Ecrit pour la rencontre de réflexion du 15 novembre 2003 sur le thème
« PROMOUVOIR LA PSYCHOLOGIE DANS LA CITE »
EXERCICE DE LA PSYCHOTHERAPIE
Virginie ORSONI
Psychologue
Préambule
A/ DEFINITION
B/ MISSIONS
C/ COMPETENCES / SPECIFICITE
D/ FORMATION
E/ EXERCICE DE LA NEUROPSYCHOLOGIE
F/ CONCLUSION
B[Préambule :]B
CONSTAT
¨ L’augmentation des pathologies neuro-vasculaires et des maladies neuro-dégénératives génèrent une demande croissante de psychologues dans le domaine de la neuropsychologie.
¨ La création récente de consultations spécialisées en est le symptôme. Or, les hôpitaux et les structures de soins diverses sont saturés de demandes : le délai des rendez-vous s’allonge.
¨ Les usagers hésitent à faire appel aux libéraux pour un bilan neuropsychologique initial, (ce qui désengorgerait les structures publiques) ce dernier n’étant pas remboursé.
¨ En ce qui concerne la prise en charge, suite logique et indispensable du bilan neuropsychologique, elle n’est possible qu’en hospitalisation. Or, on sait que la prise en charge d’une pathologie neurologique peut durer plusieurs années, en fonction des atteintes considérées.
¨ Il convient donc de prolonger les séances en ville avec les mêmes exigences de qualité pour l’usager que celles garanties par l’hôpital.
¨ Ce n’est pas le cas actuellement : le non-remboursement des psychologues intervenant en neuropsychologie et corrélativement leur nombre très restreint en Ile de France ne permet pas de satisfaire les demandes de prise en charge des pathologies cérébrales.
¨ Par ailleurs, on constate que cette béance engendre un glissement vers d’autres professionnels ne possédant pas la compétence spécifique des psychologues et souvent déjà débordés dans leur propre rôle (orthophonistes, ergothérapeutes, neurologues, gériatres).
Ce dossier a pour vocation de présenter la spécificité de la prise en charge du psychologue intervenant dans le champs de la neuropsychologie et les garanties qu’il apporte à l’usager de par sa formation. Nous définirons donc, après une définition de la neuropsychologie, les particularités des interventions du psychologue dans ce domaine, sa formation, sa spécificité et ses missions principales.
A/ DEFINITION DE LA NEUROPSYCHOLOGIE :
La neuropsychologie est l’étude des dysfonctionnements cognitifs, comportementaux et émotionnels sous tendus par des lésions cérébrales.
Le psychologue en neuropsychologie étudie ces perturbations cognitives et fait la part entre les perturbations d’origine neurologique et la structure de personnalité antérieure.
B/ MISSIONS :
1° Contribution à l’élaboration du projet de soin :
Le bilan neuropsychologique, effectué par un psychologue est nécessairement d’ordre psychopathologique et permet d’analyser les répercussions cognitives, comportementales et psychiques des pathologies cérébrales, et de préciser les capacités préservées dans le cadre d’un projet thérapeutique global.
L’analyse des fonctions cognitives concerne les capacités de raisonnement, d’attention, de conceptualisation et d’adaptation, de la mémoire, des capacités visuo-spatiales, et inclut la recherche de déficits instrumentaux : langage, gestes, troubles perceptifs.
A partir de ces données, un diagnostic plus affiné peut être posé, des stratégies de prise en charge individuelle ou de groupe peuvent être proposées. Une chimiothérapie adaptée peut être préconisée ou réajustée (dépression, anxiété, troubles du comportement).
Le bilan neuropsychologique contribue :
. au dépistage précoce de certaines pathologies dégénératives,
. au diagnostic différentiel entre différentes pathologies, par exemple vieillissement pathologique/normal, dépression,
. à l’expertise de réparation du dommage corporel,
. à l’évaluation de techniques médicales, chirurgicales (par exemple, conséquences des exérèses) et à l’évaluation des effets des stratégies de réhabilitation.
Il appartient au psychologue:
De concevoir l’évaluation de ces troubles en déterminant les outils et les méthodes les plus appropriés en fonction de la situation clinique et du contexte socio-culturel,
d’en interpréter les résultats en fonction de l’impact psychique du (des) trouble(s) cognitif(s),
de les communiquer aux personnes concernées dans le respect de du Code de déontologie des psychologues et de la loi sur le droit des malades (1) (2).
2° La prise en charge :
Auprès du patient :
La prise en charge neuropsychologique, à partir des données fournies par le bilan, a pour objectif de restaurer autant que faire se peut l’autonomie psychique, sociale et professionnelle du patient.
