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RESEAU NAT. Psychologues : Exposé des motifs et propositions d’amendements

Contribution au débat sur l’exercice de la psychothérapie


Rédigé le Vendredi 19 Décembre 2003 à 00:00 | Lu 240 commentaire(s)



Exposé des motifs


L’actuel débat national tendant à combler un vide juridique pour prémunir l’exercice de la psychothérapie de dérives sectaires ou mercantiles concerne, entre autres professionnels, les psychologues comme le confirme fort justement l’amendement Accoyer.


Les psychologues sont d’autant plus directement concernés qu’ils sont pour une grande part à l’origine des théories psychothérapiques, les étudient, en analysent les présupposés et les limites durant au minimum cinq années de formation universitaire, les mettent en pratique dans des secteurs d’activité très diversifiés et les font évoluer depuis plusieurs décennies en consacrant une part non négligeable de leur temps de travail à des travaux de recherche et de contrôle.


Le public perçoit fort bien que, dans son essence première, la psychologie a pour finalité de « promouvoir l’autonomie de la personnalité ». Cette définition de la mission du psychologue dans la fonction publique déborde le cadre de la santé mentale et de la santé en général, car la raison sociale du psychologue est « d’extraire le verbe de l’âme », pour rappeler l’étymologie du mot psychologie. Faire advenir à la verbalisation les failles, les conflits intra- et inter-psychiques, les traumatismes psychiques qui perturbent une personne ou un groupe, constitue la raison d’être de tout psychologue, quel que soit son lieu d’exercice et ses options théoriques.


Ces données historiques, la part déterminante que ces références psychothérapiques occupent dans la formation de tout psychologue et la compétence qu’elles apportent dans l’exercice quotidien de sa discipline, expliquent et justifient que dans la perception globale du public les psychologues soient les dépositaires d’un archétype social : le psychologue est celui qui sait comment aider à comprendre et à dépasser une situation lorsqu’un trouble psychique induit un mal-être ou devient insupportable, invivable au point de handicaper sa vie quotidienne.


Il ne peut pas y avoir une définition de la psychothérapie qui ne concernerait pas le psychologue exerçant la neuro-psychologie clinique ou le psychologue exerçant en oncologie ou le psychologue exerçant hors du champ de la santé... Tous ces psychologues, quelque soit leur lieu d'exercice peuvent avoir affaire à la souffrance rapportée aux maladies organiques qui croise toujours, même dans des proportions indéfinies, la souffrance psychopathologique. Consultation psychologique, suivi psychologique, psychothérapie s’inscrivent pour le psychologue et les personnes qui viennent le consulter dans un continuum variable et indissociable.


Cette perception très largement partagée par la population ne peut être ignorée au moment où l’enjeu est d’apporter des garanties à l’exercice de la psychothérapie. La psychologie clinique et la psycho-pathologie sont intrinsèques à la psychologie et l’exercice de la psychologie ne s’inscrit pas dans un vide juridique.


En effet, adopté à la demande des professionnels, le « chapitre V Mesures relatives à la profession de psychologues », de la loi 85-772 du 25 juillet 1985 répond à un double objectif cohérent, offrir une protection sérieuse au public et clarifier les contours de la profession en sortant cette mesure du chapitre relatif à la santé. Inscrit dans ce chapitre spécifique, l’article 44, fixe déjà des garanties sur le versant qualification : il réserve l’usage professionnel du titre de psychologue aux titulaires d’un diplôme à caractère national sanctionnant un cursus universitaire de deuxième cycle et de troisième cycle en psychologie incluant à la fois une formation fondamentale à et par la recherche et une formation pratique à la vie professionnelle.


La volonté du Législateur a permis d’apporter des améliorations incontestables dans ce champ d’exercice. La satisfaction du public se mesure à l’aune de la confiance qu’il accorde de plus en plus aux psychologues, quels que soient les effets psycho-pathologiques à l’origine de cette démarche. Les besoins réels auxquels ces professionnels répondent dans des secteurs d’activité très diversifiés ont conduit(sans s)s au recrutement de psychologues dans de nombreuses institutions publiques et privées qui leur confient de plus en plus de responsabilités.

