres, longuement et de façon continue, dans les associations et groupes d'analystes, organismes sans but lucratif, il est utile de le préciser. A titre d'exemple, notre école, locale, organise, en soirée, neuf séminaires mensuels ou bimensuels, pour une cinquantaine de participants dont la très grande majorité, il faut également le préciser, possède les titres requis par l'amendement "Accoyer". Il ne s'agit donc aucunement pour nous de la défense d'intérêts personnels ou corporatistes menacés mais bien de maintenir, dans la cité, un espace pour le sujet.
Quant à la protection du public, dont nous avons la préoccupation, notre clientèle n'étant pas constituée par la prescription mais fondée sur le bouche à oreille et la recommandation, il s'avère que ceux qui n'ont pas acquis la reconnaissance par leurs pairs ne parviennent pas à s'établir durablement. Comme le soulignait déjà Freud, les éventuels charlatans nuisent plus à la psychanalyse qu'à leurs patients qui ne sont pas dupes longtemps et n'engagent pas, en général, une telle démarche sans s'être sérieusement informés. S'agissant enfin des dérives sectaires dont il a été fait état, chacun sait que la possession de diplômes ne constitue en rien une garantie.
Pour ces raisons, nous souhaiterions qu'une réflexion approfondie avec les professionnels soit menée avant toute réglementation définitive.Et si une telle réglementation apparaissait comme indispensable aux parlementaires, il nous semble qu'elle devrait laisser hors de son champ la psychanalyse, qui n'est pas une psychothérapie, de façon à en permettre l'accès à ceux qui, en raison d'un parcours personnel, professionnel, les ayant confrontés à la souffrance psychologique ont été conduits à une analyse personnelle qui les a mis en position de souhaiter devenir psychanalyste et s'en donner la formation. A charge pour les associations d'analystes d'en assumer la responsabilité.
Espérant vous avoir sensibilisé à cette question qui doit être soumise en janvier prochain à votre assemblée, je vous prie de recevoir, Monsieur le Sénateur l'expression de mon plus profond respect.
Norbert Bon
Président de l'Ecole de Nancy pour la psychanalyse
Psychanalyste, psychologue clinicien, Docteur en psychologie
Chargé d'enseignement à l'université de Nancy 2
Nancy, le 4 décembre 2003