Elle repose sur l’élaboration et l’application de stratégies et de techniques particulières auxquelles lesdits psychologues sont formés, permettant de maintenir les capacités préservées mais non utilisées ou tout au moins de réduire les désordres cognitifs et affectifs.
Auprès de la famille et des soignants :
Le psychologue spécialisé en neuropsychologie effectue une prise en charge à visée d’information, de conseil, d’accompagnement et de soutien auprès de l’entourage familial, professionnel ou scolaire du patient.
3° Diffusion des connaissances
Le psychologue a une fonction de recherche et d’enseignement qui implique de la participation :
au développement et à la diffusion des connaissances et des techniques dans le champs de la neuropsychologie, par exemple adaptation de procédures diagnostiques et thérapeutiques, communication de résultats, etc…
à la formation et l’information des étudiants, d’autres professionnels intervenant dans ce champs (médecins, orthophonistes, ergothérapeutes…) et du public.
C/ SPECIFICITES :
Le psychologue qui décide de consacrer sa pratique au champs de la neuropsychologie apporte comme garantie :
à la connaissance des pathologies neurologiques et des grands syndromes neuropsychologiques,
à la connaissance des théories de la psychologie cognitive afin d’analyser les facteurs sous-tendant les perturbations des fonctions cognitives, d’élaborer des méthodes de soutien de ces fonctions (par exemple de la mémoire), et d’optimiser les capacités préservées.
à la connaissance de la méthodologie de la psychologie clinique d’une part, commune aux psychologues : entretien clinique, (psychopathologie, analyse du discours, de la demande) et celle du bilan neuropsychologique : formation à la passation et à l’interprétation de questionnaires et de tests standardisés et d’épreuves neuropsychologiques cliniques. Ces méthodes sont issues de différents courants théoriques : psychologie cognitive, psychologie différentielle, psychologie du développement, psychologie pathologique, neuropsychologie.
L’utilisation et l’interprétation des tests, conformément au Code de déontologie des psychologues reposent :
. d’une part sur la connaissance des modèles théoriques ayant présidé à l’élaboration de ces outils,
. d’autre part sur la formation en psychométrie, qui apporte la connaissance des caractéristiques métrologiques des tests (critères de validité, fidélité, sensibilité et spécificité, étalonnage, analyse factorielle) permettant le choix du test approprié et l’interprétation pertinente des résultats.
à La connaissance des théories du fonctionnement psychique normal et pathologique. Le diagnostic différentiel organique et/ou psychiatrique nécessite une formation approfondie en psychopathologie : savoir décrypter les symptômes provenant du registre psychopathologique et neurologique.
à La connaissance des méthodes d’intervention individuelles ou de groupe et de l’environnement médico-social.
D/ FORMATION :
la formation initiale :
o elle consiste en un cursus de psychologie (Deug, Licence, Maîtrise de psychologie) qui comprend en plus de la formation en psychologie générale et clinique, des modules de :
§ psychopathologie
§ psychologie cognitive
§ neuro-anatomie, neurophysiologie
la formation professionnalisante :
Elle consiste en l’obtention d’un DESS de psychologie Clinique et Pathologique avec option Neuropsychologie comprenant la rédaction d’un mémoire et un stage dans un service spécialisé encadré par un psychologue. (3)
Le programme d’une formation comprend :
- les connaissances théoriques et pratiques nécessaires à la compréhension des mécanismes neuropsychologiques,
- Syndromes cliniques : héminégligence, syndrome frontal, syndrome calleux, syndrome amnésique, autres syndromes corticaux et sous-corticaux, démences
- Neuropsychologie cognitive de l’adulte et de l’enfant
- Neuropsychologie du vieillissement
- Méthodologie du bilan neuropsychologique : entretien, tests, synthèses, interprétation, rédaction des comptes-rendus
- Interventions psychothérapeutiques : techniques de réhabilitation (traditionnelles et informatisées), utilisation d’aides externes, thérapies, stratégies de communication auprès des proches
Exemple de quatre DESS :
« DESS de psychologie gérontologique, mention neuropsychologie » Université de CAEN, UFR des Sciences de la vie et du comportement,
« DESS de psychologique clinique et pathologique, mention neuropsychologie » Université René Descartes, PARIS V,
DESS psychologie clinique et pathologique mention neuropsychologie, pathologies acquises et développementales des fonctions cognitives » Université de Savoie, CHAMBERY
DESS de Psychologie de la Personne Déficiente : aspects neuropsychologiques et développementaux du fonctionnement cognitif, AMIENS
Ces DESS reçoivent également des étudiants en formation permanente.