Cette responsabilité des psychologues est déjà une situation de fait dans le secteur de la santé mentale ; en effet, suite à l’offre de recherche lancée par la Mission Interministérielle Recherche Expérimentation (MIRE), rattachée au Ministère des Affaires sociales, l’enquête réalisée en 2001 par le Laboratoire d’analyse socio-anthropologique du risque de l’Université de Caen met en évidence que, dans 62 % des cas, les patients qui demandent une consultation psychologique ont un accès au psychologue en première intention.


La même recherche met en évidence l’implication institutionnelle des psychologues et leur participation active dans la logique de réseau où ils assurent la régulation ou la supervision d’un tiers des réunions lorsqu’ils sont seuls avec les intervenants extérieurs à l’établissement.


Composition des réunions auxquelles participent les psychologues

internes - avec psychologues ou intervenants extérieurs - uniquement avec intervenants extérieurs

fréquence 145 soit 64% 48 soit 21% 35 soit 15%
en y assurant une fonction de régulation ou de
supervision 17% 27% 34%


Cette confiance toujours en progression confirme la clairvoyance du Législateur qui en 1985 a fixé le texte fondateur de la profession en confirmant que les psychologues n’appartiennent pas aux professions de santé et non pas vocation à le devenir.


Il convient toutefois, près de 20 ans après, de confirmer ce double objectif de garanties et de clarification, en tenant compte de l’évolution de notre société, du contexte international et de la maturité acquise par la profession grâce à cette première mesure.



PROPOSITIONS D'AMENDEMENTS


C’est la raison pour laquelle nous proposons à la grande sagesse des parlementaires :


1. de dissocier de l’article fixant la compétence en psychothérapie des médecins, l’article fixant la compétence en psychothérapie des psychologues, ceci afin d’éviter une inscription non pertinente des psychologues dans le code de la santé par le biais d’un article unique ;

Cette disposition présente en outre l’avantage de ne pas inclure la psychothérapie dans le monopole de l’exercice médical et offre donc une possibilité d’ouverture aux autres professionnels concernés.


2. de continuer ce travail fondateur en élargissant le champ de compétence du chapitre V relatif à la profession de psychologue de la Loi n° 85-772 afin d’y inclure les mesures concernant les psychologues sur la base du principe de parité légitimement reconnu par Monsieur le Député Accoyer, ainsi que les exigences de garanties que le public est en droit d’attendre des psychologues ;


3. d’asseoir la responsabilité professionnelle des psychologues par une définition de la profession. Elaborée par des juristes de la DGS, de la DHOS et par les Professeurs Elie ALFANDARY et Jean-Michel LEMOINE DESFORGES, cette définition a déjà fait l’objet d’un travail juridique de haute qualité et a fait la preuve de son applicabilité, y compris hors du champ de la santé. Elle est commune aux statuts particuliers des psychologues dans les trois Fonctions publiques (FPH, FPT et PJJ). Nous vous proposons d’élever au niveau de la loi ce texte réglementaire qui a déjà été validé par le Conseil d’Etat, en ajoutant simplement que la psychothérapie fait partie des méthodes qu’ils exercent en toute indépendance professionnelle :

« Les psychologues étudient et traitent, au travers d’une démarche professionnelle propre, les rapports réciproques entre la vie psychique et les comportements individuels et collectifs afin de promouvoir l’autonomie de la personnalité. En toute indépendance de leurs actes professionnels, les psychologues déterminent et mettent en œuvre les méthodes, dont la psychothérapie, correspondant à la qualification qu’ils ont reçue et aux formations complémentaires qu’ils se donnent. »


4. de renforcer les critères de qualification fixés par l’ « Article 44 autorisant à faire usage professionnel du titre de psychologue », en incluant dans la formation de tout étudiant en psychologie des pré-requis théoriques et pratiques à la psychothérapie dispensés à partir de l’université et par la mise en place d’une véritable formation par alternance en fin de cursus.