Par ailleurs, la neuropsychologie est enseignée au sein de modules de DESS (exemple : le DESS de Psychologie Clinique et Pathologique de Paris V possède un module optionnel de neuropsychologie). Certains D.U. dispensent également un enseignement général en neuropsychologie destinés à des professionnels divers et ne permettant pas à eux seuls de pratiquer « la neuropsychologie » (le D.U. de Neuropsychologie de Paris VI par exemple). Il en existe d’autres.
La formation continue :
A / La formation continue à l’hôpital, destinée à tous les agents du service hospitalier
B/ pour les psychologues, elle est incluse dans leur temps de travail : le tiers temps « F.I.R. », (Formation, Information, Recherche ). (exemple pour 35h00 (100%) de travail par semaine : 11h50 de temps de travail F.I.R. et 23h50 de travail clinique. (4).
Dans la pratique, le temps de travail FIR est consacré aux intérêts professionnels du psychologue, en concordance avec le travail clinique, donc corrélativement en lien direct avec les orientations du ou des services dans lesquels il travaille.
E/ EXERCICE DE LA NEUROPSYCHOLOGIE :
La neuropsychologie clinique s’exerce dans le cadre :
de structures de soins : hôpitaux, centres de rééducation
de structures médico-sociales (UEROS)
en activité libérale
Le titre de psychologue est un titre unique protégé par la loi (1985), et donc ne relève pas du seul domaine de la Santé. Ainsi, même s’il est spécialisé en neuropsychologie, il ne fait pas partie des professions de Santé définies au code de la Santé : médecins, sage-femmes et para-médicaux : infirmières, ergothérapeutes…Son rôle majeur est la contribution à la prise en charge par un ou des avis dans le cadre de la mission qui lui est confiée.
Le psychologue exerçant dans le champs de la neuropsychologie peut intervenir auprès de patients présentant :
des pathologies neurologiques : accidents vasculaires cérébraux, tumeurs cérébrales, traumatismes crânio-encéphaliques, maladies infectieuses et dégénératives (démences, maladie d’Alzheimer et syndromes apparentés, sclérose en plaques), épilepsie…
des pathologies psychiatriques : schizophrénie, dépression…
dans le champs pédiatrique : troubles de l’apprentissage, de l’attention/concentration.
F/ CONCLUSION
LES GARANTIES OFFERTES AUX USAGERS PAR LE PSYCHOLOGUE INTERVENANT DANS LE CHAMPS DE LA NEUROPSYCHOLOGIE :
SES PARTICULARITES
Nous rappelons que la loi de 1985 (5) a été proposée et promulguée afin de garantir un maximum de garanties pour les usagers (voir les débats parlementaires qui l’accompagnent)
Le psychologue apporte d’autres garanties qui sont plus particulières à la prise en charge dans ce champs, acquises en premier lieu à travers la formation universitaire et notamment :
¨ Les connaissances en neuro-anatomie inférences sur la possibilité d’autres troubles engendrés par sa diffusion.
¨ La connaissance des pathologies neurologiques et la spécificité des symptômes neuropsychologiques qui y sont traditionnellement associés, afin d’émettre des hypothèses diagnostiques, ce qui est primordial au sein de la pathologie démentielle, et en particulier de la maladie d’Alzheimer dont le diagnostic est le plus souvent porté par défaut par le seul examen clinique ou par l’imagerie cérébrale, d’une part coûteuse et d’autre part ne décèle rien à un stade précoce.
¨ La connaissance de la psychopathologie de la personnalité normale et pathologique qui seule permet d’apprécier la gravité des symptômes provenant du registre affectif et du registre neurologique, mais surtout leur interaction. Les deux peuvent, bien entendu, coexister et s’intriquer (un schizophrène déficitaire développant une démence de type Alzheimer, par exemple) - dans ce cas, les thérapeutiques étant souvent contradictoires, il faut mesurer les bénéfices d’une thérapie par rapport à l’autre : qu’est-il le plus important de traiter , la schizophrénie ou la M.A. sachant que les neuroleptiques et les anti-cholinergiques ne font pas bon ménage ? il s’agira donc d’évaluer l’impact des perturbations dans la vie quotidienne, celle provenant du registre psychopathologique et celle provenant du déficit, afin de choisir le traitement adapté : d’où l’intérêt d’une évaluation différentielle.
¨ La capacité à détecter les différents mécanismes de défense (psychodynamique), lesquels, au delà de la description syndromique, vont permettre d’affiner le diagnostic : si une pathologie est avérée, de quel registre s’agit-il ? névrotique ? psychotique ? trouble limite de la personnalité ? et surtout, cela va permettre de mettre en lumière les mouvements pulsionnels du patient et la dynamique que son inconscient déploie afin de se restructurer et se réadapter aux perturbations en lien avec sa pathologie : semble-t-il capable de réaménager son espace psychique pour affronter sa maladie ? de quelle manière le fait-il ? est-il en mesure de suivre une thérapie ? si oui, de quel type ? (analytique, de soutien, cognitive, en groupe, en individuel ?) comment peut-on envisager la réhabilitation mnésique en fonction de sa personnalité et de sa capacité d’adaptation à ses fragilités nouvelles ?
¨ La volonté de prendre le patient dans sa globalité et son unicité, la restitution de ses troubles au sein de son histoire afin de faire des liens entre son passé, son vécu douloureux actuel et la reconstruction de son avenir.
¨ en effet, s’il agit en complémentarité avec le corps médical, il n’en reste pas moins que le bilan neuropsychologique ne relève pas d’une utilisation systématique des tests. Le psychologue choisit lui-même les méthodes et les techniques qu’il emploie (décret de 1992) et sa contribution au diagnostic ne comporte pas une simple « passation » de tests, mais surtout leur interprétation. Ainsi, il ne s’agit pas d’un examen médical systématisé et technique. Au contraire un choix sélectionné d’épreuves psychométriques et neuropsychologiques et éventuellement projectives (de la personnalité), en fonction d’une exploration détaillée des antécédents cliniques, médicaux, anamnestiques et familiaux du patient, exploration issue d’un entretien préalable puis d’un entretien orienté en fonction d’une grille d’analyse psychodynamique et/ou cognitive sous jacente non exempte d’une analyse clinique minutieuse des mécanismes de défense qui vont permettre de détecter la structure psychique du patient et de faire des hypothèses sur ses capacités à supporter les différentes thérapeutiques mises en œuvre ainsi que sa future réadaptation à la vie quotidienne.
¨ En résumé, la prise en charge par un psychologue se démarque par :
o sa contribution au diagnostic précoce et différentiel
o son suivi évolutif des patients afin de juger, au terme de plusieurs évaluations :
la récupération,
la stabilisation
l’aggravation éventuelle des troubles
¨ L’analyse détaillée des troubles va permettre de :
Ne pas sous estimer certaines difficultés qui peuvent paraître anodine mais peuvent avoir un impact très délétère dans la vie quotidienne (trouble des fonctions exécutives par exemple )
Mettre l’accent non pas sur le déficit mais sur les capacités préservées qui sont à la base d’une prise en charge psycho-réhabilitative.
Mettre un sens aux difficultés du sujet et par là même de désamorcer des situations conflictuelles au sein de l’entourage, engendrées par la non reconnaissance ou l’incompréhension des troubles, pour qu’un autre regard évite tout risque de rejet, tant par l’équipe s’il est hospitalisé, que par les aidants, qu’il est primordial d’intégrer à la réhabilitation puisqu’ils en sont le levier thérapeutique principal.
Virginie ORSONI
Psychologue intervenant dans le champs de le neuropsychologie
Service de Rééducation Fonctionnelle Neurologique
Les Mureaux (78)
Membre de la Société Française de Psychologie, D.A.I.P. - Secteur Santé
Correspondante du Réseau National des Psychologues et membre du Comité de rédaction de ce dernier
Merci à Bénédicte Robine, Présidente de l’Association Française des Psychologues spécialisés en Neuropsychologie (AFPN) pour sa participation à l’élaboration de ce texte.
Merci à Senja Stirn pour sa fructeuse relecture.
Sources :
. Tous les décrets et lois cités sont téléchargeables sur le site du Réseau National des Psychologues http://www.webzinemaker.net/reseaupsycho.fr et/ou sur le site de la Société Française de Psychologie http://www.sfpsy.org
téléchargeable sur site SFP : Recommandations internationales pour l’utilisation des tests - Commission Internationale des Tests (Vrignaud, Castro, Mogenet)
Loi sur le droit des malades de mars 2002 - voir le dossier sur le site du Réseau National des Psychologues
Pour les informations détaillées des études de psychologie, voir adresses SCUIO sur les deux sites
Voir en annexe un exemple de guide formalisant le décompte du temps de travail des psychologues du Centre Hospitalier Intercommunal de Meulan les Mureaux, effectué en accord avec les représentants des psychologues et la DRH de cet hôpital en 2002.