Au regard de nombreux autres pays ou des autres formations professionnalisantes universitaires de niveau bac+6, l’enseignement de la psychologie se trouve dans un état financier qui ne permet pas d’apporter toute la qualification que le public est en droit d’attendre ; il convient d’y remédier de façon progressive dans les prochaines années.


5. d’imposer une date butoir à déterminer, pour la parution d’un décret fixant le code de déontologie des psychologues associé à une instance chargée de son application.

A l’instar de leurs collègues de nombreux autres pays, les psychologues français s’appliquent depuis plusieurs années à apporter des garanties au public au-delà des contraintes fixées par la loi ; à cet effet, ils se sont assignés en 1996 un code de déontologie approprié, enseigné à l’université et déjà appliqué par les psychologues. Le moment est venu que le Parlement lui confère une valeur juridique opposable devant les tribunaux, tout en accordant un délai permettant de retravailler certaines formulations juridiques et certaines difficultés d’application que nous avons pu constater depuis 1996.


6. de traduire concrètement en disposition statutaire la parité psychiatres - psychologues , reconnue légitime par Monsieur le Député ACCOYER. Lors de la préparation de la Loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, cette disposition avait déjà été envisagée par Monsieur le Sénateur Claude HURIET qui constatait la similitude du niveau de formation entre les psychologues et les pharmaciens. Or les psychologues demandaient la création d’un corps national au moment où les pharmaciens quittaient le statut de fonctionnaires pour rejoindre la position de praticiens à l’instar des médecins. Par ailleurs, Monsieur Louis BOYER, rapporteur au Sénat de la loi 85-772 précisait aussi que « le détenteur du titre de psychologue doit pouvoir périodiquement se consacrer à la recherche. » Il convient donc d’actualiser cette concordance de point de vue de placer les psychologues en position de praticiens-chercheurs. Cette disposition peut être prise tout en conservant le statut actuel comme corps d’extinction pour les psychologues qui souhaiteraient rester fonctionnaires.
Nous vous proposons donc d’inclure les psychologues dans le dernier alinéa de l’article 2 du titre IV :


Les dispositions du présent titre ne s'appliquent pas aux médecins, biologistes, pharmaciens, odontologistes et psychologues mentionnés aux 2° et 3° ainsi qu'à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 714-27 du code de la santé publique.


MESURES COMPLEMENTAIRES :


7. En ce qui concerne la question du remboursement, si le Parlement estime que la solidarité nationale n’a pas à favoriser une profession plus qu’une autre, la prise en charge des prestations de psychologues libéraux pourrait se concevoir en dehors de la caisse d’assurance maladie et donc relever d’un budget annexe de la Sécurité sociale.

8. Les garanties exigées par le Législateur dans la loi de 85 sont actuellement détournées par le contenu de l’ordonnance du 1er mars 2001concernant l’application des directives européennes 89-48 et 92-51 ; celle-ci permet à des ressortissants de pays où n’existent ni formation spécifique à la psychologie ni repérage sociologique de la profession de porter le titre de psychologue s’ils peuvent attester d’au moins deux ans d’expériences professionnelles. Cette ordonnance fait l’objet d’un deuxième recours au Conseil d’Etat, la première n’ayant pas satisfait dans la forme. Il serait souhaitable que l’article 11 de cette ordonnance qui s’applique aux psychologues soit réécrit dans le respect de la Loi de 1985.


9. d’envisager une mesure spécifique au versant exercice de la psychologie afin de clarifier plus nettement les contours de la profession.


L’usage professionnel du mot « psychologue » permet désormais au public de savoir qui est et qui n’est pas psychologue, toutefois cette clarification est de plus en plus opacifiée par l’usage professionnel du qualificatif « psychologique » et du nom « psychologie » pour désigner soit des fonctions soit des organisations ou partie d’organisation, publiques ou privées, usage qui laisse abusivement supposer que lesdites fonctions ou organisations impliquent des psychologues.

Norbert HACQUARD
Réseau national des psychologues

Copyright Réseau national des psychologues

Décembre 2003



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