Lois et décrets sur le site du Réseau National des Psychologues
« PROMOUVOIR LA PSYCHOLOGIE DANS LA CITE »
EXERCICE DE LA PSYCHOTHERAPIE
Virginie ORSONI
Psychologue
Préambule
A/ DEFINITION
B/ MISSIONS
C/ COMPETENCES / SPECIFICITE
D/ FORMATION
E/ EXERCICE DE LA NEUROPSYCHOLOGIE
F/ CONCLUSION
B[Préambule :]B
CONSTAT
¨ L’augmentation des pathologies neuro-vasculaires et des maladies neuro-dégénératives génèrent une demande croissante de psychologues dans le domaine de la neuropsychologie.
¨ La création récente de consultations spécialisées en est le symptôme. Or, les hôpitaux et les structures de soins diverses sont saturés de demandes : le délai des rendez-vous s’allonge.
¨ Les usagers hésitent à faire appel aux libéraux pour un bilan neuropsychologique initial, (ce qui désengorgerait les structures publiques) ce dernier n’étant pas remboursé.
¨ En ce qui concerne la prise en charge, suite logique et indispensable du bilan neuropsychologique, elle n’est possible qu’en hospitalisation. Or, on sait que la prise en charge d’une pathologie neurologique peut durer plusieurs années, en fonction des atteintes considérées.
¨ Il convient donc de prolonger les séances en ville avec les mêmes exigences de qualité pour l’usager que celles garanties par l’hôpital.
¨ Ce n’est pas le cas actuellement : le non-remboursement des psychologues intervenant en neuropsychologie et corrélativement leur nombre très restreint en Ile de France ne permet pas de satisfaire les demandes de prise en charge des pathologies cérébrales.
¨ Par ailleurs, on constate que cette béance engendre un glissement vers d’autres professionnels ne possédant pas la compétence spécifique des psychologues et souvent déjà débordés dans leur propre rôle (orthophonistes, ergothérapeutes, neurologues, gériatres).
Ce dossier a pour vocation de présenter la spécificité de la prise en charge du psychologue intervenant dans le champs de la neuropsychologie et les garanties qu’il apporte à l’usager de par sa formation. Nous définirons donc, après une définition de la neuropsychologie, les particularités des interventions du psychologue dans ce domaine, sa formation, sa spécificité et ses missions principales.
A/ DEFINITION DE LA NEUROPSYCHOLOGIE :
La neuropsychologie est l’étude des dysfonctionnements cognitifs, comportementaux et émotionnels sous tendus par des lésions cérébrales.
Le psychologue en neuropsychologie étudie ces perturbations cognitives et fait la part entre les perturbations d’origine neurologique et la structure de personnalité antérieure.
B/ MISSIONS :
1° Contribution à l’élaboration du projet de soin :
Le bilan neuropsychologique, effectué par un psychologue est nécessairement d’ordre psychopathologique et permet d’analyser les répercussions cognitives, comportementales et psychiques des pathologies cérébrales, et de préciser les capacités préservées dans le cadre d’un projet thérapeutique global.
L’analyse des fonctions cognitives concerne les capacités de raisonnement, d’attention, de conceptualisation et d’adaptation, de la mémoire, des capacités visuo-spatiales, et inclut la recherche de déficits instrumentaux : langage, gestes, troubles perceptifs.
A partir de ces données, un diagnostic plus affiné peut être posé, des stratégies de prise en charge individuelle ou de groupe peuvent être proposées. Une chimiothérapie adaptée peut être préconisée ou réajustée (dépression, anxiété, troubles du comportement).
Le bilan neuropsychologique contribue :
. au dépistage précoce de certaines pathologies dégénératives,
. au diagnostic différentiel entre différentes pathologies, par exemple vieillissement pathologique/normal, dépression,
. à l’expertise de réparation du dommage corporel,
. à l’évaluation de techniques médicales, chirurgicales (par exemple, conséquences des exérèses) et à l’évaluation des effets des stratégies de réhabilitation.
Il appartient au psychologue:
De concevoir l’évaluation de ces troubles en déterminant les outils et les méthodes les plus appropriés en fonction de la situation clinique et du contexte socio-culturel,
d’en interpréter les résultats en fonction de l’impact psychique du (des) trouble(s) cognitif(s),
de les communiquer aux personnes concernées dans le respect de du Code de déontologie des psychologues et de la loi sur le droit des malades (1) (2).
2° La prise en charge :
Auprès du patient :
La prise en charge neuropsychologique, à partir des données fournies par le bilan, a pour objectif de restaurer autant que faire se peut l’autonomie psychique, sociale et professionnelle du patient.
Elle repose sur l’élaboration et l’application de stratégies et de techniques particulières auxquelles lesdits psychologues sont formés, permettant de maintenir les capacités préservées mais non utilisées ou tout au moins de réduire les désordres cognitifs et affectifs.
Auprès de la famille et des soignants :
Le psychologue spécialisé en neuropsychologie effectue une prise en charge à visée d’information, de conseil, d’accompagnement et de soutien auprès de l’entourage familial, professionnel ou scolaire du patient.
3° Diffusion des connaissances
Le psychologue a une fonction de recherche et d’enseignement qui implique de la participation :
au développement et à la diffusion des connaissances et des techniques dans le champs de la neuropsychologie, par exemple adaptation de procédures diagnostiques et thérapeutiques, communication de résultats, etc…
à la formation et l’information des étudiants, d’autres professionnels intervenant dans ce champs (médecins, orthophonistes, ergothérapeutes…) et du public.
C/ SPECIFICITES :
Le psychologue qui décide de consacrer sa pratique au champs de la neuropsychologie apporte comme garantie :
à la connaissance des pathologies neurologiques et des grands syndromes neuropsychologiques,
à la connaissance des théories de la psychologie cognitive afin d’analyser les facteurs sous-tendant les perturbations des fonctions cognitives, d’élaborer des méthodes de soutien de ces fonctions (par exemple de la mémoire), et d’optimiser les capacités préservées.
à la connaissance de la méthodologie de la psychologie clinique d’une part, commune aux psychologues : entretien clinique, (psychopathologie, analyse du discours, de la demande) et celle du bilan neuropsychologique : formation à la passation et à l’interprétation de questionnaires et de tests standardisés et d’épreuves neuropsychologiques cliniques. Ces méthodes sont issues de différents courants théoriques : psychologie cognitive, psychologie différentielle, psychologie du développement, psychologie pathologique, neuropsychologie.
L’utilisation et l’interprétation des tests, conformément au Code de déontologie des psychologues reposent :
. d’une part sur la connaissance des modèles théoriques ayant présidé à l’élaboration de ces outils,
. d’autre part sur la formation en psychométrie, qui apporte la connaissance des caractéristiques métrologiques des tests (critères de validité, fidélité, sensibilité et spécificité, étalonnage, analyse factorielle) permettant le choix du test approprié et l’interprétation pertinente des résultats.
à La connaissance des théories du fonctionnement psychique normal et pathologique. Le diagnostic différentiel organique et/ou psychiatrique nécessite une formation approfondie en psychopathologie : savoir décrypter les symptômes provenant du registre psychopathologique et neurologique.
à La connaissance des méthodes d’intervention individuelles ou de groupe et de l’environnement médico-social.
D/ FORMATION :
la formation initiale :
o elle consiste en un cursus de psychologie (Deug, Licence, Maîtrise de psychologie) qui comprend en plus de la formation en psychologie générale et clinique, des modules de :
§ psychopathologie
§ psychologie cognitive
§ neuro-anatomie, neurophysiologie
la formation professionnalisante :
Elle consiste en l’obtention d’un DESS de psychologie Clinique et Pathologique avec option Neuropsychologie comprenant la rédaction d’un mémoire et un stage dans un service spécialisé encadré par un psychologue. (3)
Le programme d’une formation comprend :
- les connaissances théoriques et pratiques nécessaires à la compréhension des mécanismes neuropsychologiques,
- Syndromes cliniques : héminégligence, syndrome frontal, syndrome calleux, syndrome amnésique, autres syndromes corticaux et sous-corticaux, démences
- Neuropsychologie cognitive de l’adulte et de l’enfant
- Neuropsychologie du vieillissement
- Méthodologie du bilan neuropsychologique : entretien, tests, synthèses, interprétation, rédaction des comptes-rendus
- Interventions psychothérapeutiques : techniques de réhabilitation (traditionnelles et informatisées), utilisation d’aides externes, thérapies, stratégies de communication auprès des proches
Exemple de quatre DESS :
« DESS de psychologie gérontologique, mention neuropsychologie » Université de CAEN, UFR des Sciences de la vie et du comportement,
« DESS de psychologique clinique et pathologique, mention neuropsychologie » Université René Descartes, PARIS V,
DESS psychologie clinique et pathologique mention neuropsychologie, pathologies acquises et développementales des fonctions cognitives » Université de Savoie, CHAMBERY
DESS de Psychologie de la Personne Déficiente : aspects neuropsychologiques et développementaux du fonctionnement cognitif, AMIENS
Ces DESS reçoivent également des étudiants en formation permanente.
Par ailleurs, la neuropsychologie est enseignée au sein de modules de DESS (exemple : le DESS de Psychologie Clinique et Pathologique de Paris V possède un module optionnel de neuropsychologie). Certains D.U. dispensent également un enseignement général en neuropsychologie destinés à des professionnels divers et ne permettant pas à eux seuls de pratiquer « la neuropsychologie » (le D.U. de Neuropsychologie de Paris VI par exemple). Il en existe d’autres.
La formation continue :
A / La formation continue à l’hôpital, destinée à tous les agents du service hospitalier
B/ pour les psychologues, elle est incluse dans leur temps de travail : le tiers temps « F.I.R. », (Formation, Information, Recherche ). (exemple pour 35h00 (100%) de travail par semaine : 11h50 de temps de travail F.I.R. et 23h50 de travail clinique. (4).
Dans la pratique, le temps de travail FIR est consacré aux intérêts professionnels du psychologue, en concordance avec le travail clinique, donc corrélativement en lien direct avec les orientations du ou des services dans lesquels il travaille.
E/ EXERCICE DE LA NEUROPSYCHOLOGIE :
La neuropsychologie clinique s’exerce dans le cadre :
de structures de soins : hôpitaux, centres de rééducation
de structures médico-sociales (UEROS)
en activité libérale
Le titre de psychologue est un titre unique protégé par la loi (1985), et donc ne relève pas du seul domaine de la Santé. Ainsi, même s’il est spécialisé en neuropsychologie, il ne fait pas partie des professions de Santé définies au code de la Santé : médecins, sage-femmes et para-médicaux : infirmières, ergothérapeutes…Son rôle majeur est la contribution à la prise en charge par un ou des avis dans le cadre de la mission qui lui est confiée.
Le psychologue exerçant dans le champs de la neuropsychologie peut intervenir auprès de patients présentant :
des pathologies neurologiques : accidents vasculaires cérébraux, tumeurs cérébrales, traumatismes crânio-encéphaliques, maladies infectieuses et dégénératives (démences, maladie d’Alzheimer et syndromes apparentés, sclérose en plaques), épilepsie…
des pathologies psychiatriques : schizophrénie, dépression…
dans le champs pédiatrique : troubles de l’apprentissage, de l’attention/concentration.
F/ CONCLUSION
LES GARANTIES OFFERTES AUX USAGERS PAR LE PSYCHOLOGUE INTERVENANT DANS LE CHAMPS DE LA NEUROPSYCHOLOGIE :
SES PARTICULARITES
Nous rappelons que la loi de 1985 (5) a été proposée et promulguée afin de garantir un maximum de garanties pour les usagers (voir les débats parlementaires qui l’accompagnent)
Le psychologue apporte d’autres garanties qui sont plus particulières à la prise en charge dans ce champs, acquises en premier lieu à travers la formation universitaire et notamment :
¨ Les connaissances en neuro-anatomie inférences sur la possibilité d’autres troubles engendrés par sa diffusion.
¨ La connaissance des pathologies neurologiques et la spécificité des symptômes neuropsychologiques qui y sont traditionnellement associés, afin d’émettre des hypothèses diagnostiques, ce qui est primordial au sein de la pathologie démentielle, et en particulier de la maladie d’Alzheimer dont le diagnostic est le plus souvent porté par défaut par le seul examen clinique ou par l’imagerie cérébrale, d’une part coûteuse et d’autre part ne décèle rien à un stade précoce.
¨ La connaissance de la psychopathologie de la personnalité normale et pathologique qui seule permet d’apprécier la gravité des symptômes provenant du registre affectif et du registre neurologique, mais surtout leur interaction. Les deux peuvent, bien entendu, coexister et s’intriquer (un schizophrène déficitaire développant une démence de type Alzheimer, par exemple) - dans ce cas, les thérapeutiques étant souvent contradictoires, il faut mesurer les bénéfices d’une thérapie par rapport à l’autre : qu’est-il le plus important de traiter , la schizophrénie ou la M.A. sachant que les neuroleptiques et les anti-cholinergiques ne font pas bon ménage ? il s’agira donc d’évaluer l’impact des perturbations dans la vie quotidienne, celle provenant du registre psychopathologique et celle provenant du déficit, afin de choisir le traitement adapté : d’où l’intérêt d’une évaluation différentielle.
¨ La capacité à détecter les différents mécanismes de défense (psychodynamique), lesquels, au delà de la description syndromique, vont permettre d’affiner le diagnostic : si une pathologie est avérée, de quel registre s’agit-il ? névrotique ? psychotique ? trouble limite de la personnalité ? et surtout, cela va permettre de mettre en lumière les mouvements pulsionnels du patient et la dynamique que son inconscient déploie afin de se restructurer et se réadapter aux perturbations en lien avec sa pathologie : semble-t-il capable de réaménager son espace psychique pour affronter sa maladie ? de quelle manière le fait-il ? est-il en mesure de suivre une thérapie ? si oui, de quel type ? (analytique, de soutien, cognitive, en groupe, en individuel ?) comment peut-on envisager la réhabilitation mnésique en fonction de sa personnalité et de sa capacité d’adaptation à ses fragilités nouvelles ?
¨ La volonté de prendre le patient dans sa globalité et son unicité, la restitution de ses troubles au sein de son histoire afin de faire des liens entre son passé, son vécu douloureux actuel et la reconstruction de son avenir.
¨ en effet, s’il agit en complémentarité avec le corps médical, il n’en reste pas moins que le bilan neuropsychologique ne relève pas d’une utilisation systématique des tests. Le psychologue choisit lui-même les méthodes et les techniques qu’il emploie (décret de 1992) et sa contribution au diagnostic ne comporte pas une simple « passation » de tests, mais surtout leur interprétation. Ainsi, il ne s’agit pas d’un examen médical systématisé et technique. Au contraire un choix sélectionné d’épreuves psychométriques et neuropsychologiques et éventuellement projectives (de la personnalité), en fonction d’une exploration détaillée des antécédents cliniques, médicaux, anamnestiques et familiaux du patient, exploration issue d’un entretien préalable puis d’un entretien orienté en fonction d’une grille d’analyse psychodynamique et/ou cognitive sous jacente non exempte d’une analyse clinique minutieuse des mécanismes de défense qui vont permettre de détecter la structure psychique du patient et de faire des hypothèses sur ses capacités à supporter les différentes thérapeutiques mises en œuvre ainsi que sa future réadaptation à la vie quotidienne.
¨ En résumé, la prise en charge par un psychologue se démarque par :
o sa contribution au diagnostic précoce et différentiel
o son suivi évolutif des patients afin de juger, au terme de plusieurs évaluations :
la récupération,
la stabilisation
l’aggravation éventuelle des troubles
¨ L’analyse détaillée des troubles va permettre de :
Ne pas sous estimer certaines difficultés qui peuvent paraître anodine mais peuvent avoir un impact très délétère dans la vie quotidienne (trouble des fonctions exécutives par exemple )
Mettre l’accent non pas sur le déficit mais sur les capacités préservées qui sont à la base d’une prise en charge psycho-réhabilitative.
Mettre un sens aux difficultés du sujet et par là même de désamorcer des situations conflictuelles au sein de l’entourage, engendrées par la non reconnaissance ou l’incompréhension des troubles, pour qu’un autre regard évite tout risque de rejet, tant par l’équipe s’il est hospitalisé, que par les aidants, qu’il est primordial d’intégrer à la réhabilitation puisqu’ils en sont le levier thérapeutique principal.
Virginie ORSONI
Psychologue intervenant dans le champs de le neuropsychologie
Service de Rééducation Fonctionnelle Neurologique
Les Mureaux (78)
Membre de la Société Française de Psychologie, D.A.I.P. - Secteur Santé
Correspondante du Réseau National des Psychologues et membre du Comité de rédaction de ce dernier
Merci à Bénédicte Robine, Présidente de l’Association Française des Psychologues spécialisés en Neuropsychologie (AFPN) pour sa participation à l’élaboration de ce texte.
Merci à Senja Stirn pour sa fructeuse relecture.
Sources :
. Tous les décrets et lois cités sont téléchargeables sur le site du Réseau National des Psychologues http://www.webzinemaker.net/reseaupsycho.fr et/ou sur le site de la Société Française de Psychologie http://www.sfpsy.org
téléchargeable sur site SFP : Recommandations internationales pour l’utilisation des tests - Commission Internationale des Tests (Vrignaud, Castro, Mogenet)
Loi sur le droit des malades de mars 2002 - voir le dossier sur le site du Réseau National des Psychologues
Pour les informations détaillées des études de psychologie, voir adresses SCUIO sur les deux sites
Voir en annexe un exemple de guide formalisant le décompte du temps de travail des psychologues du Centre Hospitalier Intercommunal de Meulan les Mureaux, effectué en accord avec les représentants des psychologues et la DRH de cet hôpital en 2002.
Lois et décrets sur le site du Réseau National des Psychologues